Minimum garanti pour le streaming : c’est pas gagné !

En fait. Le 23 mars, le projet de loi « Création » a été voté en seconde lecture à l’Assemblée nationale. L’une des mesures-phare du texte est l’instauration d’une garantie de rémunération minimale pour le streaming de musique en ligne. Mais la filière a un an pour se mettre d’accord sur les modalités. Sinon…

En clair. Les négociations sur la mise en place et le niveau de la garantie de rémunération minimum que devront verser les producteurs aux artistes-interprètes pour la diffusion de musique en flux sans téléchargement – autrement dit le streaming (1) – ne font que commencer ! C’est Maylis Roques, par le passé secrétaire générale du CNC (2) (2010-2014), qui a été désignée pour présider – en tant que représentante de l’Etat – une commission pour aboutir à un accord collectif – conformément à ce qui est prévu par l’accord Schwartz de septembre 2015. L’« accord collectif de travail » (3),
sur ce que devra être la rémunération minimale garantie des artistes-interprètes sur le streaming de leurs œuvres musicales enregistrées, est exigé par la loi dans les douze prochains mois et s’inscrira dans la convention collective nationale de l’édition phonographique du 30 juin 2008. A défaut d’accord entre les organisations des artistes-interprètes (Adami, Spedidam, …) et les celles des producteurs de musique (Snep, UPFI, …) d’ici le printemps 2017, la commission « Roques » – où les deux parties seront représentées à parts égales – statuera (4). En France, la Spedidam et l’Adami, sociétés de gestion collective des droits des artistes-interprètes, fustigent de longue date le peu de rémunération des artistes provenant du streaming (voir graphique ci-contre) et exigent une gestion collective obligatoire de ces droits. @

Musique : la vidéo pèse 65 % du streaming en France

En fait. Le 8 mars, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a dressé le bilan du marché français de la musique enregistrée : 426 millions d’euros, en recul de – 7 %, dont 152,3 millions pour les revenus du numérique,
en hausse de + 14,7 %. Le streaming musical est dominé par la vidéo qui
rapporte peu.

En clair. Le nombre de titres consommés en streaming au cours de l’année 2015 en France a atteint la barre des 50 milliards de titres, dont 65 % sont de la musique en vidéo et les 35 % restants de l’audio. C’est ce qu’a révélé le Snep – qui regroupe notamment les majors de la musique (Universal Music, Sony Music et Warner Music) – lors de la présentation de son bilan 2015, en s’appuyant sur les chiffres des plateformes numériques et du cabinet d’étude GfK. Or le Snep constate que si près des deux tiers des titres musicaux streamés sont de la vidéo, celle-ci ne génère que 10 % des 104,2 millions d’euros de revenus totalisés par le streaming dans son ensemble l’an dernier. Autrement dit, le streaming audio représente à peine plus d’un tiers des titres musicaux streamés mais rapporte 90 % des revenus totaux du streaming. « En France, un streamer YouTube rapporte 54 fois moins qu’un abonné à un service audio et 3 fois moins qu’un utilisateur de service audio gratuit », a déploré le directeur général du Snep, Guillaume Leblanc, qui en appelle à une « nécessaire correction du transfert de valeur ». En monnaie sonnante et trébuchante, cela veut dire que le revenu annuel du producteur par utilisateur en 2015 a été de 27 euros par abonnement streaming audio (1), mais seulement de 1,5 euros pour le streaming financé par la publicité, et seulement de 0,5 euro pour le streaming vidéo gratuit.
Assistant à la présentation, Denis Thébaud, PDG de Xandrie et acquéreur fin décembre de Qobuz (2), la plateforme de musique en ligne de haute qualité sonore, a interrogé le Snep sur ce constat : « Sur Qobuz, cela pourrait nous intéresser d’avoir une offre vidéo. Mais j’ai été frappé par la divergence des revenus. Car 54 fois plus, c’est énorme pour le même service (que le streaming audio) mais avec la vidéo en plus. Avec l’image, on se dit que cela devrait être plus cher… ».
Ce à quoi Stéphane Le Tavernier, le président du Snep et directeur général de Sony Music France, lui a répondu : « Pour l’instant, il n’existe pas d’offres vidéo sur les principales plateformes à part YouTube. Mais nous sommes tout à fait ouverts à tout nouveau modèle qui permettrait de continuer à développer l’usage. Si vous avez un bon modèle et techniquement les possibilités d’attirer de la clientèle sur un modèle de vidéo payant, la totalité des producteurs seront ravis d’y participer ». A bon entendeur… @

Les industries culturelles font d’emblée de la nouvelle ministre Audrey Azoulay leur porte-drapeau

Depuis sa nomination surprise le 11 février à la place de Fleur Pellerin,
la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication, Audrey Azoulay,
n’a cessé de recevoir les félicitations des ayants droits du cinéma et de la musique. Cette proche de François Hollande est une technocrate de la culture.

C’est d’abord le monde du Septième Art français qui se félicite le plus de l’arrivée d’Audrey Azoulay rue de Valois, en remplacement de Fleur Pellerin. Et pour cause, la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication a passé huit ans au CNC (1) qu’elle avait rejointe en 2006 pour en devenir la directrice financière, puis la directrice générale déléguée – notamment en charge de l’audiovisuel et du numérique. C’est à ce titre qu’elle a animé à partir de mars 2014 un groupe de travail sur le dossier sensible de l’évolution de la chronologie des médias (2).

Pascal Nègre et les erreurs de la musique face au Net

En fait. Le 18 février, Vivendi annonce le remplacement de Pascal Nègre à la direction générale d’Universal Music France – poste qu’il occupait depuis dix-huit ans. Figure emblématique de la musique en France, il incarne aussi le comportement défensif de la filière face au numérique et ses erreurs aussi.

En clair. Pascal Nègre était devenu une icône intouchable de l’industrie musicale en France. Après avoir débuté dans les radios libres au début des années 1980, puis être passé par la maison de disque BMG, il était entré chez Columbia que le groupe CBS vendra à Polygram dont il deviendra président. Jusqu’à ce que Polygram soit racheté à son tour par Universal Music France dont il deviendra PDG en 1998 (1).
Trois ans avant de prendre cette fonction qu’il gardera jusqu’à son éviction le 18 février dernier, il fut élu (en 1995 donc) président de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), bras armé dans la gestion collective des droits d’auteur pour le compte notamment des majors de la musique en France réunies au sein du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), dont il fut également président en 2000.
La SCPP fait partie des cinq organisations – avec la Sacem, la SPPF, la SDRM et l’Alpa – a avoir obtenu en juin 2010 l’aval de la Cnil pour pouvoir activer les « radars TMG » sur le Net (2) (*) (**) afin de traquer les présumés pirates sur les réseaux peer-to-peer et les « déférer » devant l’Hadopi et ou devant la justice pour contrefaçon. Pascal Nègre fut un ardent défenseur de la répression sur Internet contre les pirates de la musique en ligne. Proche de Nicolas Sarkozy, lequel a signé en novembre 2007 les accords dits « de l’Elysée » qui ont abouti par la suite à la création de l’Hadopi, il a milité pour le filtrage sur Internet. « Je suis l’empêcheur de pirater en rond », écritil lors de la parution chez Fayard en 2010 de son livre « Sans contrefaçon » (3). Durant toute la première décennie pendant laquelle l’industrie musicale en France passera plus de temps à courir après les pirates du Net qu’à adapter son modèle économique aux nouveaux usages numériques, il mènera bataille contre la gratuité de la musique sur Internet. Universal Music n’a d’ailleurs jamais cessé de faire pression sur Spotify et Deezer (4) pour que ces derniers limitent la gratuité afin de privilégier le payant. « Le modèle de départ de Deezer, qui était financé uniquement par la publicité, n’avait aucun sens », affirmait-il encore en 2014. C’est aussi la décennie où la filière musicale appliquent des conditions draconiennes aux plateformes numériques, poussant certaines à déclarer forfait (Jiwa, AlloMusic, …), sans parler du fait que Deezer a dû s’adosser à Orange pour survivre. @

Photo et Web 2.0 : quand les juges se font critiques d’art et plus sévères sur la preuve de « l’originalité »

Avec Internet, la photo passe du statut d’oeuvre de l’esprit à celle de bien de consommation. La preuve de « l’originalité » est de plus en plus difficile à établir en contrefaçon, sauf à invoquer la concurrence déloyale ou le parasitisme. La jurisprudence fluctuante crée de l’incertitude juridique.

Par Marie d’Antin et Claude-Etienne Armingaud, avocats, cabinet K&L Gates

L’image est au cœur de notre société et des réseaux de communication en ligne. L’évolution des moyens d’édition électronique permet à chacun de faire des photographies
à tout instant depuis un appareil de poche. L’accès à une certaine qualité (quoique parfois standardisée) et la recherche permanente d’une certaine reconnaissance sociale à travers les réseaux sociaux tels que Instagram, Twitter, Facebook, Pinterest ou des blogs divers, incitent chacun à s’improviser photographe et à publier de nombreux contenus photographiques de manière instantanée dans le monde entier.