Le numérique devient-il la vache à lait de la culture ?

En fait. Le 2 octobre, Aurélie Filippetti a présenté le budget 2013 du ministère de
la Culture et de la Communication – en baisse de 2 % par rapport à cette année,
à 7,4 milliards d’euros (dont 3,55 milliards d’euros pour la culture, la recherche
et les médias et 3.83 milliards pour l’audiovisuel public).

En clair. Bien que le numérique bouleverse de fond en comble les modèles économiques des industries culturelles, les budgets qui leur sont consacrés sont
« maintenus ». Il faudra attendre le printemps prochain pour savoir si le futur projet
de loi de Finances rectificatif 2013 prendra en compte les conclusions de la mission
de Pierre Lescure de l’ « Acte 2 de l’exception culturelle », lequel doit rendre son rapport final en mars prochain sur le financement de la création – cinéma, audiovisuel, musique, édition, presse, photo – à l’ère du numérique (1) et sur la Hadopi. Cette dernière voit son budget 2013 ramené à 8 millions d’euros (- 27 %), selon l’annexe
au projet de loi de Finances 2013. Pour le septième art, le gouvernement a décidé
de « préserver » le Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (Cosip). En particulier, il met fin à « l’écrêtement du produit de la taxe sur les services de télévision (TST) acquittée par les distributeurs [les FAI et les éditeurs de chaînes, ndlr] » (2). En 2013, elle représentera 537,2 millions d’euros (- 0,3 %), dont 247 millions prélevés sur les FAI. Cependant cette TST, réformée pour entrer en vigueur le 1er janvier 2013, est contestée par le Commission européenne qui y voit une taxation des opérateurs télécoms contraire à la directive Autorisation du Paquet télécom. En outre,
« afin de contribuer au redressement des finances publiques, le fonds de roulement du CNC (3) subira un prélèvement exceptionnel à hauteur de 150 millions d’euros », a confirmé la ministre, tout en précisant que cela impactera les investissements du CNC dans le numérique. La taxe VOD, elle, s’élèvera à 30,25 millions (-7 %).
« En définitive, les recettes fiscales affectées au CNC en 2013 devraient être stables », tente de rassurer Aurélie Filippetti. Pour la filière musicale, « les dispositifs existants
sont maintenus » – malgré l’inquiétude des producteurs de musique de voir le crédit d’impôt absent du PLF 2013.
La presse, elle, bénéficiera de 516 millions d’euros d’aides (- 3,24 % sur un an), dont
35,5 millions d’euros pour le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) – comprenant notamment le Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne. Quant au livre, qui bénéficie de 250 millions d’euros, il a déjà vu en juillet dernier le taux réduit de TVA à 5,5 % rétabli au lieu des 7 %. @

Rapport de l’Assemblée des médias au gouvernement

En fait. Le 24 septembre, l’Association des Médias et du 7e Art a organisé toute la journée la 5e édition de l’Assemblée des médias (ex-La Nuit des Médias) présentée comme « la seule manifestation à réunir des professionnels de l’audiovisuel, du cinéma, des télécommunications et de l’Internet ».

En clair. Selon nos informations, la présidente de l’Association des Médias et du 7e Art, Jessica Miri Marcheteau, va remettre – dans les prochaines semaines – un rapport à la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, laquelle a d’ailleurs clôturé les débats de cette journée annuelle (lire aussi EM@15, p. 4). Ce sera la première fois que cette association – soutenue par France Télécom, la SACD (1), le CNC, des producteurs audiovisuels (Atlantis Télévision et Maya Groupe), Médiamétrie à travers sa filiale Digitime ou encore Yacast (2) – remettra au gouvernement un rapport issu des réflexions des tables rondes de l’Assemblée des médias, afin notamment
d’« anticiper les mutations au sein de l’industrie des médias et du cinéma, et l’éclosion de nouveaux médias ». Cette contribution des mondes de l’audiovisuel, du cinéma,
des nouveaux médias, de la communication, des télécoms et d’Internet réunis ce jour-là arrivera à point nommé : pour alimenter les travaux non seulement de la mission Fiscalité numérique de Pierre Collin et Nicolas Colin, lesquels doivent faire des propositions cet automne pour « créer les conditions d’une contribution à l’effort fiscal du secteur [du numérique] mieux répartie entre ses différents acteurs », mais aussi ceux de la mission « acte II de l’exception culturelle » de Pierre Lescure, lequel doit rendre ses conclusions au printemps 2013.
Au-delà de la volonté de cet événement de « décloisonner » les médias, la création
et Internet, il ressort de ces « assises » un objectif d’amener les acteurs du Net à contribuer à la création de contenus médias, audiovisuel et cinématographique.
C’est le message qu’a par exemple voulu faire passer la presse traditionnelle. « Nous présentons au gouvernement un projet de loi pour que Google nous rémunère lorsqu’il utilise nos articles. Sinon, il y a pillage. Or, après huit mois de négociation, la firme de Mountain View nous répond que ‘’l’info n’a pas de valeur ; elle ne l’achètera pas’’ ! », s’est insurgé Francis Morel, PDG du groupe Les Echos et vice-président de l’IPG, nouvelle association réunissant les syndicats de la presse (SPQN, SEPM et SPQR).
La grande presse rejoint ainsi les industries culturelles, lesquelles veulent élargir à tous les acteurs du numérique les contribution au financement de la création : film, audiovisuel, musique, livre, … @

Chronologie des médias : immobilisme et critiques

En fait. Le 13 juillet, le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) en a appelé au gouvernement pour soutenir le marché français du DVD, du Blu-Ray et de la VOD. Il souhaite en outre des « expérimentations » sur la chronologie des médias « visant à la réduction progressive du délai de sortie en vidéo ».

En clair. « Ces expérimentations doivent conduire à la mise en place de dérogations, encadrées mais réellement applicables par les éditeurs, pour des sorties vidéo avant quatre mois », explique Jean Yves Mirski, délégué général du SEVN. Cet appel à des
« expérimentations contractuelles » intervient au lendemain de la réunion interprofessionnelle sur la chronologie des médias qui s’est tenue au CNC (1) le 11 juillet. Les différents intervenants ont finalement décidé qu’il était urgent d’attendre… que soit nommée à partir du 1er septembre la mission élargie confiée à Pierre Lescure. C’est du moins la date fixée par la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, lors de son audition par la commission des Affaires culturelle de l’Assemblée nationale le 11 juillet, avec un objectif précisé en Conseil des ministres
du 18 juillet d’avoir en mars 2013 des propositions. Cette mission ne se limitera pas
à la question de l’après-Hadopi, mais cherchera à faire émerger de nouveaux modèles de financement de la culture à l’ère numérique. La chronologie des médias, qui n’a pas bougé depuis l’accord de juillet 2009, pourrait ainsi sortir de son « immobilisme » d’ici
la fin de l’année. C’est du moins ce qu’espèrent la Société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (ARP) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), non signataires de l’accord, qui veulent des aménagements tels que : ramener la fenêtre de diffusion de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) de 36 à 24 mois, et ne pas attendre 4 mois après la sortie en salle pour proposer en VOD à l’acte des films d’art et d’essai non financés par les chaînes (2). Mais le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) – soit une quinzaine d’organisations du cinéma et majoritairement des producteurs (APC, SPI, SRF, …) – s’y oppose. Pourtant, les critiques se multiplient sur le manque de souplesse des « fenêtres » de financement
du cinéma français. Le président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, a déclaré le 9 juillet que « deux choses freinent les acteurs américains en France : la langue et la chronologie des médias. (…) Ni Netflix, ni Google, ni Apple ne peuvent dans l’état actuel de la législation française proposer des films récents en VOD ». Quant à la Commission européenne, elle veut la réformer pour l’adapter au « marché unique du numérique ». @

Comment Bolloré cherche sa voie dans les médias

En fait. Le 22 mars, le conglomérat Bolloré (transport, logistique, énergie, …), diversifié médias (Direct Matin/Soir/Sport/Femme, Direct 8/Star, …), publicité (Intermédia, …) et télécoms (WiMax, Wifirst, …), a publié ses résultats 2011 :
8,5 milliards d’euros de revenus, 320 millions de bénéfice net.

En clair. Les activités médias et télécoms du groupe français dirigé par le milliardaire Vincent Bolloré sont toujours une goutte d’eau dans ce conglomérat mondialisé. Ce sont des activités si « petites » qu’elles ne sont jamais chiffrées séparément dans les résultats annuels, mais fondues dans une ligne comptable « Médias, télécoms, plantations, holdings » – laquelle affiche en 2011 un chiffre d’affaires total de 208 millions d’euros,
pour une perte opérationnelle de 50 millions. Tout juste apprend-on « la forte progression des recettes publicitaires des médias qui bénéficient de la hausse de leur audience ». Vincent Bolloré détient par ailleurs respectivement 32,9 % et 26,5 % des groupes publicitaires français Havas et britannique Aegis.
La presse gratuite constitue maintenant le principal actif média, le groupe ayant vendu en septembre dernier à Canal+ 60 % du capital (1) de ses chaînes gratuites de la TNT, Direct 8 et Direct Star (ex-Virgin 17). Le projet de chaîne locale, Direct Azur, serait aussi abandonné selon « La Tribune ». Vincent Bolloré, qui prévoit l’équilibre financier en 2017 pour son quotidien gratuit Direct Matin (2), n’a pas renoncé à lancer un quotidien peu cher à valeur ajoutée. Et lorsque Le Parisien était à vendre en 2010 (avant qu’il ne le soit plus), l’homme d’affaires s’était déclaré intéressé.
Quant au Web, il participe de « montée en puissance du groupe dans le digital et l’entertainment » (dixit le fils Yannick Bolloré, DG de Bolloré Média). La prise de contrôle (51 %) de Jeanmarcmorandini.com en décembre donne le ton : ce super-blog sera
assorti d’une « plate-forme TV dédiée » pour « produire des contenus propres ». D’autres acquisitions sont envisagées, notamment dans la vidéo en ligne. Par ailleurs, des films exclusifs pourraient être proposés par la filiale d’acquisition et de co-production Direct Cinéma (3) créée mi- 2010. Du côté des tuyaux, Bolloré Télécom est à pied d’oeuvre avec ses 22 licences régionales WiMax mais l’Arcep a menacé en novembre dernier de les
lui retirer faute de mise en service (4). La filiale – présidée par Dominique Roux, ancien membre de l’Arcep – teste des boucles locales radio (BLR), notamment à Brest et sur la Côte d’Azur, et compte bien garder ses autorisations de 2006 pour déployer la 4G (LTE) sur ses fréquences 3,5 Ghz. Avec Wifirst, Bolloré commercialise déjà un service d’Internet sans fil haut débit. @

Jouer avec les nuages (II)

Ce Noël, rien sous le sapin ! Rien qui ne rappelle, de près ou de loin, les traditionnelles boîtes de jeux vidéo qui venaient s’y empiler, d’une année sur l’autre. Entre temps, la dématérialisation de la filière des jeux vidéo continuait avec obstination à vider la hotte du Père Noël et les magasins spécialisés. Et ce n’est pas terminé. D’abord, parce que les consoles résistent en trouvant, génération après génération, de nouvelles ressources d’innovation justifiant encore leur attractivité : un équipement à domicile s’avère toujours indispensable pour jouer en 3D et ultra haut-débit sur écran géant, en faisant appel aux nouvelles ressources du web des émotions, prometteuses de sensations inédites. Si la console n’est pas (encore) morte, c’est aussi pour la simple raison que, pour les jeux, le processus de dématérialisation est autrement plus complexe que pour la musique, les films ou les livres. Il ne s’agit plus de simplement télécharger des fichiers mais de pouvoir jouer en ligne et en temps réel. Il est question ici de Gaming on Demand (GoD) ou de Cloud Gaming : grâce aux ressources du « cloud computing », toutes les opérations de calcul ne sont plus réalisées sur une machine à domicile mais sur de puissants serveurs distants. Cela concerne un chapitre de plus en plus important du catalogue de jeux, à la complexité accrue mais désormais compatibles avec les performances croissantes des réseaux à très haut-débit. Finie la course des foyers aux micro-ordinateurs survitaminés.

« Au moment où les chronologies des médias de la vidéo ou du livre sont mises à mal, une chronologie des jeux vidéo se met en place ! »