En pleine crise de la quarantaine, Apple – la marque à la pomme – lutte contre le blettissement

Fondé en avril 1976 par Steve Jobs dans la maison familiale de Los Altos (Californie), Apple – qui devint une société en janvier 1977 – est en pleine crise
de la quarantaine. La marque à la pomme va devoir mûrir sans devenir… blette, en misant sur les services en ligne pour compenser la chute des ventes d’iPhone.

Apple est en passe d’être déchu du titre de première capitalisation boursière mondiale. Alphabet, alias Google,
a déjà réussi par deux fois depuis le début de l’année de relégué la marque à la pomme en seconde position. Le 26 mai dernier, la valorisation boursière d’Apple était de 550 milliards de dollars (à 100 dollars l’action), contre 505 milliards de dollars (à 736 dollars) pour la maison mère de Google. Le fabricant d’iPhone a quand même perdu pas loin d’un tiers de sa valeur par rapport aux 130 dollars atteints durant l’été 2015 (1). Cette « spirale baissière », comme disent les analystes financiers, risque de se poursuivre.

La pomme croquée par la concurrence
Au premier trimestre de l’année, troisième de son année fiscale, la firme de Cupertino affiche la première baisse des ventes de l’iPhone depuis son lancement en 2007 et accuse aussi le premier recul de son chiffre d’affaires global depuis treize ans. Résultat : sur les six premiers mois de son exercice en cours, le chiffre d’affaires de 126,4 milliards de dollars est inférieur de 4,6 % par rapport à la même période il y a un an. Tandis que les ventes du smartphone sont tombées à 125.972.000 unités, toujours d’octobre 2015 à mars 2016, soit une baisse de 7,1 % par rapport à la même période il y a un an. Pire : le recul des ventes se constate aussi pour les tablettes iPad, en chute de 22,5 % à 26.373.000 unités sur les six mois, et pour les ordinateurs Mac, en baisse de 7,8 à 9.346.000 unités sur la même période.
S’agit-il d’une « pause », comme aimerait le croire Tim Cook (photo), le directeur général d’Apple, ou bien est-ce le début de la fin de l’heure de gloire de la marque à la pomme ?
A force de voir ses parts de marché grignotées, Apple n’aura jamais aussi bien porté son logo qui représente une pomme sérieusement entamée, croquée… Et c’est comme si le groupe dirigé par Tim Cook depuis bientôt cinq ans subissait aujourd’hui le véritable contrecoup de la mort de Steve Jobs intervenue en octobre 2011. L’esprit d’innovation semble s’être éloigné de l’entreprise. A moins que Tim Cook ne réussisse à prouver le contraire à la conférence mondiale des développeurs d’Apple, qui se tiendra du 13 au 17 juin. Lancée il y a un an, en avril 2015, la montre connectée Apple Watch ne semble pas rencontrer le succès escompté (2). Aucun chiffre de ventes n’a – pour l’heure… – été donné par le groupe. Selon la cabinet IDC, Apple a reculé à la troisième place mondiale pour les ventes de « wearable » dont font partie les montres connectées – derrière l’américain Fitbit et le chinois Xiaomi.
Si l’iPhone reste le produit-phare d’Apple, il pourrait fêter ses dix ans d’existence l’an prochain dans une ambiance morose. Et il n’y a pas grand chose à attendre du prochain iPhone 7, attendu en septembre, pour lequel les « Applemaniques » reportent leurs achats au détriment des iPhone 6 et SE.
Tout le défi de la marque à la pomme va être de mûrir sans devenir blette. Certes, la situation de l’entreprise n’a rien d’inquiétant pour l’instant. L’activité fait encore bonne figure, malgré un net ralentissement ces derniers mois : 233,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires générés lors de la dernière année fiscale (close fin septembre 2015), pour un bénéfice net de 53,3 milliards de dollars.
Après les « révolutions technologiques » de l’ordinateur Mac dans les années 1980
et de l’iPhone des années 2000, la marque à la pomme est en quête d’une troisième innovation de grand ampleur. Il est peut probable qu’elle se trouve dans la télévision ou l’automobile, deux produits de grande consommation déjà largement utilisés depuis des décennies.

Déstabilisation par la Chine
En attendant de trouver le nouveau Graal technologique, Apple investit dans les innovations des autres. C’est le cas dans la société chinoise Didi Chuxing (ex-Didi Kuaidi), qui édite une application de réservation de véhicules de transport avec chauffer (VTC) de type Uber et de covoiturage. En y injectant 1 milliard de dollars (3), la firme de Cupertino mise sur un possible relais de croissance futur provenant de la Chine où elle rencontre des difficultés en raison de restrictions réglementaires : selon le New York Times, ses services en ligne de livres iBooks et de films iTunes Movies ont récemment dû être fermés sur décision des autorités chinoises. Pourquoi tant d’intérêt pour l’Empire du Milieu ? Parce qu’il s’agit là du second plus grand marché d’Apple, après les Etats-Unis – en attendant de conquérir l’Inde où Tim Cook vient de se rendre mais peine à se lancer. Mais les fabricants chinois de smartphones tels que Huawei et Xiaomi lui donnent du fil à retordre. Investir dans Didi est aussi un moyen pour Tim Cook de mieux connaître les géants chinois du Net (4) comme Tencent et Alibaba qui soutiennent aussi Didi (5), lequel compte 300 millions d’utilisateurs. Le service de paiement mobile Apple Pay, lancé en février en Chine, pourrait profiter de cet investissement. Les ambitions de la marque à la pomme dans la voiture autonome
– dans le prolongement de sa voiture connectée CarPlay – pourrait aussi tirer partie
de cette alliance chinoise.

Virer Tim Cook et faire des acquisitions ?
Cet investissement dans Didi semble en outre donner le coup d’envoi de la diversification stratégique du premier « A » de GAFA vers plus de services en ligne. Après iTunes, Apple Music (6) (*) (**) et Apple Pay, le groupe californien donne un coup d’accélérateur vers les plateformes numériques et l’économie du partage. A terme,
les ordinateurs, les smartphones et les tablettes qu’il fabrique pourraient devenir secondaires. D’autant que la concurrence fait rage entre les nombreux fabricants de terminaux mobiles, avec des baisses de tarifs et de marges significatives malgré des performances toujours accrues. Si l’iPhone a assuré en près d’une décennie la rentabilité du groupe de Cupertino, cela ne devrait plus être le cas à l’avenir. IBM n’a-t-il pas pris le virage des services informatiques dans les années 1990 pour retrouver des marges financières que Big Blue avait perdu en tant que fabricant d’ordinateurs de moins en moins coûteux ? Apple est en passe de subir le même sort, comme l’illustre la progression de 20 % de ses revenus trimestriels dans les services (Apple Store, Apple Music, iCloud, Apple Pay, …). Mais la concurrence est rude, face à Spotify, Google ou encore Microsoft.
La planche de salut de la multinationale californienne peut aussi se trouver du côté de la santé (7) : n’a-t-elle pas recrutée dans ce domaine Yoki Matsuoka, d’origine japonaise et spécialiste de la « neurobotique », qui fut une co-fondatrice du laboratoire futuriste de Google (X Lab) ? La réalité virtuelle pourrait aussi constituer un avenir pour Apple, voire l’intelligence artificielle.
Au 31 mars dernier, Apple détient une trésorerie colossale de 232,9 milliards de dollars ! Ce qui lui laisse une marge de manœuvre considérable pour faire des acquisitions, voire des méga-acquisitions. Car à défaut de pouvoir continuer à faire rêver en développement ses propres produits ou plateformes, il reste à racheter ceux des autres. En un an, Apple a acquis pas moins d’une quinzaine d’entreprises – la plupart des start-up.
A moins de trouver un nouveau Steve Jobs. Un analyste de Global Equities Reseach propose même de se « débarrasser » de Tim Cook, de son directeur financier Luca Maestri et de sa directrice des ventes Angela Ahrendts ! « Débarrassez-vous de ces trois personnes, et Apple reviendra à sa gloire passée », estime-t-il (8), tout en prônant le recrutement de Jon Rubinstein, exdirigeant de la division iPod, comme nouveau DG d’Apple, ainsi que de Fred Anderson comme nouveau directeur financier, ayant déjà occupé ce poste par le passé.

« Tim Cook a fait du bon boulot », avait pourtant assuré l’investisseur Carl Icahn qui
a annoncé fin avril avoir vendu toutes ses actions Apple en réalisant au passage une plus-value de 2 milliards de dollars… Ce ne serait pas l’équipe dirigeante d’Apple qui poserait problème, selon le milliardaire américain, mais plutôt la Chine dont le ralentissement économique et les décisions réglementaires ont un impact direct sur les ventes du fabricant californien. Ce qui n’effraie pas un autre milliardaire, Warren Buffet, qui a annoncé mi-mai son entrée – via sa holding Berkshire Hathaway – au capital d’Apple pour plus de 1 milliards de dollars…
Une chose est sûre : le marché chinois des smartphones est arrivé à saturation, ce
qui a un impact direct sur les ventes mondiales de ces terminaux mobiles multimédias. Selon le cabinet d’études Strategy Analytics, elles ont baissé de 3 % au premier trimestre de cette année. Si le fabricant corée Samsung reste le numéro un mondial du smartphone avec 79 millions d’unités vendues sur les trois premiers mois de l’année (en baisse de 4,5 %) pour une part de marché de 23,6 % (contre 24 % un an avant), Apple demeure en seconde position avec 51,2 millions d’unités (en chute de 16 %) pour une part de marché de 15,3 % (contre 17,7 % un an avant). Cette érosion des ventes de smartphone est également constatée par le cabinet IDC, pour se retrouver à un
peu plus de 334 millions d’unités au total sur ce même trimestre. Si le chinois Huawei conforte sa position de troisième fabricant mondial de smartphones, il est rejoint pour
la première fois pas deux autres de ses compatriotes que sont les chinois Oppo et Vivo en respectivement quatrième et cinquième places. Dans le « Top 5 » des smarphones, Apple fait ainsi figure d’intrus parmi tous ces asiatiques…

Les 10 ans de l’iPhone dans le nouveau QG ?
Quoi qu’il en soit, l’iPhone fêtera ses dix ans en 2017 et la firme de Cupertino intègrera son nouveau quartier général circulaire pharaonique sur 70 hectares et 260.000 m2 – dont le budget a explosé de 3 à 5 milliards de dollars en trois ans… @

Charles de Laubier

Mesures TV et Net : Médiamétrie se met en quatre

En fait. Le 6 mai, l’institut Médiamétrie a confirmé à Edition Multimédi@ qu’il propose aux chaînes, depuis le 19 avril dernier, la mesure dite « TV 4 écrans » (télévision, ordinateur, smartphone et tablette) et que le « GRP live 4 écrans » (performances publicitaires TV) sera évalué d’ici fin 2016.

Margrethe Vestager se hâte (trop) lentement dans l’enquête anti-trust contre Google

Cela fait un an que la Commission européenne a fait part de griefs à Google
pour pratiques anticoncurrentielles sur son moteur de recherche. Les premières plaintes datent d’il y a six ans. L’enquête sur Android dure, elle, depuis un an. Qu’attend la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager ?

« La Commission européenne n’a pas de délai légal pour mener ses enquêtes en matière d’ententes et d’abus de position dominante, dans la mesure où cela dépend de nombre de facteurs comme de la complexité de l’affaire, le degré de coopération de l’entreprise en cause et l’exercice des droits de
la défense », nous a répondu un porte-parole de la commissaire européenne en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager (photo), concernant l’état d’avancement de la procédure anti-trust lancée contre Google. « Notre enquête se poursuit », a-t-il ajouté.

Hydre à deux têtes : Google et Android
Dans une de ses rares interventions dans les médias, Margrethe Vestager laisse entendre que cette enquête n’est pas prête d’être close car, de son propre aveu,
elle n’est pas pressée d’en finir ! « Vous ne pouvez pas substituer la justice avec la vitesse », a-t-elle assuré dans un entretien accordé au New York Times et publié le 6 mars dernier. « J’ai appris que faire de l’anti-trust de cette taille demande une patience d’acier. Vous devez penser que la vitesse est une qualité parce que nous avons de grandes entreprises dont les noms sont mentionnés à maintes reprises. Mais la vitesse n’est pas une qualité en soi (…) La vitesse est une question secondaire », a-t-elle ajouté. Le quotidien américain, lui, table encore sur de « prochains mois » avant que
le verdict ne tombe… Margrethe Vestager n’entend donc pas se faire dicter son calendrier dans cette affaire où elle donne plutôt l’impression de combattre une hydre
à deux têtes : Google et Android… « Nous avons des questions de différentes natures. L’une d’entre elles est le scraping (dont est accusé Google pour copier le contenu d’autres sites web) ; une autre porte sur la publicité (plaintes contre Google pour abus de position dominante dans ses contrats publicitaires) ; et puis il y a Android qui est presque une autre planète. Nous deviendrons plus sages à force d’aller en profondeur dans ces domaines », a-t-elle confié au New York Times.
Et cela fait maintenant six ans que cela dure, depuis les toutes premières plaintes déposées par trois sociétés – Foundem, Ejustice et Ciao alors propriété de Microsoft
– à l’encontre de Google qui avait lui-même annoncé cette affaire en février 2010. Depuis, les organisations Icomp et FairSearch, ainsi que Expedia, Farelogix, Kayak, Sabre, Oracle ou encore Nokia, auxquels est venu se joindre l’Open Internet Project (OIP), avaient à leur tour déposé plainte contre le moteur de recherche. Google est accusé de privilégier ses propres services en ligne au détriment de ceux de ses concurrents et de favoriser ses annonceurs au travers de sa politique publicitaire Adwords. Par exemple, Google Shopping (ex-Google Product Search et ex-Froogle) serait avantagé depuis 2008, ce qui reviendrait à « détourner artificiellement » le trafic des concurrents tels que LeGuide.com (Lagardère), lequel a racheté en 2012 à Microsoft son concurrent Ciao, Kelkoo (Jamplant), Twenga et bien d’autres. Et cela fait un an que la Commission européenne a adressé à Google – le 15 avril 2015 précisément (1) – des griefs à son encontre pour pratiques anticoncurrentielles sur son moteur de recherche, lequel pèse 90 % des requêtes en Europe. La firme de Mountain View y a répondu le 27 août dernier, par la voix de son vice-président et juriste en chef Kent Walker. « Nous pensons que les allégations sont incorrectes », avait-il écrit sur le blog officiel de Google dédié aux affaires publiques européennes (2). La Commission européenne avait profité de ses griefs sur le moteur de recherche pour indiquer à Google qu’elle poursuivait parallèlement son enquête dans trois autres directions :
la copie de contenus web concurrents (web scraping ou « moissonnage »), l’imposition de clauses d’exclusivité à des partenaires publicitaires, et la restriction de la portabilité des campagnes de publicité en ligne vers des plateformes numériques de publicité concurrentes.
A ces quatre problèmes est venu s’ajouter celui du système d’exploitation Android de Google, sur lequel la Commission européenne a ouvert il y a un an une procédure formelle d’examen – « distincte et séparée » – pour savoir s’il y a des accords anticoncurrentiels ou un abus de position dominante dans les applications mobile et
les services aux smartphones et tablettes.

Verbaliser Google 7,5 milliards de dollars ?
Google est accusé : d’avoir forcé les fabricants de mobiles de pré-installer exclusivement ses propres applications et services ; d’avoir empêché les fabricants
de commercialiser des versions modifiées d’Android (appelées aussi forks) ; d’avoir lié ou groupé certains de ses propres services et « applis » sur Android. Les plaignants accusent Google de « prédation tarifaire » (3). La firme de Mountain View risque une sanction financière pouvant aller jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires global, soit quelque 7,5 milliards de dollars ! @

Charles de Laubier

Le smartphone suscite l’intérêt des producteurs TV

En fait. Du 4 au 7 avril s’est tenu à Cannes le 52e Marché international des programmes de télévision (MipTV), organisé par Reed Elsevier qui parle de
« contenus TV & digitaux ». Le téléphone mobile – le plus répandu des écrans audiovisuels, surtout chez les jeunes – suscite de nouvelles stratégies.

Maurice Lévy, président de Publicis : « La fraude publicitaire, c’est quelque chose de très grave »

Le président du directoire du groupe Publicis, Maurice Lévy, se dit préoccupé par la fraude publicitaire qui sévit dans le monde numérique avec des robots virtuels (botnets) qui cliquent automatiquement les publicités en ligne pour détourner de l’argent. Mais il se dit moins inquiet au sujet des adblockers, « pour l’instant ».

« C’est quelque chose de très grave. Hélas, ce sont des centaines de millions, peut-être des milliards de dollars qui s’évadent. Et c’est très grave parce que cela jette l’opprobre sur l’ensemble d’une profession et crée des risques très importants sur les médias qui font leur boulot honnêtement et qui attendent ces recettes », a estimé Maurice Lévy (photo), président du directoire du groupe Publicis depuis 1987, devant l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef) dont il était l’invité le 4 février dernier. Le recours à des robots virtuels, chargés de cliquer automatiquement sur les e-pubs, l’inquiète. Selon l’association américaine des annonceurs, l’ANA (Association of National Advertising), ces derniers devraient perdre cette année 7,2 milliards de dollars au niveau mondial au profit des robots virtuelles qui organisent la fraude publicitaire massive. Une étude du cabinet EY réalisée pour le compte de l’IAB (Interactive Advertising Bureau) et rendue publique en décembre avance une perte plus importante : 8,2 milliards de dollars par an rien qu’aux Etats-Unis. Comment cela fonction-t-il ?

Le coût pour mille impressions (CPM) dévoyé
« C’est très simple, a expliqué celui qui fut d’abord ingénieur informaticien (1) avant de rejoindre en 1971 Marcel Bleustein- Blanchet, le fondateur de Publicis. On distribue de la publicité et on est payé à la vue, c’est le pay per view. Pour pouvoir facturer le client, il faut que le consommateur clique. Et il y a des esprits astucieux, malins, qui ont créé des robots, donc un algorithme, un robot virtuel qui clique lorsqu’il reçoit le message (publicitaire). Ce ne sont pas les publicitaires qui fraudent, mais des plateformes qui détiennent des profils (de consommateurs) et qui cliquent automatiquement en affirmant “Mon consommateur a lu votre message (publicitaire) et il l’a aimé !” pour ensuite facturer ». Selon une enquête de l’ANA aux Etats-Unis, les annonceurs enregistrent en 2015 un taux de 3 % à 37 % de cliquent frauduleux générés par des robots. Les médias ayant des niveaux élevés de CPM, le fameux coût pour mille
« impressions » (affichage de la publicité en ligne, qu’elle soit bandeau, vidéo ou annonce textuelle), sont les plus vulnérables à ces robots cliqueurs. La publicité programmatique (2), y compris pour les vidéos publicitaires, génère le plus de fraude
au clic provenant du trafic non-humain.

Des robots à clics en réseau (botnets)
En France, d’après la société Integral Ad Science spécialisée dans l’optimisation de la qualité média, les impressions frauduleuses générées par des robots représentent environ 10 % des impressions publicitaires, contre 11,2 % en Allemagne et 12,9 % en Grande-Bretagne. Les opérateurs de botnets, ces réseaux de robots, s’en donnent à cœur joie et agissent sans frontières. Pour le numéro trois mondial de la publicité (derrière WPP et Omnicom), c’est d’autant plus inquiétant que cela instaure le doute.
« C’est un phénomène très embêtant parce qu’il conduit à des interrogations, comme
le fait l’ANA. C’est vrai que, sur la publicité programmatique, il y a énormément de
gens qui ont trouvé malin de faire des robots qui cliquent, qui ouvrent des liens, qui déclenchent des vidéos, qui ouvrent des messages, voire qui répondent pour les plus sophistiqués », a indiqué Maurice Lévy préoccupé. Au point que Publicis travaille avec une équipe du MIT (3) pour savoir comment être beaucoup plus rigoureux dans le tracking, c’est-à-dire la manière de remonter l’information jusqu’à l’utilisateur final.
« Sur les mobiles (smartphones et tablettes), c’est beaucoup plus facile que sur les ordinateurs », constate-t-il.
Autre phénomène : celui du pay-to-click ou paid-to-click (PTC), encore appelé cashlink. Cette fois, ce sont des êtres humains – et non plus des robots – qui sont payés pour cliquer sur des publicités en ligne ou des vidéos publicitaires. L’une des plateformes PTC, My Advertising Pays, organise d’ailleurs une première rencontre à Lausanne en Suisse le 20 février prochain pour expliquer le concept et séduire de nouveaux adeptes. Chacun peut constituer son propre réseau de « filleuls », lesquels génèreront à leur tour des royalties à partir de leurs gains, selon le principe du multi-level marketing (organisation pyramidale). Pour Maurice Lévy, rien de nouveau ni de répréhensible.
« Cela a toujours existé. Rappelez-vous, la première opération de ce type-là, c’était vers 1999 ou 2000. C’est vrai que c’est discutable mais ça ne prend pas ; il n’y a pas grand chose. C’est beaucoup plus efficace quand Verizon, AT&T, T-Mobile ou Orange offrent des services et que les gens trouvent cela intéressant de cliquer. Et l’on va se trouver de plus en plus avec des échanges où les gens seront intéressés au clic ».
Et le président de Publicis d’ajouter : « L’élément dangereux, c’est la fraude. Celui-ci
(le paid-to-click) n’en est pas. Il y en a peu. C’est moins important que les messages (publicitaires) inutiles qui sont adressés aux mauvaises personnes, même si cela sert
la marque par un phénomène de halo qui nourrit l’image de la marque ». Quant à la question de l’impact des adblockers, ces logiciels permettant aux internautes ou aux mobinautes d’empêcher que les publicités en ligne ou les vidéo publicitaires ne s’affichent dans leur navigateur, elle lui a été également posée. Mais là, le patron de Publicis (4) s’est voulu rassurant devant l’Ajef en minimisant leur portée : « Il n’y a
pas de développement très important, ni une espèce de contamination générale. C’est un phénomène qui est assez modeste pour l’instant. Chaque fois qu’il y a eu des phénomènes de ce genre, la bonne solution passait toujours par la créativité ». Selon lui, la publicité est acceptable lorsqu’elle apporte quelque chose, « quand elle est créative, quand elle fait sourire, quand elle apporte un peu de couleurs dans un paysage gris, ou lorsqu’elle apporte des informations intéressantes sur un produit nouveau ou quelque chose de différent ou une proposition commerciale attrayante ».

C’est justement dans ce sens que l’éditeur allemand du logiciel Adblock Plus a engagé depuis novembre des discussions baptisées… « Camp David » (5), dans le but de trouver avec les publicitaires et les médias des annonces « plus acceptables ». Une seconde réunion s’est tenue à Londres le 2 février. Quant à l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (Wan- Ifra), elle a organisé le 11 février à Francfort un « Ad Blocking Action Day » afin d’améliorer la publicité en ligne. En France, où la Cnil conseillait en décembre 2013 d’utiliser… des adblockers (6), le Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) a, lui, tenu quatre « réunions de crise » sur les adblockers depuis 2014. Selon une étude d’Adobe et de PageFair publiée en août 2015, plus de 198 millions d’utilisateurs dans le monde – dont 77 millions en Europe – ont déjà bloqué les e-pubs à partir de leur navigateur ou de leur smartphone. Cela devrait provoquer cette année une perte cumulée mondiale de 41 milliards de dollars pour les éditeurs et les annonceurs (7), contre près de 23 milliards de dollars estimés en 2015.

La pub intrusive l’agace aussi
Quoi qu’il en soit, Maurice Lévy conçoit très bien que la publicité puisse agacer, lorsqu’elle est intrusive. « C’est à nous de gérer les choses de la manière la plus intelligente qui soit et d’éviter les problèmes d’intrusion, d’invasion, de saturation, ceux qui énervent les gens, moi compris ! Je ne supporte pas, quand je regarde un e-mail qui est une chose privée d’aller sur une pièce attachée de mon email, et d’avoir une pub ». Reste à savoir quand interviendra l’aggiornamento des publicitaires… @

Charles de Laubier