Livre Paris fait l’impasse sur le livre numérique

En fait. Le 19 mars, le 38e Salon du livre de Paris – rebaptisé depuis deux ans
« Livre Paris » – a fermé ses portes après quatre jours (1.200 exposants, 800 conférences, 3.000 auteurs en dédicaces). Mais le Syndicat national de l’édition (SNE), qui l’organise, n’a pas laissé de place au livre numérique.

En clair. Si plus de 160.000 personnes se sont pressées dans les allées du Salon du livre de Paris cette année, soit plus que la précédente édition, peu y ont vu des acteurs du livre numérique. Et pour cause : à part Bookeen, Yoteq, Iggybook ou encore Amazon, l’ebook était quasi absent et, contrairement aux années passées, n’avait aucun espace dédié. « Les acteurs du livre numérique, peu nombreux, ne se sont pas fédérés », nous explique Sébastien Fresneau, directeur du Livre Paris chez Reed Expo. Frédéric Douin, gérant des Editions Douin, nous signale son commentaire sur ActuaLitte.com : « A part l’incontournable Amazon, j’ai aussi l’impression qu’il n’y avait plus que deux ou trois acteurs du numérique… Il y a encore trois ans, ils étaient plus de dix dans une zone numérique dédiée ». Il faut dire que l’organisateur de ce rendez-vous annuel, le Syndicat national de l’édition (SNE), est dominé par les majors de l’industrie du livre – Hachette Livre, Editis (Planeta), Média-Participation/La Martinière et Madrigall (Gallimard/Flammarion/Casterman) – peu enclins à la dématérialisation des livres. Le PDG de la première d’entre elles a même lancé le mois dernier : « Le livre numérique est un produit stupide » (1). Vincent Montagne – président du SNE, président de Livre Paris et président du nouveau groupe Média- Participation/La Martinière – n’a pas accordé cette année un endroit consacré aux ebooks, entre par exemple l’espace
« Livre audio » et le groupe « Religion » qui lui est cher.
Le livre numérique, qui gagnerait pourtant à être valorisé en France, a généré en 2017 seulement 97,5 millions d’euros (13,2 millions d’ebooks vendus) – contre… 3,88 milliards d’euros pour les livres imprimés (343 millions d’exemplaires papier vendus). Ces chiffres, dévoilés le 15 mars par GfK, mesurent le retard français. Les grandes maisons d’édition françaises, elles, se méfient toujours de l’américain Amazon, lequel fait l’objet d’une chasse aux sorcières. Le Syndicat de la librairie française (SLF) y est allé de son rapport publié le 16 mars (2) sur « la pieuvre Amazon » et son « inexorable machine de guerre » (sic), en appelant les politiques à « réguler l’emprise d’Amazon ». Le géant du e-commerce et de l’édition numérique (ebooks, audiobooks, autoédition, …) est accusé de « concurrence déloyale » – notamment vis-à-vis des librairies. @

Copies d’articles : le numérique rattrape le papier

En fait. Le 13 mars, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) a adressé un bilan 2017 de la perception des redevances qu’il a collectées au titre du droit de reproduction d’extraits de publication : 25,5 millions d’euros pour les copies numériques et 29,5 millions pour les photocopies papier.

En clair. Copies numériques versus copies papier ! Le match entre les deux modes de reproduction d’articles de publications en France est en passe d’être remporté par les copies numériques. En effet, selon le bilan 2017 du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) chargé par le ministère de la Culture de collecter les redevances auprès des entreprises, des administrations et des prestataires de panorama de presse ou de « press clipping », le total des redevances perçues au titre du droit de reproduction d’extraits ou d’articles des médias écrits a atteint l’an dernier 55,01 millions d’euros.
Or ce montant se répartit de plus en plus à parts égales entre les photocopies papier (53,6 % du total), lesquelles restent encore majoritaires mais poursuivent leur érosion par rapport à l’année 2016 (- 0,3 % à 29,5 millions d’euros), et les copies numériques (46,4 %), qui continuent de progresser (+ 10,3 % à 25,5 millions). A ce rythme, selon les estimations de Edition Multimédi@, les courbes des copies numériques et des photocopies papier devraient se rejoindre à l’issue de cette année 2018 et se croiser dès l’an prochain. Les 25,5 millions d’euros de redevances des copies numériques facturées en 2017 proviennent en grande partie (78 %) des usages professionnels : revues et panoramas de presse numériques via intranets ou extranet effectués par
les entreprise ou organisations, ainsi que via des sociétés spécialisées dans des prestations de veille telles que l’Argus de la presse ou Kantar Media. Le reste relève de copies numériques pédagogiques (10,5 %), de la quote-part pour la presse de la taxe
« copie privée » (1) (10,5 %) et des copies numériques effectuées à l’étranger (1 %). Pour les photocopies papier, que l’on désigne aussi par « reprographie », la répartition des 29,5 millions d’euros perçus est très différente (voir graphiques p. 10). En outre, depuis 2016, le CFC propose une licence « veille web » aux prestataires et
« indexateurs » de contenus en ligne pour le compte d’éditeurs de sites web.
A ce jour, pour l’ensemble de la copie numérique, plus de 1.000 éditeurs français ont confié la gestion de leurs droits à cette société de perception et de répartition de droits de propriété littéraire et artistique créée en 1984, et la seule à délivrer des autorisations de reproduction aux organisations pour la photocopie de presse et de livre en France. @

Aides d’Etat à la presse : coup de pouce au digital

En fait. Le 27 août, est paru le décret daté de la veille consacré « au soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse et réformant les aides à la presse ». Il crée notamment un Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse, destiné aux « nouveaux médias d’information ».

En clair. Cette réforme des aides d’Etat à la presse est la bienvenue, en ce qu’elle prend mieux en compte l’émergence des « nouveaux médias d’information », lesquels étaient jusqu’alors moins bien lotis. Comme le soulignait le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), les aides publiques allaient en très grande majorité au seul support papier pourtant en décroissance. « Le Fonds stratégique pour le développement de la presse ne représente que 8 % des aides directes, et moins de 1% du total des aides. (…) L’introduction de telles distorsions est de nature à freiner l’adaptation de la presse à l’évolution des usages », déplorait-il lors de la publication
fin juin de son bilan détaillé et richement illustré (1) de ces aides d’Etat.
Elles se sont élevées à 1,4 milliard d’euros en 2015, soit 19% du chiffre d’affaires de la presse française en général et même 22,5 % pour la presse d’information politique et générale, dite IPG (Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Parisien, …). Ce montant est constitué essentiellement des aides indirectes, à commencer par des tarifs postaux préférentiels et des exonérations foncières (2). Comment expliquer surtout que les aides publiques directes à la presse soient très majoritairement attribuées au support papier, alors que la presse se lit autant en numérique qu’en version imprimée ? Quant aux aides indirectes de l’Etat, elle ne s’élèvent qu’à 108 millions d’euros en 2015 incluant un petit 1% pour l’innovation. Autant dire que la presse numérique recueille
des miettes de ce vaste gâteau. C’est ce que tente de corriger le décret du 27 août.
Les appels à projets seront lancés avant la fin de l’année. Le nouveau Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse sera doté de 2 millions d’euros dès cette année, somme qui sera augmentée l’année prochaine. Ces aides seront attribuées sous forme de bourse de 50.000 euros maximum, d’aides aux prestataires de nouveaux médias, ou encore d’aides aux programmes de recherche innovants.
Quant au Fonds stratégique pour le développement à la presse, il sera élargi « aux titres de presse en ligne de la connaissance et du savoir et à tous les titres de presse d’IPG, quelle que soit leur périodicité ». La réforme des aides à la presse avait été engagée par la précédente ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin. @

FT.com : les abonnés dépassons le papier dès 2012

En fait. Le 27 février, Pearson – numéro un mondial de l’édition scolaire et éditeur du Financial Times (FT) – affiche un bénéfice net de 1,11 milliard d’euros (+ 12 %) et un chiffre d’affaires de 6,9 milliards (+ 6 %). Le FT, qui réalise 503,1 millions d’euros de revenus (+ 8 %), « n’est pas à vendre ».

En clair. Kristy Jones, à la direction du « FT.com», le site web du « Financial Times », indique à Edition Multimédi@ que les abonnés en ligne au quotidien économique britannique sont au nombre de 281.512 au 1er janvier 2012 (+ 30 % sur un an). Ils représentent ainsi 46,8 % de la diffusion totale payante du « FT », qui s’établit à 601.269 exemplaires payés (papier + numérique) – la diffusion la plus élevée de l’histoire du FT. Selon nos informations, le nombre d’abonnés en ligne devrait dépasser, pour la première fois, les abonnés papier dès cette année, et non pas en 2013 comme le prévoyait Rob Grimshaw, directeur du FT.com, lors de la conférence Médias des « Echos » en décembre dernier. C’est déjà le cas aux Etats- Unis depuis fin 2011. « Les lecteurs du
FT continuent de migrer vers nos plateformes digitales », nous confirme Kristy Jones. Globalement, le site web compte plus de 4 millions d’internautes inscrits, audience en augmentation de 33 % sur un an. Les revenus numériques compensent le recul de
la publicité, d’où l’empressement de basculer dans le digital qui génère environ 30 %
du chiffre d’affaires du FT Group à fin 2011. « Le mobile sera le principal média de distribution », a affirmé Rob Grimshaw. En 2011, les mobinautes génèrent déjà près d’un quart du trafic du FT.com. L’été dernier, en désaccord avec Apple, le FT a retiré de l’App Store son « appli » mobile pour iPad et iPhone.
Malgré la crise publicitaire, le FT reprend donc le dessus grâce au numérique. Contrairement à ce qu’avait affirmé le « Guardian » le 9 février, Pearson n’est pas prêt à céder sa pépite : le « Financial Times » génère seulement 7,3 % des revenus du groupe britannique, mais lui assure la seconde plus forte croissance des résultats opérationnels par activité. « Le FT sera vendu. Mais elle ne le vendra pas », avait répondu singulièrement au Guardian une source chez Pearson, parlant de l’actuelle DG Marjorie Scardino (1). Thomson Reuters serait intéressé. Les rumeurs courent depuis des années sur une cession du quotidien économique britannique, surtout depuis que Pearson a vendu en 2007 « Les Echos » à Bernard Arnault (groupe LVMH), lequel s’était dit lui aussi intéressé. A l’époque, pourtant en difficulté, le quotidien de la City valait 1 milliard d’euros. Leader du livre scolaire, Pearson indique aussi que Penguin réalise 12 % de ses ventes sous forme d’eBook (2). @

Les quotidiens font payer aux lecteurs leur déclin

En fait. Le 4 janvier, Le Parisien a augmenté son pris de vente à 1,05 euro (+ 4,8 % de hausse). Le 2 janvier, Libération est passé à 1,50 euro (+ 7,1 %). Le 3 janvier,
Le Figaro a procédé de même à 1,50 (+ 7,1 %) que Le Figaro et Le Monde appliquent depuis le 27 décembre 2010. La Tribune aussi.

En clair. C’est la fuite en avant. Pour assurer leur équilibre économique, lorsque ce n’est pas pour résorber leur déficit financier, les quotidiens nationaux français n’hésitent pas à augmenter une énième fois leur prix de vente au numéro. Qui aurait cru que son quotidien papier allait coûter près de « 10 francs » en kiosque ! Le journal payant serait-il devenu un produit de luxe face à l’info gratuite du Web ? « Pour assurer la meilleure qualité à l’information que nous vous proposons dans notre journal et sur nos supports numériques, nous devons assurer l’équilibre économique de notre entreprise. C’est la raison pour laquelle nous sommes amenés à augmenter le prix du Parisien », explique la direction du groupe Amaury en une du journal publié le 4 janvier. Ainsi, l’on comprend que le lecteur doit désormais remettre la main à la poche pour non seulement contribuer aux coûts de fabrication, de papier, d’impression et de diffusion – lesquels représentent jusqu’à 60 %
du prix de vente d’un quotidien –, mais aussi pour participer aux investissements Internet et mobile de leur journal. Et, qui plus est, même s’il se contente du papier… Déjà perçus comme trop chers par le public, et notamment les plus jeunes, les quotidiens prennent le risque tarifaire de ne pas enrayer l’érosion de leur diffusion papier – voire d’accroître le rythme de leur déclin. « L’information de qualité existe toujours, demeure plus que jamais nécessaire. Mais elle coûte cher à produire. A nous de faire en sorte, journalistes comme lecteurs, qu’elle ne devienne jamais un luxe », écrit en première page de l’édition du 2 janvier Nicolas Demorand, directeur de rédaction de Libération.
Malheureusement, elle l’est devenue. Résultat, selon une étude Lightspeed Research (1) parue le 13 décembre, ils sont seulement 11 % des sondés en France (2) à consulter l’actualité sur les journaux payants imprimés. Talonnée par Facebook consulté pour l’actualité par 6 % des sondés, auxquels s’ajoutent 1% de ceux préférant un autre réseau social et 1% ayant choisi Twitter, la presse écrite papier payante est ainsi délaissée au profit du Web et des 47 % consultant les sites d’information en ligne. La télévision (59 %), la radio (34 %) et les journaux gratuit papier (12 %) s’arrogeant le reste de l’audience d’actualités. Le pari du tout-Web pris par France Soir, et peutêtre bientôt par La Tribune, n’est pas perdu d’avance. @