Jean-Noël Barrot, ministre tous azimuts du digital

En fait. Le 4 septembre, cela fait deux mois que Jean-Noël Barrot – fils de feu Jacques Barrot, ancien ministre et commissaire européen – est ministre délégué du gouvernement Borne, chargé de la Transition numérique et des Télécommunications. Son été fut studieux, entre sobriété et déploiement du numérique.

En clair. 4 juillet-4 septembre 2022 : les deux mois estivaux que vient de passer le nouveau ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot (39 ans), reflète la multitude de ses attributions qu’un décret daté du 29 juillet dernier est venu préciser. Etant entendu qu’il n’aura pas à s’occuper ni à connaître des dossiers concernant le groupe Uber, comme l’avait spécifié un décret précédent daté du 21 juillet. Et ce, afin d’écarter tout conflits d’intérêt (1) puisque sa soeur cadette – Hélène Barrot – y travaille depuis près de dix ans, actuellement comme directrice de la communication pour l’Europe de l’Ouest et du Sud (2).
Selon le décret de ses attributions, « JNB » traite de « toutes les affaires en matière de numérique et de télécommunication ». Ainsi, par délégation du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, il s’occupe du numérique tous azimuts : de la « souveraineté numérique » à la « transformation numérique des entreprises », en passant par les « communications électroniques », les « objectifs de transition écologique et de souveraineté technologique » ou encore au « cadre juridique relatif au numérique ». En outre, « il veille aux droits et libertés fondamentaux dans le monde numérique, à l’éthique des technologies, à l’inclusion, l’accessibilité et la médiation numériques ». Les « communs numériques » et la « gouvernance de l’Internet » entrent aussi dans ses nombreux champs de compétences, dont font partie aussi « l’éducation et la formation au numérique » ainsi que les « mutations numériques du travail », le « déploiement des infrastructures numérique » et l’« inclusion numérique » (3).
Bref, Jean-Noël Barrot est un véritable couteau suisse du digital pour le gouvernement Borne. Sur le terrain, il s’est rendu le 26 août au chevet de l’hôpital CHSF de Corbeil-Essonnes victime d’une cyberattaque. Trois jours plus tôt, il était dans le Cantal pour parler « ruralité et numérique » (4). Fin juillet, il participait au lancement du « groupe de travail “numérique et télécommunication” » dans le cadre du plan « sobriété énergétique ». Cela débouchera fin septembre sur un « plan d’actions de mesures simples et opérationnelles ». Economiste de formation, JNB n’avait pas d’expériences dans le numérique ; il devra savoir vite où donner de la tête. @

Le marché unique du numérique et de ses données fait face à un foisonnement de textes législatifs

Les acteurs du numérique et de la data en Europe ne sont pas au bout de leur peine. Le marché est peut-être unique, mais la législation – en vigueur et à venir – est multiple. La mise en œuvre pratique des textes, souvent imbriqués, est complexe et peu intelligible. Petit aperçu de ce labyrinthe.

Si l’Union européenne (UE) a déjà pris plusieurs mesures depuis 2014 afin de faciliter le développement d’une économie des données (1), elle entend, dans le cadre de sa stratégie pour les données et des objectifs fixés pour la « décennie numérique » (2), compléter les textes existants afin de créer de nouveaux droits et obligations destinés à favoriser l’accès et le partage des données, le développement des technologies et la souveraineté numérique. D’où le foisonnement de textes législatifs qui vont bouleverser considérablement l’écosystème de l’économie numérique et des données.

Chantier de la « décennie numérique »
Les principaux acteurs concernés (notamment les fabricants d’objets connectés, les fournisseurs de services d’intermédiation de données et les prestataires de cloud) devront tenir compte de ces nouvelles obligations et anticiper leur entrée en application dans la conception de leurs solutions et de leurs produits, ainsi qu’au sein de leur documentation contractuelle. Pas si simple. Tour d’horizon de ces nouveaux textes :
• Data Governance Act (DGA). Ce règlement sur la gouvernance des données (3) a été adopté le 30 mai 2022 et entrera en application à partir du 24 septembre 2023, avec pour objectif de favoriser la disponibilité des données, de renforcer les mécanismes de partage et d’augmenter la confiance dans les intermédiaires de données. Ainsi, le DGA adresse trois grandes thématiques : conditions d’accès et de réutilisation des « données protégées » détenues par des organismes publics ; régulation des fournisseurs de services d’intermédiation de données ; régulation de l’utilisation altruiste des données. Sur le premier point, le DGA vient compléter la directive « Open Data » de 2019, mais ne crée pas d’obligation de mise à disposition pour les organismes publics (4). Il vient encadrer les réutilisations qui peuvent être faites de ces données protégées en veillant (5) à les préserver (6). Concernant les deux autres points, le DGA crée deux régimes spécifiques et dédiés pour les services d’intermédiation de données (7) et les organisations altruistes en matière de données (8). Les services d’intermédiation de données (data marketplaces ou data pool par exemple) seront soumis à une notification auprès d’une autorité compétente préalablement à tout début d’activité et auront notamment l’obligation de fournir les services selon des conditions équitables, transparentes et non-discriminatoires, de prendre des mesures pour assurer l’interopérabilité avec d’autres services d’intermédiation de données, de mettre en place des mesures de sécurité appropriées pour empêcher l’accès et le transfert illicite de données non-personnelles. Ils devront également notifier aux détenteurs de données en cas d’accès, de transfert ou d’utilisation non-autorisés aux données non-personnelles partagées. De leur côté, les organisations altruistes se verront notamment imposer la tenue d’un registre des utilisations des données, la publication d’un rapport annuel d’activité, des obligations de transparence vis-à-vis des personnes concernées ou des détenteurs de données (objectifs d’intérêt général, finalités des traitements) et de sécurisation des données non-personnelles.
Le DGA crée enfin un régime restrictif de transfert des données non-personnelles hors-UE similaire au régime prévu par le RGPD.
• Data Act (DA). Ce projet de règlement sur les données (9) a été soumis par la Commission européenne le 23 février 2022. Un objectif d’adoption ambitieux a été fixé à mi-2023, pour une entrée en application douze mois après son adoption. Il s’agit de faciliter l’accès aux données et leur utilisation, de favoriser leur portabilité, d’améliorer l’interopérabilité des solutions et infrastructures et enfin de favoriser la création de valeur autour de la donnée. Sont notamment impactés : les fabricants et distributeurs d’objets connectés et les fournisseurs de services connexes basés sur l’utilisation de données générées par ces objets, tout détenteur et destinataire de données, les prestataires et utilisateurs de services cloud (IaaS, PaaS, SaaS) ou encore les opérateurs de data spaces.

Portabilité des données et services de cloud Le DA prévoit notamment des obligations pour les fabricants ou distributeurs d’objets connectés qui viennent compléter les obligations d’information et de portabilité prévues par le RGPD, comme l’obligation d’informer leurs utilisateurs sur les données générées par l’usage des objets et les conditions d’accès et de partage de telles données, ainsi qu’une obligation de mise à disposition gratuite et prompte (le cas échéant en temps réel et continu) des données générées par des objets connectés à leurs utilisateurs ou à un tiers à la demande de l’utilisateur, et ce dans des conditions équitables, raisonnables, transparentes, non-discriminatoires et non-exclusives. Ces obligations sont complétées par des interdictions (par exemple des clauses restreignant les droits des utilisateurs d’objets ou des clauses abusives imposées aux petites et moyennes entreprises). Objets connectés, dossiers médicaux, … Le Data Act impose par ailleurs une série d’obligations aux prestataires de services cloud en matière de migration de données et d’interopérabilité (par exemple supprimer les obstacles commerciaux, techniques et contractuels empêchant le client de porter ses données, applications ou autres actifs numériques vers d‘autres prestataires ; assurer une période transitoire de migration de 30 jours avec assistance ; ou encore assurer la compatibilité de ses services avec les normes d’interopérabilité de la Commission européenne).
• European Health Data Space (EHDS). La proposition de règlement sur l’espace européen des données de santé (10) a été soumise par la Commission européenne le 3 mai 2022. L’UE entend adopter ce texte d’ici 2025, pour une entrée en application douze mois après sa publication. L’objectif est triple : établir les règles régissant l’espace européen des données de santé afin d’améliorer et garantir aux personnes physiques un accès sûr à leurs propres données de santé et un contrôle sur ces données dans le contexte des soins de santé (dite « utilisation primaire ») ; améliorer le fonctionnement du marché unique pour la mise au point et l’utilisation de produits et services de santé innovants fondés sur des données de santé, et veiller à ce que les chercheurs et les entreprises innovantes puissent tirer le meilleur parti des données de santé disponibles pour leurs travaux (dite « utilisation secondaire ») ; établir un cadre juridique uniforme pour le développement, la commercialisation et l’utilisation des systèmes de dossiers médicaux électroniques (DME). Dans le cadre de l’utilisation primaire des données, les citoyens de l’UE auront à leur disposition des droits et mécanismes supplémentaires complétant leurs droits existants au titre du RGPD sur leurs données de santé électroniques.
Concernant l’utilisation secondaire, le projet de règlement EHDS vient encadrer avec précision les pratiques des chercheurs et acteurs de l’industrie de santé (par exemple : limitation des catégories de données pouvant être utilisées, encadrement des finalités autorisées) et leur imposer des obligations (sécurité des solutions utilisées, transparence sur le calcul des redevances générées par l’utilisation secondaire).
• Artificial Intelligence Act (AIA). Cette proposition de règlement sur l’intelligence artificielle (11) a été soumise le 21 avril 2021 par la Commission européenne. L’adoption de ce texte est pressentie à horizon 2024, pour une entrée en application entre 18 et 24 mois après son adoption. Le texte vise à créer les conditions propices au développement et à l’utilisation d’une IA de pointe, éthique, sûre et digne de confiance dans l’UE. Pour se faire, l’approche est technologiquement neutre et le texte met en place des règles impératives, applicables de façon proportionnée en fonction des risques que présentent les systèmes d’IA concernés. Ainsi, les IA présentant un risque inacceptable pour les personnes sont interdites ; celles présentant un haut risque se voient imposer un certain nombre d’obligations; celles présentant un risque faible sont soumises à des obligations de transparence et d’information vis-à-vis des utilisateurs ; et enfin celles présentant un risque résiduel ne sont pas soumises au projet de règlement AIA, mais régulées par l’adoption volontaire de code de conduite et/ou de charte éthique (12).
• Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA). Un accord politique a été conclu sur le DMA (13) le 24 mars 2022 et sur le DSA (14) le 23 avril 2022, suivi d’un vote final au Parlement européen le 5 juillet dernier. Une fois adoptés respectivement en juillet et en septembre 2022, le DMA entrera en application six mois après l’entrée en vigueur, et le DSA quinze mois après l’entrée en vigueur ou à partir du 1er janvier 2024, la date la plus tardive étant retenue (15).
• Modifications de textes existants. Plusieurs autres textes sont également en cours de révision. La directive NIS (16) est modifiée par le projet de directive NIS2, dont le champ d’application a été considérablement élargi, puisqu’il vise désormais à réguler beaucoup plus d’organisations et entreprises et qu’il renforce les obligations à la charge des acteurs concernés en imposant notamment des obligations renforcées en termes de gestion des risques, de notification des incidents et de divulgation des vulnérabilités (17). La directive Machines (18) devient un projet de règlement Machines (19), visant principalement une numérisation de la documentation en la matière (instructions d’utilisation et déclaration) et la mise en place d’évaluations de conformité (pour certaines catégories de produits). De son côté, la directive ePrivacy (21), transformée en projet de règlement ePrivacy peine à voir le jour depuis la publication de sa première version en janvier 2017. De nombreux points restent encore et toujours en débat, notamment sur le régime applicable au dépôt de cookies et à la prospection commerciale.

Imbrication des textes parfois peu intelligible
Ces textes sont ambitieux et mêlent approche globale et sectorielle. Il en résulte une imbrication parfois peu intelligible des différents mécanismes et obligations pesant sur les acteurs qui multiplient souvent de nombreuses casquettes et entrent donc simultanément dans les champs d’application de plusieurs de ces textes. Bien qu’il soit louable de vouloir emboîter le pas au développement exponentiel de la valeur des données et du numérique, on peut s’interroger sur l’efficacité d’une telle multiplication de textes qui entraîne malheureusement la publication de textes peu aboutis, péniblement interopérables, voire difficilement transposables à la pratique des industries qu’ils visent. @

Souveraineté numérique : l’Europe en quête de fonds

En fait. Les 21 et 22 juin, s’est tenue l’Assemblée numérique (Digital Assembly) qui est organisée chaque année – depuis juin 2011 – par la Commission européenne et la présidence de l’Union européenne. Cette année, sous présidence française (1er semestre 2022), ce rendez-vous s’est déroulé à Toulouse et en ligne. Et après ?

En clair. C’est la première fois que Bruno le Maire intervenait publiquement (en vidéo préenregistrée cependant) en tant que ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (sa nouvelle dénomination depuis le 20 mai). C’est aussi la dernière fois que le locataire de Bercy depuis plus de cinq ans prononçait un discours sous la présidence française de l’Union européenne qui s’achève le 30 juin pour passer le relais semestriel à la Tchéquie. « Chers représentant de l’écosystème numérique européen… », a-t-il commencé en guise d’ouverture de l’Assemblée numérique (Digital Assembly) qui s’est tenue les 21 et 22 juin.
Ce rendez-vous annuel, organisé depuis plus de dix ans maintenant (1) (la première édition a eu lieu en juin 2011) par la Commission européenne et la présidence de l’Union européenne (UE), fut, selon lui, « l’occasion de poser la question de l’avenir numérique de notre Continent » car « la souveraineté numérique de l’Europe est stratégique (…) et doit reposer sur quatre grands principes : l’innovation, la régulation, la protection et la résilience ». Face aux GAFAM américains que les Vingt-sept ont tendance depuis des années à accuser de les avoir « colonisés » (2) et les BATX chinois en embuscades malgré les contraintes imposées par Pékin, l’Europe entend notamment « faire grandir [ses] champions » : « Il ne peut pas y avoir de souveraineté numérique sans entreprises de technologie européennes, puissantes de rang mondial », prévient le locataire de Bercy. Cela suppose, a-t-il rappelé, de « financer la croissance de [ces] entreprises », notamment par le biais du plan « Scale-up Europe » lancé en mars 2021 par Emmanuel Macron en lien avec la Commission européenne et les autres Etats membres. Objectif : « Créer plus de dix géants technologiques valorisés à plus de 100 milliards d’euros au sein de l’Union européenne avant 2030 » (3). L’Europe manquant de fonds de taille suffisante pour financer des start-up en phase de croissance et les investisseurs institutionnels étant plus frileux vis-à-vis d’elles, l’idée est, a expliqué Bruno le Maire, de « faire émerger dix à vingt fonds de plus de 1 milliard d’euros [chacun, ndlr] capables de rivaliser avec nos concurrents américains ou asiatiques ». Et d’annoncer devant l’écosystème numérique européen de la Digital Assembly : « Le financement, c’est la clé. Ce projet a déjà reçu le soutien de 22 Etats membres ». @

La bulle « NFT » a-t-elle éclatée ? A moins que les jetons non-fongibles ne reprennent leur souffle

Selon les constatations de Edition Multimédi@ et d’après la plateforme NonFungible de tracking en temps réel du marché mondial des jetons non-fongibles, les fameux NFT, les ventes de ces actifs numérique certifiés par la blockchain ont retrouvé les niveaux d’il y a un an. Pour mieux rebondir ?

Les NFT ne sont pas morts ; ils bougent encore. Ces actifs numériques appelées « jetons non-fongibles » continuent plus que jamais à faire office de certificat d’authenticité inviolable pour propriétaire détenteur d’un bien numérique voire d’un bien physique associé. Cet « acte de propriété » est certifié sur une des nombreuses blockchains disponibles, ces chaînes de blocs cryptées de bout en bout qui permettent d’assurer la traçabilité des transactions dont fait l’objet le bien rare – et cher ? – possédé.

Retour au niveau de juin 2021
D’après l’historique sur un an arrêté au jeudi 26 mai par Edition Multimédi@ à partir des données de la plateforme d’analyse de marché de la société canadienne NonFungible, le marché mondial des NFT a retrouvé les niveaux d’il y a un an. Le nombre de transaction n’est plus que de 15.514 ventes sur cette journée-là pour une valorisation totale de 17 millions de dollars (voir graphique ci-dessous). Autant dire qu’il y a eu une sorte d’éclatement de bulle « NFT » depuis les records atteints l’an dernier, à 224.768 ventes le 24 septembre 2021 pour un total de valorisation de 78,3 millions de dollars ce jour-là. Quant au nombre de vendeurs ou d’acquéreurs actifs de ces tokens de propriété, c’est-à-dire les utilisateurs détenteurs de portefeuilles actifs (active wallets), il n’est plus que de 12.000 à cette même date du jeudi 26 mai comparé aux quelque 120.000 de l’automne dernier. La société NonFungible, basée dans la Nouvelle-Ecosse au Canada et cofondée en 2018 par le Canadien Daniel Kelly alias Dan (avatar de gauche) et le Français Gauthier Zuppinger alias Zoup (avatar de droite), a débuté en suivant les transactions en temps réel de la place de marché Decentraland, pour ensuite étendre son tracking à l’ensemble de la blockchain Ethereum sur laquelle s’appuie aussi bien d’autres plateformes (The Sandbox, OpenSea, Polygon, Rarible, Sorare, Cryptokitties, Audius, Shiba Inu, …). Les données sont collectées directement par NunFungible via des « Blockchain Nodes » afin de suivre 100 % de l’activité des jetons à la norme ERC-721 (1) établie en janvier 2018. Le marché des NFT n’est pas le seul à avoir subi un « krach » puisque, dans un contexte d’inflation, de remontée des taux d’intérêt obligataires et de guerre, l’ensemble de places financières ont sérieusement accusé le coup ces dernières semaines – du Nasdaq (la Bourse newyorkaise de valeur technologique à forte croissance) au cryptomonnaies (le bitcoin en tête), comme l’explique bien l’économiste Marc Touati dans une vidéo démonstrative publiée sur YouTube le 17 mai (2). « L’année 2022 est bien celle de la fin des excès financiers et du retour à la réalité », explique-t-il.
Les NFT, dans le sillage de la chute des cryptomonnaies plus que jamais volatiles, n’échappent pas à ce brusque atterrissage. La société NonFungible a montré dans son « NFT Market Report » portant sur le premier trimestre 2022 que la fin de l’euphorie amorcée fin 2021 s’est confirmée sur les trois premiers mois de l’année. En un an, le nombre des ventes a baissé de presque moitié (47 %) à 7,4 millions et le nombre de d’acquéreurs de près d’un tiers (31 %) à un peu plus 1,1 million. Résultat sur un an : les ventes en valeur ont reculé au premier trimestre de 4,6 %, à 7,8 milliards de dollars (3).
C’est une douche froide par rapport à l’année 2021 qui a affiché (4) des performances record : le nombre des ventes avait bondi de… 1.836 % par rapport à l’année précédente, à plus 27,4 millions, et le nombre de d’acquéreurs de… 2.962 %, à plus de 2,3 millions. Résultat en 2021 : les ventes en valeur avaient explosé de… 21.350 %, à 17,7 milliards de dollars (5). Mais rien ne dit que l’année 2022 ne va pas rebondir et les NFT retrouver des sommets. @

Charles de Laubier

Les promesses numériques, culturelles et audiovisuelles s’accumulent pour le 2e et dernier quinquennat de Macron

Le 8e président de la Ve République entame son deuxième et dernier mandat de cinq ans avec à nouveau des promesses, notamment numériques, culturelles et audiovisuelles. L’ancien ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (2014-2016) poursuit sa « Start-up Nation », mais reste toujours flou sur l’audiovisuel public.

14 mai 2017-7 mai 2022. Deux investitures. Un même président de la République. Mais des promesses qui n’ont presque rien à voir avec celles d’il y a cinq ans. Même si la confrontation entre Emmanuel Macron (photo) et la candidate d’extrême droite a donné un air de déjà vu – avec une élection présidentielle remportée par le premier grâce au front républicain –, la donne a changé et les défis sont autrement plus sérieux et graves (guerre, nationalisme, pandémie, inégalités, fracture territoriale, réchauffement climatique, …). Au-delà de son discours d’investiture du 7mai 2022 rappelant l’esprit des Lumières, de la République française et de l’Europe, le toujours jeune locataire de l’Elysée (44 ans) sait qu’il doit passer rapidement aux actes. C’est dans ce contexte nouveau que le toujours 8e président de la Ve République, réélu le 24 avril, a déclaré lors de son investiture qu’il aller notamment « agir pour faire de notre pays une puissance agricole, industrielle, scientifique et créative plus forte en simplifiant nos règles et en investissant pour cette France de 2030 » ou, par exemple, « agir pour bâtir une société du plein emploi et d’un juste partage de la valeur ajoutée car la France a besoin de continuer de produire et d’innover davantage » (1). Mais il faut se référer au programme du candidat à sa réélection, présenté le 17 mars dernier, pour entrer dans le dur de ses promesses présidentielles.

Un ministère du Numérique digne de ce nom ?
Encore faut-il qu’un nouveau gouvernement soit nommé, alors que l’actuel est resté en place au moins jusqu’au vendredi 13 mai à minuit, dernier jour officiel du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Le Premier ministre Jean Castex devrait démissionner dimanche 15 mai après avoir vu… le Pape. Dans cette phase de transition et à cinq semaines des élections législatives à l’issue incertaine pour la majorité actuelle, nul ne sait qui sera le prochain Premier ministre ou – même si deux femmes (2) ont déjà décliné l’offre du président de la République – la prochaine Première ministre : Audrey Azoulay ? Sur la composition de son gouvernement, les spéculations vont bon train. Par exemple, la future locataire de Matignon aura-t-elle un ministère du Numérique digne de ce nom ? Pour le chef de l’Etat qui fut ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (2014-2016) et qui s’est fait le président champion de la « Start-up Nation », cette éventualité est en réflexion. Durant les deux années de restrictions sanitaires, dont trois périodes de confinement, le distanciel (télétravail, école en ligne, téléconsultations, …) a jeté une lumière crue sur la fracture numérique et le taux d’illectronisme qui sévissent en France (3). Le prochain gouvernement ne devrait plus se contenter d’un secrétaire d’Etat au Numérique.

Cédric O va quitter la politique
Cédric O, qui assume cette fonction (4) depuis mars 2019 après avoir succédé à Mounir Mahjoubi, a déjà prévenu dès l’an dernier Emmanuel Macron qu’il quittera la vie politique à l’issue du premier quinquennat où il fut aussi le porte-voix de la « French Tech » (5). Parmi la dizaine de noms qui circulent à sa succession ou pour devenir le ministre à part entière du Numérique, il y en a deux qui tiennent la corde : Eric Bothorel (55 ans), député (LREM devenu Renaissance) de la 5e circonscription des Côtes d’Armor et ancien socialiste, informaticien, coprésident du groupe d’étude de l’économie de la donnée, de la connaissance et de l’intelligence artificielle à l’Assemblée nationale ; Philippe Englebert (31 ans comme il nous l’a confirmé, et non 37 ans comme des médias l’ont écrit par erreur), actuel conseiller technique « entreprises, services financiers, attractivité et export » aux cabinets respectifs d’Emmanuel Macron et de Jean Castex, après avoir été conseiller « entreprises et technologies » de Cédric O. Autant Eric Bothorel a déjà roulé sa bosse et est élu, autant Philippe Englebert – auteur du Que sais-je ? « Les start-up en France » (PUF, 2021) – manque encore d’envergure pour briguer un ministère du Numérique de plein exercice. En revanche, ce jeune conseiller technique a le profil pour être l’un des secrétaires d’Etat rattachés à ministre du Numérique. Et pourquoi pas le secrétaire d’Etat à la Fracture numérique qu’Arthur Pinault, fondateur de SOStech, appelle de ses voeux dans une tribune parue dans Marianne le 6 mai dernier pour venir en aide aux 13 millions de Français qui en pâtissent (6). Le candidat Macron de 2017 avait promis du très haut débit sur l’ensemble du territoire national d’ici fin 2022, en attendant « la fibre pour tous » pour 2025 – repoussant de trois ans l’objectif fixé par son prédécesseur François Hollande. Non seulement il reste encore du chemin à faire en termes de taux de pénétration du très haut débit (7), mais aussi les branchements à la fibre optique se passent très mal à de nombreux endroits (8). Et selon les calculs de Edition Multimédi@, au 31 décembre 2021, le taux de pénétration du FTTH (9) en France n’était que de 48,7% d’abonnements (14,4 millions) sur le total des 29,7 millions de locaux (ou foyers) éligibles à la fibre optique de bout en bout jusqu’à l’abonné. Le président-candidat de 2022 a promis à nouveau d’« achever la couverture numérique du territoire par la fibre d’ici 2025 » (10).
D’autres engagements sont aussi avancés : « Généraliser l’enseignement du code informatique et des usages numériques à partir de la 5e », « Transformer l’Etat par le numérique » (l’appli TousAntiCovid étant citée en exemple de simplification), « 20.000 accompagnateurs pour aider les Français qui en ont besoin dans la maîtrise des outils numériques et leurs démarches quotidiennes », « Développement de la téléconsultation », « Un investissement massif dans l’innovation : robotique, numérique […]». Quant au carnet de santé numérique, il sera « accessible à tous en 2022 ».
Côté culture, Emmanuel Macron a notamment prévu pour son dernier quinquennat « un investissement pour construire des métavers européens et proposer des expériences en réalité virtuelle, autour de nos musées, de notre patrimoine et de nouvelles créations, en protégeant les droits d’auteur et droits voisins ». Autre promesse : « Une extension du Pass Culture pour accéder plus jeune à la culture ». Cette appli culturelle est créditée de 300 euros offerts pour les 18 ans, et même à partir de 15 ans depuis le 10 janvier dernier (300 euros renouvelés pendant quatre ans).
Concernant cette fois l’audiovisuel, l’acteur principal de « Macron à l’Elysée, saison 2 » est beaucoup moinsdisant que dans la « saison 1 ». La grande réforme du premier quinquennat – celle de l’audiovisuel – visait à rapprocher les sociétés audiovisuelles publiques et à simplifier la réglementation audiovisuelle sur fond de basculement numérique.

« Audiovisuel, saison 2 », par Macron
Or cette promesse d’il y a cinq ans a été sacrifiée sur l’autel du covid et remplacée par quelques mesures, dont la création de l’Arcom (issue de la fusion entre le CSA et l’Hadopi), la lutte contre piratage étendue au streaming, ou encore la contribution des grandes plateformes de SVOD au financement de films et séries françaises. Pour la « saison 2 », Emmanuel Macron promet de « supprimer la “redevance télé” et garantir l’indépendance de l’audiovisuel public ». Les producteurs sont très inquiets de cette décision (11), tandis que les industries culturelles en attendaient bien plus du président réélu (12). @

Charles de Laubier