Loi audiovisuelle : David Kessler était « sceptique »

En fait. Le 3 février, David Kessler – haut fonctionnaire et, depuis 2014, directeur général d’Orange Content – est décédé à l’âge de 60 ans. Sa dernière intervention publique remonte au 7 novembre 2019, aux 29es Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD). Il exprimait des doutes sur la réforme audiovisuelle.

En clair. Aux Rencontres cinématographiques de Dijon (1), le 7 novembre dernier, il était « là par accident » (dixit), car c’est Maxime Saada, PDG de Canal+, qui devait intervenir dans le débat sur la loi audiovisuelle, mais qui n’est pas venu… David Kessler, à la tête d’Orange Content, avait dû le remplacer au pied levé. Sur le projet de loi, il a exprimé surprise, scepticisme et regret : « Que cela Canal+ ou Orange (OCS), nous avons été un peu surpris du fait que le projet de loi sur l’audiovisuel ne dit et ne fait quasiment rien en faveur de la télévision payante, a lancé celui qui fut conseiller culture et communication de François Hollande à l’Elysée (2012-2014). Je suis frappé de voir qu’on accroît les taxes sur la VOD (par la loi de Finances), ce qui défavorise les deux plateformes françaises qui restent, myCanal et Orange VOD. Et il n’y a pas de mesure majeure sur les télévisions payantes, qui sont quand même les concurrentes directes des plateformes : le choix du consommateur se fait entre Canal+ et OCS, d’une part, et Netflix, Amazon Prime Video, Apple TV+ ou demain Disney+, d’autre part ». L’ancien directeur du Conseil supérieur de l’audiovisuel (1996- 1997) s’est aussi dit « plus sceptique sur la mise en œuvre de cette loi sur l’audiovisuel » : « Je pense que les choses seront plus difficiles qu’on ne l’imagine. J’ai souvent le sentiment qu’en France on fait dire à la directive européenne (SMA (2)) un peu plus qu’elle ne dit. Elle fait des avancées majeures – quotas d’exposition des œuvres (sur les plateformes) et possibilité de contribution (des plateformes au financement des œuvres) pour le pays de destination. Mais la directive ne remet pas en cause l’architecture fondamentale sur laquelle l’Europe s’est bâtie, à savoir que le pays d’origine reste celui où les choses se décident. Je ne suis pas sûr que ce soit le régulateur français [futur CSA-Hadopi, ndlr] qui puissent vérifier tout ça [la conformité des plateformes]» . L’ancien directeur du Centre national du cinéma (2001-2004) a aussi regretté que la loi audiovisuelle n’obligera pas Netflix à préfinancer le cinéma français car cette plateforme de SVOD « ne fait pas de cinéma car il ne sort pas de films en salles ». Et le haut fonctionnaire et ancien conseiller culture du Premier ministre Lionel Jospin (1997-2001) a conclu : « Je ne suis donc pas sûr que l’on ait été jusqu’au bout pour réformer notre système ». @

OCS sera-t-il le distributeur de HBO Max en France?

En fait. Le 13 janvier 2020, le bouquet de chaînes OCS va diffuser en France la nouvelle série « The Outsider » financée par la chaîne HBO (filiale de WarnerMedia), avec laquelle OCS a un accord pluriannuel de distribution exclusif. Qu’adviendra-t-il de ce contrat avec le lancement de HBO Max en mai 2020 ?

En clair. La filiale audiovisuelle du groupe AT&T, WarnerMedia (ex-Time Warner), est un partenaire historique – via son bouquet de chaînes de télévision payantes HBO (ex-Home Box Office) – du français OCS. Depuis sa création en novembre 2008, l’ex- Orange Cinéma Séries bénéficie avec HBO d’un accord pluriannuel qui a été prolongé et élargi en mars 2017 : OCS est ainsi devenu le diffuseur exclusif en France des programmes (séries et films) de HBO, dont la production-phare « Game of Thrones » (1). Cette exclusivité a permis à OCS, filiale d’Orange à 66,67 % (les 33,33 % étant toujours détenus par Canal+), de séduire à ce jour quelque 3 millions d’abonnés.
Ce deal avec HBO arrive à échéance en 2022, mais l’année 2020 devrait amener les deux parties à en renégocier les termes en raison du lancement – dès mai prochain aux Etats-Unis – de HBO Max, la plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) du groupe américain. La question est de savoir si WarnerMedia va renouveler son accord avec Orange pour en faire aussi le distributeur exclusif en France de sa nouvelle plateforme HBO Max, ou si la filiale d’AT&T ne va pas saisir l’occasion de se lancer directement sur Internet en mode direct-to-consumer (2) comme aux Etats-Unis ou en Amérique latine. Si la deuxième option était décidée par WarnerMedia, la fin du produit d’appel que constituent les contenus de HBO sur OCS (moins de 24 heures après leur diffusion outre-Atlantique), conjuguée à la fin en mai dernier au bout de huit saisons de la saga culte fantastico-médiévale « Game of Thrones » (GoT pour les fans), serait un coup dur pour la filiale d’Orange. Et ce, au moment où son actionnaire minoritaire Canal+ s’est, lui, lancé dans la distribution de Netflix depuis l’automne dernier (nonexclusive) et de Disney+ à partir du 31 mars (exclusif).
A moins qu’OCS ne devienne en France ce que Sky est en Grande-Bretagne, en Italie, en Allemagne et en Irlande où ce dernier est présent (24 millions d’abonnés) : le distributeur exclusif des contenus HBO et désormais de HBO Max. C’est le 30 octobre dernier que WarnerMedia a annoncé le renouvèlement pour cinq ans (jusqu’en 2025) de l’output deal entre HBO et Sky (initié en 2010). Cet accord pluriannuel (3) comprend l’extension de leurs accords de coproductions originales (à l’instar de « Chernobyl » ou de « Catherine the Great »), y compris maintenant entre Sky Studios et HBO Max. A suivre… @

Marché mondial des médias audiovisuels : les services OTT – SVOD en tête – se sont imposés face à la Pay TV

Le marché mondial des services audiovisuels en OTT (Over-the-Top) a vu son chiffre d’affaires atteindre 68 milliards de dollars en 2018, soit un bond de 33 % en un an. Depuis 2014, les plateformes SVOD (Netflix, Amazon Prime Video, …) sont en tête. Les télévisions payantes, elles, accusent le coup. Avec l’arrivée de Disney+ et d’Apple TV+, tout s’accélère.

Les Over-the-Top (OTT) de l’audiovisuel sont au « top ». Ces services vidéo et/ou télévisuels en ligne, qui ne dépendent pas des opérateurs télécoms ni des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ont plus que jamais le vent en poupe. Ils ont généré au niveau mondial 68 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2018, selon la société d’études londonienne Digital TV Research, en hausse de plus de 33 % sur un an.

La réforme de l’audiovisuel passera aussi par une énième renégociation de la chronologie des médias

Les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel viennent d’être prévenus par le ministre de la Culture, Franck Riester : comme les plateformes Netflix, Amazon Prime Video et autres Disney+ devront financer des films et des séries français, il faudra aussi que la chronologie des médias leur soit plus favorable.

« J’ai dit aux différents acteurs du secteur [du cinéma et de l’audiovisuel français] qu’ils ont eux aussi intérêt à ce que cela se passe bien avec les plateformes [numériques]. Et qu’il faut réfléchir à une modernisation de la chronologie des médias. Car si l’on demande beaucoup à ces plateformes, il faut qu’elles puissent en avoir un retour », a fait savoir le ministre de la Culture, Franck Riester (photo), lors d’un déjeuner avec l’Association des journalistes médias (AJM) le 3 septembre. Le matin-même, il venait de rencontrer des responsables de Netflix. La veille, il avait présenté le projet de réforme de l’audiovisuel aux producteurs français. « L’idée, bien évidemment, est d’inciter les acteurs du secteur à renégocier la chronologie des médias. Car à partir du moment où l’on oblige des acteurs nouveaux à investir, à exposer (les œuvres) et à payer une fiscalité au CNC (1), il faut leur donner aussi la possibilité de pouvoir mettre à disposition de leur public leurs oeuvres plus rapidement », a prévenu Franck Riester. La chronologie des médias actuellement en vigueur, qui fut laborieusement modifiée en partie il y a tout juste un an (2), réserve toujours l’exclusivité des nouveaux films aux salles de cinéma durant quatre mois, avant que la VOD à l’acte ou à la location ne puisse s’en emparer, et bien avant la SVOD par abonnement (Netflix, Amazon Prime Video, …) ramenée à dix-sept mois au lieu de trente-six mois auparavant – voire à quinze mois s’il y a un accord d’investissement avec le cinéma.

Les plateformes de vidéos en OTT grignotent inexorablement le marché mondial de la Pay TV

Le temps travaille pour les services vidéo en Over-The-Top (OTT), qu’ils soient par abonnement (SVOD comme Netflix), financées par la pub (AVOD comme Hulu), transactionnels (TVOD (1) comme Amazon) ou en téléchargement définitif (iTunes). Quant à la télé payante (Pay TV comme Canal+), elle décline.

Les plateformes vidéo sur Internet prennent de l’ampleur. Leur chiffre d’affaires cumulé au niveau mondial devrait atteindre 46,5 milliards de dollars en 2017, contre 37 milliards en 2016. C’est un bond en avant de plus de 25 % sur un an. Dans le même temps, les revenus de la télévision payante devraient quasi stagner à 202,3 milliards de dollars cette année, contre 202,1 milliards en 2016. C’est ce qui ressort d’une étude de Digital TV Research, qui chiffre sa prévision à l’horizon 2022 à 83,4 milliards de dollars pour l’OTT Video et à 199,7 milliards pour la Pay TV (voir graphique ci-dessous).