La 6G n’attend plus que sa feuille de route 2030

En fait. Le 20 juin, la Commission européenne et le Haut représentant de la diplomatie de l’UE ont présenté ensemble la « stratégie européenne de sécurité économique ». Parmi les technologies à promouvoir pour préserver la « souveraineté » européenne : la 6G, face à la Chine qui n’est pas mentionnée.

En clair. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Josep Borrell, chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE) ont présenté le 20 juin un document commun intitulé « Stratégie européenne de sécurité économique » afin de « minimiser les risques (…) dans le contexte de tensions géopolitiques accrues et de changements technologiques accélérés » et de « promouvoir son avantage technologique dans des secteurs critiques ». Parmi les technologies à promouvoir, le document de 17 pages (1) mentionne notamment la 6G aux côtés de l’informatique quantique (quantum), des semi-conducteurs (chips) et de l’intelligence artificielle (IA).
La Chine n’est pas citée dans ce document, mais le spectre de Pékin plane. En revanche, dans son discours le 20 juin portant sur cette « sécurité économique » de l’Europe, la vice-présidente Margrethe Vestager a explicitement visé la Chine et ses deux équipementiers télécoms mondiaux, Huawei et ZTE (2). Et ce, en rappelant que la Commission européenne a, le 15 juin, fortement incité les Etats membres qui ne l’ont pas déjà fait – comme l’Allemagne voire la France – de ne plus recourir aux technologies 5G de Huawei et ZTE, les deux chinois étant cités nommément par le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton (3). Il va sans dire que la 6G est concernée par ce bannissement initié par les Etats-Unis, lesquels font pression sur les pays de l’UE et de l’OTAN pour faire de même. Pour se défendre de tomber dans le protectionnisme, la stratégie européenne de sécurité économique veut aller de pair avec « la garantie que l’Union européenne continue de bénéficier d’une économie ouverte ». La Finlande, elle, a signé le 2 juin avec les Etats-Unis une déclaration commune de « coopération dans recherche et développement de la 6G », sans que l’équipementier finlandais Nokia ne soit mentionné dans le joint statement (4). Nokia comme le suédois Ericsson profiteront de l’éviction politique de leur deux plus grands rivaux chinois.
Reste à savoir si la 6G aura des fréquences harmonisées dans l’ensemble des Vingt-sept. Lors de la 18e conférence européenne sur le spectre, qui s’est tenue les 6 et 7 juin derniers à Bruxelles et à laquelle participait l’Agence nationale de fréquences (ANFR) pour la France, un consensus s’est dégagé sur « la nécessité d’une feuille de route claire sur le spectre pour la 6G à l’horizon 2030 » (5). A suivre. @

Revenus en hausse mais investissements en baisse : les opérateurs télécoms en font-ils assez ?

Les revenus 2022 des opérateurs télécoms en France sont en hausse, à plus de 45,8 milliards d’euros HT (+1,6 %). En revanche, leurs investissements sont en baisse, à 14,6 milliards d’euros (-1,8 %). Ce qui semble paradoxal avant la prochaine fermeture du réseau de cuivre.

Saviez-vous que les opérateurs télécoms en France ont dépassé en 2022 la barre des 45 milliards d’euros de chiffre d’affaires ? Soit une hausse globale annuelle de 1,6 %, à précisément plus de 45,8 milliards d’euros, selon les calculs de Edition Multimédi@. Ce montant comprend à la fois le marché auprès du client final (plus de 36,7 milliards d’euros) et le marché auprès des opérateurs (plus de 9 milliards d’euros). Tandis que, toujours l’an dernier, les investissements consentis par ces mêmes opérateurs télécoms en France ont reculé de 1,8 %, à 14,6 milliards d’euros (hors achats de fréquences).

Plan France THD et New Deal mobile
C’est à se demander si les « telcos » ne relâchent pas leurs efforts d’investissements dans les déploiements des réseaux très haut débit fixe (fibre) et mobile (4G/5G) qui sont pourtant indispensables à l’aménagement numérique des territoires et à la lutte contre la fracture numérique. D’autant que le plan France Très haut débit, qui aura coûté près de 35 milliards d’euros, dont 65 % pris en charge par le secteur privé, 25 % par les collectivités territoriales et 10 % par l’Etat (1), est dans la dernière ligne droite de son objectif gouvernemental qui est de « généraliser la fibre optique en 2025 » en termes de prises raccordables. Le temps presse d’autant plus que la fibre optique est censée remplacer le réseau de cuivre (les paires de cuivre téléphoniques sur lesquelles passent le haut débit ADSL et le très haut débit VDSL2). Car l’opérateur télécoms historique Orange a déjà annoncé à tous ses concurrents, Bouygues Telecom, Free et SFR en tête, que la fermeture commerciale nationale de ce réseau de cuivre interviendra le 31 janvier 2026, avec la fin du plan de fermeture prévue en 2030. Il y a déjà sept communes où le réseau de cuivre a été définitivement fermé. L’Arcep indique qu’une nouvelle expérimentation d’extinction en zone très dense vient d’être lancée à Vanves (dans les Hauts-de-Seine en région parisienne et dans le centre-ville de Rennes (Ille-et-Vilaine en Bretagne).
Le compte-à-rebours se poursuit. Or, d’après les relevés de l’Arcep au 31 décembre 2022, il restait encore sur tout le territoire 23,2 % des locaux – particuliers et entreprises confondus – à rendre raccordables à la fibre optique comme le sont les 76,8 % (voir tableau ci-dessous) – dont 53,8 % de ces prises FTTH ont trouvé « preneur » au 31 mars dernier, à savoir un peu plus de 19 millions d’abonnés à la fibre de bout en bout sur près de 35,3 millions de fibres optiques raccordables. Les opérateurs télécoms parviendront-ils au « 100 % fibre » avant l’échéance de dans un an et demi ? « Les déploiements vont vite et bien, et surtout en zones rurales. On a quand même des points d’attention dans certaines villes moyennes, comme Les Sablesd’Olonne, La Roche-sur-Yon et d’autres communes qui sont en-dessous de la moyenne nationale. J’invite les opérateurs – en particulier Orange – à poursuivre vraiment les déploiements dans ces zones-là. Puisque les opérateurs ont souscrit des engagements, vis-à-vis du gouvernement, à couvrir ces zones. (…) Orange a choisi à partir de l’année dernière de ralentir ses déploiements de fibre optique dans les zones les plus rurales. Nous l’avons mis en demeure de finir ses déploiements dans ces zones. L’instruction est en cours (2) », a indiqué le 25 mai la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière (photo), sur BFM Business. Le lendemain, l’ancienne députée a fait un déplacement à Marseille et à Septèmes-les-Vallons (Bouches-du-Rhône) pour y constater les retards et dysfonctionnement dans les raccordements à la fibre jusque dans les zones très denses. « Marseille a une couverture globale de 79 % du nombre de locaux, inférieure à la moyenne nationale (91 %). Les opérateurs privés ne déploient pas suffisamment », a-t-elle pointé dans son interview à La Provence parue le jour même. Laure de La Raudière (« LDLR »), qui a fait de la qualité des réseaux fibre une de ses premières priorités, rappelle d’ailleurs régulièrement, et à nouveau le 25 mai dernier, qu’« [elle a] du mal à dire que le plan France Très haut débit est une vraie réussite, étant donné ces problèmes de qualité de service sur les réseaux fibre » (3). Il y a aussi parallèlement la finalisation des engagements de Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR dans le « New Deal mobile » pour atteindre 100 % du territoire en 4G, y compris pour résorber les « zones blanches centres-bourgs » dont il reste encore plus de 4 % à couvrir (4). Sans parler du déploiement de la 5G dans les zones un peu plus denses pour désaturer les réseaux 4G.

Investissements : fixe en recul, mobile en hausse
A l’heure où des retards dans les déploiements des infrastructures numériques et des dysfonctionnements voire des malfaçons dans les raccordements à la fibre préoccupent les élus locaux et leurs administrés, le recul des investissements des opérateurs télécoms semble pour le moins malvenu. Et ce, au moment où la proposition de loi « Assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique » (5) a été adoptée à l’unanimité au Sénat le 2 mai et va être débattue à l’Assemblée nationale. Même si ce reflux a été léger l’an dernier (- 1,8 %, à 14,6 milliards d’euros hors achats de fréquences, – 6,4 % avec), il s’avère plus prononcé (- 9,8 %) par rapport à 2020 (avec achats de fréquences), pourtant la première année impactée par la crise sanitaire. D’autant que si les investissements dans les réseaux mobiles (hors redevances pour fréquences mobiles) ont, eux, augmenté de 5,5 %, à 3,8milliards d’euros en 2022, il n’en va pas de même pour les réseaux fixe qui accusent pour leur part une baisse de 4,4 %, à 10,8 milliards d’euros, toujours l’an dernier (voir tableau ci-dessous). L’après-covid 19 n’a donc pas renversé la tendance baissière, bien que légère, les investissements restant « à un niveau élevé » ou « massifs » (dixit LDLR). Alors que dans le même temps, le chiffre d’affaires global des opérateurs télécoms a augmenté en 2022 de 1,6 %, à précisément plus de 45,8 milliards d’euros hors taxes.

Revenus mobiles : hausse de 4,6 % en un an
Le marché de détail (pour le client final) a contribué à ces revenus pour plus de 36,7 milliards d’euros, en hausse de 1,8 % sur un an. Tandis que le marché entre opérateurs (interconnexion, accès et itinérance) a contribué pour sa part à plus de 9 milliards d’euros, en hausse de 0,8 %. La plus grosse source de revenus l’an dernier pour les opérateurs télécoms réside dans les services mobiles aux clients finaux (marché de détail, y compris les recettes MtoM), à hauteur de 14,7 milliards d’euros (+ 4,5 % sur un an), auxquels s’ajoutent les revenus liés à la vente de terminaux mobiles, à hauteur de près de 3,5 milliards d’euros (+ 5,1 %).
Au total, selon les calculs de Edition Multimédi@, le chiffre d’affaires mobile des opérateurs télécoms en France dépasse les 18,2 milliards d’euros en 2022, en belle hausse de 4,6 % sur un an. Quant aux services fixes, cette fois, ils constituent toutes catégories confondues la toute première source de revenu des opérateurs télécoms, à hauteur de plus de 16,5 milliards d’euros en 2022, quasiment stables (- 0,3 %). Le FTTH et la 5G permettent d’ores et déjà aux « telcos » d’accroître leurs revenus fixe et mobile (6). Sans parler du projet des opérateurs de réseaux de faire payer les GAFAM une taxe – une « compensation directe » ou fair share (7) – pour pouvoir utiliser leurs réseaux. Mais là, c’est une tout autre histoire. @

Charles de Laubier

Smartphones subventionnés par Bouygues, Orange et SFR : « concurrence déloyale » envers Free ?

Free Mobile a été le quatrième et dernier opérateur mobile à s’être lancé, en 2012, sur le marché français. Depuis il n’a cessé d’attaquer ses trois rivaux sur leurs pratiques de subvention de smartphones avec des forfaits de 12 ou 24 mois. Bouygues Telecom est le dernier à en faire les frais.

« Nous avons fait appel devant la Cour d’appel de Paris le soir même de la décision, le jeudi soir 9 février », indique à Edition Multimédi@ le groupe Bouygues Telecom, qui a été condamné ce jour-là par le tribunal de commerce de Paris à payer 308 millions d’euros de dommages et intérêts à Free Mobile pour « concurrence déloyale ». Edition Multimédi@ s’est procuré le jugement (1). En cause : la subvention de smartphones – offerts à prix réduit – dans le cadre d’un forfait avec l’engagement du client pour une durée de 24 mois.

Subvention ou crédit à la consommation ?
« Le tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement qui s’inscrit dans une série de contentieux lancés par Free Mobile à l’encontre de ses concurrents [non seulement Bouygues Telecom mais aussi Orange et SFR, ndlr], et de leurs offres groupant smartphones et forfaits mobiles, dites “avec subvention” », rappelle Bouygues Telecom qui « conteste ce jugement avec la plus grande vigueur et considère que ses offres groupées sont légales ». La filiale télécoms du groupe Bouygues conteste le fait qu’il doive verser à Free Mobile 308 millions d’euros de dommages et intérêts et que « l’exécution provisoire [soit] de droit » – c’est-à-dire que Bouygues Telecom doit immédiatement payer la somme à Free Mobile sans attendre le verdict en appel.
Bouygues Telecom estime d’ailleurs que ce jugement à exécution provisoire est « inexact s’agissant d’une procédure introduite avant le 1er janvier 2020 ». Sur ce point juridique, un décret daté du 11 décembre 2019 prévoit que l’exécution provisoire d’un jugement est de droit : le créancier peut recourir à l’exécution immédiate de la décision rendue. Cette nouvelle règle est énoncée à l’article 514 du code de procédure civile, mais il est précisé qu’elle ne s’applique que pour les instances introduites à compter du 1er janvier 2020. Or, dans cette affaire, c’est en octobre 2019 que Free Mobile a assigné Bouygues Telecom devant le tribunal de commerce de Paris. La filiale télécoms du groupe Iliad, présidé par Xavier Niel (photo) et premier actionnaire, a attaqué Bouygues Telecom sur le fondement de la « concurrence déloyale » en affirmant que « certaines de ses offres de téléphonie mobile associant un forfait téléphonique et l’acquisition d’un téléphone mobile constitueraient des opérations de crédit à la consommation et des pratiques trompeuses ». Free Mobile, qui est entré sur le marché français il y a onze ans en se démarquant de ses concurrents avec des offres sans engagement mais avec crédit à la consommation possible pour financer le smartphone, estime avoir subi un préjudice que le quatrième opérateur mobile a d’abord évalué à 612 millions d’euros. Bouygues Telecom précise dans son dernier rapport d’activité – le document d’enregistrement universel portant sur 2021 et publié fin mars 2022 – avait contesté la recevabilité ainsi que le bien-fondé de l’action de Free Mobile en formant « une demande reconven- tionnelle en dommages-intérêts à l’encontre de Free Mobile sur le fondement, d’une part, de l’abus de droit et, d’autre part, du dénigrement de ses offres, pour un montant de 1.576.000 euros ». Dans des conclusions déposées le 5 février 2021, Free Mobile avait actualisé ses demandes de dommages et intérêt, et porté celles-ci à 722 millions d’euros. Le jugement du 9 février n’a pas entièrement suivi la demande de Free Mobile sur ce point, puisque la condamnation de Bouygues Telecom porte sur moins de la moitié de la somme exigée.
Le tribunal a jugé que « les offres de Bouygues Telecom avaient pour objectif de lui conférer un avantage concurrentiel dans des conditions de concurrence déloyale ». Cette affaire concerne d’anciennes offres de Bouygues Telecom qui se dit sûr de son bon droit, à tel point qu’« aucun montant n’a été provisionné dans les derniers comptes arrêtés par Bouygues Telecom » (2). Ces offres groupées – smartphone à prix cassé en échange d’un engagement sur 24 mois – ont été commercialisées entre 2014 et 2021. La filiale télécoms de Bouygues a justifié devant le tribunal le prix plus élevé de ses forfaits de 24 mois intégrant un smartphone par l’accès à des services supplémentaires comme le kiosque presse ou la télévision.

« Bouygues Telecom a commis une faute »
Mais les juges ne l’ont pas entendu de cette oreille, estimant que « la décomposition du prix réellement payé sur 24 mois n’est pas portée à la connaissance des consommateurs qui ne sont pas mis en capacité, comme ils devraient l’être, de pouvoir apprécier ce qui leur est facturé au titre de l’abonnement ». Résultat : le tribunal a considéré que cette subvention de smartphone relevait plutôt d’une facilité de paiement qui peut être assimilée à la fourniture d’un crédit au sens de l’article L.311-1 du code de la consommation. Celui-ci considère comme une « opération de crédit (…) un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit, relevant du champ d’application du présent titre, sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire (…) ». Le jugement du 9 février en conclut que « Bouygues Telecom a commis une faute (…) en méconnaissant la législation applicable aux opérations de crédit ». C’est aussi le manque de transparence vis- à-vis du consommateur qui est épinglée.

« Opération de crédit » (Cassation, 2018)
Il y a près de cinq ans déjà, dans un arrêt daté du 7 mars 2018, la Cour de cassation a retenu le caractère « opération de crédit » d’un forfait « Carré » de SFR associé à un « prix Eco » où le consommateur pouvait, lors de la souscription de l’abonnement, opter pour l’acquisition à un prix « attractif », associée à un engagement d’abonnement « un peu plus cher chaque mois » jusqu’à son terme de 12 ou 24 mois.
Free Mobile, tout juste rentré sur le marché français de la téléphonie mobile, avait attaqué SFR dès 2012. « La Cour d’appel s’est prononcé par un motif radicalement inopérant et impropre à exclure la qualification de crédit à la consommation et a violé les articles 1382 du code civil et L 311-1, L 311-4, L 311-5, L 311-9, L 311-10, et L 311-11 du code de la consommation, interprétés à la lumière de la directive [européenne] 2008/48/CE du 23 avril 2008 », a notamment tranché la Cour de cassation (3). L’association UFC-Que Choisir avait pris acte de cet arrêt de la Cour de cassation qui allait dans le sens de la transparence pour les consommateurs. « Parlant de crédit déguisé, nous avons systématiquement demandé la transpa-rence sur ce type de contrat, notamment pour que soient distinguées, dans le forfait, la partie relevant du paiement du terminal (qu’il fasse ou non apparaître un taux d’intérêt, d’ailleurs), et celle correspondant à la prestation de services (appels, SMS, Internet). Au-delà de la transparence informative, cela aurait en outre une vertu majeure : que le paiement du terminal cesse une fois la période d’engagement passée ! », avait commenté en mars 2018 le président UFC-Que Choisir, Alain Bazot (4).
Car l’abonné mobile pouvait se retrouver sans le savoir à payer un surcoût pour son smartphone qui pouvait lui revenir jusqu’à 50 % plus cher. Après le procès de Free Mobile contre SFR en 2012 (tranché par la Cour de cassation en 2018), la filiale mobile du groupe de Xavier Niel a plus récemment – le 14 novembre 2022 – déposé une plainte contre la filiale télécoms du groupe de Patrick Drahi devant le tribunal de commerce de Paris pour contester, là encore, la subvention utilisée dans les offres mobiles de SFR vendues depuis 2017. Free Mobile affirme encore une fois que ces subventions constituaient une forme de crédit à la consommation et, à ce titre, SFR a mis en œuvre des pratiques déloyales non conformes à la réglementation du crédit à la consommation.
Dans son dernier état financier au 30 septembre 2022, le groupe Altice – maison mère de SFR – explique qu’« en raison du début du processus, la direction a déterminé qu’il est difficile d’estimer de façon fiable la probabilité de l’issue de cette affaire à ce moment- là et, par conséquent, aucune disposition n’a été reconnue en date du 30 septembre 2022 » (5).
Mais avant de relancer les hostilités avec Altice, Free Mobile avait attaqué en référé Orange en juin 2018 devant le tribunal de commerce de Paris – soit trois mois après l’arrêt de la Cour de cassation qui lui était favorable – visant, sur ce front aussi, à faire interdire certaines de ses offres de téléphonie mobile proposant des terminaux mobiles à prix attractifs accompagnés de formule d’abonnement au motif qu’elles seraient constitutives d’offres de crédit à la consommation. Dans son document d’enregistrement universel portant sur 2021 et publié en mai dernier, Orange précise ceci mais son dire s’il provisionne une somme au cas où : « L’instruction du dossier est en cours d’examen par les juges du fond. Le 16 octobre 2020, Iliad a pour la première fois évalué son préjudice à 790 millions d’euros ». Le groupe Iliad estime que « du pouvoir d’achat a été redonné en France suite au lancement de Free Mobile » mais que sa filiale mobile a été victime d’une « concurrence déloyale » par les pratiques de subvention de terminaux par Bouygues Telecom, Orange et SFR. Ces « comportements fautifs » lui aurait fait perdre 3 % de part de marché (6).

Free Mobile pratique le crédit depuis 2012
Depuis son lancement commercial le 10 janvier 2012, avec une offre « tout illimité » à 19,99 euros par mois (7) – sans engagement et hors combiné mobile (en espérant alors réitérer le succès du triple play à 29,90 euros lancé en 2002), Free Mobile n’a jamais subventionné les smartphones de ses clients. L’achat du smartphone est séparé du forfait. Le quatrième opérateur mobile propose en revanche d’acquérir le terminal à crédit sur 24 mois ou, depuis juillet 2021, en leasing via une offre dite « Flex » (8) sans taux de crédit. Mais pour être propriétaire du smartphone à l’échéance des 24 mois, l’abonné a le choix entre une « option d’achat », la « location » ou la résiliation. @

Charles de Laubier

La 5G tant vantée poursuit lentement son décollage

En fait. Le 10 février, l’Arcep dévoilera les chiffres de son observatoire des services mobiles pour le quatrième trimestre. Selon les estimations de Edition Multimédi@, le parc de la 4G dépasserait pour la première fois les 70 millions de cartes SIM en France. En revanche, la 5G resterait sous la barre des 10 millions.

En clair. La 5G fait toujours pâle figure en France, alors que les quatre opérateurs télécoms (Orange, Bouygues Telecom, Free Mobile et SFR) promettaient au grand public du très haut débit mobile et de nouveaux usages, avec des débits jusqu’à dix fois supérieurs à ceux de la 4G (1). Force est de constater que, depuis les débuts de la commercialisation de la 5G il y a plus de deux ans, les clients mobiles (forfaits ou prépayés) ne se précipitent pas. Selon les chiffres de l’Arcep publiés le 12 janvier dernier sur le troisième trimestre 2022 du marché des communications électroniques, le nombre de cartes SIM actives en 5G ne dépasse pas les 6,2 millions (2) – ne pesant que 7,5 % du parc de carte mobiles actives en France. Et bien loin des 69,7 millions de clients 4G.
Si la croissance trimestrielle d’un peu plus de 21,5 % observée au troisième trimestre s’est poursuivie au quatrième trimestre l’an dernier, selon l’hypothèse basse de Edition Multimédi@, la 5G terminerait l’année 2022 avec à peine plus de 7,5 millions de clients mobiles – pesant seulement 9% du parc mobile total. Et toujours très loin des quelques 70 millions d’abonnés 4G attendus à fin 2022. Même en prenant cette fois une hypothèse haute intégrant l’effet « cadeaux de Noël », la 5G devrait rester sous la barre des 10 millions de clients. Comme l’Arcep ne précise pas dans son observatoire des services mobiles les chiffres de la 5G (ni de la 4G ni de la 3G), il faudra attendre finalement non pas le 10 février mais le 6 avril prochain pour avoir la confirmation de cette tendance poussive. @

Position dominante de Qualcomm: une amende de 1 milliard d’euros annulée peut en cacher une autre

Le Snapdragon Summit, grand-messe annuelle de l’américain Qualcomm, a eu lieu cette année les 15 et 16 novembre en livestream d’Hawaï, loin du tribunal de Luxembourg. Le numéro un mondial des puces pour smartphones reste dans le collimateur de la Commission européenne.

près le tribunal de l’Union européenne au Luxembourg, les cocotiers sous le soleil d’Hawaï pour son Snapdragon Summit… Qualcomm – numéro un mondial des micro-processeurs pour smartphones et tablettes – peut continuer à conforter sa position dominante sur ce marché colossal. La Commission européenne a décidé de ne pas faire appel de l’arrêt annulant le 15 juin 2022 l’amende de 997,4 millions d’euros qu’elle avait infligée en janvier 2018 au fabricant américain de puces pour abus de position dominante, en pratiquant avec Apple des « tarifs d’exclusivité » (1).

« Tarifs d’exclusivité », non tranchés au fond
« La Commission européenne a étudié attentivement l’arrêt du tribunal de l’Union européenne dans l’affaire Qualcomm et a décidé de ne pas saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) », a-t-elle indiqué à Edition Multimédi@, confirmant une information de Reuters datant de fin août (2). Pour autant, un autre recours de Qualcomm contre une deuxième décision de Bruxelles le condamnant à une amende dans l’affaire cette fois des « prix d’éviction » est actuellement instruite par le même tribunal de l’UE. Pour avoir facturé « des prix inférieurs aux coûts dans le but de forcer ses concurrents à quitter le marché », Qualcomm avait écopé le 18 juillet 2019 de 242 millions d’euros d’amende (3) mais le fabricant américain avait demandé en appel d’annuler cette décision. Ce verdict ne devrait pas tarder.
En attendant, l’arrêt de la première affaire – publié au Journal Officiel de l’UE le 15 juillet (4) est un revers majeur pour Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge du Numérique et, depuis novembre 2014, de la Concurrence. L’amende de près de 1 milliard d’euros infligée à Qualcomm en janvier 2018 sanctionnait un abus de position dominante sur le marché mondial des chipsets à la norme LTE (Long Term Evolution), le standard international des 3G et 4G. La sanction représentait 4.9 % du chiffre d’affaires de Qualcomm en 2017.
La firme de San Diego, qui fournit ses puces à Samsung (numéro un mondial des smartphones), Apple, Xiaomi, Huawei, HTC, LG ou ZTE, est toujours en tête de ce marché étendu à la 5G. Il était notamment reproché à Qualcomm d’avoir accordé à Apple des « paiement d’exclusivité » pour que le fabricant d’iPhone et d’iPad ne se fournisse que chez lui en puces, ce que Bruxelles avait considéré comme un « abus de position dominante » à « effets anticoncurrentiels ». La Commission européenne avait même révélé que « Qualcomm avait payé à Apple une somme comprise entre 2 et 3 milliards de dollars » pour obtenir cette exclusivité, de 2011 à 2015 (5). Ce qui aurait dissuadé Apple d’aller voir la concurrence, dont Intel. Ces accords avaient cependant pris fin à la suite du lancement par Apple, le 16 septembre 2016, des iPhone 7 intégrant des chipsets d’Intel.
Le tribunal de Luxembourg a annulé toute la décision de la Commission européenne en raison d’« irrégularités procédurales ayant affecté les droits de la défense de Qualcomm », d’une part, et, d’« illégalité » de l’analyse des effets anticoncurrentiels des « paiements incitatifs » dits d’exclusivité, d’autre part. Et n’aurait pas été pris en compte le fait qu’à l’époque « Apple n’avait pas d’alternative technique aux chipsets LTE de Qualcomm pour [ses] iPhone ». En outre, la Commission européenne n’avait pas fourni de notes et d’informations sur le contenu des réunions et des conférences téléphoniques qu’elle a eues avec les tiers comme Apple ou Nvidia. Ce qui ne respectait pas les droits de la défense de Qualcomm. La Commission européenne indique à Edition Multimédi@ qu’elle a « le devoir de protéger (…) l’identité des tiers qui ont présenté des demandes justifiées de garder l’anonymat en raison du risque de représailles ». Autre reproche : la Commission européenne se limitait à retenir un abus de position dominante sur le seul marché des chipsets LTE, alors que la communication des griefs portait aussi sur des puces UMTS (6).
S’est ainsi achevée cette première procédure antitrust et judicaire de plus de huit ans qui s’est ouverte en août 2014 par l’enquête de la Commission européenne. Et sans que la CJUE n’ait in fine eu son mot à dire en appel sur « tarifs d’exclusivité » aux « effets d’éviction » de la concurrence.

Accord pluriannuel avec Samsung
Après deux années sous tension (pandémie, pénurie de puces et tribunal), la firme de San Diego – dirigée depuis fin juin 2021 par Cristiano Amon (photo) – peut continuer à prospérer sur le marché des smartphones. Avec sa nouvelle puce « Snapdragon 8 Gen 2 », Qualcomm compte bien remporter à nouveau la mise avec Noël. Samsung (7) abandonne sa propre puce Exynos pour le nouveau chipset de Qualcomm pour ses prochains Galaxy (passant de 75 % des S22 à 100% des S23) grâce à un « accord pluriannuel » dont les termes restent bien sûr sous le secret des affaires. @

Charles de Laubier