Martin Ajdari, président de l’Arcom : ça déménage

En fait. Le 20 janvier, et pour la dernière fois, Roch-Olivier Maistre fait part de ses vœux au nom de l’Arcom qu’il préside depuis janvier 2022 après avoir été président du CSA durant trois ans. Martin Ajdari, haut fonctionnaire de l’Etat aussi, lui succède le 2 février. Tandis que l’Arcom déménage.

En clair. Un haut fonctionnaire succède à un haut fonctionnaire à la présidence d’une autorité administrative indépendante. Martin Ajdari va devenir le 2 février le nouveau président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à la place de Roch-Olivier Maistre, lequel tient ce lundi 20 janvier sa dernière cérémonie de vœux en tant que président.
Ce passage de flambeau intervient au moment où l’Arcom quitte son siège historique de la tour Mirabeau dans le XVe arrondissement de Paris pour s’installer dans le XIIe, dans l’immeuble dit « Daum’N » (contraction stylisée de « Daumesnil », du nom de l’avenue Daumesnil sur laquelle donne le bâtiment). L’adresse de l’Arcom n’est plus rue de Javel mais rue Brahms. Le mandat de six ans de Martin Ajdari débute ainsi dans un contexte d’économie immobilière et d’objectifs environnementaux voulus par l’Etat. L’Arcom loue à Daum’N environ 7.500 m2 répartis sur quatre étages (bail de 9 ans dont 6 ans fermes), alors qu’elle occupait une partie des 17.500 m2 dont elle disposait dans la tour Mirabeau (désormais en travaux). Mais qui est au juste Martin Ajdari ? (suite)

Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur CMA CGM, a investi 2 milliards d’euros dans les médias français

L’armateur marseillais et logisticien maritime CMA CGM, que dirige depuis 2017 le milliardaire Rodolphe Saadé (fils du fondateur), est devenu en deux ans un géant des médias français. Selon les calculs de Edition Multimédi@, le Franco-Libanais a déjà investi 2 milliards d’euros via sa filiale CMA Media.

En deux ans, Rodolphe Saadé (photo) s’est fait une place de choix dans le club très fermé des dix milliardaires qui possèdent à eux seuls la majeure partie des médias en France (1). En un peu plus de deux ans, la cinquième fortune française – avec un patrimoine familial de 32 milliards d’euros, d’après Challenges (2) – s’est emparée de plusieurs actifs médiatiques de l’Hexagone, et non des moindres : La Provence et sa filiale Corse-Matin en août 2022 (pour 81 millions d’euros), La Tribune/La Tribune Dimanche en juillet 2023 (pour un montant estimé à 35 millions d’euros), BFM et RMC en juillet 2024 (en acquérant la totalité d’Altice Media pour 1,55 milliard d’euros).
A ces emplelles dignes d’un magnat de la presse et de la télévision, le Franco-Libanais a aussi investi, en tant qu’actionnaire minoritaire cette fois, dans : M6 à partir de fin 2022 pour atteindre 10,25 % du capital en avril 2023 (valorisés à l’époque 126,4 millions d’euros (3)), le média vidéo Brut en avril 2023 pour 15 % du capital (alors valorisés 6 millions d’euros (4)), et, bien que cela ne soit pas un média à proprement parler mais une école de journalisme, l’ESJ Paris (5) en novembre 2024 pour quelques centaines de milliers d’euros (sur un tour de table d’environ 3 millions d’euros (6)). Selon les calculs de Edition Multimédi@, CMA Media (ex-Whynot Media, anciennement CMA CGM Médias) – la holding médias du géant mondial du transport maritime de conteneurs et de la logistique portuaire – a donc injecté un total de 2 milliards d’euros à ce jour.

Médias, y compris école, formation et IA
Car aux presque 1,8 milliard d’euros (7) que totalisent les différents investissements directs dans les actifs médiatiques mentionnés, il faut ajouter d’autres dépenses de la maison mère qui concernent aussi en partie ses différents médias : l’intelligence artificielle, en cofondant notamment en novembre 2023 la start-up Kyutai (100 millions d’euros injectés), et l’innovation et la formation via la création cette année de son propre centre baptisé Tangram (plusieurs millions d’euros). Ce qui, si l’on affecte aux médias concernés une quote-part de ces derniers investissements, nous amène à 2 milliards d’euros environ. (suite)

La France revoit sa stratégie numérique culturelle

En fait. Le 11 juin, le ministère de la Culture a publié le bilan complet de sa démarche de « stratégie numérique culturelle » qui a duré deux ans (consultation publique et groupes de travail). Son « service du numérique » a identifié les défis à relever et un plan d’action alliant culture et numérique.

En clair. Le ministère de la Culture, passé en janvier 2024 sous la coupe de Rachida Dati (1), cherche à mettre en œuvre une nouvelle « politique culturelle » en tenant compte de l’« explosion des pratiques numériques », de la « transformation des formes de création », du « bouleversement des circuits de distribution », de la « modification des modèles économiques » ou encore des « difficultés à assurer un partage équitable de la valeur ». Par exemple, « les débats actuels autour des NFT, des technologies immersives et de l’intelligence artificielle montrent à quel point les nouveaux usages numériques interrogent ». C’est dans cet esprit que le rapport de la rue de Valois sur la « stratégie numérique culturelle » à mettre en œuvre a été publié le 13 juin dernier.
Ce document de 32 pages (2) assorti de huit fiches (3) pour un « plan d’actions » à mener (ou à poursuivre) d’ici fin 2024 et courant 2025, voire en 2026, a été élaboré durant deux ans par le « service numérique » (SNum) du ministère de la Culture. Ce SNum a été créé par un arrêté du 31 décembre 2020 (4) et, opérationnel depuis début 2021, est dirigé par depuis lors par Romain Delassus. En tant que « chef du SNum », il a tenu à souligner que « loin de vouloir construire un jardin à la française, ou de se positionner en donneur d’ordre vis-à-vis de l’écosystème culturel, l’objectif de cette démarche est au contraire de responsabiliser et d’aider chaque équipe et chaque établissement dans la construction de sa propre stratégie numérique ».

Parmi les dix milliardaires qui possèdent des médias en France, Daniel Kretinsky est le seul non-Français

Sur la dizaine de milliardaires qui font la pluie et le beau temps sur les médias en France, en tant qu’actionnaires – situation unique au monde –, un seul n’est pas Français : le Tchèque Daniel Kretinsky. Ce pro-Macron, conservateur, libéral et Européen, investit tous azimuts sur le marché français.

(Le 2 juillet 2024, soit huit jours après la parution de cet article dans Edition Multimédi@ n°324, l’armateur CMA CGM du milliardaire Rodolphe Saadé a finalisé l’acquisition d’Altice Media)

Plus que jamais, des pans entiers du paysage médiatique français sont aux mains de dix milliardaires (1), qui bénéficient en outre des aides d’Etat à la presse. Tous ont la nationalité française, sauf un : Le milliardaire Vincent Bolloré (groupe Bolloré) est Français et possède Vivendi/Canal+ /C8/CNews, Havas, Prisma Media/Voici/ Capital/Femme actuelle, et Lagardère/Europe 1/JDD/Hachette Livre. Le milliardaire Rodolphe Saadé (groupe CMA CGM) est FrancoLibanais et détient La Provence/Corse Matin, M6, Brut, et La Tribune/La Tribune Dimanche, et rachète Altice Media/BMFTV/RMC. Le milliardaire Bernard Arnault (groupe LVMH) est Français et contrôle Le Parisien/Aujourd’hui en France, Les Echos, Radio Classique, Challenges/Sciences et Avenir, OpinionWay et bientôt Paris Match. Le milliardaire Patrick Drahi (groupe Altice) est Franco-Israélo-Portugais et possède Altice Média/BFMTV/RMC qu’il est en train de vendre au milliardaire Rodolphe Saadé, après avoir vendu L’Express à Alain Weill (ex-PDG de Next RadioTV/BFMTV/ RMC) et Libération cédé à Presse Indépendante. Le milliardaire Xavier Niel (groupe Iliad-Free) est Français et est copropriétaire du groupe Le Monde/Le Monde/Télérama/ Le Nouvel Obs/Télérama/La Vie/Le Monde diplomatique/Courrier international/ LeHuffPost.fr, du groupe Nice-Matin/Nice-Matin/Var-Matin et Bestimage.

Bolloré, CMA CGM, LVMH, Bouygues, Fiducial, …
La famille milliardaire Dassault (groupe Dassault/GIMD) est Française (Olivier Dassault est décédé en mars 2021) et possède le groupe Le Figaro/Le Figaro/Le Figaro Magazine/Le Figaro TV, Le Journal du Net/L’Internaute, Gala, TV Magazine. Le milliardaire Martin Bouygues (groupe Bouygues) est Français et possède TF1/TMC/TFX/TF1 Séries Films/LCI/Ushuaia TV/Histoire TV/TV Breizh, TF1+ (ex-MyTF1) et TFou Max. Le milliardaire François Pinault (holding Artémis dirigé par son fils François-Henri Pinault et détenteur de Kering/Yves Saint Laurent/Gucci et Christie’s) est Français et possède Le Point, Point de Vue, Le 1 hebdo et Tallandier Editions. Le milliardaire Christian Latouche (groupe Fiducial) est Français et possède Sud Radio, Lyon Capitale, Lyon TV (2). Quant au milliardaire Daniel Kretinsky (groupe EP/CMI), il est le seul de nationalité étrangère, à savoir Tchèque. Européen convaincu, il fêtera ses 49 ans le 9 juillet prochain, soit une semaine avant qu’« il » ne soit auditionné – le 16 juillet – par l’Arcom dans le cadre de l’appel aux candidatures pour l’édition de services nationaux de la TNT, et pour lesquels le régulateur entendra les 25 « candidats recevables » du 8 juillet au 17 juillet (3).

Kretinsky lorgne la TNT, L’Opinion et Delcourt
La filiale CMI France a en effet déposé un dossier pour espérer lancer une chaîne nationale – « RéelsTV » – sur l’une des 15 fréquences de la TNT remises en jeu. Contacté par Edition Multimédi@ pour savoir s’il sera aux côtés de Denis Olivennes, président de CMI France, pour défendre ce projet, Daniel Kretinsky (photo de Une) ne nous a pas répondu. Dernier arrivé dans le désormais « Club des Dix » milliardaires des médias en France, l’homme d’affaire tchèque est le plus actif du moment. Il s’apprête à prendre 49 % du capital de la société Bey Médias, éditeur de L’Opinion et de L’Agefi, fondée par Nicolas Beytout. C’est ce dernier qui a annoncé le 13 juin être entré en négociation exclusive avec CMI France. Le quotidien « libéral, pro-business et européen » (4) a été créé en tant que « bimédia » en 2013 par l’ex-directeur de la rédaction du quotidien économique Les Echos et ancien PDG du groupe Les Echos au début de l’ère « Bernard Arnault/LVMH » actuelle. Tandis que L’Agefi, site financier et bi-hebdo papier, a été racheté en 2019 par Bey Médias auprès du milliardaire François Pinault (Artémis).

La réforme de l’audiovisuel public est devenue le « marronnier » de la macronie, … et l’arlésienne ?

Rachida Dati, la cinquième ministre de la Culture de l’hyperprésident Macron, s’est emparée du marronnier de la macronie : la réforme de l’audiovisuel public. « Un audiovisuel public fort, je vous le dis, c’est un audiovisuel public qui rassemble ses forces », a-t-elle lancé lors de ses vœux 2024.

Delphine Ernotte (présidente de France Télévisions), Sibyle Veil (présidente de Radio France), Marie-Christine Saragosse (présidente de France Médias Monde) et Laurent Vallet (président de l’Institut national de l’audiovisuel) sont sur le qui-vive, depuis que Rachida Dati est ministre de la Culture. Car le plus gros dossier de la locataire de la rue de Valois est la réforme de l’audiovisuel public qu’Emmanuel Macron (photo) promet depuis début 2017 : « Nous rapprocherons les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité », avait assuré le candidat d’alors, devenu le 8e président de la République française (1).

Holding « France Médias », le retour ?
Rachida Dati, cinquième (2) ministre de la Culture de l’hyperprésident, a repris le flambeau de cette réforme de l’audiovisuel devenue le « marronnier » de la macronie. « Je partage avec le président de la République la conviction que nous avons besoin d’un audiovisuel public puissant […]. Un audiovisuel public fort, je vous le dis, c’est un audiovisuel public qui rassemble ses forces. C’est pourquoi je souhaite encourager et même accélérer les coopérations entre sociétés […]. C’est aussi à cette condition que nous pourrons obtenir un financement pérenne dédié », a-t-elle prévenu le 29 janvier lors de ses vœux aux acteurs culturels. Car c’est une affaire de gros sous : la redevance audiovisuelle a été payée pour la dernière fois en 2021 par les Français (3,2 milliards d’euros collectés) ; elle a été remplacée par une fraction de la TVA fléchée vers l’audiovisuel public (4 milliards d’euros en 2024).