Faute d’avoir anticipé la concurrence, l’ancien monopole Canal+ fait entrer Netflix dans sa bergerie

Face à la montée de la concurrence mondiale et puissante des plateformes de streaming, l’ancien monopole de chaîne cryptée Canal+ n’a pas anticipé et a perdu deux ans avant de réagir. Résultat : pour endiguer sa perte d’abonnés en France, la filiale de télévision de Vivendi pactise avec Netflix.

La fin des monopoles a toujours exigé des entreprises qui vivaient de cette rente de situation des remises en causes profondes. Encore faut-il s’y prendre assez tôt et anticiper. Canal+ savait depuis 2011 que Netflix allait tôt ou tard débarquer en France. Et ce qui devait arriver arriva : la plateforme de SVOD tant redoutée est lancée avec tambours et trompettes sur le marché français le 14 septembre 2014, à partir de… 7,99 euros par mois. De quoi tailler des croupières au « monopole » Canal+ et ses 39,90 euros mensuels.

Marché mondial des médias audiovisuels : les services OTT – SVOD en tête – se sont imposés face à la Pay TV

Le marché mondial des services audiovisuels en OTT (Over-the-Top) a vu son chiffre d’affaires atteindre 68 milliards de dollars en 2018, soit un bond de 33 % en un an. Depuis 2014, les plateformes SVOD (Netflix, Amazon Prime Video, …) sont en tête. Les télévisions payantes, elles, accusent le coup. Avec l’arrivée de Disney+ et d’Apple TV+, tout s’accélère.

Les Over-the-Top (OTT) de l’audiovisuel sont au « top ». Ces services vidéo et/ou télévisuels en ligne, qui ne dépendent pas des opérateurs télécoms ni des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ont plus que jamais le vent en poupe. Ils ont généré au niveau mondial 68 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2018, selon la société d’études londonienne Digital TV Research, en hausse de plus de 33 % sur un an.

Les « box » sont de plus en plus court-circuitées

En fait. Le 10 septembre, le cabinet d’études NPA Conseil a tenu sa conférence
de rentrée au « Club 13 » de Claude Lelouch à Paris pour y présenter les grandes tendances de l’audiovisuel en France. Parmi elles, les « box » de Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ne sont plus des passages obligés.

En clair. « Des éditeurs de chaînes thématiques cherchent l’autonomie en se rendent accessibles eux-mêmes via leur site web ou leur application mobile. Elles sont dans ce cas 179 chaînes sur le total des 300 chaînes diffusées en France, soit près de deux chaînes sur trois. Ces chaînes, autonomes par rapport aux fournisseurs d’accès, ont des thématiques premium très fortes telles que “cinéma-séries” ou “sports” », a expliqué Philippe Bailly, président fondateur de NPA Conseil. Parallèlement, les fournisseurs d’accès (FAI) que sont Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ont, eux, entamé « une sorte de “bascule” entre les chaînes thématiques traditionnelles et les nouveaux services ». Résultat : entre début 2018 et mi-2019, il y a eu une vingtaine de chaînes thématiques en moins en moyenne sur les « box ». Cette tendance baissière va continuer. A l’inverse, il y aura sur les « box » davantage de services de SVOD qui sont au nombre de 22 à fin juin – comme TFou Max, Alchimie (ex-Cellfish), Filmo TV (Filmoline), Gulli Max, INA Premium. « Surtout, il y a Netflix qui est distribué par tous les opérateurs télécoms et “bundlé” avec deux d’entre eux (Bouygues Telecom et Free), ainsi que Amazon Prime Video déjà accessible via Videofutur et bientôt sur SFR comme annoncé par Altice Europe le 26 août », a souligné Philippe Bailly. Le quadriumvirat des « box » historiques en France n’est plus un passage obligé pour des marques à forte notoriété telles que les nouveaux services AppleTV+, Disney+, HBO Max ou même le projet français Salto. La future plateforme SVOD de France Télévisions, TF1 et M6 a annoncé le 5 septembre (1) que son lancement en 2020 se fera en OTT, « en tout cas dans un premier temps, accessible directement aux consommateurs, sans passer par les “box” » (2).
Les FAI – notamment Free qui avait fait part de ses inquiétudes à l’Autorité de la concurrence, d’après Le Monde du 24 juillet – ne voient pas d’un bon œil l’arrivée de Salto distribuant les mêmes chaînes que celles qu’ils diffusent sur leur « box » moyennant paiement… L’indépendance par rapport aux FAI est aussi recherchée par les « méta-agrégateurs » MyCanal, Molotov, Apple TV, Amazon Channels, Bis TV Online ou encore Alchimie ne passe pas par une « box » mais par des environnements Smart TV, console de jeux, ou dongles de type Roku, Amazon Fire TV Stick, Nvidia Shield, Apple TV ou Chromecast. @

Bienvenue Monsieur Dominique Boutonnat au CNC !

En fait. Le 25 juillet, est paru au Journal Officiel le décret de nomination de Dominique Boutonnat à la présidence du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). L’accueil qui lui a été réservé a été plutôt glacial de la part du 7e Art français qui va pourtant devoir se moderniser sans tarder.

En clair. C’est la fin de « l’exception culturelle française » qui était souvent prétexte à ne rien changer dans le petit monde du cinéma français, trop souvent arc-bouté sur des règles de financement des films devenues obsolètes et de chronologie des médias trop figée. La nomination d’un professionnel – producteur et spécialiste du financement de la création cinématographique et audiovisuelle – et non d’un haut fonctionnaire de l’Etat comme ses prédécesseurs est sans doute une chance pour le CNC et le 7e Art français. Et ce, n’en déplaise aux nombreux cinéastes et techniciens du cinéma qui ont été à l’origine de pas moins de trois tribunes assassines publiées courant juillet (notamment dans Le Monde et dans Le Film Français), dont une lettre ouverte au président de la République. Emmanuel Macron avait finalement arbitré en faveur Dominique Boutonnat au lieu de reconduire une Frédérique Bredin pourtant désireuse de faire un troisième mandat (1). Le nouveau président du CNC est sans doute la bonne personne au bon moment – à une période charnière pour toute la filière. Diversifier les sources de financement des films apparaît indispensable face aux « interrogations sur la capacité d’investissement des diffuseurs [les chaînes de télévision en général et le grand pourvoyeur de fonds Canal+ en particulier, ndlr] au moment même de la montée en puissance fulgurante des plateformes numériques [Netflix, Amazon Prime Video et autres services vidéo en OTT, ndlr], qui annonce un tournant majeur pour la production et la distribution de contenus ». C’est ce que soulignait d’emblée Dominique Boutonnat dans son « rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles » (2), daté de décembre 2018 mais rendu public en mai dernier – juste avant le Festival de Cannes. Un pavé dans la marre. Les plateformes de SVOD bousculent le monde des films de cinéma à grand renfort de séries exclusives, deux types de contenus que le CNC devra concilier. « Cette exclusivité est absolue, c’est-à-dire qu’elle déroge aux principes habituels de la chronologie des médias qui veut qu’un film de cinéma connaisse sa première exploitation en salles », souligne Dominique Boutonnat. La transposition de la directive SMA (3) impliquant les plateformes vidéo dans le financement des oeuvres et la future loi audiovisuelle promettent d’être disruptives. @

Positions monopolistiques : faut-il démanteler les GAFA comme le fut AT&T il y a… 35 ans ?

Trente-cinq après le démantèlement du monopole téléphonique AT&T, les autorités antitrust américaines ont donné leur feu vert à la fusion entre AT&T et Time Warner (rebaptisé WarnerMedia). Tandis que dans le monde OTT d’en face, la question du démantèlement des GAFA se pose.

Le 26 février, se sont télescopées le même jour deux décisions des autorités antitrust aux Etats-Unis : la première, de la cour d’appel de Washington, a validé en appel l’acquisition du groupe audiovisuel Time Warner – devenu WarnerMedia –
par l’opérateur télécoms AT&T ; la seconde, annoncée par la Federal Trade Commission (FTC), porte sur la création d’un groupe de travail pour enquêter sur la concurrence dans le numérique et les GAFA.