Lagardère : vers 10 % de revenus en numérique

En fait. Le 26 août, le groupe français Lagardère – premier éditeur mondial
de magazines grand public et groupe de médias audiovisuels au travers de
sa filiale Lagardère Active – a revu à la hausse des prévisions annuelles,
grâce à la croissance du marché publicitaire. La publicité sur le Net y contribue.

En clair. Quant la publicité va un peu mieux, tout va un peu mieux. Surtout pour un conglomérat qui se veut un « pure player » des médias en devenir, prêt à céder des participations minoritaires dans Canal+, EADS, Amaury et Marie Claire. En mai, malgré
la crise structurelle de la presse, le groupe dirigé par Arnaud Lagardère avait annoncé
qu’il pourrait relever ses prévisions 2010. C’est chose faite, depuis la publication fin août de ses semestriels. « Nos résultats sur les trois derniers mois confirment la reprise du marché publicitaire », constate le dirigeant (1). Cette embellie, après une année publicitaire 2009 « exécrable » (2), est notamment due aux activités numériques qui dépassent déjà 7 % du chiffre d’affaires. Lagardère Active vise les 10 %. Cette reprise est confortée par les prévisions publicitaires de ZenithOptimedia : croissance de 3,5 % cette année, dont 13 % pour la publicité sur le Net. Lagardère Active surfe. Des sites web comme Elle.fr, Parismatch.com, Europe1.fr, JDD.fr ou encore Doctissimo.fr et Boursier.com renforcent audience et rentabilité. Quant aux développements de Lagardère sur les tablettes et livres numériques, ils plaisent à la société de Bourse Exane BNP Paribas qui a relevé fin août sa recommandation sur le titre Lagardère de sousperformer à sur-performer. Dès le mois d’avril, le groupe a lancé Paris Match sur l’iPad. D’autres titres le sont et le seront aussi. Au début l’été, Lagardère Active a même nommé un Monsieur e-reader en la personne d’Olivier Boutin. Le groupe y voit non seulement un moyen d’accroître ses recettes publicitaires, mais aussi de multiplier les contenus payants comme sur l’iPhone.
Le monde d’Apple (iPad, iTunes, …) permet, selon Didier Quillot, le PDG de Lagardère Active, de « ne pas renouveler l’erreur historique commise sur l’Internet avec la gratuité des contenus » (Les Echos du 26 mai 2010). Lagardère Publishing, la branche édition
qui reste la plus rentable du groupe malgré un ralentissement, est aussi pionnière dans
le domaine de la tablette, notamment aux Etats-Unis, ainsi que dans la distribution de livres numérique avec la plateforme Numilog. @

Le Salon du livre de Francfort se met au cross-media

En fait. Le 14 juillet, l’association allemande des éditeurs et des libraires, organisatrice du Frankfurt Book Fair du 6 au 10 octobre, a annoncé élargir son
« Film & Media Forum », lancé en 2003, à d’autres industries de contenus comme les jeux vidéo, la musique ou le Web.

En clair. Le plus grand salon mondial du livre (1) ne fait plus seulement dans l’édition.
Il s’ouvre de plus en plus aux autres médias et contenus de divertissement. Sous le slogan StoryDrive, les organisateurs misent sur le cross-media. « Le “Films & Media Forum” existe depuis 2003 avec les industries du cinéma et de l’édition. Cette année, nous l’élargissons à d’autres industries créatives comme le jeu et la musique », explique Britta Friedrich, directrice du Films & Media Forum, à Edition Multimédi@.
Cela revient à créer une place de marché crossindustry pour les professionnels des contenus, du livre aux loisirs (entertainment). Des conférences sur deux jours y seront organisées sur le thème du « copyright 2.0 » et des nouveaux modèles économiques.
« Les mondes des médias et des loisirs sont constitués de professionnels très hétérogènes. Or ce que veulent faire les éditeurs de livres, producteurs de films, musiciens ou les développeurs de jeux, c’est de raconter de belles histoires. La numérisation et la fusion des différents médias ont complètement changé la façon de raconter des histoires (storytelling).
Les nouvelles technologies facilitent les nouveaux contenus », explique Britta Friedrich.
Le Salon du livre de Francfort entend ainsi « casser » les inhibitions et favoriser les partenariats, ainsi que les opportunités de coopérations « multi et cross-media ».
Un centre « Film & Media Rights » sera dédié aux accords de droits et aux réseaux.
« Un livre peut-être subitement et simultanément un film, un jeu ou une musique.
Celui qui avait encore un rôle mineur dans un films aujourd’hui peut déjà devenir le personnage principal dans un jeu sur ordinateur. Les scénarios sont de plus en plus transmis et racontés dans des formats cross-media », expliquait-elle dans une récente interview (2). Du script au film, en passant par le livre ou le jeu, toutes les idées sont les bienvenues pour contribuer à des « contenus hybrids » ou des « contenus fluides » (hybrids or liquid content). Le Forum Films & Media permettra aux habituels représentants de l’industrie de rencontrer des auteurs et des utilisateurs. « Avec des solutions de self-publication sur Internet (comme epubli en Allemagne) ou des portails comme MySpace, les auteurs entrent en contact directement avec leur public, voire financent leurs projets via des sites web comme Kickstarter », remarque Britta Friedrich. Les auteurs et les créateurs commencent à s’émanciper… @

Nuit des médias : Pascal Rogard apostrophe NKM

En fait. Le 7 juin, s’est tenue la 4e Nuit des médias qui affirme être « à ce jour
la seule à réunir le temps d’une soirée des professionnels de l’audiovisuel,
du cinéma, des télécommunications et des acteurs de l’Internet ». Objectif :
trouver des sources de financement pour la création « multi-écran ».

En clair. Jessica Miri-Marcheteau et Rosa Luna-Palma, à l’origine de cette événement annuel, entendent mettre un terme à « un dialogue parfois demeuré de sourds ». Le Web et les mobiles suscitent à la fois crainte et enthousiasme comme l’a encore démontré le débat « Internet, nouvelles ressources pour la création ? », en présence de dirigeants venus de différents horizons : Google, Orange, M6, Blue AM, l’ARP (1) ou encore la SACD (2). Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, n’a pas manqué de regretter que « Internet provoque un peu de rage chez Pascal Rogard ».
Le directeur général de la SACD, qui a animé le débat de façon partiale, venait en effet
de lancer « une apostrophe un peu rageuse » [dixit l’intéressée] en direction de NKM :
« On parle beaucoup d’Internet, mais pour le financement on attend de voir ! », a-t-il déploré. Réplique de la ministre en partant : « Je prends la salle à témoin, s’il [Pascal Rogard] dit des bêtises, vous me rappelez ! ». Juste avant, NKM avait lancé une pique
en direction du cinéma : « La chronologie des médias est-elle adaptée au monde de l’Internet ? On peut se le demander. Estce que l’on ne peut pas aller plus loin [dans
le rapprochement de la VOD de la salle, ndlr] ? » (3). Quoi qu’il en soit, les œuvres
« multi-écrans » (télévision, Internet, mobile, console de jeux, tablette, …) sont en quête
de reconnaissance, comme l’illustre le « Prix révélation Nuit des médias » qui a été décerné cette année par Alain Chamfort au projet « Chico Chica Boom Bam ». Treize projets multimédias ont été soumis au jury présidé par Pierre Lescure. Ces réalisations nouvelle génération trouvent tant bien que mal des fonds auprès du CNC (4), de Transmedia Lab d’Orange Vallée (les Ateliers de la création) ou encore de la bourse Formats innovants créée par l’Association Beaumarchais-SACD et Orange (lire EM@ 3
p. 7). France Télévisions a organisé, pour sa part, ses premières « Journées de la création » en février dernier. Mais cela ne suffit pas. Pour le directeur général de la SACD, cité par Electron Libre le 2 juin, il faut « réfléchir enfin à une fiscalité de la création numérique ». Encore faut-il que les services du Premier ministre, le ministère de la Culture et de la Communication, celui de l’Economie, de l’Industrie et l’Emploi se réunissent avec le secrétariat d’Etat à l’Economie numérique autour d’une table. @

Parlement européen, médias et « tout numérique »

En fait. Le 21 janvier, l’eurodéputé français Jean-Marie Cavada – ancien journaliste de télévision et ex-président de Radio France – est élu au Parlement européen président de l’Intergoupe Média, lancé en décembre 2009 pour scruter la « mutation » des médias.

En clair. Le Parlement européen va s’intéresser de près à la liberté de la presse,
mais aussi aux questions soulevées par « le tout numérique, les nouveaux médias
et le développement des nouvelles technologies, les droits d’auteurs et la propriété intellectuelle, le secteur de l’audiovisuel… », selon Jean-Marie Cavada, président nouvellement élu de l’Intergroupe Média. Mais cette instance europarlementaire n’a pas
de pouvoir législatif mais un pouvoir d’influence. Pour l’eurodéputé français (1), il s’agit
de « ne pas consacrer toute notre attention aux tuyaux, au libre accès des tuyaux ou à l’élargissement des tuyaux, sans nous soucier de ce qu’il aura dans ces tuyaux » (2).
Et d’ajouter : « Internet n’est qu’un tuyau. Ce qui est très important est la capacité que nous avons à faire entrer dans ces tuyaux du matériau, de la matière. (…) Il faut créer une économie qui ne soit pas plombée par la nécessité du profit (…). Je veux qu’on pose en Europe la question de l’économie de la culture. En effet, la culture ne peut vivre que si elle a une économie. Cela touche à la question des droits d’auteurs ». Cela pourrait passer la création d’un Fonds d’intervention culturelle. Il ne s’agirait pas de subventions pures et simples mais de fonds avec mixités de capitaux (entre Etats ou public-privé) à destination de start-up. « Il faut d’abord donner la possibilité aux auteurs des pays membres de créer des fictions et leur donner les moyens de les créer. (…) Il faut créer les conditions économiques de la vie culturelle, et je pensais surtout au cinéma. Mais je peux en dire autant en ce qui concerne l’économie du livre », précise Jean-Marie Cavada. Pour lui, il y a péril en la demeure : « S’il n’y a plus de rémunérations il n’y a plus d’auteurs.
A la place nous deviendrons distributeurs de produits mondiaux universels, donc anglo-américains. On ne peut pas s’en contenter pour nourrir les cerveaux européens. Or nous avons pensé ces affaires de médias jusqu’à présent par le biais des tuyaux et des ingénieurs. Il y a une dérive à corriger ». Autre problème à régler : le déséquilibre entre la taille des médias anglosaxons ou asiatiques et les médias européens de tailles petites ou moyennes. L’Intergroupe Média cherchera donc à combiner la possibilité de concentration [des médias en Europe] en respectant les règles de concurrence. @

Neelie Kroes : « Un marché unique en ligne européen »

En fait. Les 14 et 19 janvier, la commissaire européenne Neelie Kroes – auparavant chargée de la concurrence – a été auditionnée à deux reprises par le Parlement européen à Bruxelles. C’est ce 10 février qu’elle prendra officiellement le portefeuille « Agenda numérique ».

En clair. Ce n’était pas gagné d’avance ! D’autant qu’une partie des eurodéputés, qui ont auditionné Neelie Kroes, n’avaient pas été pleinement convaincus la première fois. Il faut dire que l’ancienne commissaire européenne à la Concurrence hérite des dossiers épineux de Viviane Reding. Sur la neutralité de l’Internet, que le Parlement
de Strasbourg examinera cette année, elle a déclaré qu’elle « protègera » le principe.
« [Les fournisseurs d’accès à Internet] ne devraient pas être autorisés à limiter l’accès au service ou le contenu pour des motivations commerciales, mais seulement en cas de problèmes de sécurité et de spam ». Sur la mise en place en Europe d’un marché unique en ligne, elle a affirmé que « ce n’[était] pas un but en soi, mais un moyen d’apporter des changements » et qu’elle entend y parvenir d’ici la fin de son mandat. Cela suppose une « disponibilité totale du haut débit ». Sur la propriété intellectuelle, Neelie Kroes a estimé que la législation européenne dans le domaine du droit d’auteur était encore « un patchwork de règles nationales » et a rappelé l’engagement pris par les sociétés d’auteurs de mettre en place des « licences multi territoriales » (1). La Néerlandaise a en outre appâté les eurodéputés, dont Catherine Trautmann, avec les négociations internationales sur un texte « anti-contrefaçon » dit ACTA (2) qui n’irait pas au-delà de ce qui prévu dans le Paquet télécom adopté en fin novembre dernier en matière d’Internet (coupure de l’accès après un procès équitable) et de droit fondamental (voir EM@ n°1). Sur la lutte contre la cyber criminalité, la commissaire désignée a répondu sur la nécessité d’un Office de régulation du cyberespace de l’Union européenne. Elle n’y est pas très favorable et lui préfère une plus grande coopération entre les Etats membres et un rôle accru de l’actuelle agence Enisa (3). Objectif : faire du Net en Europe « l’endroit le plus sûr pour les consommateurs ».
Sur le dividende numérique (les fréquences dites en or libérées d’ici à 2012 par l’extinction de la diffusion analogique au profit de la télévision numérique),
la commissaire rappelle l’initiative du Parlement européen d’organiser un sommet sur
le spectre afin d’harmoniser les politiques et d’aboutir à un marché unique. Dans sa réponse écrite aux eurodéputés datée du 22 décembre 2009, Neelie Kroes fixe comme objectif « d’offrir à tous les Européens l’accès aux (…) haut débit (…) d’ici à 2013 ». @