Les opérateurs télécoms veulent une meilleure rémunération pour le trafic Internet

Les opérateurs historiques, font du lobbying au niveau mondial – via leur association ETNO – pour que les échanges de trafic Internet soient mieux rémunérés. Mais une « terminaison data » semble impossible, tant qu’il n’existe
pas de levier réglementaire au niveau européen.

Avertissement : cet article est paru dans EM@ n°64 daté du 17 septembre, soit quatre jours avant la décision « Cogent contre Orange »de l’Autorité de la concurrence datée du 20 septembre.

Par Winston Maxwell, avocat associé Hogan Lovells LLP

Cet été la ministre déléguée en charge de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, a mis en garde contre une interprétation de la neutralité du Net qui favoriserait trop les acteurs américains de l’Internet, au détriment des opérateurs télécoms français. Implicitement, elle soutient l’idée d’une rémunération équitable pour les opérateurs français dans le cadre de leurs relations avec des acteurs de l’Internet. Ce commentaire « ministériel » fait écho de la proposition de l’association ETNO (1), laquelle souhaite voir inclure dans le traité de l’Union internationale des télécommunications (UIT) un principe de rémunération raisonnable en faveur des opérateurs de réseaux qui acheminent du trafic en provenance du Net. Il s’agit d’un tarif de « terminaison data » similaire au tarif de terminaison pour les appels téléphoniques.

YouTube a maille à partir avec ses partenaires

En fait. Le 13 août, le site « Univers Freebox » a révélé que de nombreux abonnés Free Mobile font part de « difficultés » pour utiliser YouTube ou pour télécharger des applications sur l’AppStore. A « PC INpact », Free indique que « ses rapports difficiles avec Google étaient bien la cause des lenteurs ».

En clair. Ce n’est pas la première fois que YouTube (Google) a maille à partir avec un opérateur de réseau. Il y a un an déjà, au mois d’août 2011, l’Autorité de la concurrence confirmait avoir été saisie par la société Cogent (dont le métier de Content Delivery Network) accusant France Télécom de restreindre ou bloquer ses flux (1). Google/YouTube est l’un des gros clients de Cogent… Bien qu’Orange se soit engagé
le 3 avril auprès du gendarme de la concurrence à plus de transparence dans l’acheminement du trafic, l’affaire « Cogent » reste sous surveillance au nom de la neutralité du Net. L’Arcep a d’ailleurs recueilli jusqu’au 3 mai dernier les observations
(non publiés à ce jour) des acteurs du Net et des FAI sur les propositions de France Télécom. Il n’en reste pas moins que l’ensemble de ce que nous appelons « GooTube » pose de plus en plus de problèmes de « déséquilibre » dans les relations traditionnelles dites de peering, y compris pour Free Mobile, tant la vidéo est dévoreuse de bande passante. Est-ce à Google d’investir plus dans le réseau ou bien cela relève-t-il du
métier d’opérateur télécoms ? Tout le débat sur le financement des réseaux et la neutralité du Net, est là.Mais, en France, YouTube n’a pas que des difficultés de peering avec les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Dans le domaine de la lutte contre le piratage, le site de partage vidéo de Google est également montré du doigt par les producteurs de cinéma qui fustigent le retour sur YouTube de longs métrages piratés, depuis l’arrêt de Megaupload. Et ce, malgré la multiplication des accords avec des ayants droits, le dispositif de protection Content ID sur YouTube et le dé-référencement des sites pirates sur le moteur de recherche. « C’est une tendance récente, que nous avons vraiment constatée au début de l’été. Mais la situation ne peut pas durer. C’est très grave et cela appelle des réponses très nettes [notamment judiciaires, ndlr] de notre part », a déclaré Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC (2), dans « Les Echos » du 17 août. Pour l’heure, l’audience de YouTube en France s’érode à 39,246 millions de visiteurs uniques en juin (selon ComScore) contre 40,200 millions le mois précédent.
Autre épine dans le pied de Google : le 6 août, Apple a annoncé que YouTube ne sera plus intégré dans les iPhone et iPad à partir de la prochaine version iOS 6, attendue à
la rentrée. @

Remise en cause du modèle historique du peering : vers une recomposition du marché de l’Internet

Le litige opposant Cogent à France Télécom sur le refus d’interconnexion pourrait aboutir, à la remise en cause de l’intégralité du modèle économique
de la circulation des flux sur Internet, un marché jusqu’à aujourd’hui auto-régulé et basé sur le peering gratuit.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

L’affaire « Cogent contre France Télécom » pourrait avoir
des retombées sans précédent sur l’avenir du marché de
gros d’Internet. En effet, dans l’attente de sa décision finale, l’Autorité de la concurrence (1) semble, d’ores et déjà, légitimer la récente politique de peering de l’opérateur historique consistant à faire payer l’ouverture de nouvelles capacités en cas de déséquilibre maximum de 1 à 2,5 entre les flux sortants et entrants sur son réseau.

Vers un statut proche de « radiodiffuseur » pour les sites de streaming… légal

Les sites de streaming de musique comme Deezer, gratuits et financés par la publicité, tentent maintenant de proposer des abonnements payants. Alors que l’Hadopi va scruter le peer-to-peer mais aussi le streaming, la question d’un statut pour ces sites de flux est posée.

Mi-novembre, la secrétaire d’Etat chargée de l’Economie numérique, Nathalie Kosciusko- Morizet, a envoyé à la commission Zelnik – laquelle a retardé à mi-décembre la remise de son rapport (1) – ses propositions développer les offres légales de musique sur Internet. Elle y préconise notamment la « création d’un statut proche de celui de radiodiffuseur pour les webradios et les sites de streaming ». Objectif : « sécuriser les revenus des artistes, comme c’est le cas sur la radio, et ouvrir tous les catalogues à ces sites » (2). En outre, NKM suggère la mise en place de « forfaits d’utilisation de la bande passante plus adaptés aux modèles économiques des sites de streaming légaux et des webradios. »