Hadopi : le cinéma français a eu raison d’Eric Walter

En fait. Le 29 août, Eric Walter – qui s’est fait licencié le 1er août de l’Hadopi, après en avoir été secrétaire général depuis mars 2010 – s’est exprimé pour la première fois (sur le site web de BFM TV) mais pas sur son éviction. Cependant,
il évoque brièvement « la polémique avec le milieu du cinéma ».

Après la presse et la radio, Matthieu Pigasse veut investir la télévision et la musique

Le directeur général délégué de la banque Lazard (vice-président Europe), Matthieu Pigasse, est propriétaire du magazine Les Inrockuptibles depuis 2009, co-actionnaire du groupe Le Monde depuis 2010, du Nouvel Observateur depuis 2014, et acquéreur de Radio Nova en mai 2015. Et après : musique et télévision.

Par Charles de Laubier

Matthieu PigasseSa holding personnelle s’appelle « Les Nouvelles Editions indépendantes » (LNEI) et a été constituée il y aura six ans le
31 juillet. Après des négociations exclusives, qui ont été annoncées le 21 mai, elle est en passe de racheter le groupe Nova Press, propriétaire de Radio Nova, de Nova Records ou encore de Nova Production.
C’est la dernière acquisition en date de Matthieu Pigasse (photo), banquier et homme d’affaire, fils de Jean-Daniel Pigasse, lequel fut journaliste à La Manche Libre, et neveux de Jean-Paul Pigasse, ancien directeur général adjoint du groupe Les Echos (1) et de la rédaction de L’Express dans les années 1980. Matthieu Pigasse (47 ans) a hérité de la fibre média.
Avec Radio Nova, il enrichit son portefeuille média déjà constitué du magazine culturel Les Inrockuptibles qu’il a acquis en juin 2009, du groupe Le Monde dont il est co-actionnaire depuis juin 2010 en tant que « P » du trio « BNP » (aux côtés de Pierre Bergé
et Xavier Niel), lequel trio est aussi propriétaire – via la holding « Le Monde Libre » – du Nouvel Observateur depuis juin 2014.

Son ombre plane sur l’affaire « Numéro 23 »
Le prochain investissement de Matthieu Pigasse dans les médias pourrait être dans la télévision, comme il l’a indiqué dans une interview parue le 5 juillet dernier dans L’Est Républicain : « Notre objectif est de continuer à construire un groupe de médias, sur tous les supports possibles d’aujourd’hui : papier, radio, scènes, mais peut-être aussi demain télévision. On verra si l’occasion se présente… ».
Cela fait en réalité plus de trois ans que Matthieu Pigasse cherche à investir dans la télévision. Il a été un temps, en 2012, présenté comme étant l’un des co-investisseurs – aux côtés de Xavier Niel, François-Henri Pinault, Bernard Arnault, Jean- Charles Naouri et Pascal Houzelot (Pink TV) – du projet de chaîne sur la TNT gratuite baptisée initialement « TVous La Télédiversité », devenue « Numéro 23 ». Axée sur la diversité et les aspects sociétaux (culture, parité, modes de vie familiaux, sexualités, handicap, etc), cette chaîne fait partie des six nouvelles chaînes de la TNT gratuite lancées en décembre 2012 et affiche aujourd’hui une part d’audience modeste de 0,6 % à 0,7 % – avec l’ambition de dépasser 1 % cette année.

Des vues sur LCI pour Le Monde
Encore récemment, David Kessler – ancien directeur des Inrocks et ex-conseiller pour la culture et la communication du président de la République, François Hollande (2) –
a expliqué dans Le Monde du 16 juin qu’il a défendu avec Pascal Houzelot (par ailleurs membre du conseil de surveillance du Monde) le dossier de candidature de « Numéro 23 » devant le CSA « en tant que représentant de Matthieu Pigasse qui envisageait de devenir actionnaire de Numéro 23 aux côtés d’autres investisseurs minoritaires, dont Xavier Niel, le patron de Free (tous deux sont actionnaires du Monde) ».
Cette sortie agacerait au plus haut point Matthieu Pigasse qui n’a finalement jamais été actionnaire de la société éditrice Diversité TV France, bien que lui et Pascal Houzelot se connaissent très bien puisque ce dernier est devenu aussi (en plus du Monde) administrateur de la société éditrice des Inrocks, Les Editions Indépendantes, aux côtés de Louis Dreyfus…

Matthieu Pigasse n’a donc rien à voir directement avec la vente controversée – mais légale – de la chaîne Numéro 23 et de sa fréquence TNT obtenue gratuitement il y a moins de trois ans, à NextRadioTV (BFM TV) pour près de 90 millions d’euros. Mais son ombre plane bien indirectement sur cette affaire. L’opération est maintenant suspendue à la décision du CSA qui, depuis la loi du 15 novembre 2013 sur l’indépendance audiovisuelle, doit donner son agrément – ou pas – à cette vente après une étude d’impact (3). Cette spéculation autour d’une fréquence relevant du bien public « choque » en tout cas la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, comme elle l’a dit devant l’Association des journalistes médias (AJM) le 8 juillet.
Sans doute Matthieu Pigasse aurait-il préféré se faire connaître autrement dans
le paysage audiovisuel français… Comme, par exemple, en s’emparant de LCI, la chaîne d’information en continu du groupe TF1. Il y a un an, en juillet 2014, les trois actionnaires du Monde – dont Matthieu Pigasse – avaient en effet fait savoir au PDG
de TF1, Nonce Paolini, qu’ils étaient intéressés par le rachat de LCI. Les trois co-prétendants au rachat ont fait valoir – par la voix de Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde – de possibles synergies entre le journal Le Monde et cette chaîne LCI. Et ce, après que le CSA ait refusé de basculer cette dernière sur la TNT gratuite et que TF1 ait décidé en conséquence de prévoir à terme sa fermeture. Mais Nonce Paolini n’a pas donné suite aux messages du trio « BNP », estimant qu’il était trop tôt pour négocier. En juillet 2014, le CSA avait refusé la demande de passage sur la TNT gratuite des chaînes payantes LCI (TF1), Paris Première (M6) et Planète+ (Canal+), expliquant que le marché publicitaire était trop faible. LCI et Paris Première avaient alors saisi le Conseil d’Etat, lequel a finalement invalidé la procédure le 17 juin dernier. Le régulateur de l’audiovisuel va donc devoir réexaminer les dossiers et les actionnaires du Monde – Matthieu Pigasse avec – devront patienter s’ils ont encore
des vues sur LCI. Mais si TF1 décidait de ne pas se défaire sa chaîne d’information continue payante, il leur faudra aller voir ailleurs.

Les velléités de Matthieu Pigasse de mettre un pied dans la télévision se manifestent aujourd’hui dans un contexte où le marché de l’audiovisuel est confronté à une baisse des recettes publicitaires (même si l’année 2014 reste stable, après un recule de -3,5 % en 2013, selon l’Irep). De plus, la loi Macron – une fois qu’elle sera promulguée à la fin de l’été – prévoit désormais une taxe de 20 % au lieu de 5 % précédemment en cas de revente d’une fréquence (initialement délivrée gratuitement dans l’audiovisuel en contrepartie d’obligations) dans les cinq ans suivant son attribution (voire 10 % entre cinq et dix ans, 5 % au-delà de dix ans).
En attendant de faire de la télévision, Matthieu Pigasse se console avec la scène. Il est devenu le 5 juillet dernier président de l’association Territoire de musiques, laquelle gère les Eurockéennes – « les Eurocks » pour les habitués. « J’ai accepté par passion absolue pour la musique, le rock et ce festival où je viens depuis huit ans et par tous
les temps », a-t-il déclaré ce jour-là, en indiquant être prêt à « investir dans le milieu musical » et pourquoi pas en créant un label de production commun aux Inrocks et à Radio Nova. Ce festival de musiques actuelles a lieu chaque année à Belfort et a dépassé cette année les 100.000 visiteurs, mais l’homme d’affaires veut aller plus loin pour le développer malgré la crise que traversent les festivals en France (subventions en baisse).

Le rock comme passion
C’est la première fois qu’il prend la présidence d’une association culturelle, étant par ailleurs depuis 2010 vice-président du Théâtre du Châtelet à Paris. Mais superviser un festival n’est pas une nouveauté pour lui, car sa société Les Editions Indépendantes organise le Festival Les Inrocks (du 10 au 17 novembre cette année). « Plutôt que de pleurer en glosant sur l’exception française, mieux vaut être fier de ce que l’on fait,
être forts, et partir à la conquête du monde », a dit dans sa récente interview l’auteur
de « Eloge de l’anormalité » (4) paru l’an dernier. A suivre… @

Charles de Laubier

Le lancement d’Apple Music pourrait-il être fatal à Spotify ?

Jamais deux sans trois. Après Ping et iTunes Radio, Apple refait une entrée sur le marché mondial déjà très encombré du streaming musical. Le suédois Spotify pourra-t-il résister à cette nouvelle offensive de la marque à la pomme ?

Frédéric Delacroix, délégué général de l’Alpa : « Le piratage reste à un niveau très important »

L’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa), qui a 30 ans cette année, participe depuis 5 ans maintenant à la réponse graduée sur les réseaux peer-to-peer. Son délégué général estime que les chartes « anti-piratage » concernant tous les réseaux sont des mesures complémentaires à l’action
de l’Hadopi.

Musique : face au streaming, le téléchargement mise sur la qualité sonore, mais avec des tarifs peu lisibles

L’année 2014 aura été celle du « délitement du téléchargement » dans la musique en ligne. Mais la meilleure qualité sonore des fichiers est devenu un nouvel enjeu pour les plateformes. Mais pour l’Observatoire de la musique, cela s’accompagne d’une stratégie commerciale et tarifaire « peu lisible ».

« Le second semestre 2014 confirme le changement de paradigme définitif de l’économie musicale. En effet, semestre après semestre, nous assistons à un délitement du téléchargement. Constaté dès septembre 2013, le recul du téléchargement s’est aggravé au cours de l’année 2014 qui n’a connu en termes de chiffre d’affaires aucune période mensuelle de croissance », constate le rapport semestriel (1) de l’Observatoire de la musique, réalisé avec la collaboration de Xavier Filliol (photo), expert indépendant et par ailleurs trésorier du Syndicat des éditeurs
de services de musique en ligne (ESML), lequel est membre du Geste dont il est coprésident de la commission Musique & Radio.

Nouveau paradigme musical
Après la fermeture en toute discrétion du service de téléchargement chez le suédois Spotify début 2013, ce fut au tour d’Orange d’y mettre un terme – entraînant dans la foulée la fin du téléchargement chez le français Deezer (2). D’autres services ont aussi arrêté le téléchargement de musiques : Rhapsody, Nokia, Rdio ou encore Mog. Lorsque ce ne fut pas la fermeture du service lui-même : We7, VirginMega ou encore Beatport.
« Face à ce délitement, on voit poindre une stratégie commerciale – de nouveau – peu lisible, où l’on joue la qualité sonore, vertu du confort d’écoute, comme la variable d’une politique tarifaire qui n’est pas sans poser problème. Ainsi, le focus prix met en évidence des écarts très significatifs sur un même album, ce qui n’est pas sans rappeler les abus mortifères pour l’économie du disque que nous avons connus il y a
15 ans dans le physique », déplore l’Observatoire de la musique, lui-même créé il y a maintenant 15 ans au sein de la Cité de la musique (3). Le second semestre de l’an dernier est marqué par l’amélioration de la qualité sonore, qui devient un nouvel enjeu pour les plateformes de téléchargement de musique. C’est ainsi que sont apparues de nouvelles offres telles que celles de l’allemand HighResAudio, dont les albums peuvent être téléchargés en très haute résolution sonore (24 bits à des taux d’échantillonnage de 88,2 Khz à 384 Khz), et du label britannique Warp Records et son service Bleep proposant des titres ou des albums au format MP3 encodé à 320 Kbit/s, des versions Flac (4) pour certains téléchargements, ainsi que des versions Wav non compressées.

Il y a aussi la plateforme du label allemand Deutsche Grammophon de musique classique qui intègre iTunes pour le téléchargement. Ils rejoignent ainsi le français Qobuz qui, créé en 2008, a abandonné le format MP3 dès 2012 pour miser exclusivement sur la qualité audio HD. Les hauts niveaux de qualité sonore permettent aux plateformes de téléchargement de proposer des tarifs plus élevés, limitant tant bien que mal la chute des revenus face à la montée en charge du streaming. Les prix pratiqués par Qobuz sont présentés selon le format de fichier proposé au téléchargement : si la qualité CD a remplacé le MP3, l’offre Studio Masters disparaît au bénéfice de l’offre dite Hi-Res (pour haute résolution) qui propose des fichiers encodés 24 bits/44.10 Khz et jusqu’à 192 Khz sans perte. Une autre plateforme, 7Digital, a aussi fait le choix depuis fin 2013 d’améliorer la qualité de ses fichiers audio et d’adopter une nouvelle politique tarifaire avec des prix différents au téléchargement en fonction de la qualité des fichiers (5).
Mais la tendance à la hausse des tarifs justifiés par une meilleure qualité sonore aboutit à « quelques errements » (dixit le rapport), notamment avec un écart maximal de plus de 42 euros sur un album jazz entre sa version normale sur Google Play (à 9,99 euros) et sa version en son HD sur 7Digital (à 52,64 euros). Mais le téléchargement n’a pas le monopole de la meilleure qualité sonore. Le streaming HD, aux tarifs plus lisibles (avec un abonnement de 9,99 euros par mois), se développe lui aussi. Après Spotify, Deezer vient à son tour de lancer la qualité CD au format Flac.

Le retour de la hi-fi hd
Des partenariats se multiplient en outre autour des fabricants de ces appareils hi-fi numériques sans fil tels que l’américain Sonos qui intègre par exemple les plateformes Fnac Jukebox, Soundcloud, Tidal (récemment acquis par l’artiste américain Jay-Z) ou encore Spotify. « Si l’amélioration de la qualité sonore est le nouvel enjeu de bon nombre de plateformes, leur intégration au sein des systèmes audioconnectés n’en est pas moins essentielle, tant l’équipement ou le rééquipement du foyer (de l’écran 4K au système multi-room) est susceptible de constituer l’un des loisirs domestiques des plus prisés », souligne l’Observatoire de la musique. Et la TV connectée devrait accroître la visibilité de ces plateformes musicales dans les foyers. @

Charles de Laubier