Pourquoi François Hollande est contre la Hadopi

En fait. Le 16 octobre, François Hollande a été élu à 56,6 % des suffrages
(2,86 millions de votants) candidat PS à la présidentielle de 2012. Il prône
un « pacte pour la création numérique », une loi et un régulateur « contre
les majors » pour remplacer la Hadopi.

En clair. François Hollande veut « dépénaliser » le téléchargement, comme il l’a expliqué le début octobre devant l’ARP, la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs.
Ce qui revient à abroger la loi Hadopi et, partant, à supprimer la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, contrairement a ce qu’il avait laissé entendre aux cinéastes (1). Depuis juin dernier, il écrivait sur son site web de campagne présidentielle : « Notre responsabilité en 2012 sera de mettre un terme au plus vite au conflit entre créateurs et internautes en abrogeant le dispositif Hadopi
et en le remplaçant par ce nouveau mécanisme [une faible redevance couplée à la réorientation de la taxe sur les fournisseurs d’accès Internet (FAI), qui permettra de dégager jusqu’à 1 milliard d’euros annuels pour rémunérer les droits d’auteurs] ». Il était ainsi en ligne avec la position de la Sacem, prônant une « contribution compensatoire prélevée sur les FAI ». Mais depuis début octobre, François Hollande a changé d’avis en renonçant à sa « taxe sur les FAI » et en prenant le contre-pied de Martine Aury favorable, elle, à une « licence globale » (2).
Le conseiller en économie numérique du candidat PS, Vincent Feltesse, s’en est expliqué le 11 octobre sur son blog : « Nous ne sommes favorables ni à un big-bang
du droit d’auteur ni à l’instauration d’une taxe sur les ménages (ou sur les FAI, ce qui revient au même) venant financer une “licence globale” ou autre “contribution créative”. (…) En faisant prioritairement porter l’effort sur les ménages, la licence globale commet finalement la même injustice que Hadopi ». Or, le projet 2012 du PS prévoit le contraire à ce sujet : « De nouvelles sources de financement de la création numérique seront dégagées grâce à de nouvelles contributions partagées (opérateurs, FAI, etc.) ». En attendant d’être fixé sur ce point, François Hollande en appelle à un « pacte pour la création numérique » entre artistes et internautes, qui consistera non seulement à supprimer la coupure de l’accès à Internet mais aussi à « créer un régulateur sur les cendres de la Hadopi, doté d’un pouvoir de règlement des litiges et d’une “riposte graduée“ contre les majors allant de l’encadrement des pratiques commerciales – minimums garantis, avances, etc. – à la gestion collective obligatoire ». @

France numérique 2020 : et le bilan du plan 2012 ?

En fait. Le 30 septembre s’est terminée la consultation publique en vue de préparer le plan France numérique 2020 qu’Eric Besson, ministre en charge de l’Economie numérique et auteur du précédent rapport « 2012 », compte présenter lors des Assises du numérique prévues le 30 novembre prochain.

En clair. A peine le plan France numérique 2012 de Eric Besson – adopté le 20 octobre 2008 (1) – est-il pleinement mis en oeuvre que le gouvernement prépare le coup d’après. Le projet de plan 2020 rappelle que Nicolas Sarkozy s’est fixé pour objectif
« la couverture de tous les Français en très haut débit d’ici à 2025 ». Or l’objectif de l’ancien plan de « 100 % de la population aient accès au haut débit d’ici à 2012 » ne sera pas atteint, selon le récent rapport du sénateur Hervé Maurey. La combinaison de technologies – fibre optique, montée en débit, satellite, etc. – sera nécessaire. Or une circulaire de François Fillon, parue le 17 août au J.O. (lire ci-dessous), demande aux préfets de limiter le VDSL au profit du FTTH. Pour le mobile, le projet 2020 table sur les licences 4G : les quatre opérateurs mobile sont candidats (2) sur les 2,6 Ghz, tandis que l’appel d’offres sur les fréquences « en or » (bande des 800 Mhz) se poursuit jusqu’au 15 décembre. Or le plan 2012 promettait une procédure d’attribution de ces fréquences avant fin 2009… Sur la neutralité du Net, censée être « préservée » par le Paquet télécom (EM@41, p. 4), le projet 2020 interpelle : quels « risques » ? Quel
« encadrement » ? Quelles « actions complémentaires » ? En télévision, le projet 2020 se félicite que soit tenu l’engagement du plan 2012 d’achever le 30 novembre prochain le passage au tout-numérique. Le rapport Boyon sur l’avenir de la TNT a été rendu (EM@42, p. 5), mais Eric Besson poursuit la réflexion sur « la TNT à l’horizon 2020 » (HD, 3D, nouvelles chaînes, etc.). Dans une seconde partie, le projet s’interroge sur les contenus numériques de plus en plus délinéarisés (VOD, catch up TV, sites web, …). Avec les terminaux connectés (smartphones, tablettes, TV connectée, …), « la maîtrise de l’interface entre le consommateur et les services pourrait représenter un des principaux enjeux du secteur ». L’une des questions interpelle toutes les industries culturelles : « De quelle manière les pouvoirs publics peuvent-ils poursuivre l’accompagnement et le soutien de la création et de la diffusion des œuvres culturelles et de l’information (livre, presse, audiovisuel, cinéma, musique) à l’ère numérique ? ». @

Frédéric Mitterrand : un ministre pris dans le tsunami du numérique

En employant le terme tsunami lors du Marché international des Programmes de Télévision (MipTV) à Cannes le 4 avril dernier, pour désigner l’avènement de la télévision connectée, Frédéric Mitterrand aurait pu aussi parler ainsi de l’ensemble
du numérique qui déferle sur la culture et la communication. « C’est un tsunami qui
se prépare », avait en effet lancé le ministre de la rue de Valois en annonçant la mise en place de la mission « Candilis- Manigne-Tessier-Rogard-Lévrier » sur les enjeux
de la télévision connectée. Ses conclusions sont attendues à partir du 1er octobre.

Aider la musique comme le cinéma
Plus largement, c’est toute l’industrie audiovisuelle qui devrait être « menacée » par l’arrivée de nouveaux acteurs venus du Web et terminaux interactifs (téléviseurs connectés, consoles de jeux, boîtiers externes, …). L’industrie du cinéma et son mode
de financement des films via la chronologie des médias est, elle aussi, concernée.
L’industrie musicale, elle, fait déjà face depuis quelques années à ce « tsunami numérique ». Là aussi, Frédéric Mitterrand a fort à faire depuis le rapport Création & Internet de janvier 2010 et les 13 engagements en faveur de la musique en ligne de janvier 2011.
Il a lancé, en avril dernier également, la mission Chamfort-Colling- Thonon-Selles-Riester sur le financement de la diversité musicale à l’ère numérique. Le rapport a été remis au ministre le 23 septembre. Il prévoit un soutien financier des pouvoirs publics
à la filière musicale, première impactée par Internet, en s’inspirant du mécanisme de subventions dont bénéficie déjà le cinéma à travers le Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC (lire EM@36, p. 4). Comme pour les producteurs de films, un « droit de tirage » (aide automatique annuelle en fonction des recettes) est envisagé pour la musique. Un Centre national de la musique (CNM), qui serait à la musique ce que le CNC est au cinéma, est prévu pour venir en aide aux producteurs de musique (lire EM@38, p. 3). Le Syndicat nationale de l’édition phonographique (Snep), qui s’est finalement rallié à l’idée de CNM, évalue à 45 millions d’euros par an l’aide nécessaire pour produire de nouveaux talents (lire EM@42 p. 3).

Babel numérique

J’attendais avec impatience ce retour à Shangaï. Et pas seulement pour cette étrange ivresse que provoque cette plongée dans une ville unique, nimbée de l’aura que lui confère son statut de cité parmi les plus puissantes de l’économie monde e. Cette fois-ci, je débarque de l’avion bardé de nouveaux outils de traduction automatique que j’ai hâte de tester ici. Une occasion unique pour décrypter mon environnement et même communiquer sans intermédiaire. La rue est mon premier terrain d’expérimentation. Armé de mon smartphone, une application avancée de réalité augmentée – intégrant les fonctions d’un outil de type Word Lens de Quest Visual – me permet de lire tous les panneaux ou autre indication écrite. Je me retrouve comme un enfant, qui, sachant enfin lire, comprend enfin sa ville. Timidement, je teste une autre application de traduction simultanée, toujours avec l’aide de mon mobile. J’énonce une question dans ma langue que traduit aussitôt une application du type Talk to me par Flaviuapps.

« Une application avancée de réalité augmentée me permet de “comprendre” la ville, une autre – de traduction simultanée – mes interlocuteurs ».

Fracture universelle ?

Il en va des fractures dans le monde numérique comme
de la tectonique des plaques dans le monde réel : on sait qu’elles existent et qu’elles dessinent des structures profondes, mais qu’elles sont difficiles à identifier avec précision ; elles sont sans cesse mouvantes et peuvent
se réactiver après de longues périodes de silence. Une première fracture, analogique celle-ci, fut réduite afin de permettre à la plus grande partie de la population de bénéficier sur tout le territoire
de services de téléphonie et de télévision. Dans la France des années 70, les investissements massifs dans les réseaux mis en oeuvre par des services publics offensifs ont marqué profondément cette grande période de démocratisation des moyens de communication. Depuis la libéralisation des médias audiovisuels en 1982
et des lignes téléphoniques en 1998, on s’était habitué à ces nouvelles facilités d’accès en oubliant les efforts consentis pour les obtenir. Mais, au tournant des années 2000, s’est fait jour une nouvelle fracture, numérique celle-ci.

« L’Europe a réussi, tant bien que mal, à définir une notion commune de service universel de l’accès haut débit fixe et mobile ».