Convertisseurs de flux audio et vidéo : la pratique du stream ripping (copie privée) est menacée

Selon nos informations, la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) a lancé des actions judiciaires contre trois sites web de stream ripping. Mais ce brasarmé de défense des droits d’auteur des majors de la musique – que sont Universal Music, Sony Music et Warner Music réunis au sein du Snep (1) – ne souhaite pas communiquer sur ces actions en cours « tant qu’elles ne font pas l’objet de décisions de justice » (dixit Marc Guez, DG de la SCPP, à EM@).

YouTube-MP3, MP3Fiber, Flvto, 2conv
Le stream ripping consiste télécharger et sauvegarder un flux audio ou vidéo diffusé en streaming. Cette copie privée est a priori légale pour l’utilisateur…, jusqu’à preuve du contraire. Les sites web et/ou les éditeurs de logiciels permettant cette conversion à l’aide d’outils de type YouTube-MP3 sont dans le collimateur de l’industrie musicale depuis dix ans maintenant. « Les sites de stream ripping transgressent de façon éhontée
les droits des artistes et des producteurs de musique », avait même déclaré il y a un an Frances Moore (photo), la directrice générale de l’IFPI (2), la fédération internationale de l’industrie phonographique. Dernière cible
en date : MP3Fiber. Ce convertisseur en ligne basé au Canada affiche désormais sur son site web (3) le message suivant en rouge : « En raison d’une plainte de la RIAA, nous avons interrompu toutes conversions. Désolé pour la gêne occasionnée ».
En effet, la Recording Industry Association of America – l’équivalent du
« Snep » en France mais à l’échelle des Etats-Unis – a obtenu des administrateurs du site web l’arrêt de ce service. MP3Fiber proposait de convertir en stream ripping des vidéos capturées sur YouTube en fichier sonore MP3 – du nom du format de compression audio créé il y a 25 ans – ainsi que de télécharger les vidéos ellesmêmes à partir non seulement de YouTube mais aussi de SoundCloud, Dailymotion, Facebook, Vimeo, VKontakte ou encore Metacafe. Selon le site d’information Torrentfreak dans son édition du 21 août, la RIAA a obtenu de la société Domains by Proxy (DBP) – pourtant spécialisée dans la confidentialité des propriétaires de noms de domaines… – les coordonnées des administrateurs de MP3Fiber et en l’absence de toute injonction de la part d’un juge (4). Directement contactés par la RIAA, les responsables de MP3Fiber ont répondu au « Snep » américain qu’ils pensaient être dans la légalité étant donné leur présence au Canada, pays où les producteurs de musique sont rémunérés au titre de la copie privée par une taxe sur les supports vierges (blank media levy). La RIAA a rejeté cette défense en faisant remarquer que MP3Fiber était aussi accessible des Etats-Unis. L’organisation américaine des majors de la musique (Universal Music, Warner Music et Sony Music) a aussi fait pression sur MP3Fiber pour qu’il cesse de lui-même son activité s’il voulait éviter de subir le même sort judiciaire que YouTube-MP3 condamné en 2017 ou que deux actions en cours devant la justice contre deux autres sites basés en Russie, Flvto.biz et 2conv.com. Pour éviter un procès, les administrateurs du site de ripping incriminé ont décidé de suspendre leur service. « Ce site web a été en réalité géré comme un passe-temps. Nous avons dépensé plus d’argent sur des serveurs que nous ne l’avions jamais fait ; aussi, nous n’avons pas voulu entrer dans une quelconque bataille juridique. Nous avons à peu près cédé à leurs demandes sans penser à autre chose », ont-ils confié à Torrentfreak.
Il faut dire que les actions contre les sites de « YouTuberipping » se sont multipliés ces derniers mois et pourraient s’intensifier cette année. Outre les sites russes Flvto.biz et 2conv.com, qui sont aussi accessibles par Fly2mp3.org et qui disposaient aussi de serveurs en Allemagne, d’autres ont dû fermer à l’instar de Pickvideo.net, Video-download.co et EasyLoad.co.
La RIAA et la British Phonographic Industry (BPI) sont les « Snep » les plus actives dans le monde pour combattre le YouTube-ripping. Le site leader de cette pratique, YouTube-mp3.org, a été contraint de fermer en Allemagne l’an dernier à la suite d’une action en justice des maisons de disques américaines et britanniques.

En France, une exception de copie privée
Si la conversion de flux est considérée aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne comme une pratique illégale, il n’en va pas de même en France où les ayants droit de la musique sont disposés à l’inclure dans le droit à la copie privée (5) comme exception au droit d’auteur (6). C’est du moins – indépendamment des trois actions de la SCPP – ce qui est actuellement discuté au sein de la commission « Musitelli » (lire p. 7), avec l’aide de l’Hadopi et de YouTube, à condition de distinguer le ripping légal de l’illégal. Un casse-tête. @

Charles de Laubier

Tron (blockchain) rachète BitTorrent (peer-to-peer)

En fait. Le 19 juin, le site d’information américain TechCrunch (Verizon/Oath) affirme que la société BitTorrent – au célèbre protocole peer-to-peer – a été vendue pour 140 millions de dollars à Justin Sun, fondateur et dirigeant de la start-up Tron spécialisée dans le « Web décentralisé » et la blockchain.

Apple Music fête ses trois ans mais sans tirer parti de Shazam, dont le rachat pose problème

Apple Music fête ses trois ans et va franchir la barre des 50 millions d’utilisateurs. Arrivée tardivement sur le marché du streaming musical, après n’avoir juré que par le téléchargement avec iTunes,
la marque à la pomme fait de son nouveau service de musique une priorité. Avec l’appli Shazam ?

C’est le 8 juin 2015 – il y a trois ans presque jour pour jour – que la firme de Cupertino et de Culver City annonçait le lancement d’Apple Music, son service de streaming musical rendu disponible le 30 juin suivant dans une centaine de pays. Aujourd’hui, il compte plus de 40 millions d’abonnés payants – près de 50 million avec les essais gratuits. C’est encore loin des 75 millions d’abonnés du numéro un mondial du streaming musical, le suédois Spotify, mais sa rapide montée en charge lui a permis de s’arroger la seconde place mondiale, devant Amazon Music.

Nomination de Oliver Schusser
C’est dans un e-mail envoyé aux salariés d’Apple le 11 avril dernier (1) que le franchissement du seuil des 40 millions d’abonnés – auxquels s’ajoutent
8 millions d’utilisateurs qui testent gratuitement le service – a été annoncé par Eddy Cue, vice-président sénior des services et logiciels Internet de la marque à la pomme. Plus récemment, le PDG Tim Cook a indiqué à Bloomberg qu’Apple Music allait franchir les 50 millions d’utilisateurs. Ce niveau est atteint en trois ans, là où Spotify a mis huit ans pour y parvenir. Eddy Cue annonçait aussi la nomination de Oliver Schusser (photo) – entré chez Apple en 2004 et ayant lancé iTunes en Europe – comme vice-président d’Apple Music et des contenus internationaux. Cet Allemand, qui fut en charge à l’international des lancements d’App Store, d’iTunes, d’iBooks ou encore d’Apple News, va déménager de Londres pour aller aux Etats-Unis, en Californie. Il fut un ancien de Napster, d’Universal Music ou encore de Vodafone.
Sa nomination montre la volonté du PDG d’Apple, Tim Cook, de faire de la musique – audio et vidéo – un pôle prioritaire de développement. D’ailleurs, une nouvelle division d’édition musicale – probable futur label (2) – est créée à Londres sous la direction d’Elena Segal (ex-iTunes International).
La marque à la pomme s’est fixée comme objectif de réaliser 40 milliards
de dollars de chiffre d’affaires dans les services d’ici 2020, contre près de 30 milliards au cours de la précédente années fiscales clôturée le 30 septembre 2017 (soit alors 11 % du total). Malgré son lancement tardif sur le marché mondial de la musique en streaming (3), Apple est donc bien décidé à poursuivre son ascension et rattraper son retard. Selon leWall Street Journal, Apple Music gagne plus d’abonnés chaque mois (taux de croissance de 5 %) que son rival Spotify (2 % seulement) aux Etats-Unis (4). Oliver Schusser est aussi celui qui, à Londres, a fait en sorte qu’Apple jette son dévolu sur la société britannique Shazam Entertainment créée en 1999 et éditrice de la célèbre application de reconnaissance musicale lancée, elle, il y a dix ans. En 2014, Shazam franchissait la barre des 100 millions d’utilisateurs actifs par mois (5). Lors de son rachat par Apple en décembre 2017, l’entreprise est valorisée 1 milliard de dollars et devient de ce fait une licorne d’origine européenne. Mais, sans que cela ait été confirmé ou démenti, des médias ont indiqué que le montant de l’acquisition par Apple était d’environ 400 millions de dollars. L’appli de reconnaissance musicale tire principalement ses revenus de la publicité en ligne et des commissions liées à la redirection de ses utilisateurs vers des services de téléchargement et de streaming tels qu’Apple Music, Spotify ou encore Deezer.
Mais la Commission européenne a décidé, le 23 avril dernier, de lancer
« une enquête approfondie » sur le rachat de Shazam. Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la Concurrence, craint qu’Apple n’ait accès à des données sensibles sur le plan commercial concernant les clients de ses concurrents pour la fourniture de services de diffusion de musique en continu. « L’accès à de telles données pourrait permettre à Apple de cibler directement les clients de ses concurrents et de les encourager à choisir Apple Music. En conséquence, les services concurrents de diffusion de musique en continu pourraient se voir désavantagés sur le plan concurrentiel [voire] seraient lésés si à l’issue de l’opération [si] Apple venait à décider que l’application Shazam n’aiguillerait plus ses clients vers eux », s’inquiète la Commission européenne.

Apple-Shazam : verdict d’ici le 18 septembre
L’opération lui a été notifiée le 14 mars 2018 et dispose depuis de 90 jours ouvrables – soit jusqu’au 4 septembre prochain – pour prendre une décision. Cependant, ce délai a été prolongé de dix jours ouvrables supplémentaires, soit jusqu’au 18 septembre (6). Ce sont l’Autriche, la France, l’Islande, l’Italie, la Norvège, l’Espagne et la Suède qui lui ont demandé après l’annonce de l’opération en décembre dernier d’examiner l’acquisition de Shazam par Apple au regard du règlement européennes sur les concentrations, ce qu’elle avait accepté dès le 6 février. A suivre. @

Charles de Laubier

Licence légale : les webradios attendent le barème

En fait. Le 30 mai, le Conseil d’Etat a rejeté le recours des producteurs de musique – représentés par la SCPP et la SPPF – contre l’extension de la « rémunération équitable » (licence légale) aux webradios. De leur côté, les artistes-interprètes – représentés par la Spedidam et l’Adami – s’en réjouissent.

Avant le Midem, Sony et YouTube montent le son

En fait. Du 5 au 8 juin se tiendra à Cannes le 52e Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem). Sony et YouTube n’ont pas attendu ce rendez-vous professionnel B2B pour bousculer – le 22 mai – le monde de la musique, le premier en rachetant EMI et le second en lançant YouTube Music.