Vers une protection juridique de la neutralité du Net

Alors que la consultation de l’Arcep s’est achevée le 13 juillet – avec 40 contributions reçues et des « recommandations » prévues pour septembre
– et que le rapport du gouvernement va être remis au Parlement, le débat
sur la neutralité des réseaux prend une envergure européenne.

Par Hervé Castelnau (photo), avocat associé, et Thibaut Kazémi, avocat à la Cour, Norton Rose LLP

Le 30 juin dernier, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur la neutralité de l’Internet. Il s’agit notamment pour la direction générale de Neelie Kroes de recueillir des avis sur les problématiques relatives à la gestion
du trafic qui sont liées à la neutralité des réseaux.
L’exécutif européen souhaite ainsi vérifier que les nouvelles règles applicables en matière de télécommunications seront suffisantes pour régler ces difficultés. Cette dernière initiative s’ajoute aux nombreuses réflexions qui ont été ou sont actuellement menées au niveau national, tant en France qu’à l’étranger.

La rentrée s’annonce (très) chargée pour l’Arcep

En fait. Le 10 septembre, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a fait le point sur les principaux dossiers
de la rentrée tels que très haut débit, 3G/4G, neutralité du Net, Paquet télécom, qualité de services, relations entre opérateurs et consommateurs, …

En clair. Mine de rien, la rentrée 2010-2011 s’annonce être l’une des plus chargées
pour l’Arcep, tant les chamboulements concurrentiels et réglementaires à venir vont
faire passer le marché des télécoms, des mobiles et de l’accès à Internet à la vitesse supérieure. Entre le déploiement de la fibre optique, d’une part, et la mise en place du très haut débit mobile, d’autre part, et en attendant l’arrivée du quatrième opérateur mobile en 2012 (Free), le paysage français des télécoms entame une profonde mutation de ses infrastructures et de leurs contenus. C’est dans le mobile, avec la quatrième génération de mobile (4G), que le rythme va s’accélérer : l’Arcep a reçu jusqu’au 13 septembre dernier les ultimes commentaires des acteurs intéressés et s’apprête à transmettre au gouvernement « au début de l’automne » ses propositions pour que soient publiés « courant décembre » le cadre de l’appel à candidature pour l’attribution des fréquences 2,6 Ghz et 800 Mhz, puis que soient lancées « d’ici fin
2010 » les procédures d’appel à candidatures (1). Les fréquences de 2,6 Ghz seront attribuées « en premier fin mars » et celles de 800 Mhz du dividende numérique « en juillet », selon les indications de Jean-Ludovic Silicani, président de l’Arcep. A ce rythme, la 4G pourrait être disponible « avant la fibre optique dans certains territoires ». Car la fibre est peut-être rapide en débit mais… plutôt lente en déploiement.
« A l’automne », l’Arcep va lancer une consultation publique sur « un modèle technico-économique » du déploiement de la fibre optique sur tout l’Hexagone avec financement public-privé, dont elle évaluera le coût global « d’ici à la fin de l’année » (2). Ces nouvelles infrastructures soulèvent en outre avec plus d’acuité la question de la neutralité du Net. L’Arcep publiera ses propositions « fin septembre » pour compléter
le rapport du gouvernement au Parlement (lire EM@19, p .4), lequel aura
à transposer à l’automne le Paquet télécom européen. « Il faut sortir d’une double hypocrisie » (des tenants d’un Internet sans but lucratif devant rester neutre versus
des marchands de l’Internet commercial rejetant tout intervention). La transparence, l’information et la non discrimination du consommateur seront au coeur de la future loi. C’est justement « fin novembre » que l’Arcep émettra des recommandations en faveur
du consommateur. @

Viktor Arvidsson, Ericsson : « Les consommateurs doivent pouvoir accéder aux contenus légaux de leur choix »

Le directeur de la stratégie et des affaires réglementaires chez Ericsson France, filiale du numéro un mondial des réseaux mobiles, répond aux questions d’Edition Multimédi@ sur l’émergence d’un nouvel écosystème à l’heure de la convergence entre télécoms et audiovisuel.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Comment Ericsson perçoit-il
le souhait de l’industrie du cinéma français que les fabricants de terminaux interactifs puissent être obligés comme les fournisseurs d’accès à Internet d’investir dans des films? Viktor Arvidsson (photo) :
Il nous
semble que cette approche, qui consisterait à obliger les équipementiers télécoms à investir dans les contenus, n’est pas nécessairement la meilleure. A notre sens, les différents acteurs de l’écosystème contribuent conjointement au développement du marché. S’il n’y avait pas de vidéo à la demande, il y aurait moins de terminaux interactifs et inversement. Il faut donc être extrêmement prudent avant d’attribuer un succès – que l’on serait tenté de considérer comme un peu « parasitaire » – à un des acteurs d’un écosystème. Dans ce contexte, le réflexe qui consiste à « punir » les acteurs qui réussissent est plutôt contre-productif. Cette approche nous semble également assez inédite et l’on voit mal, par exemple, l’industrie de l’automobile financer les constructeurs d’autoroutes ! S’il y a des problèmes conjoncturels ou structurels dans une industrie, il faut les traiter en tant que tels. Il ne nous semble donc pas légitime et efficace de taxer ainsi les équipements télécoms.

iPad, iPhone, iPod, iTunes, iBooks Store, iAd… : Apple, l’« iPrison » dorée du Net

Apple est un « jardin muré » (walled garden). Mais le modèle économique de
la firme de Steve Jobs soulève des questions, notamment vis à vis de ses concurrents. Passé la frénésie médiatique autour de l’iPad, les autorités
antitrusts pourraient enquêter sur des abus éventuels.

L’iPad est-il la goutte d’eau qui va faire déborder le « vase clos » d’Apple ? Presque dix ans après le lancement de son baladeur iPod, sept ans après l’ouverture de sa boutique virtuelle iTunes Store qui en a assuré le succès, et trois ans après l’arrivée de l’iPhone, Apple joue encore à guichet fermé avec sa nouvelle icône : l’iPad. La tablette multimédia est disponible depuis vendredi 28 mai sur huit marchés hors des Etats-Unis (1), dont la France : 599 à 799 euros (2). Trois ans après le succès de l’iPhone, Apple défraie à nouveau la chronique avec son nouvel écran tactile multifonction.

La quasi-neutralité du Net

En prenant l’autoroute ce vendredi soir pour partir en week-end, coincé dans un embouteillage, j’ai repensé à l’image qu’utilisa Tim Wu, professeur de droit à l’Université de Columbia, pour lancer le débat sur la neutralité du réseau
en 2005. En me présentant enfin à la barrière de péage,
j’ai eu le choix entre deux tickets. L’un me permettait de rouler
à la vitesse maximale autorisée en empruntant une voie spéciale “heuresde- pointe”, à condition d’être l’heureux propriétaire d’une voiture de la marque de l’un des trois constructeurs ayant signé un accord exclusif avec l’exploitant de la société d’autoroutes. L’autre m’autorisait à emprunter les voies encombrées par
le plus grand nombre. Bien sûr, ce qui précède n’a pas eu lieu, enfin pas tout à fait de cette manière, et j’ai dû prendre mon mal à patience. Les débats sur la neutralité de l’Internet ont pris une place croissante jusqu’à envahir l’espace de discussion publique du début de la décennie 2010, toutes les sensibilités s’exprimant au gré des attentes et intérêts des uns et des autres.

« Finalement, un équilibre instable a permis de définir un Internet fixe et mobile pour tous, assortis de conditions minimales d’accès en termes de qualité, de tarifs et de contenus »