Discovery avance ses pions dans la vidéo en ligne en Europe, en attendant Apple et les autres

Le marché mondial de la vidéo et de la télé en ligne s’organise avec le lancement de grands acteurs américains tels que Discovery, HBO, Apple, … A l’instar de Netflix, ces services transfrontaliers commencent à déferler en Europe. Les chaînes traditionnelles, comme Canal+ en France, ont du souci à se faire.

Le groupe américain de télévision payante Discovery Communications va lancer dans toute l’Europe, en 2015, un service de vidéo en ligne : Dplay. Déjà présent en Europe au travers de sa filiale Eurosport, après avoir racheté début 2014 les parts de TF1 (1), il opère un premier service de service en ligne de la chaîne sportive baptisé Eurosport Player.

Dplay, HBO Now, Sling TV, PS Vue, …
Dplay va d’abord être étendu de la Norvège au Danemark, à l’Italie et à la Suède,
tout en entrant en concurrence frontale avec Netflix qui a une longueur d’avance en Europe et Now TV de Sky. «Nous possédons la totalité de nos contenus, ce qui est
un avantage énorme. Nous les possédons tous et dans 52 langues, ce qui nous différencie. Et maintenant, nous sommes en train de migrer vers une entreprise s’adressant directement au consommateur (direct-to-consumer company). L’Europe est pour nous le prochain marché émergent », s’est félicité David Zaslav (photo), directeur général de Discovery, de passage à Paris le 4 juin pour le tournoi de Roland Garros d’où Eurosport rediffusait la rencontre sportive. Le groupe indique avoir dépensé l’an dernier plus de 2milliards de dollars dans les contenus. « Nous enregistrons une croissance à deux chiffres en Europe et nous avons été aidé par la baisse de l’euro, ce qui signifie pour nous que les coûts de production en Europe sont à la baisse », a-t-il encore expliqué, selon des propos rapportés par l’agence Bloomberg. Et ce n’est pas un hasard si Jean-Briac Perrette, francophone, est depuis janvier 2014 président de Discovery Networks International, après avoir été directeur général du numérique pour le groupe.
Le groupe, basé à Silver Spring dans le Maryland (Etats- Unis), compte parmi ses investisseurs le milliardaire John Malone, lequel est par ailleurs aussi président de Liberty Media (holding propriétaire de DirecTV entre autres nombreuses participations). Discovery n’est pas le seul à miser sur la délinéarisation de l’audiovisuel sur tous les écrans, qu’ils soient smartphones, tablettes ou téléviseurs connectés, afin de séduire parmi les internautes ceux qui se détournent – en optant notamment pour le cord-cutting (2) – des offres payantes de télévision traditionnelle. De son côté, Apple s’apprête à lancer à l’automne prochain un service de télévision en ligne, selon les premières révélations du Wall Street Journal en mars dernier. Ce bouquet de chaînes en streaming proposera en ligne un abonnement (30 à 40 dollars par mois) aux programmes des networks américains ABC (Disney), CBS, Fox ou NBC. L’annoncé devait être faite début juin lors de la grand-messe des développeurs d’Apple, la Worldwide Developers Conference (WWDC), mais il n’en a rien été. Selon le site américain Re/code, la marque à la pomme aurait pris du retard dans la négociation des droits de diffusion, au point que le lancement du service serait repoussé à fin 2015 ou début 2016. Les programmes devraient être alors accessibles non seulement par le boîtier Apple TV mais aussi par les smartphones et les tablettes vendues par la marque à la pomme et fonctionnant sous son système d’exploitation iOS. HBO, la chaîne payante du groupe Time Warner, s’est alliée, elle, avec Apple pour être diffusée sur
ses plateformes et propose HBO Now depuis avril dernier pour 14,99 dollars par mois. Une autre chaîne payante américaine, Showtime, du groupe CBS, va aussi lancer un service de vidéo en ligne qui proposera de façon illimité des programmes à la demande ou en direct, en mode streaming et par abonnement (10,99 dollars par mois). La chaîne CBS a déjà lancé son propre service de vidéo en ligne. Le groupe Viacom, lui, va lancer un service en ligne pour sa chaîne Nickelodeon pour enfants (3). L’opérateur de télévision par satellite américain Dish Network a lui aussi lancé Sling TV, son offre de vidéo en ligne. En France, Canal+ a lancé le 9 juin dernier une version OTT (Over-The-Top) de son set-top-box « Le Cube » donnant accès à Internet. C’est en janvier 2014 que le groupe Canal+ a créé une division « Canal OTT » intégrant CanalPlay. Quant au groupe Sony, il vient de lancer « PlayStation Vue », un service de télévision en ligne sur ses consoles de jeux vidéo.

Services pan-européens versus nationaux
A terme, c’est tout le paysage audiovisuel européen qui pourrait s’en trouver chamboulé. Car, contrairement aux chaînes traditionnelles, gratuites ou payantes, les services de vidéo ou de télé en ligne par Internet ont vocation à être transfrontaliers.
La Commission européenne entend favoriser ces services pan-européens au regard
du droit d’auteur, sur le marché unique numérique. Tandis qu’en France, un appel d’offre est en cours jusqu’au 16 juin 2015 pour une étude (4) sur les services de VOD transeuropéens. @

Charles de Laubier

Europe : les multinationales du Net commencent à se faire à l’idée de rendre des comptes localement

Google, Apple, Facebook Amazon et Microsoft symbolisent ces « GAFAM »
que la Commission européenne souhaiterait faire entrer dans le rang d’une
future régulation numérique. Il s’agit de les rendre responsables juridiquement
et fiscalement sur le pays de consommation de leurs services.

Vidéo en ligne : le cord-cutting menace la télévision traditionnelle, et en France ?

« Couper le cordon » avec la télévision traditionnelle payante par câble ou satellite pour consommer directement sur Internet – et à moindre coût – films, séries ou programmes audiovisuels : tel est le souhait de la jeune génération.
Les Etats-Unis sont les premiers impactés. L’Europe n’y échappera pas.
Mais en France, difficile de s’affranchir du triple play.

Quatre-vingt dix pourcent des consommateurs se disent favorables à une rupture en matière d’accès aux vidéos, quitte à être « prêts à résilier leurs abonnements de réseau câblé et de télévision payante pour adopter les services de vidéo OTT [Over-The-
Top] ». C’est ce qui ressort d’une étude réalisée en avril 2015 auprès de 1.200 consommateurs à travers le monde. « Les consommateurs s’éloignent de plus en plus de l’expérience télévisuelle traditionnelle, pour adopter la vidéo en ligne », affirme Jason Thibeault, directeur sénior chez Limelight Networks et auteur de ce rapport (1).

Digital Native et OTTV
Cette tendance est observée aussi par le cabinet Deloitte aux Etats-Unis, où 3 % des Américains interrogés déclarent avoir résilié leur abonnement à la télévision par câble ou par satellite, et 7 % disent l’envisager. La jeune génération – celle du « Y », également appelée « jeunesse du millénaire », suivie de celle du « Z » ou Digital Native – est à l’origine de ce changement. Elle regarde en moyenne entre 4 et 7 heures de vidéos en ligne par semaine, soit près de deux fois la quantité visionnée par toutes les autres classes d’âge interrogées. Le phénomène est mondial et devrait s’accroître au fur et à mesure que se développent les services de vidéo sur Internet.
Aux Etats-Unis, le groupe Time Warner a lancé en avril dernier HBO Now qui marque l’incursion de la première chaîne payante américaine sur le marché de l’OTTV (Over-The-Top Video). HBO Now, qui ne cache pas ses ambitions à l’international où il n’est pas encore accessible, est aussi diffusé sur l’Apple TV. La marque à la pomme prépare aussi de son côté un bouquet de service de vidéo en streaming, en partenariat avec des chaînes américaines. La chaîne CBS a aussi lancé son propre service de vidéo en ligne. Elle fait partie du groupe Viacom qui va aussi lancer un service en ligne pour sa chaîne Nickelodeon pour enfants. Sony vient de lancer « PlayStation Vue », un service de télévision en ligne sur ses consoles de jeux vidéo, qui non seulement proposera des vidéos à la demande mais aussi diffusera des programmes en direct – comme les événements sportifs qui étaient jusque-là la chasse gardée des chaînes sur le câble
et le satellite. L’opérateur de télévision par satellite américain Dish Network a lui aussi lancé Sling, son offre de vidéo en ligne.
Tous ces nouveaux entrants promettent une bataille autour de la vidéo face aux plateformes existantes telles que YouTube ou Yahoo, mais aussi Hulu ou Amazon Prime. YouTube préparerait même le lancement d’un service par abonnement sans publicité. Et ce n’est pas un hasard si Verizon – menacé de cordcutting aux Etats-Unis – a décidé de s’emparer d’AOL pour répondre à la forte demande de vidéos et de chaînes sur Internet (lire p. 3).
Mais l’Europe n’est pas en reste : Netflix et Amazon Prime commencent à convaincre,
y compris en France pour le premier qui concurrence la chaîne payante Canal+ (voir encadré page suivant). Quant au suédois Spotify, leader européen de la musique en ligne, il a annoncé le 21 mai une offre de streaming vidéo par abonnement sur le modèle de CanalPlay ou de Netflix.
Dans de paysage audiovisuel en cours de délinéarisation, les internautes souhaitent de plus en plus se procurer le contenu vidéo (films, séries, émissions, etc) directement sur l’Internet auprès de la chaîne ou du service de VOD ou de SVOD, plutôt que par un fournisseur de services de télévision payante. Quant aux abonnements à des réseaux câblés ou à des chaînes de télévision payantes, ils sont perçus comme onéreux, surtout lorsque que leur prix augmente. A cela s’ajoute le manque de flexibilité des offres traditionnelles.

Vidéo et TV en streaming
En termes d’usage, le téléviseur n’a plus le monopole de la réception audiovisuelle :
les ordinateurs portables sont devenus aujourd’hui le premier écran pour la consommation de vidéos en ligne, mais les plus jeunes « télénautes » sont plus susceptibles de regarder les vidéos sur un smartphone que leurs aînés. L’étude
de Deloitte aux Etats-Unis montre que plus de la moitié des Américains – 56 % – regardent désormais des films ou des programmes télévisés en streaming sur Internet : les programmes télévisés ne sont plus regardés en direct que 45 % du temps aux Etats-Unis, à l’heure où les chaînes les mettent à l’antenne en fonction de leur grille
de diffusion. Et plus le téléspectateur est jeune, moins il regarde la télévision linéaire : seulement 35 % dans la tranche 26-31 ans regardent les chaînes diffusées à l’antenne, et 28 % chez les 14-25 ans.
Le reste du temps, ces programmes sont consommés à la demande, en streaming ou en time-shifting (programmes enregistrés et regardés en différé par le téléspectateur grâce aux magnétoscopes numériques ou aux box avec enregistreur numérique).

La liberté du télénaute
Le téléspectateur assis dans son salon à regarder la télévision laisse la place, notamment chez les plus jeunes, à des télénautes utilisant différents terminaux à l’intérieur ou à l’extérieur du domicile, et à l’heure choisie.
Etre abonné à Netflix, c’est aussi l’assurance de pouvoir regarder une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle (films ou séries) dans son intégralité sans être interrompu par des coupures publicitaires intempestives (fini les contrariétés des interruptions).

Regarder des services de vidéo en ligne se traduit immanquablement par moins d’audience pour les chaînes traditionnelles et, in fine, des recettes publicitaires en recul. Une autre étude, émanant cette fois de Leichtman Research, montre que les grandes télévisions payantes outre-Atlantique commencent à perdre des abonnés. Ce que confirme le cabinet d’études américain Forrester : 38 % des 18-32 ans aux Etats-Unis ne regardent pas assez la télévision classique pour justifier le prix de l’abonnement aux chaînes de télévision par câble.
Selon une analyse de Frost & Sullivan, la grande majorité des programmes audiovisuels seront – d’ici dix à vingt ans – regardés en différé ou à la demande,
et non plus de façon linéaire. Les consommateurs posent de plus en plus un lapin à la
« télévision sur rendez-vous » ! Ils lui préfèrent la souplesse et la liberté des offres à la demande, quitte à devenir boulimique de vidéos, de séries ou de films sur Internet. Selon l’étude Deloitte déjà citée, 31 % des personnes interrogées reconnaissent faire du binge-watching, pratique qui consiste à regarder à la suite plusieurs épisodes d’une série ou d’un programme. Ce taux atteint même 80 % chez les 14-25 ans. @

Charles de Laubier

Quel est l’intérêt pour Verizon de racheter AOL ?

En fait. Le 12 mai, l’opérateur américain Verizon a annoncé avoir signé un accord pour acquérir AOL 4,4 milliards de dollars. Le géant des télécoms monte ainsi dans la chaîne de valeur de l’économie numérique et compte accélérer dans les contenus mobiles et vidéo, qu’ils soient éditoriaux ou publicitaires.

Orange mise sur son réseau, agrégateur de contenus

En fait. Le 17 mars, Stéphane Richard, PDG du groupe Orange, a présenté son nouveau plan stratégique baptisé « Essentiels 2020 », lequel succède au plan
« Conquêtes 2015 » – avec 15 milliards d’euros d’investissement à la clé dans
ses réseaux très haut débit fixe et mobile. Et les contenus ?