République numérique et démocratie participative : la donnée en débat

Après un exercice inédit – pour un projet de loi – de démocratie participative, le gouvernement ajuste son texte, attendu en Conseil des ministres le 9 décembre prochain et au Parlement en janvier 2016, sur l’ouverture des données publiques et la protection des données personnelles. Le plus dur sera de passer de la théorie à la pratique.

Par Ariane Samson-Divisia, avocate au barreau de Paris, cabinet K&L Gates

C’est sous l’URL www.republique-numerique. fr, pleine
de promesses, qu’a été lancée le 26 septembre dernier,
la consultation sur le projet de loi « pour une république numérique », dit « Lemaire », du nom de la secrétaire d’Etat chargée du Numérique. Au 18 octobre, date de clôture de la consultation, le site Internet faisait état des chiffres de cette démocratie participative à la française : 147.710 votes et 8.501 contributions (1), parmi lesquelles des centaines de propositions d’articles (2).

Les droits d’auteur dans le monde en 2015 vont franchir la barre des 8 milliards d’euros

Lorsque la puissante Cisac, qui réunit 230 sociétés de gestion collective dans le monde (musique, audiovisuel, livre, …), publiera l’an prochain les perceptions de cette année 2015, elle fêtera ses 90 ans et 8 milliards d’euros de droits perçus – les revenus numériques se rapprochant de 1 milliard.

Selon les estimations de Edition Multimédi@, les revenus numériques des droits d’auteur dans le monde devrait durant cette année 2015 s’approcher encore plus près de 1 milliard d’euros sur le total des perceptions qui franchira, lui, la barre des 8 milliards d’euros. Comme la croissance des revenus du numériques perçus par les 230 sociétés de gestion collective – telles que, pour la France, la Sacem, la SACD, la Scam, ou encore la SGDL – se situe entre 20 % et 30 % par an, il y a fort à parier que les revenus numériques mondiaux des droits d’auteurs des industries culturelles devraient atteindre cette année entre 620 et 670 millions d’euros, contre les 515,7 millions perçus au titre de l’année 2014 (+ 20,2 % sur un an).

US Safe Harbour : la CJUE accable la Commission européenne

L’arrêt de la Cour de justice, déclarant invalide la décision de la Commission européenne qui considérait que les Etats-Unis assurent un niveau de protection adéquat aux données européennes transférées, accable cette dernière dans sa gestion des transferts et du flux transatlantiques de données. La portée de cet arrêt se mesure au contexte des vingt ans passés.

Par Christophe Clarenc, cabinet Dunaud Clarenc Combles & Associés

La directive européenne 95/46/CE du 24 octobre 1995 « relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données » a été adoptée pour établir un niveau harmonisé et
« élevé » de protection des données personnelles au sein de l’Europe et permettre, sur cette base, leur libre circulation entre les Etats membres et leurs entreprises. L’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne adoptée en décembre 2000 a consacré la valeur éminente de cette protection et du rôle des autorités indépendantes de contrôle à cet effet.

Maisons d’édition : la peur d’être « amazonisées »

En fait. Du 14 au 18 octobre s’est déroulé la Foire internationale du livre de Francfort. L’ombre d’Amazon, exposant en tant que maison d’édition (Amazon Publishing), a plané sur les éditeurs traditionnels qui préfèrent avoir leur bouc (book ?) émissaire que de se remettre en question face au numérique.

En clair. « L’enquête est en cours », a indiqué la Commission européenne à Edition Multimédi@, sans vouloir faire plus de commentaire, à propos de la procédure formelle d’examen qu’elle a ouverte mi-juin dernier pour savoir si certaines pratiques commerciales d’Amazon en matière de distribution de livres numériques relèvent
d’un abus de position dominante en Europe. Sont notamment dans le collimateur des clauses contractuelles entre Amazon – actuellement le plus grand distributeur de livres numériques en Europe – et certaines maisons d’édition qui obligent ces dernières à
« informer Amazon de l’offre de conditions plus favorables ou différentes à ses concurrents ». Cette pratique commerciale apparaît, aux yeux de Margrethe Vestager, commissaire européenne chargée de la Concurrence, comme « restrictive » dans le sens où ces clauses rendent « plus difficile pour les autres distributeurs de livres numériques de concurrencer Amazon grâce au développement de nouveaux produits et services innovants ». L’enquête se concentre en particulier sur les clauses qui semblent protéger la firme de Jeff Bezos contre la concurrence d’autres distributeurs de livres numériques, telles que celles qui lui octroient le droit d’être informée de toutes conditions différentes, voire plus favorables, accordées à ses concurrents, et/ou le droit de bénéficier de modalités et de conditions analogues à celles qui sont accordées à ses concurrents. S’inspirant de l’action européenne, des écrivains et libraires aux Etats-Unis (1) ont demandé mijuillet au Department of Justice (DoJ) d’ouvrir une enquête similaire. Ce n’est pas la première fois que la Commission européenne s’intéresse de près aux ebooks. En décembre 2011, Apple a été soupçonné de s’être entendu avec cinq éditeurs internationaux – dont Hachette Livres ou Penguin Random House – pour « limiter la concurrence au niveau des prix de détail » des livres numériques. Finalement, les entreprises impliquées se sont engagées à cesser ces agissements. De son côté, Amazon a eu maille à partir en 2014 avec la filiale américaine Hachette Livre sur les conditions de vente en ligne des ebooks. Finalement, les deux groupes avaient trouvé un accord commercial (2). Dans ce contexte de discordes, d’accords et de soupçons autour d’Amazon, les maisons d’édition traditionnelles rechignent à faire évoluer leur modèle économique pour l’adapter à l’économie numérique. @

La Convention de l’Unesco fait un pas vers le numérique

En fait. Le 20 octobre 2015, la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles fête ses 10 ans. Selon les informations de Edition Multimédi@, la France, le Canada et la Belgique proposent une
« directive opérationnelle transversale » sur le numérique.

En clair. Ce n’est pas plusieurs « directives opérationnelles » sur le numérique que proposent la France et le Canada, rejoints par la Belgique, mais une seule « directive opérationnelle transversale » pour « une mise en oeuvre de la convention relative à
la protection et à la promotion de la diversité des expressions culturelles à l’ère du numérique ». Edition Multimédi@ s’est procuré – et met en ligne – le projet de texte porté pour l’instant par ces trois pays qui l’ont approuvé avant le 10 octobre, en vue de
le présenter au Comité intergouvernemental de l’Unesco qui se réunira du 14 au 16 décembre prochain. Mais c’est seulement en… juin 2017 que cette directive opérationnelle transversale sur le numérique sera soumise pour adoption à la Conférence des parties. Le rythme de l’Unesco n’est décidément pas celui de la révolution numérique !
La proposition franco-canado-belge, conforme au principe réaffirmé de neutralité technologique, s’articule sur trois axes : les politiques publiques « adaptées à l’écosystème numérique » (financement de la création, accessibilité des contenus culturels, répartition équitable de la valeur ajoutée, protection des droits des créateurs, promotion des offres légales, meilleures indexation et reconnaissance des contenus, …) ; la coopération internationale (accessibilité renforcée de toutes les cultures, circulation sur les réseaux des expressions culturelles endogènes « négligées par l’économie numérique », coopération autour de la création en ligne et de la coproduction/co-création d’oeuvres en réseau, attention particulière aux demandes de financement de la culture numérique (1), …) ; les échanges de biens et services culturels numériques (promouvoir la Convention de l’Unesco dans les accords de commerce, dont le futur TTIP, mettre en oeuvre des politiques et programmes culturels adaptés, …).
Reste à savoir si cette directive opérationnelle numérique à caractère non contraingnant pour les Etats – résultat du lobbying des ayants droits via l’influente Fédération internationale des coalitions pour la diversité culturelle (FICDC) et de son bras armée français CFDC/SACD, soucieux de défendre le droit d’auteur et d’exclure la culture et l’audiovisuel des accords de libre-échange (lire EM@82, p. 7 et EM@89, p. 4) – sera bien accueillie par les GAFA et autres acteurs numériques qui n’ont pas participé à son élaboration. @