La France revoit sa stratégie numérique culturelle

En fait. Le 11 juin, le ministère de la Culture a publié le bilan complet de sa démarche de « stratégie numérique culturelle » qui a duré deux ans (consultation publique et groupes de travail). Son « service du numérique » a identifié les défis à relever et un plan d’action alliant culture et numérique.

En clair. Le ministère de la Culture, passé en janvier 2024 sous la coupe de Rachida Dati (1), cherche à mettre en œuvre une nouvelle « politique culturelle » en tenant compte de l’« explosion des pratiques numériques », de la « transformation des formes de création », du « bouleversement des circuits de distribution », de la « modification des modèles économiques » ou encore des « difficultés à assurer un partage équitable de la valeur ». Par exemple, « les débats actuels autour des NFT, des technologies immersives et de l’intelligence artificielle montrent à quel point les nouveaux usages numériques interrogent ». C’est dans cet esprit que le rapport de la rue de Valois sur la « stratégie numérique culturelle » à mettre en œuvre a été publié le 13 juin dernier.
Ce document de 32 pages (2) assorti de huit fiches (3) pour un « plan d’actions » à mener (ou à poursuivre) d’ici fin 2024 et courant 2025, voire en 2026, a été élaboré durant deux ans par le « service numérique » (SNum) du ministère de la Culture. Ce SNum a été créé par un arrêté du 31 décembre 2020 (4) et, opérationnel depuis début 2021, est dirigé par depuis lors par Romain Delassus. En tant que « chef du SNum », il a tenu à souligner que « loin de vouloir construire un jardin à la française, ou de se positionner en donneur d’ordre vis-à-vis de l’écosystème culturel, l’objectif de cette démarche est au contraire de responsabiliser et d’aider chaque équipe et chaque établissement dans la construction de sa propre stratégie numérique ».

Web3/blockchain, le retour du numérique d’occasion

En fait. Le 21 février, Jérémy Benech, cofondateur de la plateforme Liwé, a indiqué à Edition Multimédi@ que le développement de la fonction « revente de livres numériques » est en cours de développement. Avec le Web3, les industries culturelles doivent se préparer à la légalisation du marché de l’occasion numérique.

En clair. N’en déplaise aux industries culturelles : le marché de l’occasion numérique revient, dix ans après que la société américaine ReDigi – pionnier de la revente d’occasion digitale de musiques, de livres, de jeux vidéo, d’applications et de logiciels – ait essuyé les plâtres judiciaires. Le label Capitol Records avait eu raison de la vente de musiques numériques d’occasion. Ce fut un procès fleuve pour violation des droits d’auteur, de la plainte à New-York en 2012 jusqu’au rejet du dernier recours de ReDigi (1) par la Cour suprême des Etats-Unis en 2019 (2). ReDigi a dû mettre la clé sous la porte.
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts, et le Web3 – avec les chaînes de blocs (blockchain), les jetons non-fongibles (NFT) et les cryptomonnaies (tokens) – est apparu. Et cela change tout en termes de traçabilité des actifs numériques, d’authentification des détenteurs et d’inviolabilité des transactions. C’est dans ce cadre que s’inscrit la jeune pousse Liwé, basée à Saintes (CharenteMaritime), qui a lancé en mai 2023 la version bêta de sa librairie numérique du même nom. Son catalogue d’ebooks et l’autopublication sont disponibles, mais pas encore de quoi revendre des livres numériques d’occasion. « Il nous reste à développer la revente légale d’ebooks, notre principale innovation, qui sera disponible en septembre », indique à Edition Multimédi@ Jérémy Benech, cofondateur de la plateforme Liwé.

«Jeux web3» : vers un nouveau cadre de régulation dédié aux jeux à objets numériques monétisables

Les jeux en ligne sont de plus en plus nombreux à utiliser des NFT et/ou des modèles P2E (play-toearn) en guise de monétisation. L’article 15 du projet de loi « SREN » – surnommé « article Sorare » (du nom de la société française pionnière dans le domaine sportif) – vise à encadrer ces pratiques.

Par Emma Hanoun et Jade Griffaton, avocates, DJS Avocats

Le législateur français a récemment accompli un progrès notable dans la sécurisation et la régulation de son espace numérique, avec l’adoption en première lecture, par l’Assemblée nationale le 17 octobre 2023, du projet de loi dite « SREN » (1). Cette initiative gouvernementale (2) est d’une importance capitale, car elle cible notamment un domaine spécifique et en pleine croissance : celui des jeux d’argent en ligne s’appuyant sur la technologie de la blockchain. Appelés « jeux à objet numérique monétisable » (Jonum), ou « jeux web3 », ils sont susceptibles d’aboutir à l’introduction d’un régime dédié en droit français.

Instaurer « un cadre protecteur »
Ce projet de loi SREN, qui vise à sécuriser et réguler l’espace numérique en France, avait été présenté au conseil des ministres du 10 mai 2023 par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et par Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du Numérique, et adopté en première lecture, avec modifications et à l’unanimité, par le Sénat le 5 juillet 2023. Le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte. Son titre IV vise à « assurer le développement en France de l’économie des objets de jeux numériques monétisables dans un cadre protecteur ». Et ce, par l’« encadrement des jeux à objet numérique monétisable ». Quel est l’état des lieux de ces « Jonum » ? La troisième génération d’Internet communément appelé Web3, et son organisation décentralisée reposant sur la blockchain (chaîne de blocs), a permis l’émergence de nombreuses évolutions numériques et constitue un levier de développement pour le secteur des jeux vidéo et des jeux en ligne. Les Jonum, nouveau type de jeu en ligne se fondant sur la blockchain et les NFT (3), se sont développés et ont la particularité de soumettre la participation et la progression dans le jeu à l’achat d’objets numériques monétisables identifiés par un certificat attestant de leur authenticité, d’où l’appellation « jeux à objets numérique monétisable ».

OpenSea, l’ex-1ère plateforme d’échanges de NFT, dévalorisée, licencie mais prépare sa version 2.0

Son cofondateur Devin Finzer l’a confirmé : la société Ozone Networks (alias OpenSea), valorisée début 2022 plus de 13 milliards de dollars, licencie. Mais la première plateforme d’échange de NFT va tenter rebondir, sur un marché baissier et face à son nouveau rival Blur, grâce à « OpenSea 2.0 ».

« Nous avons pris du recul et repensé notre culture opérationnelle, notre produit et notre technologie, à partir de zéro. Et aujourd’hui, nous réorientons l’équipe autour d’OpenSea 2.0, une grande mise à niveau de notre plateforme – y compris la technologie sous-jacente, la fiabilité, la vitesse, la qualité et l’expérience. Nous aurons bientôt des expériences à partager avec vous. Aujourd’hui, nous disons au revoir à un certain nombre de coéquipiers d’OpenSea. C’est la partie la plus difficile de ce changement », a annoncé le 3 novembre Devin Finzer (photo), cofondateur et directeur général d’Ozone Networks, opérant la place de marché OpenSea (1).

Son actionnaire Coatue se désengage
Les premières plateformes d’échanges de NFT ont eu leur heure de gloire : OpenSea, Rarible ou encore Objkt. Mais plus encore pour OpenSea, dont la société éponyme a été créée par Devin Finzer et Alex Atallah à New York en décembre 2017. Elle deviendra rapidement la principale place de marché pour les jetons non-fongibles (NFT), assurant à elle seule près de 90 % des transactions au meilleur de sa forme en janvier 2022 – d’après Dune Analytics et Binance Research. A cette date, il y a près de deux ans maintenant, la valorisation d’OpenSea en tant que licorne atteignait son pic, à 13,3 milliards de dollars, après avoir levé 300 millions de dollars pour son financement lors d’un tour de table mené par les capital-risqueurs Paradigm Capital et Coatue Management auprès de plusieurs investisseurs (parmi lesquels Animaco Brands, A16z Crypto/ Andreessen Horowitz, …). Mais sous l’effet conjugué de l’effondrement du marché mondial des NFT l’an dernier (2) et de la remise en cause de sa position dominante par le challenger Blur lancé avec succès il y a un an, OpenSea a perdu de sa superbe.

Un livre blanc prône la régulation du smart contract

En fait. Le 4 octobre dernier, a été divulgué par l’association Paris Place de Droit un livre blanc intitulé « Quel avenir pour le smart contract en France ? Oser la vitesse sans la précipitation », dont les coauteurs sont l’avocat Fabrice Lorvo (FTPA) et l’étudiant Timothée Charmeil (Harvard Law School).

En clair. Lors de sa « Nuit du Droit », qui a eu lieu le 4 octobre au Tribunal de Commerce de Paris, l’association Paris Place de Droit – créée en 2015 pour promouvoir la capitale de la France comme place juridique internationale – a présenté un livre blanc sur le smart contract (1). La traduction en français est « contrat intelligent » mais les auteurs la jugent « trompeuses ». « Le smart contract, tel qu’utilisé aujourd’hui, peut alors être défini comme le protocole informatique organisant l’échange automatique d’actifs dématérialisés enregistré sur une blockchain » expliquent les coauteurs Fabrice Lorvo (avocat, cabinet FTPA) et Timothée Charmeil (Harvard Law School).
Le smart contract permet ainsi de fusionner en un seul acte – certifié et authentifié sur la blockchain – la conclusion du contrat et son exécution, de supprimer l’intervention des intermédiaires comme le banquier ou l’huissier de Justice, et de rendre inéluctable la phase d’exécution du contrat lorsque les conditions sont objectivement réalisées. « En effet, souligne le livre blanc de la commission “numérique et juridique” de l’association Paris Place de Droit (2), nul ne peut empêcher l’exécution du smart contract dans les conditions prévues par le code enregistré dans la blockchain ». L’exécution est alors irréversible. Et ce, « quoi qu’il en coûte ».