Pour la TVA, Altice s’est débarrassé de SFR Presse

En fait. Le 4 avril, Capital a révélé que SFR a été l’an dernier notifié par Bercy d’un nouveau redressement fiscal de 420 millions d’euros, portant le total à 830 millions d’euros dus par Altice. En cause : les bénéfices, dont ceux réalisés de 2016 à 2018 en appliquant 2,10 % de TVA « presse » à ses offres triple play.

En clair. Si SFR est à nouveau redressé fiscalement pour notamment avoir indûment appliqué sur ses abonnements triple play – et durant près de deux ans (juin 2016 à février 2018) – le taux de TVA super réduit (2,10 %) pourtant réservé à la presse (et donc applicable en principe à son seul kiosque SFR Presse), il n’est pas le seul opérateur télécoms en France à avoir pratiqué ce « hold-up fiscal » (1). Bouygues Telecom lui avait emboîté le pas, en s’appuyant sur la plateforme LeKiosk (également partenaire de Canal+). De son côté, Orange avait intégré depuis l’automne 2017 le kiosque ePresse qui avait été reprise par le groupe Toutabo.
Potentiellement, selon une analyse à l’époque de la banque d’investissement JP Morgan, le total de cet astuce fiscal pratiqué par les quatre opérateurs télécom, Free compris, aurait représenté pour l’Etat une perte fiscale de 1 milliard d’euros sur une année ! Bercy avait alors tapé du poing sur la table et avait mis un terme à cet abus en l’interdisant par la loi de Finances 2018 (article 8) avec un retour obligatoire au taux normal (20 %) à partir du 1er mars de cette année-là (2). C’est tout récemment que l’on a su pourquoi Altice, la maison-mère de SFR, avait cédé son kiosque numérique SFR Presse – créé en avril 2016 et racheté en mai 2020 par Cafeyn, ex-LeKiosk (3), lequel a également repris la plateforme de numérisation de contenus miLibris qu’Altice avait acquis en 2017. En effet, lors de son audition le 2 février dernier devant la commission d’enquête sur la concentration dans les médias en France (lire aussi en Une), Patrick Drahi, fondateur et propriétaire d’Altice, a révélé que l’abandon de SFR Presse avait été décidé pour des raisons uniquement fiscales : « Il existait deux régimes de TVA différents en France, celui des télécoms [20 %] et celui des médias [2,10 %]. La télévision à péage était soumise à un taux de TVA de 5,5 %. Nous avons effectivement profité du régime en place. Du coup, après on me dit, on change la loi, cela passe à 20 %. Il n’y avait plus d’intérêt à le diffuser [parlant de SFR Presse, ndlr]. Cela s’est écroulé. Je suis un mécène pour quelques jours mais pas pour le restant de ma vie. Donc nous nous sommes débarrassés de cela ». Selon Capital, qui a révélé le nouveau redressement fiscal du groupe Altice (4), celui-ci saisira sûrement la justice contre ces redressements, comme Patrick Drahi l’avait fait avec Numericable. @

Fibre-gate : l’Arcep pressée de mettre en demeure

En fait. Le 4 avril, 28 collectivités locales – parmi les membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca) – ont cosigné un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants accusés de « mauvaises pratiques pour raccorder à la fibre optique les Français ». L’Arcep va-t-elle les mettre en demeure ?

En clair. La pression augmente sur l’Arcep, appelée par des collectivités locales et agglomérations à mettre en demeure les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants pour non-respect de leurs obligations dans le déploiement de la fibre et le raccordement des abonnés. « Malfaçons », « dégradations », « négligence », « déconnexions », « mises en danger », « imprévoyances », … lorsque les branchements anarchiques des fibres optiques dans les armoires de mutualisation du réseau ne se transforment pas en « plats de nouilles » : les territoires sont plus que jamais excédés par le manque de contrôle des opérateurs télécoms – Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free et Altitude en tête – sur les raccordements finaux des abonnés à la fibre. « Les opérations techniques sont intégralement sous-traitées sans contrôle, mal rémunérées et, pour certaines, réalisées en dépit des règles de l’art et de la sécurité des personnes », ont dénoncé le 4 avril une trentaine de collectivités locales – membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca), en lançant un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants (1). En cause : le non-respect des contrats dits « Stoc » (sous-traitance opérateur commercial), auxquels s’étaient pourtant engagés il y a plus d’un an les différents intervenants du Plan France Très haut débit. Cela fait près de deux ans maintenant, notamment depuis le scandale des « plates de nouilles » (sac de nœuds dans le raccordement des fibres dans les locaux techniques), qu’il y a manquements flagrants.
Or le gendarme des télécoms a le pouvoir de « sanctionner les manquements » des intervenants sur le réseau. L’Arcep peut même, après mise en demeure, décider « la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d’établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans » (2). C’est ce à quoi a fait référence Grégoire de Lasteyrie, président de l‘agglomération de Paris-Saclay et maire de Palaiseau, dans sa saisine de l’Arcep remise le 30 mars (3) à la présidente de cette dernière, Laure de La Raudière. Elle-même a « de plus en plus de mal à dire que ce formidable projet de déploiement de la fibre, pour tous et partout, est une réussite, tant il y a des problèmes de qualité sur certains territoires » (4). @

Retour sur la bataille « Molotov versus TF1-M6 » : la gratuité des chaînes de la TNT a des limites

Ouverte au grand public en 2016, la plateforme française Molotov – qui a été rachetée en novembre 2021 par l’américain FuboTV – « révolutionne l’accès à la télévision ». Mais la justice française a tranché : la gratuité des chaînes de la TNT n’est pas extensible au streaming sur Internet.

Par Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

Depuis le différend de 2014 entre Play Media, pionnier de la diffusion de chaînes en ligne, et France Télévisions – affaire qui s’est soldée par le rejet du « must carry » (1)–, la question de la distribution des chaînes de télévision par des distributeurs Internet semble avoir trouvé définitivement sa réponse judiciaire avec la plateforme numérique de télévision Molotov. Cette dernière, rachetée en novembre 2021 par l’américain FuboTV, vient de perdre successivement deux nouveaux procès contre les éditeurs de chaînes TF1 et M6.

Molotov confronté dès 2017 à TF1 et M6
Rappelons que la révolution numérique a fait évoluer les besoins du consommateur, notamment dans sa manière de regarder un programme audiovisuel. De simple spectateur dépendant du moment de diffusion à la télévision, le consommateur veut dorénavant pouvoir regarder son programme quand il le souhaite, comme il le souhaite et sur le support qu’il souhaite. En conséquence, aux côtés de l’offre des réseaux classiques (TNT, satellite, câble et ADSL/VDSL2), des applications OTT (Over-the-Top), telles que celle du français Molotov proposent d’accéder – par le biais d’un portail unique – à des contenus issus de différentes chaînes de télévision linéaire, d’une part, avec des services associés parfois payants (recherche, rattrapage, reprise de programmes depuis le début) et, d’autre part, sur tous les écrans et appareils connectés.
Si les chaînes de télévision ont des accords de distribution rémunérateurs avec les fournisseurs d’accès à Internet, tels qu’Orange, SFR, Bouygues Telecom ou Free, elles demeurent concurrentes des purs distributeurs de services OTT sur Internet. Ce qui différencie principalement les applications des éditeurs de chaînes (comme TF1 ou M6) des simples distributeurs OTT (comme Molotov ou Watch It), c’est que les éditeurs ne proposent que leurs propres chaînes, ce qui limite forcément l’attractivité de leurs services. A l’inverse Molotov propose aujourd’hui sur sa plateforme les programmes linéaires et non linéaires de plus de 200 éditeurs et chaînes, soit la quasi-totalité du paysage audiovisuel français. Pour se différencier, les éditeurs de chaînes doivent donc proposer des fonctionnalités spécifiques comme des avant-premières, des programmes exclusifs et des prolongements de leurs émissions-phare et le start-over qu’elles n’autorisent pas toujours chez leurs concurrents OTT. En 2015, Molotov avait conclu des contrats de distribution expérimentaux avec M6 (2) et avec TF1 (3). A partir de 2017, TF1 puis M6 ont informé Molotov qu’ils allaient restructurer les conditions de distribution de leurs services, en exigeant une rémunération pour le droit de distribuer leurs chaînes de la TNT en clair avec des services associés. Des négociations distinctes se sont engagées entre les chaînes et Molotov. Faute d’accord, M6 et TF1 ont mis fin à la reprise de leurs chaînes à compter respectivement du 31 mars 2018 et du 1er juillet 2019. Molotov est passé outre et a poursuivi la reprise des chaînes des groupes TF1 et M6 sans autorisation. La question était donc de savoir si Molotov devait, ou pas, obtenir l’accord de M6 et de TF1 pour continuer diffuser leurs chaînes en streaming gratuitement sur Molotov.tv.
Le distributeur avait saisi l’Autorité de la concurrence (ADLC) le 12 juillet 2019 en prétendant que l’échec des négociations était lié au lancement concomitant de Salto, une plateforme concurrente créée par M6, TF1 et France Télévisions. Par une décision en date du 30 avril 2020, l’ADLC avait débouté intégralement la société Molotov de ses demandes dès lors qu’elle n’apportait pas d’éléments suffisamment probants à l’appui de ses allégations à savoir • d’abus de position dominante collective des groupes FTV, M6 et TF1 • d’abus de dépendance économique pour chacune de ces relations (d’abord Molotov/TF1 puis Molotov/ M6) et non collectivement (Molotov/M6/TF1) • d’allégation d’entente horizontale concernant la création de Salto • de restriction verticale alléguée du fait d’une clause dite de « Paywall » (4) contenue dans les conditions générales de distribution du groupe M6.

Pas de must carry sur Internet
De leurs côtés, et du fait de la poursuite de la diffusion de leurs chaînes sans autorisation par Molotov, TF1 et M6 avaient – chacune de leurs côtés – saisi le tribunal judicaire d’une action en contrefaçon. Dans les deux affaires, la société Molotov prétendait notamment qu’elle n’avait pas besoin d’autorisation de TF1 et de M6 du fait de l’obligation légale de reprise dite «must carry » (5), conçue pour les modes de diffusion historiques (hertzien, câble, satellite). Molotov soutenait que, de par la loi et ses engagements vis-à-vis du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA, aujourd’hui l’Arcom), elle avait l’obligation de fournir à ses abonnés un accès linéaire gratuit aux chaînes en clair, quel que soit le mode de diffusion. Ce qui impliquerait corrélativement que TF1 et M6 étaient obligées de lui proposer une offre tenant compte de cette contrainte économique. Le tribunal a rejeté l’argument en rappelant que, hors voie hertzienne (via la TNT depuis 2011), il n’y a aucune obligation légale de mise à disposition du signal à un distributeur, que ce soit par satellite ou, comme en l’espèce, par Internet.

Condamnation pour contrefaçon
Le tribunal a considéré que la loi n’impose pas que les éditeurs privés de services audiovisuels gratuits soient tenus de mettre à la disposition des distributeurs leurs services, mais seulement d’assurer gratuitement leur diffusion auprès de la population. Le tribunal rappelle que ce point été déjà été jugé notamment par la cour d’appel de Paris en 2020 dans la procédure opposant l’opérateur télécoms Free aux sociétés BFM, RMC et Diversité France en jugeant « qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne s’oppose à ce qu’un éditeur autorisé à exploiter un service par voie hertzienne terrestre et ne faisant pas appel à une rémunération de la part des usagers, subordonne la fourniture de ce service à une rémunération de la part d’un distributeur de services qui met à disposition du public, par un réseau n’utilisant pas des fréquences assignées par le [CSA] une offre de service de communication audiovisuelle comportant des services de télévision ou de médias audiovisuel à la demande » (6).
Le tribunal a aussi rejeté les demandes Molotov portant sur la violation, par les chaînes TF1 et M6, des règles édictées par l’ADLC, sur la volonté des chaînes de soumettre Molotov à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et sur l’existence d’une stratégie d’éviction mise en œuvre par les chaînes.
Par un jugement du 2 décembre 2021 pour M6 (7) et du 7 janvier 2022 pour TF1 (8), la société Molotov a été reconnue coupable d’actes de contrefaçon de droits voisins et des marques des sociétés du groupe M6 depuis le 31 mars 2018 et du groupe TF1 depuis le 1er juillet 2021. De plus, la société Molotov a été condamnée à payer à 7 millions d’euros de dommages et intérêts à M6 et 8,5 millions d’euros à TF1. Enfin, la plateforme doit également cesser de diffuser les chaînes en cause – sous astreinte journalière de 100.000 euros pour M6 et de 75.000 euros pour TF1. Pour autant, le 17 décembre 2021 pour M6 et le 7 février 2021 pour TF1, Molotov a annoncé avoir signé un accord de distribution permettant la diffusion desdites chaînes sur sa plateforme de streaming, ainsi que de leurs replay et bonus. Dans les deux cas, les chaînes en clair des deux groupes télévisuels ne seront plus accessibles gratuitement en dehors des offres payantes de la plateforme. La société Molotov a indiqué regretter cette situation et a réaffirmé « son attachement à la gratuité pour tous des chaînes en clair de la TNT ». Y a eu réellement des regrets à avoir ? Ne devrions nous pas, au contraire, être pleins d’espérance du fait de la confirmation judicaire (que nous espérons définitive) du périmètre réel de ladite gratuité ? Le mythe de la gratuité est tenace sur Internet. Si son principe n’a jamais été contesté, c’est son périmètre qui est discutable, et notamment le caractère excessif que certains ont voulu lui conférer pour justifier, moralement, l’accaparement du bien ou du travail d’autrui. Rappelons que la gratuité a permis, sur Internet, le partage des connaissances notamment par le biais du RFC (Request For Comments) pour permettre l’élaboration du réseau. De plus, les fondateurs ont conçu Internet comme un espace public accessible et défini comme un bien commun. Cependant, la gratuité de cet espace n’est pas un modèle automatiquement transposable dans le domaine marchand. D’autant que la question de la gratuité n’est pas la même selon qu’on l’envisage sous l’angle du consommateur final ou sous l’angle du professionnel intermédiaire.
Pour le consommateur final, la gratuité du service obtenu est un leurre comme le rappelle l’adage « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit », mais c’est l’affaire dudit consommateur. En cas d’intermédiation d’un second professionnel dans la relation entre un premier professionnel et un consommateur, la gratuité destinée au consommateur final ne justifie pas que ledit intermédiaire (comme les OTT) puisse utiliser le service gratuitement pour vendre ses propres services. Dans le cas des OTT, voilà donc rappelé une nouvelle fois que la gratuité qui s’impose, de par la loi, aux éditeurs de chaines en clair de la TNT, ne concerne que la relation entre l’éditeur de la chaîne et le public. Cette gratuité ne peut donc être revendiquée par d’autres « intermédiaires repreneurs » pour une diffusion sur Internet sans autorisation. Espérons que cette saga sonnera définitivement le glas de l’interprétation extensive du concept de gratuité.

Les effets pervers de la gratuité
Gardons aussi à l’esprit les effets pervers de la gratuité. Cette dernière n’est qu’apparente sur Internet et elle est permise notamment par le financement publicitaire. Cependant les budgets publicitaires n’étant pas extensibles, ceux-ci se sont déplacés des médias historiques (presse, radio) vers les supports numériques marchands. Ce qui a contribué, à due concurrence, à une baisse importante des ressources desdits médias, avec les conséquences auxquelles nous sommes confrontées sur la qualité de l’information. Si la gratuité est un concept très attractif, il reste cependant une loi d’airain selon laquelle ce que l’on ne paye pas aujourd’hui sera payé très cher demain. @

* Fabrice Lorvo est l’auteur du livre « Numérique : de la
révolution au naufrage ? », paru en 2016 chez Fauves Editions.

Des organisations et lobbies du numérique et des télécoms prennent position contre la guerre en Ukraine, d’autres non

De organisations professionnelles et lobbies du numérique, des réseaux et de la tech ont pris position contre la guerre en Ukraine. Leurs membres – que ce soit les GAFAM, les opérateurs télécoms ou les autres entreprises de services numériques – condamnent la Russie, soutiennent les Ukrainiens, voire prennent des sanctions.

« En cette période dramatique, Numeum tient à affirmer au nom de l’ensemble des entreprises qui le compose, sa pleine et entière solidarité avec le peuple ukrainien, ainsi que son total soutien aux pouvoirs publics français et européens qui gèrent cette crise difficile », a déclaré le 2 mars le syndicat professionnel de l’écosystème numérique en France, né en juin 2021 de la fusion de Syntec Numérique et de Tech in France. Numeum, qui compte 2.255 adhérents, le plus souvent des entreprises de services numérique (ESN), a en outre fait savoir qu’il avait saisi le gouvernement français d’« une demande officielle visant à faciliter l’octroi de permis temporaire de résidence et de travail à tout réfugié ukrainien opérant dans les technologies qui en fera la demande et avec l’accord des autorités ukrainiennes » (1).

Numeum, GSMA, Etno, DigitalEurope, CCIA…
En revanche, pas un mot sur la guerre en Ukraine dans d’autres organisations professionnelles du numérique en France telles que France Digitale ou l’Afnum, ni même la FFTélécoms, fédération française des télécoms. Mais cela n’empêche pas les quatre principaux opérateurs télécoms français de prendre depuis le 25 février des initiatives – tarifaires – en rapport avec l’Ukraine : Orange et SFR ont rendu les appels vers l’Ukraine gratuits ; Bouygues Telecom et Free ont baissé leurs tarifs en direction de ce pays en guerre contre l’invasion de la Russie. « Orange se mobilise pour permettre à ses clients grand public de rester en contact avec leurs proches en Ukraine », a indiqué sur son site web le premier opérateur télécoms français : gratuité durant deux semaines des appels internationaux, SMS et MMS émis depuis les mobiles Orange et Sosh en France Métropolitaine vers les numéros fixes et mobiles ukrainiens.
Lors de la grand-messe internationale de l’écosystème mobile, le Mobile World Congress (MWC), qui s’est tenue à Barcelone du 28 février au 3 mars derniers, la GSMA – qui l’organise – a « condamn[é] fermement l’invasion russe de l’Ukraine », tout en précisant qu’« il n’y [a] pas [eu] de pavillon russe » lors de cette édition 2022 (2). Représentant plus de 750 opérateurs mobiles dans le monde et 400 entreprises, la GSMA est basée à Londres et de son bras armé commercial à Atlanta aux Etats-Unis (3). En Europe, une autre association d’opérateurs télécoms – l’Etno dont sont membres les opérateurs de réseaux historiques tels que Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, ou encore Altice Portugal – a elle aussi pris position : « Alors que le peuple ukrainien endure ses plus dures épreuves, les entreprises européennes de télécommunications déploient des mesures pour faciliter les communications et soutenir les personnes en détresse », a déclaré le 28 février cette organisation basée à Bruxelles (4). L’Etno a ainsi listé une batterie de mesures – variant d’un opérateur à l’autre : des appels internationaux gratuits vers l’Ukraine aux connexions Wifi gratuites dans les camps de réfugiés, en passant par l’inclusion des chaînes de télévision ukrainiennes dans les forfaits IPTV sans frais supplémentaires (5). Toujours au niveau européen, le lobby DigitalEurope (ex- Eicta), qui est également installée à Bruxelles et qui représente les GAFAM (6) ainsi que Samsung, Huawei, Sony, Nvidia ou encore Dropbox, y est allé aussi de son statement : « Nous appuyons sans réserve les mesures prises par l’Union européenne (UE). Mais les sanctions ne sont pas suffisantes. L’Ukraine a besoin d’un soutien immédiat en matière de cybersécurité », a-t-il lancé le 24 février. Et de déclarer : « Nous, qui représentons 36.000 entreprises de la numérisation en Europe, exprimons notre pleine solidarité avec le peuple ukrainien face à l’agression russe actuelle. (…). Avec l’Otan [Organisation du traité de l’Atlantique Nord, à caractère politico-militaire, dont sont membres 30 pays (7), ndlr], les dirigeants de l’UE peuvent soutenir l’Ukraine en fournissant un soutien immédiat en matière de cybersécurité ». DigitalEurope appelle en outre les dirigeants – des pays de l’UE voire de l’Otan – à « accélérer le traitement de toutes les demandes de visa pour ceux qui fuient l’Ukraine – ils méritent tous notre soutien » (8). En revanche, un autre lobby des GAFAM (entre autres), appelé Dot Europe (ex-Edima) et agissant également à Bruxelles, ne dit mot. Aux Etats-Unis, cette fois, la Computer & Communications Industry Association (CCIA), dont sont membres les GAFA aux côtés de Twitter, Pinterest, Yahoo, Rakuten, eBay, Uber, Samsung, Intel et d’autres : «La CCIA condamne l’invasion, non provoquée, par le gouvernement russe de la nation souveraine de l’Ukraine, et se joint aux dirigeants du monde entier pour exiger que la Russie cesse immédiatement son agression ».

Des Big Tech suspendent des produits et services
En représailles, les entreprises membres de ce puissant lobby qu’est la CCIA, créée il y a un demi-siècle cette année (bien avant Internet) et basée à Washington, « ont suspendu de nombreux produits et services conformément aux sanctions financières de l’administration [Biden] visant à mettre fin à cette guerre insensée ». Et de fustiger l’attitude du Kremlin en visant sans le nommer Vladimir Poutine (photo) : « La CCIA condamne la censure continue des services de communications numériques par le gouvernement russe dans le but de dissimuler sa barbarie à son propre peuple […], marque d’un autoritarisme » (9). @

Charles de Laubier

Yahoo reçoit le «Laurier Numérique» du Club de l’audiovisuel pour sa production « La Face Katché »

Six mois après l’acquisition des activités médias de Verizon par le fonds d’investissement newyorkais Apollo pour 5 milliards de dollars, Yahoo – partie du lot cédé – tutoie le milliard de visiteurs dans le monde. Sa filiale française, elle, remporte le « Laurier Numérique » du Club de l’audiovisuel.

Aux 27es Lauriers de l’Audiovisuel, qui se sont tenus le 21 février au théâtre Marigny à Paris pour récompenser les meilleurs programmes radio, télévision et web (1), la filiale française de Yahoo a été distinguée par l’organisateur, le Club de l’audiovisuel (2). Sa série d’interviews consacrée à la diversité – « La Face Katché » (3) – et diffusée sur sa plateforme média, a remporté le « Laurier Numérique » face aux deux autres nommés issus des plateformes France.tv (« Carrément Craignos ») et Arte.tv (« Libres »).

Partis pris éditoriaux et sujets de société
« La Face Katché » est un programme produit et diffusé par Yahoo depuis novembre 2020. « Il s’agit d’une série d’interview intimistes [menées par le batteur et auteurcompositeur français Manu Katché, ndlr], qui ont souvent lieu chez la personnalité qui nous reçoit dans son salon. C’est une particularité assez rare. Chaque épisode, après montage, dure une dizaine de minutes. Nous réalisons un épisode par mois environ, chacun totalisant en moyenne 1 million de vues », explique à Edition Multimédi@ Alexandre Delpérier (photo de droite), directeur des contenus et de l’information de Yahoo France. Ont ainsi joué le jeu de ce format intimiste des personnalités issues de la diversité telles qu’Amel Bent, Yannick Noah (4), Joey Starr, Marie-Jo Perec, Patrick Bruel, Harry Roselmack ou encore Akhenaton. Nouvelle interview : celle de Gad Elmaleh, mise en ligne le 23 février. « Nous proposons aussi une expérience différente : un article contenant quatre ou cinq extraits de la vidéo longue, un podcast de la quasi-intégralité de l’entretien. Tout est produit en interne avec le budget global éditorial », préciset- il. Ce programme avait déjà reçu en 2021 le Prix Argent dans la catégorie « Meilleures initiatives éditoriales » (meilleur programme, émission online) par le « Grand Prix Stratégies de l’innovation médias » (5).
Alexandre Delpérier revendique pour ces productions originales le « parti pris éditorial » et des « contenus engagés et différenciants », en mettant l’accent sur des « sujets de société » (« Président(e) 2022 », « Carnet de Santé », « Convictions », « Joyeux Anniversaire », …). Ce « virage stratégique » négocié par Yahoo France en 2018 lui permet d’atteindre aujourd’hui des audiences en « progression soutenue ». Rien qu’en décembre 2021, dont Médiamétrie a publié les résultats le 27 janvier dernier, l’ensemble des médias de la marque Yahoo affiche un total de plus de 27,7 millions de visiteurs uniques sur ce mois. Au sein de cette fréquentation globale (sur ordinateur et/ou smartphone et/ou tablette), Yahoo Actualités (6) a franchi depuis l’automne dernier la barre des 10 millions de visiteurs uniques par mois. « Ces choix éditoriaux rencontrent un large succès. Nous sommes à la fois créateurs mais aussi agrégateur de contenus. Ainsi, sur Yahoo, vous retrouvez les contenus de BFM, d’Europe 1, de L’Equipe, de Paris Matchparmi plus de 40 marques média », indique Alexandre Delpérier, lui-même journaliste sportif, animateur de radio et de télévision. Chaque pays produit ses propres contenus, l’objectif étant de proposer des formats capables d’intéresser des cibles locales. Le nerf de la guerre est en effet de monétiser cette audience par de la publicité programmatique et vidéo. « La France est, à l’international, l’un des pays où Yahoo réalise ses meilleures audiences, hors Etats-Unis. Grâce à nos résultats, nous avons la chance de disposer d’une oreille attentive auprès des dirigeants d’Apollo (7), même si nous venons de quitter nos locaux du boulevard Haussmann [à Paris, pour aller au 18 boulevard Malesherbes, ndlr]. Nous disposons toujours d’un outil interne de production. Nos budgets sont identiques pour la production de contenus », nous confie Alexandre Delpérier.
Depuis le 27 septembre, Jim Lanzone – ancien patron de Tinder – est le nouveau directeur général du groupe californien Yahoo au niveau mondial (8). Il chapeaute non seulement Yahoo mais aussi AOL, TechCrunch, Engadget ou encore Autoblog, soit une audience de près de 900 millions de visiteurs (9). Le miliard n’est pas loin.

Nouvelle direction à Yahoo France
Avec ce Laurier Numérique, Yahoo renforce ainsi sa reconnaissance de la part du monde audiovisuel français (10). Cette consécration au sein du pays de « l’exception culturelle française » n’est pas anodine, surtout au moment où les géants du long-métrage vidéo (Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, …) se renforcent dans le financement du 7e Art français. Pour Claire Michel-Pfohl (photo de gauche), promue en janvier directrice générale de Yahoo France (après avoir été directrice des ventes médias et adtech en France et Allemagne), c’est comme un cadeau de bienvenue. @

Charles de Laubier