Taxer les GAFAN : lobbying intense des opérateurs télécoms auprès de la Commission européenne

Les opérateurs télécoms européens prennent prétexte de l’arrivée des métavers pour demander à la Commission européenne de taxer les grandes plateformes numériques (Google/YouTube, Netflix, Meta/Facebook, …). Face à ce lobbying, Bruxelles prend le temps de la réflexion.

Les opérateurs télécoms européens – la plupart historiques (Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, Telecom Italia/Tim, British Telecom/BT, …) et membres de l’organisation bruxelloise Etno (1), mais aussi des opérateurs concurrents – ont beau faire depuis des années un lobbying intense – relayé aussi par des eurodéputés (2) – auprès de la Commission européenne pour tenter d’obtenir leur taxe sur les GAFAN, ils devront encore patienter jusqu’en 2023. Le commissaire européen Thierry Breton (photo), ancien patron de l’ex- France Télécom (Orange), avait laissé entendre un peu vite qu’un texte législatif allait être présenté fin 2022.

Vidéo : 54 % du trafic Internet mondial
Alors que les deux règlements européens – Digital Markets Act (DMA) et Digital Services Act (DSA) – sont sur le point d’entrer en vigueur dans l’ensemble des Vingt-sept, les opérateurs télécoms n’ont pas réussi à y placer leur taxe applicable aux grandes plateformes numériques qui utilisent leurs infrastructures réseaux. Les Orange, Deutsche Telekom et autres Telefonica tablent maintenant sur un troisième texte législatif européen qui pourrait être proposé l’an prochain par la Commission européenne à l’issue d’une consultation public qu’elle prévoit de lancer d’ici la fin du premier trimestre 2023 pour une durée de cinq ou six mois. D’après les précisions apportées par le commissaire européen au Marché intérieur le 9 septembre dernier, cette vaste consultation ne se focalisera pas uniquement sur la sempiternelle question de savoir si les GAFAN – à savoir les grandes plateformes numériques américaines, notamment Netflix, Amazon Prime Video et YouTube (Google) – doivent payer leur tribut aux opérateurs télécoms lorsqu’ils empruntent leurs réseaux. Ainsi, audelà de cette taxation exigée par les « telcos », les interrogations porteront sur « la régulation des réseaux » à l’ère des métavers et du streaming de masse. Cette consultation qui s’annonce d’ampleur aura pour objectif de mieux apprécier comment est utilisée la bande passante des réseaux, notamment à l’heure où le très haut débit se généralise progressivement sur le fixe (la fibre) et sur le mobile (la 5G).
Selon l’Etno, dans un rapport publié en mai dernier (3), plus de la moitié du trafic mondial – soit 56 % sur réseaux fixes et mobiles – provient de six GAFAN : Google/ YouTube/ Search, Amazon/Amazon Prime Video/AWS, Meta/ Facebook/Instagram/WhatsApp, Apple/iTunes/iCloud/ AppStore/Apple TV+ et Microsoft/Office/MSN/Xbox (voir graphique ci-contre). Ces principaux OTT – Over-the-Top – utilisent, comme cette dénomination l’indique, les réseaux des opérateurs télécoms mais sans avoir à supporter directement les investissements dans ces infrastructures. Il ressort également de cette étude que près de 54 % du trafic global sur les réseaux fixes et mobiles sont dus aux flux vidéo. YouTube et Netflix sont parmi les premiers visés par les opérateurs télécoms. Et si l’on considère les plateformes vidéo, les réseaux sociaux et les jeux vidéo, ils représentent à eux trois 70 % du trafic Internet mondial (voir graphique page suivante).

Cette étude, réalisée par la société d’investissement et de consulting espagnole Axon Partners Group sur des données d’un rapport publié en janvier 2022 par la société canadienne Sandvine (4), livre des prévisions de croissance des données qui ne devrait pas cesser : « On s’attend à ce que l’utilisateur mobile moyen utilise 16,2 Go par mois en 2023, contre 8,5 Go par mois en 2021. Tandis qu’une ligne fixe haut débit [ou très haut débit, ndlr] devrait utiliser 454 Go par mois en 2023, contre 293 Go par mois en 2021. Plusieurs raisons expliquent cette tendance : contenu de plus en plus axé sur les données, comme la diffusion en streaming de vidéos de meilleure qualité et les jeux en ligne ; expansion des réseaux d’accès très haut débit, notamment la fibre optique à domicile (FTTH) et la 5G ; augmentation des abonnements mobiles pour des smartphones aux capacités améliorées ; numérisation de la société européenne, avec l’émergence de diverses nouvelles applications et services utilisant Internet, comme par exemple, la réalité virtuelle (VR), la réalité augmentée (AR), et les métavers ».

BitTorrent n°1 du upstream en Europe
Selon les données de trafic recueillis par Sandvine auprès des opérateurs télécoms, l’Europe (la région EMEA) fait état d’un trafic qui vient d’abord du divertissement, avec Netflix en tête pour 16 % du trafic total. Il devance ainsi désormais YouTube, qui est relégué au second rang (12,7 %). Xbox Live de Microsoft et PlayStation de Sony arrivent ensuite en troisième et quatrième positions sur la bande passante, suivis de Disney+ qui s’est hissé en cinquième position (5,3 %) du trafic global en Europe. Les médias sociaux sont également répandus, avec Instagram, Facebook et TikTok. « Fait intéressant, souligne Sandvine dans son rapport, les transferts BitTorrent sont n°1 dans le trafic montant (upstream), peut-être en raison de personnes accédant au contenu d’autres pays sur cette plateforme. Depuis que les droits d’auteur des contenus sont plus complexes en Europe, les films et la disponibilité des émissions de télévision venant souvent après les lancements aux Etats-Unis, le piratage de contenus pourrait être la raison de la position importante de BitTorrent dans le classement » (voir graphique ci-dessous). La consultation que prépare la Commission européenne pour le début de l’année 2023 portera ainsi sur tous les usages dévoreurs de bande passante, dont le piratage en ligne.

Thierry Breton, pro-telcos
Cette consultation devrait faire la part des choses entre le trafic OTT « subi » par les « telcos » et le trafic qui fait déjà l’objet d’accord de peering entre ces mêmes plateformes numériques et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), notamment dans le cadre de la diffusion IPTV sur les « box ». La difficulté de l’exercice sera de mettre tout le monde d’accord. « Il est temps désormais de réorganiser la juste rémunération des réseaux. Après les DSA et DMA, c’est désormais l’un des principaux chantiers de notre espace numérique », avait twitté le 4 mai (5) Thierry Breton en appui d’un entretien accordé la veille aux Echos, où le commissaire européen au Marché intérieur prend fait et cause pour les opérateurs télécoms en affirmant qu’une « juste part » (fair share) était un « principe acquis ». Quant à la commissaire européenne à la Concurrence et au Numérique, Margrethe Vestager, elle apparaît plus prudente sur cette question sensible. Les « telcos » plaident même – depuis un certain manifeste sur la 5G datant de juillet 2016 – pour la remise en cause de la neutralité de l’Internet (6), appelée « Internet ouvert ». Taxer les GAFAN ne reviendrait-il pas à ouvrir la boîte de Pandore et à remettre en cause le best effort ? @

Charles de Laubier

Cuivre : garantir la qualité à 17 millions de foyers

En fait. Le 22 septembre, s’est tenue la conférence annuelle « Territoires connectés » de l’Arcep. Parmi les sujets de crispation : le maintien de la qualité du réseau de cuivre utilisé pour l’ADSL et le VDSL par plus de 17 millions d’abonnés en France – soit encore 53,7 % de toutes les connexions fixes à Internet.

En clair. Qui doit payer le maintien de la qualité de service du réseau de cuivre en France ? Selon les calculs de Edition Multimédi@, cela concerne encore plus de 17 millions de prises de cuivre encore opérationnelles en France, soit 53,7 % précisément de toutes les connexions fixes à Internet (1). La question à laquelle le régulateur et le gouvernement vont devoir répondre rapidement est de savoir comment garantir la qualité de service au plus de 11,1 millions d’abonnés ADSL dont la connexion haut débit passe par leur fameuse paire de cuivre. Et auxquels s’ajoutent plus de 5,9 millions d’abonnés VDSL bénéficiant d’un très haut débit par leur paire de cuivre éligible à cette technologie (VDSL2).
Selon le secrétaire général d’Orange, Nicolas Guérin, qui s’exprimait le 22 septembre lors de la conférence « Territoire connectés » de l’Arcep, l’opérateur historique supporte environ 500 millions d’euros de coût d’entretien par an pour que le réseau de cuivre fonctionne. Mais pas question pour lui financer seul le « surcoût » pour en garantir la « qualité de service ». Et ce, alors que les revenus d’Orange provenant de la location de cette « boucle locale » de cuivre aux opérateurs télécoms concurrents sont en recul en raison de la migration des abonnés vers la fibre optique (2). L’ex-France Télécom plaide donc pour une hausse des tarifs du « dégroupage » payés par les opérateurs alternatifs (SFR, Bouygues Telecom, Free, …). Sinon, prévient Orange, la qualité de service va continuer à se dégrader jusqu’à l’extinction complète du réseau de cuivre en 2030. A moins que l’Arcep n’accorde à Orange une augmentation du prix du dégroupage supporté par les autres fournisseurs d’accès à Internet, lesquels ne veulent pas payer plus pour une technologie en déclin. Les 17 millions d’abonnés ADSL et VDSL sont pris en otage. Le plan de fermeture du cuivre qu’Orange a présenté à l’Arcep en janvier 2022 a été enclenché dès 2020 par un « arrêt de commercialisation » de prises de cuivre. D’après son rapport annuel publié en mai, Orange fait état de 15 millions de prises de cuivre déjà non-commercialisées à mars 2022. «A partir de 2026, Orange ne commercialisera plus de nouveaux abonnements ADSL et la fermeture du réseau cuivre débutera à grande échelle. A l’horizon 2030, [l’extinction du cuivre] concernera la totalité du réseau », précise le groupe dirigé depuis début avril dernier par Christel Heydemann (3). @

La disparition des MVNO n’est pas bon signe pour la concurrence mobile en France et ses tarifs

Les rachats successifs des MVNO depuis dix ans – dont dernièrement Coriolis, Syma ou encore EIT (Crédit Mutuel Mobile, NRJ Mobile, CIC Mobile, Auchan Telecom, …) – ne sont pas de bon augure pour les consommateurs. Cette concentration prépare-t-elle un passage à trois opérateurs mobiles ?

Les opérateurs de réseau mobile virtuel, ou MVNO (Mobile Virtual Network Operator), sont une espèce en voie de disparition. Bien que ne disposant pas de leur propre réseau radio, ils sont néanmoins considérés comme des opérateurs mobiles à part entière. Aussi, pour offrir des services mobiles à leurs abonnés, ces MVNO – qui ne sont plus qu’une petite quinzaine en France – s’appuient sur les services d’un ou de plusieurs opérateurs de réseau mobile choisi parmi les quatre présents sur le marché (Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR) auxquels ils leur achètent des communications en gros.

Bérézina virtuelle depuis dix-huit mois
Mais force est de constater que leur part de marché cumulée chute depuis décembre 2020 où ils atteignaient 11,9 %, pour se retrouver à seulement 6,7 % à fin juin 2022, d’après les chiffres publiés par l’Arcep le 4 août dernier. Au meilleur de leur forme, en 2014, la cinquantaine de MVNO d’alors affichaient 8,9 millions de clients, soit alors 13 % du marché de la téléphonie mobile. A l’époque, la montée en charge de Free Mobile – lancé il y a dix ans – leur avait déjà coupé l’herbe sous le pied. Les trois opérateurs mobiles historiques, Orange, SFR et Bouygues Telecom, avaient répliqué à l’opérateur de Xavier Niel en lançant leurs propres marques low-cost : respectivement Sosh, Red et B&You. Depuis lors, les MVNO étaient entre le marteau (les opérateurs de réseau mobile qui les hébergent) et l’enclume (les offres à bas prix de ces même opérateurs hôtes). Bref, ce fut des conditions concurrentielles telles que les MVNO furent cantonnés à des marchés de niche (les communautés ethniques, les expatriés, les voyageurs d’affaires, les jeunes, etc.).
D’une cinquantaine à leur apogée, les MVNO en France sont passés à une trentaine avant 2020, pour se retrouver une quinzaine aujourd’hui – en perdant au passage quelque 3,7 millions de clients en dix-huit mois – passant d’un total de 9 millions à seulement 5,3 millions de clients à fin juin 2022 – et en cédant 5,2 points de part de marché. Cette bérézina est due notamment aux MVNO qui, à bout de souffle, se sont fait racheter par des opérateurs de réseau mobile, le plus souvent leur propre opérateur hôte. Ainsi, en mai dernier, SFR (groupe Altice) s’est emparé de Syma Mobile et de ses près de 700.000 clients (acquisition finalisée fin juin). Ce MVNO s’appuyait à la fois sur les réseaux d’Orange et de SFR. Sa maison mère Altice France avait déjà acquis auparavant Coriolis et ses 500.000 clients – considéré comme le deuxième « virtuel » en France – à la suite du feu vert fin avril de l’Autorité de la concurrence (1). Moins d’un an auparavant, Altice France avait aussi mis la main sur un autre MVNO arrimé au réseau SFR : Afone et ses moins de 80.000 clients, notamment avec les offres Afone Mobile et Reglo Mobile vendues dans les supermarchés Leclerc. Ironie de l’histoire : Afone avait saisi en 2006 l’Arcep pour régler un différend avec SFR qui refusait, à l’époque, de lui ouvrir son réseau pour être un « full MVNO » ! Le gendarme des télécoms avait finalement donné raison à Afone en avril 2006 dans une décision que SFR avait attaquée devant la cour d’appel, laquelle avait rejeté ce recours (2). Dans l’acquisition de MVNO, SFR s’était déjà distingué en rachetant les 2 millions de clients de Virgin Mobile (Omea Telecom, ex-Omer Télécom) qui fut absorbés fin 2014, mettant un terme à l’aventure du premier MVNO français en taille (3).
De son côté, Bouygues Telecom a racheté fin 2020 le MVNO Euro-Information Telecom (EIT) — filiale du Crédit Mutuel intégrant NRJ Mobile, CIC Mobile, Crédit Mutuel Mobile, Auchan Telecom (cédé par Auchan) et Cdiscount Mobile. EIT, né en 2005 avec la marque NRJ Mobile, utilisait les réseaux « hôtes » d’Orange, de Bouygues Telecom et de SFR pour franchir lui aussi la barre des 2 millions de clients. EIT avait racheté en 2018 le fonds de commerce de Sisteer, un MVNE (Mobile Virtual Network Enabler) proposant un ensemble de services ou d’équipements nécessaires à l’activité d’opérateur mobile à des MVNO tels que Carrefour Mobile (racheté en 2012 par Orange), Grand Public Darty Telecom (cédé à Bouygues Telecom), ZeroForfait (revendu à Prixtel), Budget Mobile et SIM+.

Des MVNO détenus par les « telcos »
Quant à La Poste Mobile, elle dispose du vaste réseau de distribution postale physique : plus de 8.000 bureaux de poste à l’époque (5.000 aujourd’hui complétées par plus de 4.000 points-relais). Ce qui a permis à cette filiale du groupe La Poste (51 % du capital) et de SFR (49 %) – créée en 2011 à partir des actifs de Simplicime, héritier d’un pionnier des MVNO français, Debitel (marque qui a disparu en 2008) – d’atteindre un parc total de près de 2 millions de clients. Ce MVNO publicprivé, La Poste Mobile, a fait de SFR son unique opérateur hôte. A la suite de ces acquisitions en série (4), la plupart des clients des MVNO ainsi absorbés ont été encouragés voire forcés à basculer sous la marque de l’opérateur mobile acheteur. D’autres ont disparu eux aussi. Pour les MVNO détenus à plus de 51 % par un opérateur de réseau mobile – comme Bouygues Telecom Business-Distribution (ex-EIT), Keyyo détenus par Bouygues Telecom ou Nordnet contrôlé par Orange – l’Arcep les comptabilise non pas en tant que MVNO mais en intégrant leurs clients dans ceux de l’opérateur hôte et maison mère.

Free, toujours pas de MVNO
Les derniers survivants des opérateurs mobiles virtuels se nomment, par ordre alphabétique :
côté particuliers, Joi Telecom (ACN Communications), Brazile Telecom (téléphonie pour seniors), CTExcelbiz (China Telecom), Lebara France, Lycamobile, Vectone (Mundio) ou encore Truphone ;
côté entreprises, Alphalink, Cellhire, Cubic Telecom (MtoM (5)), Netcom, SCT Telecom, Sewan Communications, Truphone, Voip Telecom, Airmob (racheté par Altitude) ou encore Transatel (MtoM).
Ce dernier, Transatel, fut un pionnier français des MVNO qui fut racheté en février 2019 par l’opérateur télécoms historique japonais NTT. Cofondé en 2000, Transatel s’est historiquement développé auprès d’une clientèle composée d’hommes d’affaires européens, de résidents étrangers et de transfrontaliers, mais aussi en tant que MVNE/A (Mobile Virtual Network Enabler/Aggregator) pour le compte de tiers et de pas moins de 180 MVNO en Europe. Ses activités sont aujourd’hui orientées connectivité MtoM, avec des solutions de cartes SIM virtuelles – eSIM – proposées depuis 2014 sur les marchés de l’Internet des objets ou de la voiture connectée.
A noter que parmi les quatre opérateurs de réseau mobile, seul Free n’a pas accueilli de MVNO malgré deux offres à leur attention lancée il y a dix ans (MVNO Light et Full MVNO), avec l’intention de limiter à quatre ses opérateurs mobiles virtuels sur son réseau. Mais les prix pratiqués la filiale d’Iliad ne laissent pas d’espace économique suffisant aux candidats, certains criant à l’époque au scandale. Il faut dire que Free Mobile, lancé en 2012, faisait pâle figure en termes de couvertures géographique (Lire p.3). Free réussira l’exploit de n’être l’hôte d’aucun MVNO, sans que le régulateur n’y trouve à redire, malgré ses engagements sur la 5G.
Autre anomalie : bien que la Commission européenne et le Parlement européen ont supprimé depuis juin 2017 les frais d’itinérance (roaming) pour les consommateurs circulant dans les Vingt-huit (passés à Vingtsept) Etats membres, une dizaine de MVNO disposent encore d’exemptions – accordées par leur « Arcep » nationale – leur permettant de facturer un surcoût en cas de roaming. D’après NextInpact (6), Reglo Mobile (Altice/E. Leclerc) continue de le faire sans avoir demandé le renouvellement de son exemption. @

Charles de Laubier

Altitude Infra table sur l’arrêt programmé du cuivre pour conforter sa place de 3e opérateur de fibre

En France, Altitude Infrastructure (Altitude Infra) prospère en tant que troisième opérateur télécoms de fibre optique – derrière Orange et Altice. Aussi 1er opérateur indépendant sur les réseaux d’initiative publique (Rip) – devant Axione (Bouygues) et Orange –, il profitera de la fin de l’ADSL.

Si Orange et Altice sont les champions du déploiement en France des prises FTTH, avec respectivement 16,8 millions et 4,2 millions de lignes raccordables au 31 mars 2022, Altitude Infrastructure – alias Altitude Infra – se hisse tout de même à la troisième place avec plus de 2,6 millions de prises de fibre optique déployées. Et ce, loin devant Free qui compte à peine plus de 0,3 million de prises du même type. C’est du moins ce que montrent les derniers chiffres trimestriels publiés début juin par l’Arcep, avant les prochains à paraître le 8 septembre.

1er opérateur FTTH sur les Rip
De plus, Altitude Infra a annoncé mi-juillet qu’il avait – sur son parc de prises FTTH « raccordables » – dépassé pour la première fois 1 million de prises « commercialisées ». Car déployer de la fibre optique sur tous les territoires ne suffit pas, encore faut-il que ces prises trouvent leurs abonnés qui acceptent d’en payer le prix mensuel (1) et qui soient correctement raccordés (2). « En accueillant l’ensemble des opérateurs commerciaux sur ses plaques, Altitude Infra crée une réelle dynamique sur les territoires. Cette dernière est renforcée par un accompagnement soutenu des collectivités délégantes pour sensibiliser leurs administrés », se félicite David Elfassy (photo), président de cet opérateur alternatif régional.
Altitude est non seulement troisième opérateur d’infrastructures de fibre optique sur le territoire français, mais aussi premier opérateur indépendant de réseaux d’initiative publique (Rip). Ces derniers relèvent, depuis la loi « Confiance dans l’économie numérique » de 2004, du champ de compétences des collectivités territoriales en matière d’aménagement numérique du territoire.
Ainsi, Altitude Infra et ses plus de 2,4 millions de prises FTTH raccordables déployées dans les Rip en font le numéro un dans ce domaine devant : les 2,1 millions de prises d’Axione – filiale de Bouygues Energies & Services (51 %) et de Vauban IP/Natixis Investment Managers (49 %) –, les 2 millions de prises d’Orange, les 1,9 million de prise d’Altice France (maison mère de SFR), et des plus de 0,3 million de prise de TDF Fibre. Altitude Infra a aussi déployé 40.000 prises FTTH supplémentaires dans des zones moins denses d’initiative publique dites « Amel » (ayant fait l’objet d’appels à manifestation d’engagements locaux). Ce qui le place dans cette catégorie entre Altice et Orange. « En bénéficiant de 5 milliards d’euros d’investissement pour déployer, exploiter et commercialiser ses réseaux sur 29 départements (26 réseaux “très haut débit”), Altitude Infra affirme un ancrage local », souligne l’opérateur doté d’un effectif de 1.400 personnes et d’un siège social basé à Valde- Reuil (département de l’Eure, en Normandie). Créée en 1990, la société mère Altitude est familiale, cofondée par son président actuel Jean-Paul Rivière (70 ans) – 232e fortune de France, selon Challenges (3). L’entreprise s’est diversifiée dans les télécoms, la promotion immobilière et les résidences seniors. Il y a vingt ans, Altitude Télécom partait à la conquête des réseaux radio avant d’obtenir en 2006 – lors de la création d’Altitude Infrastructure – une licence WiMax (radio haut débit) pour couvrir les zones blanches mal desservies par l’ADSL. Mais David Elfassy, à qui Jean-Paul Rivière a confié en 2009 la présidence d’« Altitude Infra », a estimé que le WiMax était dépassé et, en 2012, a fait pivoter l’opérateur vers la fibre optique. Ce virage technologique lui a permis de profiter de l’impulsion du Plan France Très haut débit et de se spécialiser dans le déploiement de la fibre optique dans les territoires les moins bien connectés, avec l’aide financière des collectivités locales et territoriales.
« Avec la reprise des actifs de Kosc Télécom en juin 2020 et le rachat de 26 réseaux de Covage en septembre 2021, ce sont plus de 5 millions de prises, desservant plus de 12 % de l’ensemble des foyers français, qui seront produites et exploitées. Ces opérations permettent de développer une offre entreprises complète en ajoutant à l’offre historique FTTH de Kosc, une offre en fibre dédiée (FTTO) à laquelle 36 % des entreprises sont désormais raccordables », précise sur son compte LinkedIn David Elfassy, par ailleurs membre fondateur et vice-président d’Infranum (4).

Marché des entreprises : concurrence accrue
L’année 2022 marque en outre, au sein d’Altitude, la fusion de Covage et de Kosc sous la marque Covage. Et les acquisitions se suivent : en mai, Altitude a jeté son dévolu sur Phibee, une plateforme de qualité à destination des opérateurs internationaux ; en juin, l’opérateur télécoms du B2B s’est emparé d’Airmob pour élargir son offre au mobile en devenant full MVNO, mais aussi à l’IoT (Internet des objets). Cette offre aux entreprises complète les services proposés depuis 2017 par la filiale Linkt d’Altitude. De quoi rivaliser un peu plus avec les dominants Orange et SFR (5), et le nouvel entrant Free. @

Charles de Laubier

Itinérance 2G/3G Free-Orange : l’Arcep va consulter

En fait. Le 30 août, Iliad a publié ses résultats semestriels en hausse : 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et 639 millions d’euros de résultat net. Pour son réseau mobile – lancé il y a dix ans – Free bénéficie toujours d’un accord d’itinérance 2G/3G avec Orange. Doit-il être encore prolongé ?

En clair. « L’Arcep a reçu le 27 juillet 2022 un nouvel avenant au contrat d’itinérance conclu entre Free Mobile et Orange. Elle doit désormais l’analyser. Un appel à commentaires du secteur sera lancé dans les prochains jours », indique à Edition Multimédi@ une porte-parole du régulateur des télécoms. Le 3 mars 2011, France Télécom et Free Mobile signaient un accord d’itinérance nationale sur les réseaux 2G et 3G de l’opérateur historique pour y faire transiter le trafic Internet, voix et SMS/MMS du nouvel entrant.
Plus de dix ans après, cet accord – que Bouygues Telecom et SFR n’ont eu de cesse de contester, en vain – est toujours en vigueur. Le deal ne devait pas aller au-delà de 2018, ce que l’Autorité de la concurrence avait considéré en mars 2013 comme « une échéance raisonnable » (1). Autant au lancement en 2012 de Free Mobile, dépourvu à l’époque d’antenne réseau sur le territoire, cette itinérance était justifiée, autant aujourd’hui elle apparaît aux yeux de Bouygues Telecom et de SFR comme un avantage concurrentiel. Or, déjà renouvelé une première fois, cet accord d’itinérance élaboré par Nicolas Guérin – alors directeur juridique d’Orange – a été une seconde fois prorogé par un avenant de février 2020, soit jusqu’à fin 2022. Bien que désormais « déraisonnable », ce report avait quand même obtenu le feu vert de l’Arcep qui avait plafonné les débits de crête montants et descendants à 384 Kbits/s pour les clients en itinérance (au lieu de 1 Mbit/s en 2017). « L’Arcep n’a pas à ce jour jugé nécessaire de modifier les contrats de mutualisation et d’itinérance des opérateurs, y compris suite à cette prolongation », rappelle encore aujourd’hui Free. SFR et Bouygues Telecom avait aussitôt saisi le Conseil d’Etat pour demander l’annulation de cette décision, mais ils ont été déboutés le 15 décembre 2021. Au risque d’ulcérer à nouveau Bouygues Telecom et SFR, l’opérateur de Xavier Niel a obtenu d’Orange la prolongation de ce roaming national jusqu’en 2025. « En phase d’extinction progressive, la charge financière du contrat d’itinérance n’est désormais plus déterminante dans l’économie générale du groupe », temporise Iliad.
En Europe, Iliad voit aussi ses accords d’itinérance mobile 2G/3G/4G arriver bientôt à échéance eux aussi (2) : avec Orange Polska en Pologne en faveur de sa filiale Play (3) jusqu’en 2025, et avec Wind Te en Italie jusqu’en 2026. @