Tablettes-applis-médias : le trio est-il gagnant ?

En fait. Le 4 septembre, le cabinet Deloitte a dévoilé une étude montrant que les mobinautes téléchargent moins d’applications mobiles et dépensent d’argent pour elles. De son côté, le 29 août, le cabinet IDC a abaissé ses prévisions de croissance pour les ventes de tablettes. Deux signes inquiétants.

En clair. Les médias (presse et audiovisuel), qui misent beaucoup depuis quatre ans sur les tablettes et les applis pour tenter de remonétiser leurs contenus, devraient s’interroger sur les deux tendances dévoilées par respectivement Deloitte (en Grande-Bretagne) et IDC (au niveau mondial). Depuis la sortie de l’iPad d’Apple en 2010, les éditeurs n’ont eu de cesse d’investir dans des applications mobiles ou des « journaux tactiles » pour tablettes (sous iOS et Android en tête) pour remettre dans le droit chemin du payant leurs lecteurs jusqu’alors séduits par la gratuité sur Internet.
Or non seulement les ventes de tablettes connaissent un sérieux coup de frein, mais
en plus l’attrait en faveur des applis mobiles tend à s’étioler : IDC revoit à la baisse ses prévisions de croissance des ventes de tablettes pour 2014 (6,5 % au lieu des 12,1 % qui étaient déjà très loin des 50 % de 2013) ; Deloitte fait état d’une désaffection des utilisateurs de smartphones – et a fortriori de tablettes – pour le téléchargement d’applications (1,8 téléchargements par mois en 2014, contre 2,4 l’an passsé). Plus inquiétant, cette dernière étude (1) souligne que la presse arrive en dernier dans l’achat d’applications payantes : 2 % seulement des personnes interrogées ont déclaré avoir dépensé dans le mois pour des quotidiens ou des magazines (2 % également pour des films ou des programmes de télévision), préférant plutôt acheter de la musique (7 %), les livres numériques (6 %) ou encore des jeux (6 %). Quoi qu’il en soit, plus d’un tiers des personnes interrogées n’a téléchargé aucune appli mobile dans le mois. « Un marché de niche », conclut Deloitte. L’arrivée de la 4G en inciterait beaucoup à passer par le Web plutôt que de télécharger une appli.
Le sérieux ralentissement constaté sur les ventes de tablettes ne laisse rien augurer
de bon pour l’avenir des médias sur ce nouveau support, lequel a sans doute été surestimé par rapport aux smartphones massivement démocratisés (2). De plus, les
« phablets » – terminaux mobiles à écran d’environ 5,5 pouces, plus proches du smartphone que de la tablette – séduisent de plus en plus comme en témoigne l’engouement au dernier IFA, la grand-messe internationale de l’électronique grand public qui s’est tenue à Berlin. Samsung fut le pionnier (Galaxy Note en 2011), suivi de Sony (Xperia), de Huawei (MediaPad) et, depuis le 9 septembre, d’Apple (iPhone 6). @

Pub : le mobile atteint 10 % des dépenses digitales

En fait. Le 8 juillet, le Syndicat des régies Internet (SRI) a publié la 12e édition
de son Observatoire de l’e-pub en France, sur la base d’une étude réalisée par PriceWaterhouseCoopers (PwC), avec l’Udecam (agences médias) : 1,440 milliard d’euros au 1er semestre 2014 (+ 3 % sur un an), dont 10 % mobile.

En clair. La monétisation publicitaire de l’Internet mobile accélère enfin sérieusement en France pour s’approcher du taux de 10 % des dépenses e-pub au premier semestre 2014, soit 136 millions d’euros sur le total de 1,440 milliard d’euros que pèse le marché français de la publicité digitale sur la même période. Les dépenses publicitaires mobiles, en croissance de 61 % sur un an, se répartissent entre le search mobile pour 80 millions d’euros et le display pour 56 millions. Ce sont deux boosters pour le mobile, avec de forts taux de croissance, à savoir respectivement de 58 % et 69 %. Si l’on isole ce dernier segment, le display sur smartphones domine encore largement (44 millions d’euros) par rapport au display sur tablettes (12 millions d’euros).
Mais le marché de la publicité sur mobile (smartphones et tablettes) reste toujours
« sous investi » par rapport à la Grande-Bretagne (1). « Les dépenses sur mobile sont en hausse [+ 4 points à 10 %, ndlr] mais les audiences mobiles progressent sur un rythme plus soutenu [+ 7 points à 36 %] », souligne l’étude de PwC pour le SRI. Selon Médiamétrie, 36 % de l’audience Internet s’est faite sur mobile et le temps passé sur smartphones et tablettes augmente, y compris en mode « mobile-to-store » (avec interactions « in-store » ou « click & collect », et conversion des ventes en magasins). La montée en puissance des emails en mode responsive design (c’est-à-dire des emailings utilisant des messages électroniques adaptatifs comme peuvent l’être de
plus en plus de sites web) devrait aussi contribuer à la croissance des usages mobiles.

Amazon noue un contact direct avec les mobinautes

En fait. Le 18 juin, Amazon a lancé son propre smartphone, Fire Phone, que Jeff Bezos a présenté lui-même lors d’un show à Seattle. Sept ans après le lancement de l’iPhone, le géant de la vente en ligne entre en concurrence frontale avec Apple mais aussi Samsung sur un marché hyperconcurrentiel. Pourquoi ?

En clair. Amazon est décidé à établir un lien direct avec ses utilisateurs en se dotant de son propre smartphone. Proposant déjà des tablettes et des liseuses Kindle, le groupe dirigé par Jeff Bezos élargit son offre de terminaux avec le Fire Phone pour se rapprocher des mobinautes et des développeurs d’applis. Il s’agit pour le géant de la distribution en ligne de proposer lui-même des services et applications. A l’instar d’Apple, de Google ou de Samsung, Amazon veut avoir la maîtrise de son écosystème comme il a su le faire avec ses tablettes et liseuses Kindle.

Publicis se retrouve seul face aux géants du Net

En fait. Le 9 avril, les groupes publicitaires Publicis (français) et Omnicom (américain) ont annoncé l’abandon de leur projet de méga-fusion qui devait créer
le numéro 1 mondial de la publicité devant WPP (britannique). Les trois agences
se retrouvent confrontées aux Google, Yahoo et autres Facebook.

En clair. Les géants du Net – Google, Yahoo, Facebook, AOL ou encore Microsoft
– sont en train de siphonner le fond de commerce des grandes agences publicitaires – WPP, Omnicom et Publicis en tête. Numéro 1 mondial de la publicité en ligne, Google commence à faire de l’ombre aux grands acteurs historiques. Pour le groupe français Publicis, créé il y a 88 ans par Marcel Bleustein-Blanchet (1), se faire doubler par une start-up lancée il y a 16 ans par Larry Page et Sergueï Brin a quelque chose d’humiliant. Maurice Lévy, PDG du groupe depuis 27 ans, a bien annoncé le 19 mai un « accord pluriannuel » avec Facebook pour diffuser de la pub vidéo sur le réseau social et Instagram et conclu en 2007 une « collaboration » avec Google, les géants du Net exercent une pression concurrentielle sur le numéro trois mondial de la publicité (2). Publicis s’appuie en outre sur Microsoft, Yahoo et AOL, pour proposer aux annonceurs des audiences ciblées sur des réseaux multiples via VivaKi Nerve Center, plateforme dite AOD (Audience on Demand). Et depuis le rachat en octobre 2009 de Razorfish auprès de Microsoft, le groupe français a noué avec ce dernier (MSN) une « alliance stratégique ».

La 4G va accélère l’essor de l’offre TV sur mobiles

En fait. Le 7 avril, le CSA, le CNC, la DGMIC, le SNPTV et l’ACCeS (chaînes conventionnées) ont publié la 12e édition du Guide des chaînes numériques.
En plus des 32 chaînes nationales présentes sur la TNT (dont 8 payantes),
207 sont sur les autres réseaux (câble, satellite, ADSL, mobile, Internet).

En clair. A fin 2013, elles sont au total 239 chaînes numériques qui sont en France autorisées, conventionnées ou déclarées auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Ainsi : 32 chaînes sont « autorisées » pour pouvoir utiliser une fréquence hertzienne attribuée par le CSA ; 152 chaînes sont « conventionnées » car elles n’utilisent pas de fréquences mais sont diffusées sur l’ADSL – toujours en tête des réseaux après l’hertzien (1) – le satellite, le câble, Internet, le mobile et la fibre optique ; 55 chaînes sont simplement « déclarées » car non seulement elles n’utilisent pas de fréquences (leur diffusion s’effectuant sur les autres réseaux précités) mais en plus elles ont un budget annuel inférieur à 150.000 euros. Mais ce triptyque réglementaire du PAF n’empêche pas aux 32 chaînes « autorisées » sur des fréquences hertziennes d’emprunter elles aussi les autres réseaux numériques que la TNT. Parmi eux, la diffusion télévisée sur mobile – qui fut freinée ces dernières années par les piètres performances de la 3G – devrait progresser significativement cette année grâce à la montée en charge de la 4G, dont les premières offres ont été lancées l’an dernier.
« L’accroissement de l’équipement en smartphones, leur ergonomie, le développement des forfaits ‘illimités’ tout inclus, la création d’applications et la possibilité de visionner
la télévision en mode Wifi tendent aujourd’hui à élargir le public de la télévision sur mobile. Le développement des réseaux mobiles dits de quatrième génération (4G
ou LTE) devrait accélérer son essor grâce à l’accroissement des débits de connexion par rapport à ceux existant aujourd’hui », souligne le Guide des chaînes numériques.
Selon l’Arcep, la France compte 37,3 millions de clients équipés d’un « mobile multimédia » au 31 décembre 2013 – soit quasiment la moitié du parc mobile.
Les chaînes nationales historiques (TF1, France Télévisions, M6, Canal+, …) disposent toutes d’une application mobile permettant non seulement d’accéder à la diffusion des émissions en live, mais aussi aux programmes en replay (2). Ainsi, selon NPA Conseil
et GfK sur l’année 2013, les mobiles et tablettes ont été utilisés à 18,2 % pour regarder de la télévision en ligne. Ce qui place la mobilité télévisuelle en troisième position des usages audiovisuels derrière l’ordinateur (47 %) et le téléviseur (34,8 %). @