Salto pourrait devenir un cauchemar pour Molotov

En fait. Le 15 juin, France Télévisions, TF1 et M6 ont annoncé le lancement prochain de la « plateforme de télévision » Salto. La société commune sera détenue à parts égales par les trois groupes. Plusieurs abonnements seront proposés, selon l’accès aux chaînes (direct et replay) ou programmes inédits.

En clair. Le service de télévision Molotov, lancé il y a près de deux ans par Pierre Lescure, Jean-Marc Denoual et Kevin Kuipers (1), pourrait pâtir le plus de l’arrivée « courant 2019 » (2) de la plateforme Salto concoctée par France Télévisions, TF1 et M6. Car Salto sera d’abord un bouquet de télévision, en direct ou en rattrapage, composé dans un premier temps d’une quinzaine de chaînes. A savoir : TF1, TMC, TFX, TF1 Séries/Films, LCI, France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, Franceinfo, M6, W9 et 6ter. « La plateforme a vocation à s’ouvrir aux programmes d’autres éditeurs dès son lancement », ont précisé d’emblée les trois groupes. Autrement dit, le débarquement de Salto pourrait tourner au cauchemar pour Molotov. Non seulement, la future plateforme pourrait siphonner son parc d’utilisateurs qui s’apprête à franchir le cap des 5 millions (3), mais aussi bousculer son modèle économique. Molotov avait en outre fait savoir mi-mars que le groupe M6, dont le contrat arrive à échéance avec lui, demande à être rémunéré pour la diffusion en direct de ses chaînes gratuites M6, W9 et 6ter. Le groupe de Nicolas de Tavernost a même exigé que ses chaînes ne soient plus disponibles dans le bouquet gratuit de Molotov mais dans ses options payantes. Le différend pourrait se retrouver devant le CSA ou l’Autorité de la concurrence. NRJ a aussi interdit à Molotov de reprendre
le signal de ses chaînes NRJ 12, Chérie 25 et NRJ Hits. L’avenir dira si le lancement de Salto donnera le coup de grâce à Molotov, ou pas.
Pour l’heure, Salto n’a pas été présenté comme un concurrent de Molotov (alors qu’il l’est pourtant) mais comme « un Netflix français ». La plateforme mondiale de SVOD compterait déjà sur l’Hexagone 3,5 millions d’abonnés – moins de quatre ans après son arrivée. Mais comparer Salto à un « Netflix » est quelque peu inapproprié car la future plateforme sera plus un bouquet de télévision en live ou en replay qu’un service de SVOD, même si les trois groupes vont aussi proposer « des programmes inédits »
et participer « au rayonnement de la création française et européenne ». D’après ce que l’on comprend en regardant la présentation qui en est faite sur Salto.fr, le service commun relèvera à la fois du « Molotov » et du « Netflix ». Encore faudra-t-il que l’Autorité de la concurrence donne son feu vert à un tel attelage audiovisuel public-privé. @

Le numérique va-t-il sauver l’audiovisuel public ?

En fait. Le 4 juin, la ministre de la Culture Françoise Nyssen a présenté « le scénario de l’anticipation » de la réforme de l’audiovisuel public – dont « la transformation » était un engagement de campagne d’Emmanuel Macron et
« désormais une priorité de l’exécutif ». Objectif : « Créer un média global ».

En clair. Le digital va permettre à l’Etat – actionnaire des six sociétés de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, INA, Arte et TV5 Monde) – de trouver quelque 500 millions d’euros d’économies à faire d’ici à 2022.
« A l’heure des bouleversements numériques, il faut privilégier l’investissement dans
les contenus plutôt que dans un mode de diffusion », a d’emblée prévenu Françoise Nyssen le 4 juin, tout en ajoutant que « [son] ambition est de créer un média global à vocation universelle ». En creux : la TNT hertzienne coûte chère, Internet beaucoup moins.
L’une des premières mesures – bien que contestée jusque dans les rangs
de la majorité LREM (1) – sera donc de basculer en numérique France 4. Cette chaîne de télévision publique est destinée à la jeunesse – après avoir longtemps hésité à trouver son public. Le gouvernement veut ainsi lancer une plateforme numérique éducative sur le modèle de Bitesize de la BBC (2). La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, parle d’« une marque unique » et d’« une offre délinéarisée et ambitieuse, sécurisée et sans publicité ». Concernant la chaîne dédiée aux outremers, une réflexion est lancée « pour déterminer si l’avenir est au maintien de France Ô sur le canal hertzien ou au contraire au renforcement des offres numériques des Outre-Mer Premières ». La réforme de l’audiovisuel public prévoit aussi un rapprochement de France 3 et de France Bleu, avec une hausse des investissements dans le numérique pour lancer des offres communes entre la troisième chaîne à vocation régionale et le réseau des radios locales publiques (trois fois plus de programmes régionaux). Sur l’ensemble de France Télévisions, le budget numérique – pesant actuellement 3% du total – sera augmenté « de 100 à 150 millions d’euros par an d’ici 2022 » pour
« redoubler d’ambition » dans les programmes à la demande et la SVOD.
« Les sociétés vont à la fois décupler et regrouper leurs efforts : elles investiront ensemble 150 millions d’euros supplémentaires dans le numérique d’ici 2022, et elles développeront toutes les nouvelles offres en ligne en commun », a indiqué Françoise Nyssen. La ministre de la Culture a aussi parlé de « la régulation à l’heure du numérique » qui supposera une modernisation des pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). @

Le livre numérique cherche sa plateforme unique

En fait. Le 30 septembre, le ministre de la Culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, s’est prononcé – au Centre national du livre – en faveur de la création d’une « plateforme unique d’accès à l’offre numérique en matière de livre » qui « devra réunir les éditeurs français ».

En clair. Le gouvernement fait de cette future « plateforme unique » de téléchargement de livres numériques un « projet stratégique » qui permettra la création d’une offre alternative à Google. « Je veillerai particulièrement à l’accompagnement que mes services pourront apporter pour faire aboutir ce projet », avait insisté le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, auprès des professionnels réunis au Centre national du livre. Mais le géant américain du Net dispose d’une longueur d’avance dans la numérisation des livres : 500.000 titres disponibles dès le « premier semestre 2010 », au moment où sa bibliothèque en ligne Google Editions sera lancée en Europe (1). Autre géant du Net, l’américain Amazon est le seul rival sérieux avec son Kindle Store offrant déjà plus de 200.000 titres numériques. Si la France ne veut pas qu’un duopole ne s’installe durablement, les éditeurs français sont appelés à faire bloc en proposant au grand public une alternative crédible. Il ne s’agit pas de répéter les mêmes erreurs que l’industrie du disque, laquelle n’avait pas proposé rapidement d’offre légale. Car le gouvernement veut aussi « éviter la dérive vers le piratage ». Mais pour l’heure, plusieurs grandes maisons d’édition sont déjà parties en ordre dispersé. Le numéro 1 français de l’édition, Hachette Livre, a racheté en 2008 la société Numilog à l’origine de la première plateforme de ce type en France avec environ 60.000 titres téléchargeables aujourd’hui. Hachette Livre chercherait à fédérer autour de lui les autres maisons – quitte à leur proposer d’entrer dans son capital –, mais sans succès jusque-là. Le deuxième éditeur français, Editis, entend lui aussi rassembler autour de sa E-Plateforme lancée le 9 octobre dernier avec déjà une centaine de maisons ou groupes d’édition : Michelin, Michel Lafon, Média-Participations ou encore le canadien Quebecor Média, sans oublier l’espagnol Planeta (la maison mère d’Editis). Quant au groupe La Martinière, qui attend pour le 18 décembre le jugement dans son procès pour contrefaçon contre Google, il a formé un triumvirat avec les éditions Gallimard et Flammarion autour de sa plateforme baptisée Eden-Livre (2). Mais pour mettre d’accord tout son monde, Frédéric Mitterrand va réformer la loi « Lang » sur le livre pour que l’ebook bénéficie aussi du prix unique et d’une TVA à 5,5 %. @