Le livre se sent peu concerné par le rapport Lescure

En fait. Le 27 juin, en marge de l’assemblée générale du Syndicat national de l’édition (SNE), son président Vincent Montagne nous a dit ce qu’il pensait du rapport Lescure. Resté jusqu’alors silencieux depuis sa publication le 13 mai dernier, c’est la première fois qu’il livre une appréciation.

En clair. « Je dois encore voir avec le bureau [du SNE] pour savoir ce que nous pouvons dire d’une manière générale sur le rapport Lescure, qui est très vaste et nous concerne relativement peu. Ce que je note, c’est qu’il salue notre action pour avoir négocié avec
les auteurs [dont un volet numérique], obtenu la TVA [réduite pour le livre numérique] et mis en place l’exploitation numérique des oeuvres indisponibles », nous explique Vincent Montagne.
Deux propositions retiennent néanmoins son attention : la taxe sur les appareils connectés et la création d’un compte d’affectation spéciale pour les industries culturelles. « La question est de savoir s’il faut une taxe sur les appareils connectés. Là, on touche
à la problématique de la copie privée avec des mécanismes constitués surtout pour le cinéma et la musique. Sur les 180 à 200 millions de taxes par an de la copie privée, peu revient au livre qui est secteur non subventionné (à part le taux réduit de TVA) et qui résiste bien. Nous disons donc qu’il faut faire attention à rester dans une économie non administrée et de responsabilisation de la chaîne du livre. D’où l’importance du soutien
[de 7 millions d’euros versés par les éditeurs pour 2014, ndlr] que nous apportons à la librairie ». Par ailleurs, les éditeurs contribuent au financement du Centre national du
livre (CNL) aidant à la numérisation de la filière. Ainsi, contrairement au cinéma ou à
la musique, le livre ne demande pas de financements publics.
Le président du SNE préfère donc attendre de voir comment le livre numérique et le piratage (1) vont progresser. « Nous ne sommes pas contre cette taxe sur les terminaux connectés mais nous estimons aujourd’hui que le livre est marginalement concerné, peut-être le sommes-nous potentiellement, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. A ce stade, il convient de vérifier comment se destinent les usages sur les terminaux connectés. Si on s’apercevait que le numérique devenait extrêmement important pour le livre, actuellement en France de 3 % du chiffre d’affaires en 2012 [soit 81 millions d’euros de chiffre d’affaires de l’édition, ndlr], et s’il n’y avait aucune rémunération provenant du numérique ou si une très faible rémunération ne servait pas la création éditoriale, il serait logique qu’il y ait une répartition d’une taxe comme pour le ‘photocopillage’ ». @

Pourquoi Rupert Murdoch a cassé en deux son groupe News Corp, sur fond d’échecs numériques

Depuis le 1er juillet, est cotée en Bourse chacune des deux nouvelles sociétés issues de la scission intervenue le 28 juin de l’empire News Corp de Rupert Murdoch : d’un côté les activités de presse et d’édition (nouveau News Corp),
de l’autre celles de télévision et de cinéma (21st Century Fox).

Par Charles de Laubier

RMLe magnat américano-australien des médias Rupert Murdoch (photo), 82 ans, divise pour… mieux régner encore un peu. Alors que son conglomérat News Corp, constitué au cours
des 60 dernières années, vient de terminer pour la dernière
fois une année fiscale « intégrée » au 30 juin 2013, le divorce
est désormais consommé entre les deux branches.
Fini le géant des médias aux actifs valorisés 68 milliards de dollars et au méga chiffre d’affaires annuel de 35 milliards de dollars. Désormais, il faudra compter avec deux entités présidées par le patriarche milliardaire : le nouveau News Corp réunissant les activités presse et édition (Dow Jones/The Wall Street Journal, The New York Post, The Times, The Sunday Times, The Sun, The Australian, The Daily Telegraph, HarperCollins Publishers, Amplify, …), et 21st Century Fox regroupant les activités télévision et cinéma (Fox, FX cable networks. Fox broadcasting, 20th Century Fox, BSkyB, Sky Italia, Sky Deutschland, …).

Lescure : les producteurs contre la gestion collective

En fait. Le 12 juin, Pierre Lescure, président de la mission « Acte II de l’exception culturelle », et Jean- Baptiste Gourdin, rapporteur général, ont été auditionnés par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Ils ont à nouveau insisté sur la gestion collective à l’ère du numérique.

En clair. « La gestion collective, loin d’être un archaïsme, est LE mode de gestion adapté à l’exploitation numérique des oeuvres, laquelle se caractérise par des nano paiements
et une multitude de micro transactions. La gestion collective est le système, même en termes économiques, le plus adapté à cette exploitation. (…) C’est ce système que nous voulons généraliser », a insisté Jean-Baptiste Gourdin, rapporteur général de la mission
« Acte II de l’exception culturelle » (1). Ce plaidoyer pour la gestion collective agace les producteurs, aussi bien de musiques que de films, très attachés à la gestion individuelle des auteurs. « Cette collectivisation à marche forcée, nous y sommes opposés. (…) La gestion collective est portée auprès du ministère de la Culture par l’Adami (2) », a fustigé Guillaume Leblanc, directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) le 31 mai dernier. Il compte bien « rectifier et corriger » les propositions du rapport Lescure dès ce mois de juin lors des réunions de travail avec le ministère de la Culture et de la Communication. « En quoi un système de gestion collective crée de la valeur et en quoi il est meilleur que le système actuel ? (…) Nous ne voulons pas de gestion collective obligatoire [en cas de refus de négocier, ndlr] », a ajouté Stéphane Le Tavernier, président du Snep, en indiquant avoir confié avec l’UPFI (3) au cabinet Ernst & Young la réalisation pour « fin juin – début juillet » d’un audit pour comparer les modèles économiques. Quant aux producteurs de cinéma, ils défendent aussi leurs droits exclusifs sur les films.
Mais la mission Lescure n’en démord pas devant les députés : il faut des négociations interprofessionnelles entre les syndicats des industries culturelles et, pour la mise en oeuvre, les sociétés de gestion collective afin de garantir la rémunération des auteurs et des artistes à l’heure d’Internet. « Ce n’est pas une solution irréaliste car elle fonctionne déjà dans certains secteurs : par exemple, dans le domaine de la VOD, les auteurs sont rémunérés par la SACD (4) qui collecte directement les rémunérations auprès des plates-formes vidéo de type iTunes [mais aussi Dailymotion, YouTube, CanalPlay Infinity, Filmo TV et depuis juin Videofutur, ndlr]. Et ce, en vertu d’un accord avec les producteurs ».
Ces derniers n’ont en tout cas pas dit leur dernier mot… @

Les acteurs du Net affichent une croissance insolente

En fait. Le 28 mai, l’Idate a présenté la 13e édition de son DigiWorld Yearbook sur
le marché mondial du numérique : sérieux ralentissement de la croissance à 2,7 % en 2012 – contre 3,9 % en 2011 et 4,7 % en 2010 – pour atteindre 3.169 milliards d’euros. Seuls les services OTT affichent une croissance à deux chiffres.

En clair. Malgré les prolongations de la crise de 2008 provoquant la stagnation des pays développés, le retour au ralentissement du marché mondial du numérique l’an dernier et
la baisse des revenus des opérateurs télécoms empêtrés dans une guerre tarifaire destructrice de marge (mais bien profitable aux consommateurs), un segment de marché du numérique – celui des services dits OTT (1) – affiche encore une croissance insolente, de l’ordre de… 20 % par an ! C’est le paradoxe du rapport 2013 de l’Idate (2) : pendant que les opérateurs télécoms mangent leur pain noir, les acteurs de l’Internet – Google, Apple, Facebook, Amazon ou encore Microsoft – tirent leur épingle du jeu. Ces
« nouveaux services Internet » ont progressé de 18,7 % en 2012 pour atteindre
158 milliards d’euros de revenus au niveau mondial. La croissance de ces services
OTT (publicité en ligne et services payants sur Internet) était même de 22 % l’année précédente et devrait à nouveau être de 22 % en 2013, pour tutoyer la barre des
200 milliards d’euros (à 193 milliards précisément). « Les acteurs du Net fournissent
la raison d’être des opérateurs télécoms. Mais ces derniers doivent faire évoluer leur modèle économique et prendre des parts de marché dans les services OTT », estime Yves Gassot, directeur général de l’Idate. Evoluer ou mourir ! C’est particulièrement urgent en Europe, où les opérateurs télécoms accusent le coup sur un marché en stagnation (+0,1%) à 869 milliards d’euros en 2012. « Il apparaît désormais fort peu probable que l’on revienne à terme vers les niveaux de croissance du milieu des années 2000, encore moins vers ceux à deux chiffres de la fin des années 90… sauf pour les nouveaux services de l’Internet (OTT) », prévient Yves Gassot. L’Idate en profite au passage pour tordre le cou à « une idée fausse », selon laquelle les opérateurs télécoms seraient victimes des OTT. « Les opérateurs télécoms aux Etats-Unis sont tout autant exposés aux acteurs de l’Internet que leurs homologues en Europe. Or, les premiers enregistrent une croissance [+ 1,5 %] et les seconds un recul [- 1 %] », souligne-t-il. La raison est ailleurs : en l’occurrence, selon l’Idate, dans la fragmentation des opérateurs télécoms sur le Vieux Continent et dans la guerre des prix. @

La mission « Acte II de l’exception culturelle » n’a pas réussi à trouver un consensus

Plus de cinq ans après les 43 pages du rapport Olivennes, plus de trois ans après les 147 pages du rapport Zelnik, les 719 pages du rapport Lescure n’ont pas suffit
à mettre d’accord les industries culturelles et les acteurs du numérique.

Les « pour »
• La SACD (1) :
« La modernisation de la chronologie des médias [SVOD à 18 mois et dérogation pour les films fragiles] va dans le bon sens. (…) La taxe sur les appareils connectés, pourrait être utile pour consolider le financement de la création culturelle ».
• L’ARP (2) : « Des pistes de financement crédibles à travers la taxation et la mise en place de financements spécifiques, et la redéfinition des responsabilités [hébergement et distribution]. (…) La chronologie des médias (…) doit s’ouvrir à davantage de souplesse ». • La Sacem (3) : « Figure la garantie de la juste rémunération des créateurs à l’ère numérique. (…) Instaurer une taxe sur les appareils connectés [est] une piste intéressante ».
• La SPPF (4) : « marque sa satisfaction vis-à-vis de la plupart des propositions [maintien de la réponse graduée, taxe des appareils connectés, préservation du régime copie privée] » .
• L’Adami (5) : « retient la rémunération des artistes de la musique [soumise] à un régime de gestion collective, le revenu minimum garanti pour les comédiens et l’extension de la rémunération équitable aux webradios ».
• La Scam (6) : « Le rapport vient à raison renforcer la gestion collective des droits.
Les préconisations sur la chronologie des médias apportent un nouveau souffle. (…) La convergence des médias justifie pleinement qu’une même autorité [le CSA] veille à ce que les règles applicables soient adaptées et équitables entre les diffuseurs linéaires et non-linéaires ».
• La FFTélécoms (7) : « Des propositions, telles que la chronologie des médias, la lutte contre le gel des droits et la suppression de la coupure Internet, vont dans le sens d’une amélioration concrète des conditions de consommation légale ».
• Le Geste (8) : « attend avec impatience l’application d’un principe de neutralité technologique et fiscale (cf. taux réduit de TVA à la presse en ligne) ».
• Le SEVN (9) : « Le rapport propose de maintenir le principe de la riposte graduée en lui adjoignant un système d’amendes, de responsabiliser les différents intermédiaires techniques, de réformer la chronologie des médias ».
• Le SNJV (10) : « salue la proposition de la création d’un fonds d’avance en prêts participatifs pour le jeu vidéo ».
• L’Asic (11) : « salue (…) la mission Lescure qui proclame qu’une révision de leur statut [les hébergeurs] ne paraît ni souhaitable ni nécessaire ». @