Pour M6, les FAI doivent payer pour ses chaînes

En fait. Le 20 novembre, Nicolas de Tavernost, président de Métropole Télévision – alias groupe M6 – fut l’invité d’honneur d’un dîner-débat organisé par le Club audiovisuel de Paris (CAVP). Il s’est dit « sûr » que les négociations avec les FAI pour distribuer ses chaînes sur leurs « box » aboutiront.

En clair. « Aujourd’hui, on a des négociations avec les opérateurs télécoms. Si ces négociations se passent correctement, on restera distribué par eux en payant (M6).
Si cela ne se passe pas bien, on ira refrapper à la porte du CSA au nom de l’urgence économique. Mais on en est pas là. (…) Et si les opérateurs nous cassaient fortement les pieds, on ferait alors de la distribution via Facebook ! Je ne pense pas que cela soit dans l’intérêt des télécoms… Je suis sûr que nous trouverons un accord », a confié Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, devant le Club audiovisuel de Paris qui le recevait le 20 novembre.
A l’heure où les principaux accords de distribution de ses chaînes payantes (Paris Première, Téva, Sérieclub, M6 Music et Girondins TV) arrivent à échéance fin 2017 avec les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), le groupe est en pleine renégociation pour mieux faire payer leur distribution sur les « box », les mobiles 3G/4G, le câble et le satellite (1). L’occasion aussi de mettre dans la balance la distribution de ses chaînes gratuites (M6, W9 et 6ter). « Si le distributeur [FAI ou plateforme, ndlr] vend nos services à ses clients, il n’y a pas de raison que l’on n’ait pas une certaine rétribution. Je ne doute pas que l’on aboutira car je ne vois pas un réseau télécoms se passer
de nos services. TF1 a déjà signé avec SFR ». La filiale télécoms d’Altice a en effet enterré la hache de guerre (lire EM@173, p. 4) en annonçant le 6 novembre « un accord global de distribution » : TF1 Premium, incluant les chaînes, le replay, une nouvelle chaîne agrégeant des programmes du groupe et de services en plus.
Nicolas de Tavernost veut valoriser ses chaînes payantes : Paris Première – « Ce n’est pas normal que l’on ne nous ait pas donné l’autorisation de passer en gratuité », peste-t-il encore – est la plus regardée des chaînes thématiques en France, avec 11,2 millions de téléspectateurs selon Médiamétrie, et 10,2 millions pour Téva. « Mais comme nous n’aimons pas trop mettre tous nos œufs dans le même panier, prévient-il, nous allons aussi distribuer en OTT. C’est ce que nous faisons avec 6Play, accessible sans passer par une “box”, tout comme le signal live de M6 ou de W9 avec l’application 6Play. A l’exemple des Etats-Unis où il y a une tendance au cord-cutting, nous allons aussi faire de la distribution sans cordon ! ». @

L’investissement des «telcos» franchit les 10 milliards

En fait. Le 15 novembre, le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, est intervenu au DigiWorld Summit de l’Idate, dont le thème était : « Investir dans notre futur numérique ». Selon nos calculs, la barre des 10 milliards d’euros d’investissement de la part des opérateurs télécoms est franchie en 2017.

En clair. 10 milliards d’euros : ce seuil symbolique de l’investissement total des opérateurs télécoms en France va être dépassé en 2017, hors achats de fréquences mobile, contre 8,9 milliards l’année précédente. En effet, si l’on applique à cette année au moins la même croissance annuelle à deux chiffres observée en 2016 (à savoir
13,4 %), la barre est franchie. Ce niveau d’investissement des « telcos » français
– tant dans le fixe que dans le mobile – sera du jamais vu depuis la libéralisation du secteur il y a deux décennies.
Ce montant de 10 milliards d’euros – inégalé depuis 1998, année historique de l’ouverture du marché de la téléphonie à la concurrence – devrait appeler d’autres records pour les années à venir, tant les investissements d’Orange, de SFR, de Bouygues Telecom et de Free – sans compter les opérateurs alternatifs (Kosc, Altitude, Covage, Coriolis, …) – se sont accélérés ces derniers mois sous la pression accrue
du gendarme des télécoms, bien décidé à « manier la carotte et le bâton » – pour reprendre l’expression employée par le président de l’Arcep, Sébastien Soriano,
le 25 octobre dernier devant les sénateurs qui l’auditionnaient. A Montpellier, où se tenait le DigiWorld Summit de l’Idate, il s’est félicité : « Nous constatons que la régulation pro-investissement, et bien… ça marche ! Depuis trois ans, nous constatons une croissance forte de l’investissement des opérateurs télécoms ». Et le gendarme du secteur assure ne pas hésiter à « taper du poing sur la table » (mises en demeure avec sanctions possibles) en cas de non-respect des obligations de déploiement, comme sur la 4G. En conséquence, le taux d’investissement des opérateurs de communications électroniques dans l’investissement global national – ce que l’Insee mesure à travers
le FBCF (1) – a déjà atteint l’an dernier le niveau sans précédent de 1,8 %, pour s’acheminer cette année vers les 2%. Pour autant, les déploiements très haut débit – malgré l’objectif présidentielle d’en couvrir toute la France d’ici 2022 – ne représentent que 3 milliards d’euros d’investissement en 2016, bien qu’en hausse de 25 %, soit tout juste un tiers du total. Et encore, c’est « toutes technologies confondues » (2) et donc bien moins si l’on s’en tient à la « solution mixte de fibre optique et de boucle locale radio » (3) que prône l’actuel chef de l’Etat Emmanuel Macron. @

Sébastien Soriano, président de l’Arcep : « Les opérateurs télécoms peuvent investir encore plus »

Le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, arrive à mi-chemin de son mandat
et préside en 2017 l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Berec). Alors que l’investissement des opérateurs télécoms en France franchit cette année – et pour la première fois – les 10 milliards d’euros,
il répond à Edition Multimédi@.

Edition Multimédi@ : L’investissement des opérateurs télécoms en France a progressé pour la seconde année consécutive à presque 9 milliards d’euros en 2016, soit
une hausse de 14 % en un an : à ce rythme, la barre des
10 milliards sera franchie en 2017 [lire page 3], ce qui, hors fréquences, serait sans précédent depuis la libéralisation
des télécoms en France ?

Sébastien Soriano : Nous ne faisons pas de fétichisme des chiffres… Il n’y a pas d’objectif de franchir les 10 milliards et l’investissement ne se compte pas qu’en euros. Pour autant, le cœur de notre régulation est de pousser les opérateurs télécoms à investir fortement. Nous nous réjouissons du réveil de l’investissement que nous constatons. Nos projections vont bien dans le sens d’une confirmation – encore en 2017 – d’un effort d’investissement important de la part des opérateurs télécoms. On va avoir besoin de cette ambition forte encore pendant plusieurs années. Il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers : ce sont des encouragements mais pas les félicitations du jury ! Nous voulons être d’abord dans l’incitation à investir des opérateurs télécoms, plutôt que dans une logique d’obligation. Cependant, pour satisfaire l’impératif d’aménagement du territoire, les réseaux doivent arriver jusque dans les zones rurales ou non rentables, selon des calendriers précis et contrôlables. Cela nécessite des instruments d’une autre nature, avec des subventions publiques possibles sur les réseaux fixe ou des contreparties avec les fréquences sur les réseaux mobile. Un cadre juridiquement contraignant est la bonne solution dans le fixe [très haut débit], cadre contraignant que l’on a déjà dans le mobile avec les fréquences.
Dans certaines zones, non rentables et où il y a des enjeux de couverture du territoire
– dont une partie des zones Amii (1) les moins rentables –, cela nous paraît tout à fait souhaitable qu’il y ait un régime juridiquement contraignant.

La presse en ligne sauve sa TVA à 2,10 %, pas les FAI

En fait. Le 21 octobre, lors des débats sur le projet de loi de Finances 2018, les députés ont rejeté – avec l’aval du gouvernement – un amendement qui prévoyait de supprimer la TVA super-réduite (2,10 %) dont bénéficie la presse en ligne depuis 2014. En revanche, ils interdisent les abus des FAI.

En clair. Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne pourront plus jouer avec la TVA à taux super-réduit, celle à 2,10 % réservée à la presse imprimée et depuis février 2014 à la presse en ligne. Ainsi en a décidé l’Assemblée nationale lors des débats sur le projet de loi de Finances 2018. « Il s’agit de réparer une erreur d’interprétation possible, qui permet[trait] à certains opérateurs économiques de profiter d’un vide juridique. Certains [FAI] vendent à leurs clients de la presse en ligne, accessible depuis leur téléphone ou leur tablette. Ils utilisent le taux réduit de TVA, destiné à la presse et non aux opérateurs – agents économiques soumis au taux normal de TVA – en considérant que la proportion d’achat de la presse permet d’élargir le bénéfice du taux réduit de TVA à d’autres activités. Il y a donc une sorte d’effet d’aubaine », a dénoncé Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. SFR (groupe Altice) avait été le premier FAI – avec son offre SFR Presse – à appliquer la TVA à 2,10 % sur une bonne partie des forfaits triple play payés par ses abonnés. Bouygues Telecom lui avait ensuite emboîté le pas, en s’appuyant sur la plateforme LeKiosk (également partenaire de Canal+).
Potentiellement, selon une analyse de JP Morgan daté de juin, si les deux autres FAI
– Orange et Free – avaient suivi, le total représenterait pour l’Etat une perte fiscale de
1 milliard d’euros ! Il faut dire que, par ailleurs, les opérateurs télécoms s’estiment toujours trop taxés au profit des industries culturelles et des collectivités territoriales (lire p. 8 et 9). En juillet, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) s’était insurgé contre ses offres de presse couplées, « un hold-up fiscal par des acteurs économiques dont la presse n’est pas le principal métier ».
Quoi qu’il en soit, l’article 4 du « PLF 2018 » corrige cette faille qui profite aux FAI. En revanche, toujours dans l’hémicycle, le ministre Gérald Darmanin s’est opposé à un amendement déposé par  la députée Emmanuelle Ménard (1) qui demandait la suppression du taux super-réduit pour la presse en ligne car « contraire à la directive européenne “TVA” du 28 novembre 2006 » (2). Et de s’en prendre à Mediapart, qui, selon elle, profiterait d’« un cadeau fiscal totalement injustifié de près de 1 million d’euros par an ». Après un avis défavorable de Gérald Darmanin, l’amendement ne
fut pas adopté. @

Les trois « injustices fiscales » qui pénalisent les opérateurs télécoms, selon leur fédération

Créée il y a dix ans (septembre 2007), la Fédération française des télécoms (FFTélécoms) fait de la fiscalité qu’elle juge « discriminatoire » envers les opérateurs un combat. Au moment où le projet de loi de Finances 2018 est débattu, revenons sur ces taxes qui profitent à la culture et aux collectivités.

Par Katia Duhamel, experte en droit et régulation des TIC, K. Duhamel Consulting

La Fédération française des télécoms (FFTélécoms) a publié en mars 2017 un état des lieux du secteur et des propositions pour faciliter les déploiements, assurer une équité entre tous les acteurs du numérique et favoriser l’innovation et la confiance numérique. La nécessité de revoir une fiscalité que les opérateurs télécoms jugent
« rigide, complexe et inéquitable » est un des principaux messages délivrés par ce document (1).