Corinne Denis, présidente du Geste : « Google Actualités s’est construit avec nos contenus »

Présidente du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), lequel a
25 ans cette année, Corinne Denis – par ailleurs DGA du groupe Express Roularta
– parle des grands défis de son mandat : mesure d’audience, Google Actualités, publicité en ligne, fiscalité numérique, multi-écran, …

Propos recueillies par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous avez été élue il y a quatre mois à la présidence du Geste. Quelles sont vos priorités ? La diversité de vos membres et l’absence
de définition du métier d’éditeur de service en ligne
ne sont-elles pas des handicaps pour trouver des consensus ?
Corinne Denis :
Les priorités du Geste n’ont pas changé avec ma nomination. Notre organisation regroupe toujours ses membres autour du business, de l’innovation et du partage d’expertises sur les nouveaux modèles économiques. Avec, pour principal objectif, la construction d’un écosystème pérenne et équitable pour les éditeurs. Ainsi, nous prenons position sur des sujets qui touchent le cœur de notre activité, suivons de près les usages et les besoins, et sommes exigeants sur la qualité des mesures de certification. La diversité des membres n’a jamais été un obstacle et a toujours participé de la pertinence des prises de positions du Geste. C’est le seul endroit en France où se côtoie l’ensemble des professionnels éditeurs en ligne, tous horizons confondus (médias, vidéo, musique, jeux, ou encore des petites annonces et enchères). Certains sujets ne font pas l’unanimité, comme dans toute association, mais les sujets qui intéressent tout
le monde sont légion: réseaux sociaux, télévision connectée, monétisation des contenus, jeux en ligne, protection des données utilisateurs, neutralité du Net… Le Geste élit chaque année un conseil d’administration qui représente les différents secteurs de l’édition en ligne. Il permet d’orienter la stratégie de l’association, son positionnement, son organisation en commissions et ses prises de parole.

Les opérateurs télécoms veulent une meilleure rémunération pour le trafic Internet

Les opérateurs historiques, font du lobbying au niveau mondial – via leur association ETNO – pour que les échanges de trafic Internet soient mieux rémunérés. Mais une « terminaison data » semble impossible, tant qu’il n’existe
pas de levier réglementaire au niveau européen.

Avertissement : cet article est paru dans EM@ n°64 daté du 17 septembre, soit quatre jours avant la décision « Cogent contre Orange »de l’Autorité de la concurrence datée du 20 septembre.

Par Winston Maxwell, avocat associé Hogan Lovells LLP

Cet été la ministre déléguée en charge de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, a mis en garde contre une interprétation de la neutralité du Net qui favoriserait trop les acteurs américains de l’Internet, au détriment des opérateurs télécoms français. Implicitement, elle soutient l’idée d’une rémunération équitable pour les opérateurs français dans le cadre de leurs relations avec des acteurs de l’Internet. Ce commentaire « ministériel » fait écho de la proposition de l’association ETNO (1), laquelle souhaite voir inclure dans le traité de l’Union internationale des télécommunications (UIT) un principe de rémunération raisonnable en faveur des opérateurs de réseaux qui acheminent du trafic en provenance du Net. Il s’agit d’un tarif de « terminaison data » similaire au tarif de terminaison pour les appels téléphoniques.

La « séparation structurelle » entre le CSA, l’Arcep, l’Hadopi et l’ANFR est remise en question

La question du rapprochement entre le CSA et l’Arcep se pose depuis… 1999.
Mais les offres triple/quadruple play, VOD, catch up TV ou encore TV connectée font voler en éclats la frontière entre Internet et audiovisuel. « Fusionner »
la régulation des contenants avec celle des contenus semble souhaitable.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, et Héloïse Miereanu, stagiaire, Gide Loyrette Nouel

A l’occasion de sa première audition devant la Commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale le 18 juillet dernier, la ministre de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, avait dévoilé un peu vite les ambitions du gouvernement : envisager le rapprochement Arcep/CSA. Accidentelle (1), cette communication politique n’avait pas toutes les apparences d’une coïncidence. Et pour cause ! Depuis le communiqué du Premier ministre du 21 août, le rapprochement entre régulateurs a pris des allures
de « chantier officiel ».

YouTube a maille à partir avec ses partenaires

En fait. Le 13 août, le site « Univers Freebox » a révélé que de nombreux abonnés Free Mobile font part de « difficultés » pour utiliser YouTube ou pour télécharger des applications sur l’AppStore. A « PC INpact », Free indique que « ses rapports difficiles avec Google étaient bien la cause des lenteurs ».

En clair. Ce n’est pas la première fois que YouTube (Google) a maille à partir avec un opérateur de réseau. Il y a un an déjà, au mois d’août 2011, l’Autorité de la concurrence confirmait avoir été saisie par la société Cogent (dont le métier de Content Delivery Network) accusant France Télécom de restreindre ou bloquer ses flux (1). Google/YouTube est l’un des gros clients de Cogent… Bien qu’Orange se soit engagé
le 3 avril auprès du gendarme de la concurrence à plus de transparence dans l’acheminement du trafic, l’affaire « Cogent » reste sous surveillance au nom de la neutralité du Net. L’Arcep a d’ailleurs recueilli jusqu’au 3 mai dernier les observations
(non publiés à ce jour) des acteurs du Net et des FAI sur les propositions de France Télécom. Il n’en reste pas moins que l’ensemble de ce que nous appelons « GooTube » pose de plus en plus de problèmes de « déséquilibre » dans les relations traditionnelles dites de peering, y compris pour Free Mobile, tant la vidéo est dévoreuse de bande passante. Est-ce à Google d’investir plus dans le réseau ou bien cela relève-t-il du
métier d’opérateur télécoms ? Tout le débat sur le financement des réseaux et la neutralité du Net, est là.Mais, en France, YouTube n’a pas que des difficultés de peering avec les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Dans le domaine de la lutte contre le piratage, le site de partage vidéo de Google est également montré du doigt par les producteurs de cinéma qui fustigent le retour sur YouTube de longs métrages piratés, depuis l’arrêt de Megaupload. Et ce, malgré la multiplication des accords avec des ayants droits, le dispositif de protection Content ID sur YouTube et le dé-référencement des sites pirates sur le moteur de recherche. « C’est une tendance récente, que nous avons vraiment constatée au début de l’été. Mais la situation ne peut pas durer. C’est très grave et cela appelle des réponses très nettes [notamment judiciaires, ndlr] de notre part », a déclaré Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC (2), dans « Les Echos » du 17 août. Pour l’heure, l’audience de YouTube en France s’érode à 39,246 millions de visiteurs uniques en juin (selon ComScore) contre 40,200 millions le mois précédent.
Autre épine dans le pied de Google : le 6 août, Apple a annoncé que YouTube ne sera plus intégré dans les iPhone et iPad à partir de la prochaine version iOS 6, attendue à
la rentrée. @

Europe : les « Arcep » devront toutes proposer des outils de mesure de la qualité d’accès aux réseaux

Après plus de deux ans de débat, la neutralité du Net a enfin des lignes directrices : le « super-régulateur » européen, l’ORECE, souhaite notamment que les « Arcep » mettent à disposition des particuliers des outils gratuits de mesure de la qualité de leurs accès aux réseaux fixe ou mobile.

Selon nos informations, l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE), qui réunit depuis dix ans maintenant les vingtsept régulateurs télécoms sous la houlette de la Commission européenne, va lancer une consultation publique portant sur des lignes directrices destinées à préserver la neutralité de l’Internet.

Mesures : par logiciel ou site web
Lors de sa 11e assemblée plénière des 24 et 25 mai à Dubrovnik en Croatie, l’ORECE (1) devait adopter – à l’appui de cette consultation publique – deux rapports, l’un sur les différentes pratiques des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) en matière de gestion de trafic (2), l’autre sur une évaluation de l’interconnexion IP. Devaient aussi être adoptées des lignes directrices – à l’attention des régulateurs – sur la qualité de service. Le tout
va être transmis à la Commission européenne. La plus concrète des mesures, qui concernera les millions d’internautes et de mobinautes européens, sera la forte incitation faite aux « Arcep » européennes de mettre à la disposition des particulier
des outils de mesure de la qualité de leur accès à l’Internet fixe et mobile. Objectif : que les abonnés puissent – avec un logiciel de monitoring – contrôler par eux-mêmes les éventuels blocages ou ralentissements de leur ligne et vérifier ainsi que leur FAI et opérateur mobile respectent la neutralité du Net. L’ORECE tient particulièrement à la mise à disposition auprès du public connecté de ces outils de mesure que devront leur fournir – gracieusement – soit les régulateurs eux-mêmes, soit les FAI, soit des tierces parties agréées préalablement. Cette mesure « ex post » sera le pendant de la régulation « ex ante » de l’obligation de transparence des FAI au regard de la neutralité des réseaux.
Dans certains Etats membres, des régulateurs ont déjà pris l’initiative de développer des outils spécifiques de mesure du débit. Ce que l’ORECE souhaiterait généraliser à toute l’Europe. Dans ses Guidelines pour une qualité de service (« QoS »), le super-régulateur européen fait état des bonnes pratiques en matière de mise à disposition d’outils de mesure pour les particuliers. Déjà, dans un premier rapport publié en décembre 2011, l’ORECE avait fait l’éloge de ces outils promus par des régulateurs. En France, l’Arcep – qui a lancé une consultation publique jusqu’au 20 juin sur la neutralité du Net (4) et qui adoptera cet été une décision fixant les indicateurs de QoS à mesurer à partir de 2013 – pourrait s’inspirer de son homologue italien. L’AGCOM propose en effet un logiciel gratuit et téléchargeable sur son site web, NeMeSys (5), qui mesure les performances de chaque FAI en Italie et permet aux internautes de vérifier la qualité de leur accès haut débit. A moins que l’Arcep ne propose un outil fonctionnant directement en ligne, comme c’est le cas au Danemark où le régulateur a créé un site web de mesure en temps réel de sa connexion. Il calcule à partir de la connexion de l’internaute le temps de latence en millisecondes (ping), de download et d’upload en kilobits par seconde, tout en identifiant bien sûr le FAI concerné. La NPT norvégienne propose un site web de mesure équivalent, Nettfart.no. Sur le même principe la Public Utilities Commission de Lettonie propose les mêmes paramètres. En Grèce, le régulateur EETT a développé un outil en ligne baptisé SPEBS (6) qui mesure une multitude de paramètres (7).
Autre solution : l’Arcep pourrait s’appuyer sur des prestataires extérieurs labellisés comme le fait la Suède, où l’organisation indépendante du Net (8) propose un site web de mesure en ligne appelé Bredbandskollen. En Grande-Bretagne, l’Ofcom a certifié dès 2008 les outils de SamKnows qui ont été retenus en 2010 par la FCC aux Etats-Unis (lire ci-dessous), puis en 2011 par la Commission européenne. En France, l’Arcep pourrait s’appuyer sur la société Cedexis qui fournit un outil de monitoring en temps réel aux FAI ou aux sites web, dans les serveurs desquels ont été placés de petits agents numériques (tags). D’autres outils font aussi référence en Europe, tels que Ripe Atlas ou Neubot. @

Charles de Laubier

FOCUS

Google a co-fondé M-Lab pour « mesurer » la neutralité du Net
Aux Etats-Unis, Google a fondé avec l’Open Technology Institute et PlanetLab Consortium un laboratoire de mesure – Measurement Lab (M-Lab). Il s’agit d’une plate-forme ouverte de mesures des connexions haut débit et de performance de certaines applications (9). Une dizaine d’outils sont proposés gratuitement, comme NDT (Network Diagnostic Tool). Le régulateur américain, la FCC (10), le propose en beta-test depuis le 11 mars. BitTorrent est aussi partie prenante dans le M-Lab, aux côtés d’Amazon ou de Skype (Microsoft). En Europe, le régulateur grec (EETT) supporte aussi M-Lab, tout comme SamKnows. Les données recueillies sont exploitées à des fins de recherche sur la qualité et la neutralité du Net. @