Hadopi : premiers résultats rendus publics et nouvelles difficultés en vue

La Hadopi vient de publier un bilan de son activité et de boucler sa première année de réponse graduée. Mais c’est maintenant l’heure de vérité, face à la justice (peut-être les premières condamnations d’internautes) et face aux nouveaux défis (streaming).

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie.

BitTorrent lance dès janvier 2012 un protocole de streaming sur réseau peer-to-peer

La société américaine BitTorrent, dont le célèbre protocole peer-to-peer a été créé
il y a maintenant dix ans pour s’affranchir de tout serveur au profit des ordinateurs interconnectés des internautes, va lancer au CES 2012 un streaming fonctionnant en peer-to-peer !

Les industries culturelles se sont méfiées de BitTorrent, soupçonné de favoriser le piratage sur les réseaux peer-to-peer (P2P). Elles vont peut-être être terrifiées à l’idée
que cette société américaine va lancer, lors du prochain Consumer Electronics Show (CES) de janvier 2012 à Las Vegas, un nouveau protocole sur Internet baptisé P2P Live Streaming Protocol. Il permettra aux internautes de s’échanger entre eux des contenus (films, programmes, vidéos, …) comme ils le font actuellement en téléchargement sur réseau peer-to- peer, mais cette fois en streaming.

Trident Media Guard (TMG) est prêt pour le streaming et se déploie à l’international

La société nantaise TMG va fêter ses dix ans en mars 2012. Même si la surveillance des réseaux peer-to-peer l’a fait connaître, elle revendique aussi
une expertise sur le streaming. Mais ses ambitions ne se limitent pas à la France. Il y a aussi les Etats-Unis et la Grande Bretagne.

Même si elle fait surtout parler d’elle en France dans
le cadre de la réponse graduée de l’Hadopi, la société nantaise Trident Media Guard (TMG) a aussi de grandes ambitions internationales. Contacté par Edition Multimédi@, le PDG cofondateur Alain Guislain (notre photo) joue la discrétion : « TMG est présent à l’internationale mais nous ne souhaitons pas communiquer sur notre expansion à l’étranger ». TMG, qui fournit aux cinq organisations de la musique (Sacem (1)/SDRM (2), SCPP (3) et SPPF (4)) et du cinéma (Alpa (5)) les adresses IP des internautes présumés pirates, reste ainsi fidèle aux engagements de confidentialité qui la lie à ses clients.

Réponse graduée : les Etats-Unis lancent une version privée de l’Hadopi

Le 7 juillet 2011, les principaux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) américains (1) ont annoncé un accord avec des associations d’auteurs et de producteurs
de musique (RIAA et A2IM) et de programmes audiovisuels et de cinéma (MPAA
et IFTA) pour lutter contre le piratage en ligne.

Par Winston Maxwell et Pauline Le Bousse, avocats, Hogan Lovells

Ce Memorandum of Understanding (2) a pour objet la mise en place d’un système de réponse graduée (3) similaire à celui mis en oeuvre par l’Hadopi en France. L’accord américain se distingue cependant du système français sur deux points : d’abord, la procédure américaine est totalement privée, le gouvernement américain n’ayant aucun rôle dans la mise en oeuvre du système ; ensuite,
la réponse graduée américaine n’aboutit pas à une suspension de l’abonnement, mais plutôt à d’autres « mesures de limitation » (4) telles que la réduction de la bande passante ou l’obligation pour l’internaute de suivre une formation en ligne sur le droit d’auteur.

L’industrie du disque veut un Cosip pour la musique

En fait. Le 17 mai, le Snep a présenté l’état du marché français de la musique enregistrée pour le premier trimestre 2011 (ventes en gros) : – 5,2 % sur un an,
à 121,8 millions d’euros, dont 26,3 millions de revenus numériques. Parmi les priorités : obtenir une aide à la production musicale.

En clair. Alors que la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles- Riester – chargée
depuis le 8 avril par Frédéric Mitterrand de réfléchir au « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » – doit rendre ses conclusions mi-juin, le Snep (1) prône
une « intervention d’une politique d’aide à la création », afin de favoriser les productions
de nouveautés francophones. La musique souhaite que les pouvoirs publics s’inspirent des systèmes d’aides au cinéma. « Le Cosip est un modèle intéressant », a répondu David El Sayegh, le directeur général du Snep, à une question de Edition Multimédi@.
Le Compte de soutien à l’industrie des programmes cinématographiques et audiovisuels (Cosip), créé en 2007 par la loi « Télévision du futur », permet aux producteurs de films d’être aidés via le CNC (2). Les chaînes de télévision (Canal+ en tête), les opérateurs télécoms et les FAI y contribuent pour plus de 550 millions d’euros par an, au travers d’un prélèvement de 0,5 % à 4,5 % sur leur chiffre d’affaires. C’est la taxe sur les opérateurs télécoms qui, dans le dispositif du Cosip, intéresse le Snep et ses 48 membres – parmi lesquels les majors du disque (Universal Music, Sony Music, EMI ou encore Warner Music). La Sacem, elle, parle de « rémunération compensa-
toire ». Autre dispositif suggéré par le Snep : le principe du« droit de tirage » automatique comme dans l’industrie du cinéma, qui permettrait aux producteurs de musique de financer – sans attendre les éventuelles aides – des nouveautés musicales et/ou de nouveaux talents. « S’il n’y avait pas d’aide à la création, le nombre de nouveautés [musicales francophones] produites ne sera que de 383 en 2016, contre 632 en 2010 [et 1593 en 2002]. Avec une politique d’aide, ce nombre atteindrait 1050 nouveautés, la filière retrouvant un cercle vertueux », explique David El Sayegh.
Cette baisse se retrouve dans les coût fixes de la production de nouveautés en France : 183 millions d’euros en 2010, contre le double l’année précédente. L’aide à la filière musicale passe aussi, selon le Snep, par une meilleure monétisation des plateformes de musique en ligne – enregistrant pourtant des millions de visites – et un partage de
la valeur. « Les services exclusivement financés par la publicité ne relèvent pas d’un modèle pérenne pour la filière. L’avenir, c’est le payant. Pour le freemium [gratuit et payant, ndlr], il faut voir où l’on met le curseur », affirme le DG du Snep, qui se réjouit d’ailleurs de la baisse de la pratique du peer-to-peer (3) depuis les envois des e-mails de l’Hadopi. @