Apple parle beaucoup de ses produits, mais reste discret sur sa stratégie

Alors qu’Apple vient d’achever son exercice annuel le 26 septembre, jamais le groupe de Steve Jobs n’a été autant adulé par les médias. Pourtant, la marque
à la pomme n’est pas un exemple d’ ouverture et parle plus volontiers de ses produits que de sa stratégie controversée.

Apple, Apple, Apple, … iPod, iPhone, iPad, … Le groupe du mythique Steve Jobs ne cesse de défrayer la chronique, tant les médias ont croqué la pomme. Selon une étude publiée le 27 septembre par l’institut américain Pew Research Center, c’est l’entreprise
de la high-tech bénéficiant du plus grand nombre d’articles dans les médias : 15 % (1).
Le géant américain s’offrerait ainsi gratuitement une campagne de publicité planétaire, avec plus de 40 % des articles élogieux pour ses produits (2).

L’achronie des médias

Enfant, il fut un temps où nous avions à composer avec
une certaine forme de rareté, qui, si elle était à l’origine d’une sourde frustration, aiguisait en même temps notre désir et nourrissait nos rêves. Le dernier Disney n’était alors visible qu’à Noël au cinéma et, le reste de l’année, par de courts extraits sur nos écrans de télévision. Il nous fallut attendre l’âge adulte pour voir et revoir enfin ces films, qui perdirent en même temps une part de leur mystère. Il fallait également qu’une nouvelle économie des droits de diffusion télé puis vidéo crée une chaîne d’exploitation cohérente et très rentable. C’est en effet avec la télévision que l’idée d’une chronologie des médias s’est peu à peu mise en place. Avec l’équipement massif des ménages en postes de télé durant les années 60 et la baisse concomitante et régulière de la fréquentation des salles, les chaînes ont accepté l’usage d’un long délai après la sortie des films en salle.

« Ce n’est plus la chronologie qui structure le paysage audiovisuel mais les modes de réception. Quand un film sort, il doit être disponible partout, très vite, afin de bénéficier d’une visibilité maximale sur tous les écrans »

Lagardère : vers 10 % de revenus en numérique

En fait. Le 26 août, le groupe français Lagardère – premier éditeur mondial
de magazines grand public et groupe de médias audiovisuels au travers de
sa filiale Lagardère Active – a revu à la hausse des prévisions annuelles,
grâce à la croissance du marché publicitaire. La publicité sur le Net y contribue.

En clair. Quant la publicité va un peu mieux, tout va un peu mieux. Surtout pour un conglomérat qui se veut un « pure player » des médias en devenir, prêt à céder des participations minoritaires dans Canal+, EADS, Amaury et Marie Claire. En mai, malgré
la crise structurelle de la presse, le groupe dirigé par Arnaud Lagardère avait annoncé
qu’il pourrait relever ses prévisions 2010. C’est chose faite, depuis la publication fin août de ses semestriels. « Nos résultats sur les trois derniers mois confirment la reprise du marché publicitaire », constate le dirigeant (1). Cette embellie, après une année publicitaire 2009 « exécrable » (2), est notamment due aux activités numériques qui dépassent déjà 7 % du chiffre d’affaires. Lagardère Active vise les 10 %. Cette reprise est confortée par les prévisions publicitaires de ZenithOptimedia : croissance de 3,5 % cette année, dont 13 % pour la publicité sur le Net. Lagardère Active surfe. Des sites web comme Elle.fr, Parismatch.com, Europe1.fr, JDD.fr ou encore Doctissimo.fr et Boursier.com renforcent audience et rentabilité. Quant aux développements de Lagardère sur les tablettes et livres numériques, ils plaisent à la société de Bourse Exane BNP Paribas qui a relevé fin août sa recommandation sur le titre Lagardère de sousperformer à sur-performer. Dès le mois d’avril, le groupe a lancé Paris Match sur l’iPad. D’autres titres le sont et le seront aussi. Au début l’été, Lagardère Active a même nommé un Monsieur e-reader en la personne d’Olivier Boutin. Le groupe y voit non seulement un moyen d’accroître ses recettes publicitaires, mais aussi de multiplier les contenus payants comme sur l’iPhone.
Le monde d’Apple (iPad, iTunes, …) permet, selon Didier Quillot, le PDG de Lagardère Active, de « ne pas renouveler l’erreur historique commise sur l’Internet avec la gratuité des contenus » (Les Echos du 26 mai 2010). Lagardère Publishing, la branche édition
qui reste la plus rentable du groupe malgré un ralentissement, est aussi pionnière dans
le domaine de la tablette, notamment aux Etats-Unis, ainsi que dans la distribution de livres numérique avec la plateforme Numilog. @

Le Salon du livre de Francfort se met au cross-media

En fait. Le 14 juillet, l’association allemande des éditeurs et des libraires, organisatrice du Frankfurt Book Fair du 6 au 10 octobre, a annoncé élargir son
« Film & Media Forum », lancé en 2003, à d’autres industries de contenus comme les jeux vidéo, la musique ou le Web.

En clair. Le plus grand salon mondial du livre (1) ne fait plus seulement dans l’édition.
Il s’ouvre de plus en plus aux autres médias et contenus de divertissement. Sous le slogan StoryDrive, les organisateurs misent sur le cross-media. « Le “Films & Media Forum” existe depuis 2003 avec les industries du cinéma et de l’édition. Cette année, nous l’élargissons à d’autres industries créatives comme le jeu et la musique », explique Britta Friedrich, directrice du Films & Media Forum, à Edition Multimédi@.
Cela revient à créer une place de marché crossindustry pour les professionnels des contenus, du livre aux loisirs (entertainment). Des conférences sur deux jours y seront organisées sur le thème du « copyright 2.0 » et des nouveaux modèles économiques.
« Les mondes des médias et des loisirs sont constitués de professionnels très hétérogènes. Or ce que veulent faire les éditeurs de livres, producteurs de films, musiciens ou les développeurs de jeux, c’est de raconter de belles histoires. La numérisation et la fusion des différents médias ont complètement changé la façon de raconter des histoires (storytelling).
Les nouvelles technologies facilitent les nouveaux contenus », explique Britta Friedrich.
Le Salon du livre de Francfort entend ainsi « casser » les inhibitions et favoriser les partenariats, ainsi que les opportunités de coopérations « multi et cross-media ».
Un centre « Film & Media Rights » sera dédié aux accords de droits et aux réseaux.
« Un livre peut-être subitement et simultanément un film, un jeu ou une musique.
Celui qui avait encore un rôle mineur dans un films aujourd’hui peut déjà devenir le personnage principal dans un jeu sur ordinateur. Les scénarios sont de plus en plus transmis et racontés dans des formats cross-media », expliquait-elle dans une récente interview (2). Du script au film, en passant par le livre ou le jeu, toutes les idées sont les bienvenues pour contribuer à des « contenus hybrids » ou des « contenus fluides » (hybrids or liquid content). Le Forum Films & Media permettra aux habituels représentants de l’industrie de rencontrer des auteurs et des utilisateurs. « Avec des solutions de self-publication sur Internet (comme epubli en Allemagne) ou des portails comme MySpace, les auteurs entrent en contact directement avec leur public, voire financent leurs projets via des sites web comme Kickstarter », remarque Britta Friedrich. Les auteurs et les créateurs commencent à s’émanciper… @

Nuit des médias : Pascal Rogard apostrophe NKM

En fait. Le 7 juin, s’est tenue la 4e Nuit des médias qui affirme être « à ce jour
la seule à réunir le temps d’une soirée des professionnels de l’audiovisuel,
du cinéma, des télécommunications et des acteurs de l’Internet ». Objectif :
trouver des sources de financement pour la création « multi-écran ».

En clair. Jessica Miri-Marcheteau et Rosa Luna-Palma, à l’origine de cette événement annuel, entendent mettre un terme à « un dialogue parfois demeuré de sourds ». Le Web et les mobiles suscitent à la fois crainte et enthousiasme comme l’a encore démontré le débat « Internet, nouvelles ressources pour la création ? », en présence de dirigeants venus de différents horizons : Google, Orange, M6, Blue AM, l’ARP (1) ou encore la SACD (2). Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, n’a pas manqué de regretter que « Internet provoque un peu de rage chez Pascal Rogard ».
Le directeur général de la SACD, qui a animé le débat de façon partiale, venait en effet
de lancer « une apostrophe un peu rageuse » [dixit l’intéressée] en direction de NKM :
« On parle beaucoup d’Internet, mais pour le financement on attend de voir ! », a-t-il déploré. Réplique de la ministre en partant : « Je prends la salle à témoin, s’il [Pascal Rogard] dit des bêtises, vous me rappelez ! ». Juste avant, NKM avait lancé une pique
en direction du cinéma : « La chronologie des médias est-elle adaptée au monde de l’Internet ? On peut se le demander. Estce que l’on ne peut pas aller plus loin [dans
le rapprochement de la VOD de la salle, ndlr] ? » (3). Quoi qu’il en soit, les œuvres
« multi-écrans » (télévision, Internet, mobile, console de jeux, tablette, …) sont en quête
de reconnaissance, comme l’illustre le « Prix révélation Nuit des médias » qui a été décerné cette année par Alain Chamfort au projet « Chico Chica Boom Bam ». Treize projets multimédias ont été soumis au jury présidé par Pierre Lescure. Ces réalisations nouvelle génération trouvent tant bien que mal des fonds auprès du CNC (4), de Transmedia Lab d’Orange Vallée (les Ateliers de la création) ou encore de la bourse Formats innovants créée par l’Association Beaumarchais-SACD et Orange (lire EM@ 3
p. 7). France Télévisions a organisé, pour sa part, ses premières « Journées de la création » en février dernier. Mais cela ne suffit pas. Pour le directeur général de la SACD, cité par Electron Libre le 2 juin, il faut « réfléchir enfin à une fiscalité de la création numérique ». Encore faut-il que les services du Premier ministre, le ministère de la Culture et de la Communication, celui de l’Economie, de l’Industrie et l’Emploi se réunissent avec le secrétariat d’Etat à l’Economie numérique autour d’une table. @