Les projets de loi SOPA et PIPA suspendus font encore frémir les acteurs du Web

Alors que les votes des projets de loi américains SOPA et PIPA de lutte contre le piratage sur Internet restent toujours incertains – depuis leur report mi-janvier, suite à une levée de bouclier des acteurs du Web –, l’inquiétude envers ces deux textes controversés demeurent.

Par Christophe Clarenc, avocat associé (photo), et Véronique Dahan, avocat Counsel, August & Debouzy

Les internautes ont encore en mémoire les derniers événements
qui ont suivi l’introduction des propositions de loi SOPA (Stop Online Piracy Act) et PIPA (Protect Intellectual Property Act). Il y a eu la lettre du 15 novembre 2011, signée par plusieurs acteurs du Web – tels que Google, Facebook, Yahoo, eBay, Twitter, LinkeInd, AOL, etc – et transmise aux membres du Congrès américain, qui préconisait d’autres méthodes pour lutter contre les sites Internet dits « voyous ».

Sony généralise la convergence contenant-contenu

En fait. Le 9 février, à Tokyo, le futur DG de Sony, Kazuo Hirai – qui remplacera
le 1er avril Howard Stringer, après avoir redressé la division Sony Computer Entertainment – a dit qu’il allait réorganiser le groupe nippon autour des réseaux
et des contenus, comme il l’a fait pour la PlayStation.

En clair. Sony veut généraliser à tout le groupe la convergence entre les terminaux et
les contenus via des services en lignes, sur le modèle de ce que Kazuo Hirai a réussi à faire dans sa division Sony Computer Entertainment avec la console PlayStation et son écosystème de jeux en ligne (1). Prêt à remplacer le 1er avril le patron actuel du géant
de l’électronique, Kazuo Hirai veut appliquer sa méthode « contenant-contenu » online
aux autres activités de Sony. Il y a urgence car le groupe prévoit une perte annuelle de
2,2 milliards d’euros (2). La branche télévision déficitaire de Sony sera la première à s’inspirer de la PlayStation. « Je souhaite que la TV revienne rentable d’ici à mars 2014 »,
a-t-il rappelé. Comme la console, le téléviseur est au centre des foyers. « La plupart des consommateurs ont un téléviseur à la maison, ce qui leur permet de profiter des contenus audiovisuels », a expliqué Kazuo Hirai, qui croit aussi dur comme fer à la TV 3D. Lors du dernier salon CES de Las Vegas en janvier, il avait déclaré : « La télévision est rapidement en train de devenir la voie d’accès aux contenus d’Internet ». La gamme Bravia du japonais va donc proposer plus de contenus en ligne, production maison ou partenaires (comme M6 en France). Sony, qui mise en outre sur la complémentarité TV-tablette, soutient par ailleurs la Google TV. Autrement dit, Sony se doit d’évoluer du métier de fabricant vers une entreprise de divertissement en ligne. D’autant que la firme de Tokyo en a les
moyens : contrairement à Samsung et Apple, ses premiers concurrents, Sony est aussi une des majors de la musique avec Sony Music Entertainment (intégrant CBS Records (3) depuis 1988 et BMG depuis 2008) et l’un des grands producteurs de films d’Hollywood avec les studios Sony Pictures Entertainment (Columbia Pictures compris depuis 1989). Sur ses 168.200 employés dans le monde, 7.000 travaillent dans le film et 6.800 dans la musique. Et il y a Sony Computer Entertainment pour les consoles et l’édition de jeux vidéo. Malgré les cyber attaques dont ont été victimes le service PlayStaytion Network,
le service de musique online Qriocity et la plate-forme de jeux online pour ordinateur Sony Online Entertainment (SOE), Kazuo Hirai veut mettre tout Sony en ligne. Mais la convergence en ligne risque de ne pas suffire, Kazuo Hirai prévoyant aussi des licenciements et des réductions drastiques de coûts. @

Comment Apple profite de l’action de la Hadopi

En fait. Le 23 janvier, La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) s’est félicitée de l’étude annuelle publiée par la Fédération internationale de l’industrie cinématographique (IFPI) qui « démontre
les effets positifs (…) de la réponse graduée ». Et sur iTunes ?

En clair. S’il y a une plate-forme de musique en ligne qui profite pleinement de la réponse graduée, c’est bien Apple. « La France est le pays (parmi les six autres pays européens étudiés) dans lequel la progression des ventes de titres et d’albums sur iTunes a été la plus forte, avec respectivement de 22,5 % et 25 % », interprète d’ailleurs la Hadopi en reprenant des pourcentages cités dans le rapport Digital Music Report 2012 rendu public par l’IFPI (1). Ce que dit précisément l’étude universitaire mentionnée par l’IFPI, c’est que « les ventes d’iTunes en France ont été 22,5 % plus élevées pour les singles et 25 % plus élevées pour les albums que ce qu’elles auraient été en moyenne en l’absence de la Hadopi ». Ainsi, se félicite l’organisation internationale des producteurs de musique, « la Hadopi a eu un impact positive sur les ventes d’iTunes en France ». Les universités de Wellesley et Carnegie Mellon (Etats-Unis) ont en effet réalisé en 2011 une étude intitulée « Les effets de la réponse graduée sur les ventes de musique » où elles démontrent que « les ventes d’iTunes en France ont augmenté significativement au moment même où la prise de conscience de la Hadopi était à son plus haut, au printemps 2009, lorsque la loi était débattue à l’Assemblée nationale ». En France, le Syndicat nationale de l’édition phonographique (Snep) – membre de l’IFPI – constate lui aussi le poids grandissant d’iTunes. « Les ventes de titres et d’albums en téléchargement sont réalisées à 82 % par trois acteurs. Le premier d’entre eux est iTunes avec 61.9 % de part de marché en 2010 (contre 53.8 % en 2009 et 35.7 % en 2008) », précise-t-il dans son guide de l’économie de la production musicale publié en juin dernier. Résultat : iTunes a presque doublé sa part
de marché du téléchargement en deux ans ! En valeur, Apple et Amazon s’arrogent même à eux deux 72 % des 90,2 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés en 2010 sur le marché français du téléchargement légal (2). L’IFPI constate – sans s’en inquiéter – que « la demande des consommateurs pour iTunes, le leader du marché, grandit sainement ». La position dominante d’Apple devrait s’intensifier avec son offre de « cloud computing » iTunes Match. Depuis le printemps 2010, Apple fait l’objet d’enquête antitrust aux Etats-Unis et en Europe, y compris en France de la part du l’Autorité de la concurrence…
A suivre. @

Bernard Miyet, Sacem : « Les perceptions de droits sur Internet ont plus que doublé en 2011 »

Alors que se tient à Cannes le Midem, marché international du disque et de l’édition musicale, le président du directoire de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), Bernard Miyet, dresse un premier bilan-perspective après plus de dix ans de mandat.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Après plus de dix ans à la tête de la Sacem, votre mandat s’achève d’ici l’assemblée générale du 19 juin au plus tard : quel bilan faites-vous de toute votre action, notamment face au numérique ? Que vous reste-t-il à accomplir, notamment via à vis de l’Europe : procès « Cisac », licences multiterritoriales, marché unique en ligne, … ?
Bernard Miyet :
La Sacem a rapidement pris la mesure de l’impact de la diffusion numérique pour la filière musicale, qu’il s’agisse des conséquences potentielles du piratage, de la nécessité de favoriser le développement des sites légaux ou
de l’exigence de modernisation de ses propres outils informatiques. Elle a dès le début négocié des accords avec les services de musique sur Internet, dont le nombre est aujourd’hui supérieur à 1.600, dont un contrat de licence paneuropéenne avec iTunes renouvelé jusqu’à présent depuis juin 2004. Cela ne signifie pas que le choc des cultures n’a pas été parfois frontal, dans la mesure où les acteurs du numérique connaissaient souvent très mal le droit d’auteur. Notre première tâche est toujours pédagogique pour leur faire comprendre et accepter la légitimité du droit d’auteur aussi bien que son respect. Il n’est pas surprenant que cela prenne du temps dans cet univers de diffusion bouleversé et instable. Sur le plan européen, nous attendons toujours la définition d’une politique claire et cohérente. Une directive sur la gestion collective est en gestation (1). Il faut espérer qu’elle permette de régler les difficultés résultant de la complexité induite – pour les utilisateurs comme pour les sociétés de gestion – par la fragmentation des répertoires, laquelle rend par exemple impossible pour une plateforme de musique en ligne l’obtention, auprès d’une seule société de gestion, de l’ensemble des droits mondiaux.

Arrêt de Megaupload versus dé-référencement d’Allostreaming : Etats-Unis et Europe s’opposent

Entre les actions judiciaires des ayants droits en Europe pour faire dé-référencer Allostreaming par les acteurs du Web et l’opération policière des Etats-Unis pour arrêter Megaupload et son fondateur, deux visions mondiales de la lutte contre le piratage sur Internet s’opposent.

Par Charles de Laubier

De l’autre côté de l’Atlantique : FBI, hélicoptère, menottes, saisie d’ordinateur et fermeture manu militari du site web Megauplead, mandats d’arrêt internationaux, sur fonds de deux projets législatifs américains controversés. De ce côté-ci de l’océan : ayants droits, assignation en justice et dé-référencement d’Allostreaming demandé via le juge, aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI), aux moteurs de recherche et à d’autres acteurs du Web (1).