Taxe pour la copie privée : sans le piratage en ligne ?

En fait. Le 29 novembre, les députés ont voté en faveur du projet de loi sur la rémunération de la copie privée. Il établir un nouveau cadre législatif en excluant notamment des calculs de la commission « Hadas-Lebel » la copie privée des œuvres piratées. Cela lui impose de réaliser des études d’usages.

En clair. Il était temps ! Surtout que les sénateurs vont adopter à leur tour in extremis ce texte le 19 décembre… C’est en effet à partir du 22 décembre prochain que la commission « copie privée » et la plupart de ses barèmes de rémunération allaient devenir hors-la-loi. La taxe pour copie privée, qui rapporte environ 180 millions d’euros par an aux ayants droits (1), était ainsi remis en cause par le Conseil d’Etat le 17 juin dernier, à la suite
d’un arrêt du 21 octobre 2010 de la Cour de justice de l’Union européenne exemptant
les supports acquis pour un usage professionnel de la « taxe » copie privée (2). Ce n’est pas la première fois que le Conseil d’Etat porte un coup fatal à la commission baptisée
« Albis » (du nom de son ancien président jusqu’en octobre 2009), puis « Hadas-Lebel » (son successeur). En effet, la Haute juridiction administrative – saisie par le Simavelec
(3) – avait annulé le 11 juillet 2008 toutes les décisions de la commission qui dépend
de trois ministères (Culture, Industrie et Consommation). Car elle n’aurait pas dû établir ses barèmes sans exclure de ses calculs les musiques ou les films téléchargés illégalement sur Internet et les réseaux peer-to-peer. Résultat : le premier article du
projet de loi stipule que la rémunération pour copie privée ne concerne que les copies
« réalisées à partir d’une source licite ». Encore faut-il des « enquêtes » sur les usages
de chaque type de support. Le texte prévoit donc que non seulement « le montant de la rémunération [taxe mentionnée sur l’étiquette lors de l’achat, ndlr] est fonction du type de support et de la durée d’enregistrement qu’il permet », mais aussi – est-il rajouté à l’article 3 – que « ce montant est également fonction de l’usage de chaque type de support ».
« Cet usage est apprécié sur le fondement d’enquêtes ». Chaque support à taxer doit donc faire l’objet d’une étude d’usages soit préalable, soit dans certains cas « objectifs » dans un délai d’« un an à compter de cet assujettissement ». Par exemple, selon nos informations, la commission « Hadas-Lebel » a reçu en novembre une étude sur les disques durs multimédias, l’une des douze enquêtes confiées à l’institut de sondages CSA. Les smartphones, les tablettes, les enregistreurs vidéo de salon ou encore les
box des FAI auront chacun une étude d’usages. @

Pour le livre, le dossier “Hadopi” est mis de côté

En fait. Le 8 novembre, Christine de Mazières, déléguée générale du Syndicat national de l’édition (SNE), nous a indiqué que le projet de déposer un dossier « Hadopi » auprès de la Cnil pour une « réponse graduée » contre le piratage de livres numériques n’était plus une priorité pour l’instant.

En clair. Après avoir auditionné les trois prestataires techniques que sont Trident Media Guard (TMG), Attributor (société américaine) et Hologram Industries (ex-Advestigo),
le Syndicat national de l’édition (SNE) n’a finalement rien décidé. « Nous avons mis le dossier “Hadopi” de côté car la question du piratage de livres numériques en France ne se pose pas vraiment encore. Le marché du livre numérique online, c’està- dire hors ouvrages sur CD-Rom, ne représente encore pas grand-chose – environ 1 % – sur le marché français », explique Christine de Mazières, déléguée générale du SNE, à Edition Multimédi@, lors des 3e Assises professionnelles du livre. C’est en janvier dernier que nous avions révélé l’intérêt de la filière du livre pour la « réponse graduée » de l’Hadopi (1) et se son projet de déposer un dossier de demande d’autorisation auprès de la Cnil pour pouvoir relever les adresses IP des internautes soupçonnés de piratage d’ebooks. En mars dernier, l’Observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France (Motif) a publié son étude « EbookZ 2 » qui montrait que le piratage était encore marginal. « Pour les éditeurs, ce n’est pas la priorité du moment. Développer leur présence sur les liseuses et tablettes qui arrivent sur le marché français les occupent plus actuellement », ajoute Christine de Mazières.
Le développement d’offres légales (voir ci-dessus) est la priorité. Mais le SNE
continue d’explorer les solutions techniques en vue de mettre en place une « procédure automatisée de notification et retrait des contenus illicites », dès lors que l’éditeur est capable d’identifier techniquement l’hébergeur du site web pirate. En attendant, le syndicat présidé par Antoine Gallimard incite les maisons d’éditions à communiquer
les adresses de sites proposant des téléchargements illégaux. Et ce, afin de constituer une « liste [qui] permettra par recoupement d’identifier les sites et réseaux les plus actifs dans le domaine du piratage de livres », peut-on lire dans le rapport d’activité 2010-2011 du SNE publié le 30 juin dernier lors de l’assemblée générale (2). Une adresse mail – juridique@sne.fr – a été créée à cet effet, le SNE proposant en plus à ses membres une procédure et des courriers types. Mais, Christine de Mazières nous indique que ce point de signalement enregistre « très peu de remontées ». @

Pourquoi François Hollande est contre la Hadopi

En fait. Le 16 octobre, François Hollande a été élu à 56,6 % des suffrages
(2,86 millions de votants) candidat PS à la présidentielle de 2012. Il prône
un « pacte pour la création numérique », une loi et un régulateur « contre
les majors » pour remplacer la Hadopi.

En clair. François Hollande veut « dépénaliser » le téléchargement, comme il l’a expliqué le début octobre devant l’ARP, la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs.
Ce qui revient à abroger la loi Hadopi et, partant, à supprimer la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, contrairement a ce qu’il avait laissé entendre aux cinéastes (1). Depuis juin dernier, il écrivait sur son site web de campagne présidentielle : « Notre responsabilité en 2012 sera de mettre un terme au plus vite au conflit entre créateurs et internautes en abrogeant le dispositif Hadopi
et en le remplaçant par ce nouveau mécanisme [une faible redevance couplée à la réorientation de la taxe sur les fournisseurs d’accès Internet (FAI), qui permettra de dégager jusqu’à 1 milliard d’euros annuels pour rémunérer les droits d’auteurs] ». Il était ainsi en ligne avec la position de la Sacem, prônant une « contribution compensatoire prélevée sur les FAI ». Mais depuis début octobre, François Hollande a changé d’avis en renonçant à sa « taxe sur les FAI » et en prenant le contre-pied de Martine Aury favorable, elle, à une « licence globale » (2).
Le conseiller en économie numérique du candidat PS, Vincent Feltesse, s’en est expliqué le 11 octobre sur son blog : « Nous ne sommes favorables ni à un big-bang
du droit d’auteur ni à l’instauration d’une taxe sur les ménages (ou sur les FAI, ce qui revient au même) venant financer une “licence globale” ou autre “contribution créative”. (…) En faisant prioritairement porter l’effort sur les ménages, la licence globale commet finalement la même injustice que Hadopi ». Or, le projet 2012 du PS prévoit le contraire à ce sujet : « De nouvelles sources de financement de la création numérique seront dégagées grâce à de nouvelles contributions partagées (opérateurs, FAI, etc.) ». En attendant d’être fixé sur ce point, François Hollande en appelle à un « pacte pour la création numérique » entre artistes et internautes, qui consistera non seulement à supprimer la coupure de l’accès à Internet mais aussi à « créer un régulateur sur les cendres de la Hadopi, doté d’un pouvoir de règlement des litiges et d’une “riposte graduée“ contre les majors allant de l’encadrement des pratiques commerciales – minimums garantis, avances, etc. – à la gestion collective obligatoire ». @

Frédéric Mitterrand : « Le dialogue avec Google doit mettre fin rapidement aux différends passés »

Le ministre de la Culture et de la Communication, dont le budget 2012 croît de 0,9 % à 7,4 milliards d’euros, répond aux questions de EM@. Il se félicite des accords avec Google sur la numérisation des livres, de l’action de l’Hadopi qui a « convoqué une soixantaine d’internautes », tout en s’opposant à l’idée de licence globale.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La Martinière a finalement signé avec Google fin août, après Hachette Livre fin juillet ; Gallimard, Flammarion et Albin Michel ont suspendu début septembre leur action en justice contre Google pour discuter : va-t-on vers une collaboration de la BNF avec Google ?
Frédéric Mitterrand :
J’ai rappelé à plusieurs reprises qu’avant toute collaboration de Google avec les grandes institutions nationales comme la Bibliothèque nationale de France, il convenait que le respect des droits des auteurs et des éditeurs soit assuré. Je me réjouis donc de constater que les accords passés entre Google et Hachette puis La Martinière consacrent la reconnaissance de ces principes.

Droits d’auteur digitaux

Un auteur peut-il exister sans droit d’auteur ? La réponse nous semble évidente. Car ce droit, qui s’apparente à un droit de propriété, est entouré d’une aura quasi-naturelle, intemporelle et inaliénable. Pourtant, rien n’est plus inexact tant le droit d’auteur varie dans le temps et l’espace. Et c’est à la faveur
de la pression constante de la numérisation des œuvres qu’a resurgi un débat, en réalité très ancien. Il nous a fallu, pour
en prendre conscience, une longue période inachevée de remises en cause et de polémiques.
L’histoire passionnante d’un droit qui est tout sauf une évidence. Il fut même un temps
où la notion de droit d’auteur n’existait pas : un Adam de la Halle vivait, comme un Mozart cinq siècles plus tard, des représentations de ses œuvres et du bon vouloir de ses maîtres.

« De nombreuses sociétés nationales de gestion de droits d’auteur discutent de la constitution d’un catalogue universel des œuvres au niveau international. »