L’affaire « Microsoft » : la localisation des données et l’extraterritorialité en question

Le 14 juillet 2016, la cour d’appel fédérale de Manhattan aux Etats-Unis a décidé qu’un mandat de perquisition ne permettait pas aux autorités américaines d’obtenir des données stockées par Microsoft en Irlande, car un tel mandat ne peut avoir d’effets en dehors des frontières des Etats-Unis.
Quel impact en Europe ?

Aides d’Etat à la presse : coup de pouce au digital

En fait. Le 27 août, est paru le décret daté de la veille consacré « au soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse et réformant les aides à la presse ». Il crée notamment un Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse, destiné aux « nouveaux médias d’information ».

Pokémon Go devrait atteindre 1 milliard de dollars cumulés de chiffre d’affaires dès cet automne !

L’engouement fulgurant et planétaire pour l’application mobile Pokémon Go, créée par l’Américain John Hanke, fondateur et dirigeant de la start-up Niantic, est sans précédent. Il pourrait lui faire gagner beaucoup d’argent, ainsi qu’à ses actionnaires : The Pokemon Company, Alphabet (Google) et Nintendo.

Lancée mondialement en juillet sur App Store et sur Google Play, l’application de jeu sur mobile Pokémon Go – éditée par
la start-up américaine Niantic – a généré en deux mois (juillet et août) plus de 310 millions de dollars de chiffre d’affaires cumulé. C’est ce qu’a indiqué à Edition Multimédi@ Randy Nelson, spécialiste mobile de la société de développement Sensor Tower, qui a révélé les premières estimations.
Pokémon Go a ainsi surpassé les autres jeux mobile du moment : Clash Royale lancé par Supercell en mars, Candy Crunsh Soda Saga édité par King Digital, et Angry Birds 2 de Rovio. A observer la courbe de progression exponentielle des revenus de ce jeu-phénomène de réalité augmentée, il y a fort à parier que le cumule atteigne dès cet automne 1 milliard de dollars de recettes ! « C’est possible », nous répond Randy Nelson. La société d’analyse App Annie prévoit, elle, que ce seuil sera atteint d’ici la fin de l’année. Le démarrage sur les chapeaux de roues du jeu de Niantic est du jamais vu pour un jeu sur mobile, selon le Guinness des Records qui a certifié le record de 130 millions de téléchargement effectués en un mois de par le monde depuis le lancement initial de Pokémon Go le 6 juillet dernier – et le 24 juillet en France – et de 100 millions de dollars collectés en tout juste vingt jours (1). En quelques jours, il est devenu un jeu de référence planétaire et déjà mythique.

Devant WhatsApp, Instagram, Snapchat et Facebook
La société SocialBakers, spécialisée dans le marketing sur réseaux sociaux, constate que l’appli ludique de Niantic s’est rapidement retrouvée plus utilisée que WhatsApp, Instagram, Snapchat ou même Facebook Messenger. Se promener et chasser, plutôt que de s’exhiber et chatter… Les joueurs utilisent la technologie satellitaire GPS pour traquer et capturer Pikachu, Dracolosse, Ronflex, Bulbizare, Carapuce, Rinoferos et autres monstres virtuels situés sur la cartographie fidèle aux lieux, bien réels eux, arpentés par les Pokémonmaniaques. Les créatures imaginaires y sont représentées en réalité augmentée, technologie permettant de faire apparaître des éléments virtuels dans le monde réel.
En se déplacement physiquement, dans la plupart des pays cartographiés pour Google Maps, le mobinaute se déplace dans le jeu à la recherche de Pokémon, de Pokéstops et d’arènes (2).

Du free-to-play au app-to-store
Et cette Pokémonmania, qui fait sortir les gamers et leurs avatars de chez eux, va rapporter gros non seulement à la start-up californienne Niantic – fondée en 2010 au sein de Google par le créateur du jeu, John Hanke (photo de Une), avant de devenir une entreprise indépendante en octobre 2015 – mais aussi à ses trois principaux actionnaires : Alphabet (Google), The Pokémon Company et Nintendo. Le jeu est
free-to-play, mais la gratuité a vocation à générer du chiffre d’affaires selon un modèle économique imparable. Si la plupart des joueurs se contentent de jouer sans rien
payer, une proportion non négligeable consentent à acheter des outils virtuels qui
leur permettent de progresser plus vite dans les niveaux de jeu.
D’après la société d’analyses AppsFlyer, environ 5 % des utilisateurs de ces jeux
free-to-play font des achats dans l’appli (in-app) pour une dépense de près de 10 dollars par mois en moyenne (3). Ainsi, il est par exemple possible d’acheter 100 PokéCoins pour 0,99 dollar, 1.200 PokéCoins pour 9,99 dollars, jusqu’à 14.500 PokéCoins pour 99,99 dollars.
Bien que les petits ruisseaux fassent les grandes rivières, ces petites dépenses in-app ne suffiront pas seules à Niantic pour franchir la barre du 1 milliard de dollars de recettes. Pour y parvenir, l’entreprise de John Hanke table en outre sur les lieux sponsorisés que des annonceurs et/ou des commerçants proposeront aux chasseurs de Pokémon avec l’espoir que ces derniers deviennent clients. Le potentiel de recettes issues du app-to-store, le pendant du web-to-store destiné à faire venir les mobinautes dans les magasins pour les inciter à dépenser, est sans limite. Au Japon, par exemple, Pokémon Go a noué un partenariat avec la chaîne de fast-food américaine McDonald’s. « Puisque l’on peut attirer les personnes dans des lieux physiques, nous pouvons faire quelque chose que ne peuvent pas faire beaucoup d’autres formes de publicité », s’est félicité John Hanke lors d’une conférence organisée par Venture Beats. Des Pokéstops à ce que nous pourrions appeler des « Pokéshops », il n’y aurait que quelques pas !
De ces lieux sponsorisés, Niantic en attend beaucoup après avoir éprouvé le modèle économique dans son autre jeu, Ingress, à partir duquel Pokémon Go a été développé. « Dans un premier temps, on peut aisément imaginer les marques développer des partenariats drive-to-store avec Pokémon Go afin d’attirer les joueurs vers des points de vente de marque », explique Marie Dollé, directrice des contenus et stratège numérique chez Kantar Media. Par ailleurs professeure en stratégie marketing digital à l’Ecole supérieure de publicité (ESP), elle voit dans ce jeu de gaming mobile de réelles opportunités publicitaires : « Dans une ère du tout connecté, les marques recherchent avant tout à générer de l’engagement avec leurs publics. Ainsi pour les parents gamers qui se plongent dans leurs écrans de 17 à 20 heures, 90 % en font une activité familiale avec les enfants. De quoi offrir de belles perspectives aux annonceurs notamment dans le domaine de la publicité ». Et de citer des marques qui ont déjà investi le créneau de la réalité augmentée, voire virtuelle : Nescafé du groupe Nestlé, les hôtels Marriott ou encore l’équipementier sportif North Face. « Avec la réalité virtuelle, on entre vraiment dans un dispositif virtuel complètement coupé du monde. On est dans une expérience immersive. (…) Dans ce contexte, on comprend aisément que Pokémon Go est bien plus qu’un jeu. Il peut s’envisager comme un puissant outil au service du storytelling des marques », ajoute Marie Dollé.

Ce jeu semble couronner vingt ans de succès d’une franchise créée par le Japonais Satoshi Tajiri avec la sortie en 1996 des tout premiers jeux vidéo Pocket Monsters – dont la contraction Pokémon est devenu mondialement célèbre – sur les Game Boy du fabricant nippon Nintendo. Ce dernier détient aujourd’hui 32 % des droits de vote de The Pokemon Compagny, société créée en 1998 pour gérer la franchise, aux côtés
de Creatures et Game Freak. Nintendo perçoit à ce titre des droits de licence et une rémunération pour sa participation au développement et à la gestion de Pokémon Go, mais la firme a précisé cet été que les ventes auraient un impact limité sur ses résultats. Cela n’a pas empêché la firme japonaise de voir son cours de Bourse plus que doubler à Tokyo depuis la sortie du jeu, jusqu’à l’annonce le 28 juillet dernier de
ses résultats financiers trimestriels jugés décevants.

Pokémon Go Plus en septembre
Nintendo, qui a néanmoins maintenu son objectif de doubler son bénéfice net annuel à 35 milliards de yens (plus de 300 millions d’euros) à fin mars 2017 pour un chiffre d’affaires global de 500 milliards de yens (plus de 4,3 milliards d’euros), va lancer courant septembre un petit bracelet baptisé Pokémon Go Plus (à 40 euros pièce) afin d’attraper plus facilement des Pokémon sans avoir à ouvrir l’application, et monter ainsi plus rapidement dans ce jeu de niveaux. @

Charles de Laubier

Concentration : la Commission européenne tente de faire barrage à la consolidation du secteur mobile

La Commission européenne a interdit, le 11 mai, l’offre d’achat de l’opérateur Three (filiale du Hutchison Whampoa) sur O2 (filiale de Telefonica), estimant
que cette concentration sur le marché britannique du mobile aurait des conséquences néfastes sur la concurrence et les prix aux consommateurs.

En voulant devenir « le premier GAFA européen », SFR veut lui aussi tirer partie de la data et de la pub

Michel Combes veut faire croire que l’opérateur télécoms SFR, dont il est le PDG, va devenir « le premier GAFA européen » ! « Un peu ambitieux », concède-t-il. Mais en investissant dans les contenus, il se donne les moyens d’accéder aux données de ses millions de clients monétisables par la publicité.

« L’alternative pour les opérateurs télécoms est simple : se cantonner au rôle de fournisseur de tuyaux dans lequel on essaie de nous inciter à rester, ou bien dépasser ce rôle originel pour être pourvoyeurs de services nous mêmes et en quelque sorte devenir “les nouveaux GAFA” du monde qui s’ouvre afin de renouer avec
la croissance. C’est le dilemme stratégique », a exposé Michel Combes (photo), président du groupe SFR, lors du colloque organisé le 31 mai par NPA Conseil sur le thème de « Vers le meilleur des deux mondes ».

SFR va importer en France les pratiques de publicités ciblées de Cablevision, câbloopérateur américain que
vient de racheter sa maison mère Altice.

Triptyque télécoms-médias-publicité
« Nous avons donc décidé de donner le coup d’envoi en France à une convergence entre les télécoms et les médias ou les services numériques, en positionnant clairement le nouveau groupe SFR comme le premier GAFA européen. C’est peut-être un peu ambitieux… », a-t-il poursuivi. La filiale télécoms d’Altice, holding du milliardaire Patrick Drahi, tente ainsi de mettre en place un triangle vertueux, en se positionnant sur trois ingrédients qu’elle estime essentiels : l’accès (le métier de base de SFR, fixe ou mobile totalement convergents), les contenus et services numériques (pour se différencier), la publicité, dont celle ciblée, en regroupant les régies (télévision, presse et digitale). « Il s’agit de construire dans les mois à venir un distributeur de contenus, mais surtout un acteur télécoms-médias-publicité », a-t-il résumé. En se positionnant résolument comme un GAFA, l’opérateur télécoms SFR est décidé à essayer de se battre à armes égales avec Google, Apple, Facebook, Amazon et les autres acteurs du numérique. Le nerf de la guerre réside dans le Big Data que la publicité en ligne permet de monétiser. « Quand Verizon achète AOL [en mai 2015 pour 4,4 milliards de dollars, ndlr] ou s’intéresse à Yahoo comme AT&T, c’est pour aller chercher de nouvelles compétences – notamment dans le domaine de la publicité ciblée, avec ce vieux rêve qu’un jour les opérateurs télécoms devraient rerentrer sur le marché de la publicité digitale », a justifié Michel Combes. Selon cet ingénieur X-Télécom (Polytechnique et Ecole nationale supérieure des télécommunications), « il n’y a pas de fatalité à ce que ce marché reste exclusivement aux mains des acteurs du numériques, alors même que les opérateurs télécoms concentrent entre leurs mains les portefeuilles de clients très importants, des audiences immenses qu’ils n’ont pas su jusqu’à présent monétiser ». Le groupe SFR compte 17 millions d’abonnés mobile et 6,3 millions dans le fixe. Mais de l’aveu même de Michel Combes, les données qu’ils représentent restent sous-exploitées. « Pour un opérateur télécoms, c’est difficile d’avoir accès à ces données car ses clients n’en voient pas la finalité ni l’intérêt. Alors que lorsque vous êtes un acteur de contenus, ils vont vous les donner. Donc, le fait d’être dans le contenu nous donne accès aussi aux data. (…) Nous avons besoin de la data individuelle du client », a-t-il indiqué. A ce propos, il se dit convaincu que « seuls des modèles d’opt-in fonctionneront à terme, c’est-à-dire que nous ne pourrons pas – et c’est peut-être un bien – utiliser les données des clients sans sa décision de nous donner accès à ses données ».

Une autre raison d’entrer dans le contenu est que cela donne à l’opérateur télécoms l’accès à un inventaire de publicités, c’est-à-dire aux espaces publicitaires disponibles sur les différents médias en ligne (sites web, applications mobile ou réseaux sociaux). SFR, dont la maison mère Altice finalise d’ici fin juin le rachat du câblo-opérateur américain Cablevision pour 17,8 milliards de dollars, compte importer en France les pratiques de publicités ciblées d’outre- Atlantique. « Les câblo-opérateurs aux Etats-Unis ont historiquement eu accès à une partie de l’inventaire publicitaire des programmes audiovisuels qu’ils distribuent. Une partie de leurs recettes n’est pas liée
à l’accès mais à la publicité. Ces opérateurs de télédistribution ont ainsi réfléchi à des modèles économiques un peu nouveaux pour mieux monétiser leurs audiences. Cablevision a lancé des activités de publicités ciblées, individualisées, sur l’écran
de télévision », a constaté le patron de SFR. Ainsi, aux Etats-Unis, le broadcast
se retrouve avec des schémas assez similaires à ceux de l’Internet : meilleure monétisation des publicités, avec la complétude des réseaux, la géolocalisation et
la capacité de comprendre les usages des téléspectateurs.

Accéder à l’inventaire publicitaire « Nous souhaitons amener ces briques technologiques en France, où nous n’avons pas accès à cet inventaire de publicité. C’est une des raisons de rentrer dans le contenu, car cela nous donne en fait un inventaire publicitaire ». En regroupant les régies publicitaires de la télévision (BFM TV, BFM Business, News24, …), de la presse (Libération, L’Express, …) et du digital (sites web, applis mobile, …), SFR veut tenir tête au GAFA en étant « GAFA » lui-même. @

Charles de Laubier