Orange mise sur son réseau, agrégateur de contenus

En fait. Le 17 mars, Stéphane Richard, PDG du groupe Orange, a présenté son nouveau plan stratégique baptisé « Essentiels 2020 », lequel succède au plan
« Conquêtes 2015 » – avec 15 milliards d’euros d’investissement à la clé dans
ses réseaux très haut débit fixe et mobile. Et les contenus ?

Martin Bouygues ne veut pas sacrifier sa filiale Bouygues Telecom sur l’autel de l’oligopole

Un an après avoir tenté – en vain – de racheter SFR, la filiale télécoms de Bouygues est devenue au fil des mois une proie pour ses concurrents (Free, Orange, Altice/Numericable-SFR) qui, pour la plupart, veulent un passage de quatre à trois opérateurs – un triopole – sur un marché français devenu très oligopolistique.

Par Charles de Laubier

C’était il y a un an maintenant. Le 6 mars 2014, Bouygues présentait aux analystes financiers « un projet industriel qui donnerait naissance à un acteur majeur du numérique en France » : la fusion Bouygues Telecom-SFR. En chiffre d’affaires annuel, le nouvel ensemble aurait pesé 15 milliards d’euros et serait devenu le septième plus grand opérateur télécoms en Europe dernière, Deutsche Telekom, Telefonica, Vodafone, Orange, Telecom Italia et British Telecom, mais plus gros que Telenor, Telia Sonera et Swisscom. Le rapprochement de la filiale télécoms de Bouygues de celle (à l’époque) de Vivendi aurait aussi capitalisé sur les relations historiques de Bouygues Telecom et SFR pour le partage des investissements : coopération dans l’ADSL depuis 2008, co-investissement dans la fibre depuis 2010 et projet de mutualisation dans les réseaux mobiles.

Numericable-SFR, Free et Orange sont en embuscade
Et pour que ce rapprochement de ces deux opérateurs télécoms matures du marché français puisse être accepté par l’Autorité de la concurrence, Martin Bouygues (photo), PDG du groupe éponyme, s’était arrangé – par avocats interposés – avec Xavier Niel, patron de Free, pour que ce dernier lui rachète son infrastructure mobile et ses fréquences dans le cas où la fusion Bouygues Telecom-SFR aboutirait.
On connaît la suite : Vivendi a préféré le mois suivant vendre SFR à Altice-Numericable ; Bouygues Telecom s’est retrouvé Gros-Jean comme devant. Et malgré la tentative qui s’en est suivie de Xavier Niel pour s’en emparer, la filiale télécoms du groupe Bouygues s’est résolue à poursuivre seule son chemin. « Bouygues Telecom poursuit la mise en place de son plan de transformation (…) visant à lui garantir un avenir autonome. De plus, le groupe n’a reçu à ce jour aucune offre de rachat pour sa filiale Bouygues Telecom », avait indiqué Martin Bouygues dans un court communiqué, le 4 août dernier, en réponse aux velléités du fondateur de Free et son rival de toujours (1) (*) (**). Un an et quelques marques d’intérêt d’Orange (au printemps) et d’Altice (à l’automne) après, la situation n’a pas changé, ou presque, et les rumeurs courent toujours : Numericable-SFR, le nouveau groupe constitué par Patrick Drahi et sa holding Altice (2), étudie le rachat de Bouygues Telecom (3), tandis que Free et Orange seraient en embuscade.

France : de quatre à trois opérateurs ?
Comme il y a un an, Martin Bouygues a dû faire taire les rumeurs lors de la présentation des résultats financiers du groupe familial le 25 février dernier :
« Nous sommes beaucoup courtisés, comme tous les opérateurs du monde.
Mais il n’y a aucune négociation en cours. Le choix, c’est le stand alone ; on a
été très clairs là-dessus. Bouygues Telecom dispose d’un portefeuille de fréquences exceptionnel et peut donc parfaitement poursuivre son chemin seul ».
Le magnat du BTP et de la communication, qui aurait même lancé un « Vous vendriez votre femme, vous ? » (4), ne veut pas que sa filiale télécoms fasse les frais de la consolidation du secteur, laquelle est bien engagée avec la constitution du groupe Numericable-SFR (Virgin Mobile compris). Orange est aux avant-postes pour exiger un passage de quatre à trois opérateurs télécoms en France. « Nous avons toujours dit qu’une consolidation du secteur en France serait positive et nous sommes disponibles pour des initiatives qui auraient du sens », a rappelé Ramon Fernandez, directeur financier de l’ex-France Télécom. Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, qui présentera le 17 mars son plan stratégique à horizon 2020, en appelle depuis un an – à qui veut bien l’entendre – à un marché à seulement trois opérateurs et non plus quatre comme actuellement. « Sur le marché français, on ne pourra pas rester durablement à quatre opérateurs ; la taille du marché ne le justifie pas », avait-il encore affirmé sur France 24, en prenant en exemple l’Allemagne qui est passé l’été dernier de quatre à trois opérateurs avec le rachat de E-Plus, filiale du néerlandais KPN, par O2, filiale de l’espagnol Telefonica. Selon lui, la constitution d’un triopole non seulement ferait baisser la pression concurrentielle (donc la baisse des prix susceptibles alors de repartir à la hausse) mais aussi du même coup de renforcer ses marges financières afin de poursuivre ses investissements dans les réseaux très haut débit de nouvelle génération (4G et fibre optique).
Qu’en pense le régulateur des télécoms ? « Comme Bruno Lasserre [le président de l’Autorité de la concurrence, ndlr], je pense qu’il n’y a pas de chiffre magique à trois ou quatre opérateurs. Mais il y a un chiffre maudit, c’est deux ! Un duopole est difficile à réguler, tous les exemples à travers le monde montrent que c’est la pire situation pour l’investissement et les prix », a affirmé Sébastien Soriano le 22 février dans une interview au Figaro. Le nouveau président de l’Arcep connaît bien Bruno Lasserre, avec lequel il partage les mêmes vues sur la consolidation du marché français des télécoms, pour avoir été durant trois ans rapporteur permanent à l’Autorité de la Concurrence (2001 à 2004), puis rapporteur général adjoint (2009 à 2012). Bruno Lasserre s’opposera à toute concentration d’opérateurs télécoms qui présentera un risque de basculement à terme dans un duopole. Ainsi à deux reprises, en 2012 puis en 2014,
il s’est opposé à ce que Free rachète SFR car cela aurait provoqué la disparition inéluctable de Bouygues Telecom.
Mais le président de l’Autorité de la concurrence n’est pas contre un retour à un triopole, à la condition indispensable à ses yeux qu’il y ait « un Maverick de type Free » (5) : Qui de Free ou de Bouygues Telecom restera ce franc-tireur indépendant capable d’animer la concurrence en cas de « troïka » dans les télécoms ? « Lorsque le Maverick est un opérateur indépendant de type Free, on voit que le niveau des prix dépend beaucoup de la présence de ce Maverick. Ce sont des gens qui ont faim et qui vont gagner coûte que coûte des parts de marché en pratiquant des prix agressifs »,
avait expliqué le 11 juin 2014 le président de l’Autorité de la concurrence, devant l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). Dans le mobile,
avant l’arrivée de Free en février 2012, c’était Bouygues Telecom qui faisait office
de Maverick, d’aiguillon ou de lièvre pour la concurrence. Près de vingt ans après l’invention par Bouygues Telecom du forfait mobile (en mai 1996) et plus de douze ans après l’invention par Free du forfait triple play (à 29,99 euros), Bruno Lasserre entend bien garder un « trublion des télécoms » dans l’Hexagone, lui qui fut directeur général des PTT dans les années 1990 et qui a « brisé le monopole de France Télécom et SFR à l’époque » (selon ses propres termes).

Bouygues Telecom est bien vivant !
En tous cas, Martin Bouygues ne veut pas sacrifier ses télécoms sur l’autel de la concentration à trois opérateurs. « Nous avons été en enfer durant quatre ans ; on a voulu nous tuer, mais ça a raté ! », a-t-il ironisé le 25 février. Bouygues Telecom est bien vivant… Martin aussi (6). D’autant que l’entreprise dirigée par Olivier Roussat, son PDG depuis avril 2013, va finaliser cette année son plan d’économies de 300 millions d’euros (7) présenté il y a trois ans, avec notamment à la clé plus de 1.400 départs volontaires de salariés (sur 9.000), pour un retour au vert espéré dès 2016. Pour cela, l’opérateur mise sur sa box Miami lancée en janvier, sur les « bonus » pour mobile tels que Spotify, CanalPlay et Gameloft, et une 4G plus puissante prévue cette année, tout en voulant continuer à être « le price maker » (dixit Martin) dans le fixe. @

Charles de Laubier

Facebook devient « une très grande plateforme vidéo »

En fait. Le 24 novembre 2014, Coca-Cola a annoncé un accord publicitaire et marketing avec Facebook, qui devient le premier partenaire digital de la marque aux sodas en France. Le 20 novembre, au DigiWorld Summit, Laurent Solly, DG de Facebook France a présenté « la vidéo automatique » sur mobile comme la solution publicitaire.

La nouvelle Commission européenne veut présenter en mai 2015 une stratégie numérique « équilibrée »

Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne en charge du Marché unique numérique, et Günther Oettinger, commissaire à l’Economie numérique et à la Société, ont six mois pour trouver un « équilibre » entre les intérêts des consommateurs et ceux des opérateurs télécoms.

Andrus Ansip

Les consommateurs européens et les opérateurs télécoms ont des intérêts divergents. Les premiers veulent garder des prix bas d’accès
aux réseaux fixe et mobile auprès d’un grand nombre d’opérateurs télécoms en concurrence, avec la garantie de la neutralité du Net.
Tandis que les seconds demandent à être moins nombreux sur un marché consolidé et à pouvoir proposer des services aux tarifs différenciés, dont certains plus élevés en fonction d’une meilleure qualité de la bande passante.

L’Europe, trop « consumériste » ?
Ce sont ces deux approches opposées qui se sont notamment retrouvées au coeur des débats de deux conférences sur le monde numérique organisées en même temps les 19 et 20 novembre derniers : le DigiWorld Summit de l’Idate à Montpellier et la TMT Conference de Morgan Stanley à Barcelone.
Ces deux événements ont permis aux opérateurs télécoms de faire passer leur message auprès de la nouvelle Commission européenne – dont Andrus Ansip (photo), son vice-président en charge du Marché unique numérique – et avant le Conseil de l’Union européenne réuni à Bruxelles le 27 novembre. Les ministres des Vingt-huit en charge des télécoms (1) ont en effet examiné ce jour-là le projet de cadre réglementaire « Continent connecté » (2).

Bien que leurs revenus se soient en moyenne stabilisés (après une baisse de 15 % depuis 2008), avec une reprise espérée l’an prochain grâce à la 4G, et que leurs marges restent encore confortables (15 % à 30 %), les opérateurs télécoms européens (Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, Vodafone, …) se plaignent toujours de leur sort auprès de la Commission européenne dont ils jugent la politique « trop consumériste ». Selon les opérateurs historiques européens, réunis depuis vingt ans au sein de l’organisation de lobbying ETNO (3) basée à Bruxelles, il y a trop d’opérateurs télécoms (y compris en France depuis, selon eux, l’arrivée de Free Mobile en 2012), trop de baisses de prix imposés (par la concurrence elle-même, par l’Europe sur les frais d’itinérance mobile, par la régulation des coûts de terminaison d’appel, …), et trop de mesures en faveur des consommateurs (bataille des prix, principe de neutralité du Net, …). Et à l’instar de l’ETNO, la Fédération française des télécoms (FFTélécoms)
en appelle à la régulation des GAFAM – les Google, Apple, Facebook, Amazon et autres Microsoft – qui, selon son étude confiée à Arthur D. Little, capteraient « 50 %
de la valeur numérique en Europe ». A Montpellier, Michel Combes, le DG de l’équipementier télécoms franco-américain Alcatel-Lucent, s’est fait le porte-parole
des opérateurs télécoms dont bon nombre sont ses clients : il a appelé à un
« aggiornamento » des règles de concurrence en Europe pour permettre aux opérateurs fixe et mobile d’investir dans les nouvelles fréquences mobile (4) et les réseaux nouvelle génération, dont la 5G. Car, selon lui, « l’Europe est à la traîne (…), ce qui nous met en danger ». Présent physiquement à Barcelone mais virtuellement
à Montpellier, Stéphane Richard, PDG du groupe Orange, a tenu le même discours :
il faut, selon lui, passer de quatre à trois opérateurs télécoms sur un marché comme
en France, compte tenu des investissement élevés à faire dans le fixe et le mobile.
Au DigiWorld Summit, un échange entre Yves Gassot, DG de l’Idate, et Jean-Ludovic Silicani, président de l’Arcep (5), a montré – comme l’an dernier (6) – une divergence de vue entre les opérateurs télécoms et le régulateur français. Ce dernier estime au contraire que si la concurrence à quatre opérateurs mobile a permis de baisser « le prix standard de base », cela n’empêche de « monter en gamme » en termes de tarifs et de services. « Je suis plus optimiste… », a contredit Jean-Ludovic Silicani, rappelant que la quatrième licence mobile avait été attribuée à Free Mobile cinq ans après une amende record de 534 millions d’euros infligée à Orange, SFR et Bouygues Télécom pour «entente illicite » (7).

Le projet législatif examiné le 27 novembre est composé d’une communication sur le marché unique des télécoms et une recommandation sur des obligations de non discrimination (Internet ouvert) et de promotion de la concurrence – avec le souci d’encourager l’investissement dans le (très) haut débit. Il s’agit de trouver « un juste équilibre » entre la neutralité de l’Internet en faveur des consommateurs et la gestion raisonnable du trafic par les opérateurs télécoms.

Risque de hausse des tarifs
Mais tant que les définitions des expressions « services d’accès à Internet », « services spécialisés » et « niveau de qualité de service » ne seront pas clairement définis, le risque est d’aboutir à un dialogue de sourds entre pro-consommateurs et pro-opérateurs – avec une hausse des tarifs mal venue en temps de crise. @

Charles de Laubier

Pub en ligne : ce à quoi l’on doit s’attendre pour 2014

En fait. Le 26 septembre, l’Irep et France Pub ont présenté les recettes du
marché français de la publicité sur le premier semestre 2014 : 5,6 milliards d’euros (- 2,6 %), dont 1,2 milliard pour l’e-pub (+ 5% pour le search, – 1,2 %
le display web et + 60 % le display mobile). L’année s’annonce encore en baisse.