Louis Pouzin, co-créateur du Net, ne croit pas Google

En fait. Le 5 décembre, le Français Louis Pouzin – dont les travaux sur le datagramme ont inspiré en mars 1973 l’Américain Vinton Cerf Français pour co-inventer Internet – ne croit pas au bien-fondé du lobbying de Google dans sa campagne pour un Internet libre et ouvert. Il explique pourquoi à EM@.

LP petitEn clair. « Depuis mai-juin 2012, les Etats-Unis ont fomenté
une campagne anti-UIT qui atteint son maximum au cours de cette réunion [des 3 au 14 décembre à Dubai, ndlr]. Ensuite la baudruche va se dégonfler, et ils diront partout qu’ils ont sauvé Internet. Google est le plus bruyant agitateur, et a d’évidentes raisons pour cela. Ils ont besoin de dorer leur blason en prenant le rôle de défenseur d’un Internet libre soi-disant menacé de censure par la révision des RTI [Règlement des télécommunications internationales] », nous éclaire Louis Pouzin (notre photo). Il dénonce même « le contenu fallacieux du tocsin Google », dont Vinton Cerf est l’un des représentants. Les deux hommes se connaissent depuis 1973 et pour cause (1).

L’UIT veut devenir le super-régulateur du Net

En fait. Le 9 novembre, s’est achevée la consultation publique de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) sur la révision du Règlement des télécommunications internationales (RTI) prévue par l’UIT lors
de la conférence mondiale de Dubaï du 3 au 14 décembre.

En clair. Opérateurs télécoms et Etats veulent dompter Internet, dont l’avenir est désormais entre les mains de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Cet organe des Nations-Unies réunit des Etats du monde entier et des opérateurs télécoms pour régler le sort du « réseau des réseaux ». Comment ? En tentant de faire entrer Internet dans le Règlement des télécommunications internationales (RTI), lequel régit depuis 1990 les interconnexions des télécoms entre pays. L’UIT aurait alors un droit
de regard sur le cyberespace, en termes de rémunération des opérateurs de réseaux, d’instauration d’un peering payant international, de lutte contre la cybercriminalité, d’adressage et de routage IP, de collecte de données techniques, voire de blocage,
de filtrage ou de restriction d’accès.
L’UIT deviendrait ainsi le super-régulateur d’Internet, au risque de mettre à mal la neutralité du Net que bon nombre d’opérateurs télécoms veulent voir disparaître au profit de « services gérés ». C’est sur ce terrain-là qu’est attendu le gouvernement français, dont la position tarde à venir : en témoigne la question (1) sans réponse à
ce jour de la députée UMP Laure de La Raudière (2) au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. La France est- elle pour ou contre l’élargissement du RTI à l’Internet et à l’extension des compétences de l’UIT ? Jusqu’au bout, elle sera restée dans le non-dit, tandis que l’Association des services Internet communautaires (Asic) ou l’organisation citoyenne La Quadrature du Net (3) se sont déjà farouchement opposées à la mainmise de l’UIT sur le Net (lui préférant une ICANN à réformer).
Pendant ce temps, les opérateurs télécoms historiques européens font depuis plusieurs mois du lobbying auprès de l’UIT – via leur association ETNO – en vue d’inclure dans le traité le principe de « rémunération raisonnable » en leur faveur. Ainsi, la terminaison data ou le peering payant pourraient changer la face du Net et mettre un terme au peering gratuit. Ironie du sort : Dailymotion, qui est membre de l’Asic (au côté de Google, Yahoo, Facebook, Microsoft, …), est détenu à 49 % par France Télécom, lequel est membre de l’ETNO. Cette schizophrénie du couple Dailymotion-Orange
fera-t-elle long feu (lire p.3) ?
« Nous avons réussi à ne pas étouffer (…) Dailymotion », a assuré le 15 novembre Stéphane Richard, PDG de France Télécoms, au DigiWorld Summit… @

Le CSA propose une « exception culturelle » à la neutralité du Net

Pour le CSA et l’Arcep, leur rapprochement – si ce n’est leur fusion – faciliterait
la régulation de tous les acteurs, dont les OTT (Over-The-Top). Le principe de
« fréquences contre obligations » ne s’appliquant pas à tous les opérateurs,
le CSA prône une régulation « culturelle » des réseaux.

Par Winston Maxwell, avocat associé Hogan Lovells LLP

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ont remis au gouvernement leurs recommandations quant à l’avenir de la régulation de l’audiovisuel et des communications électroniques. En filigrane,
est posée la question de leur éventuelle fusion. L’avis du CSA est
une occasion de rappeler l’incroyable complexité du dispositif réglementaire pour l’audiovisuel en France.

Le CSA propose une « exception culturelle » à la neutralité du Net

Pour le CSA et l’Arcep, leur rapprochement – si ce n’est leur fusion – faciliterait
la régulation de tous les acteurs, dont les OTT (Over-The-Top). Le principe de « fréquences contre obligations » ne s’appliquant pas à tous les opérateurs, le CSA prône une régulation « culturelle » des réseaux.

Par Winston Maxwell, avocat associé Hogan Lovells LLP

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) ont remis au gouvernement leurs recommandations quant à l’avenir de la régulation de l’audiovisuel et des communications électroniques. En filigrane, est posée la question de leur éventuelle fusion. L’avis du CSA est une occasion de rappeler l’incroyable complexité du dispositif réglementaire pour l’audiovisuel en France.

UIT : le débat sur la neutralité du Net se mondialise

En fait. Le 2 octobre, l’Association des services Internet communautaires (Asic) – créée il y a cinq ans à la suite d’un différend, en 2007, entre Dailymotion et Neuf Télécom – a fait le point sur la neutralité de l’Internet. Malgré maint débats et rapports, ce principe est encore menacé faute de loi.

En clair. « C’est un jeu de dupes ! », comme l’a affirmé Félix Tréguer, chargé de mission
à La Quadrature du Net, en charge des affaires juridiques et institutionnelles. Intervenant
à la demande de l’Asic, il a rappelé ce que l’association de citoyens militants pour la neutralité du Net exige depuis trois ans : « Il faut une loi » pour protéger la neutralité d’Internet. Il estime que « tout le monde affiche le principe de neutralité d’Internet, mais sans se mettre d’accord sur sa définition ». C’est le cas en France où les acteurs sont promenés de rapports en colloques, en attendant – encore une fois – une table ronde envisagée par la ministre en charge de l’Economie numérique, Fleur Pellerin. Il y a
bien une proposition de loi déposée le 12 septembre par la députée (UMP) Laure de
La Raudière, à la suite de son rapport d’avril 2011 co-rédigé avec la députée (PS)
Corinne Erhel.
Mais le gouvernement ne semble plus convaincu, malgré les promesses du candidat François Hollande, si l’on en croit le site Ecrans.fr à qui Bercy a dit le 18 septembre que
« il n’a pas urgence à légiférer », alors que Fleur Pellerin y est plutôt favorable (1) si cela ne favorise pas les GAFA (2). Cette valse hésitation montre que la France est dépassée par un problème d’envergure mondiale. Alors que la Commission européenne termine ce 15 octobre sa consultation publique sur la neutralité du Net, c’est au tour de l’Union internationale des télécommunications (UIT) de vouloir s’en emparer à l’occasion de sa Conférence mondiale sur les télécommunications internationales (CMTI-12 ou en anglais WCIT-12).
Cette réunion sans précédent des Etats et des opérateurs de réseau, qui se tiendra à Dubaï du 3 au 14 décembre, prévoit en effet le réexamen du Règlement des télécommunications internationales (RTI), en vigueur dans sa forme actuelle depuis
1988, pour tenir compte du trafic Internet. C’est justement l’occasion pour l’ETNO, qui réunit depuis 20 ans les opérateurs télécoms historiques européens, de convaincre les Etats membres d’inclure dans le traité de l’UIT le principe de rémunération raisonnable. Cette « terminaison data » fait peur à Benoît Tabaka, directeur des affaires juridiques et réglementaires de Google (membre de l’Asic), pour qui ouvrirait la voie à la régulation du Net (peering payant, filtrage, blocage, restriction d’accès, etc). @