Sites web, applis et bientôt vidéo : comment la mesure d’audience de l’Internet devient « globale »

Médiamétrie intègre désormais les mesures d’audiences des tablettes à celles, déjà fusionnées depuis deux ans, des ordinateurs et des smartphones. Les premiers chiffres « Internet global » seront publiés fin mars. Sites web et applis sont concernés, et bientôt la vidéo.

Par Charles de Laubier

Coralie FourmentrauxLe triptyque « ordinateur+mobile+tablette » a désormais sa mesure d’audience globale sur Internet. Les résultats obtenus sur janvier 2015 seront publiés pour la première fois par Médiamétrie en
mars prochain. D’ici là, courant février, médias, annonceurs et professionnels de la publicité en ligne concernés ont accès de façon confidentielle aux résultats tests effectués sur le mois de décembre 2014. Près de deux mois sont en effet nécessaires pour « fusionner » les données provenant à la fois des ordinateurs (mesures site centric et panel de 20.000 personnes), des smartphones (logs opérateurs mobiles et panel de 10.000 individus) et maintenant des tablettes (panel de 1.500 et, selon nos informations, bientôt mesures site centric).

« Luxembourg Leaks » : un pavé dans le numérique

En fait. Le 6 novembre, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a publié une enquête menée par 80 reporters de 26 pays
sur les accords fiscaux (tax rulings) conclus entre 340 entreprises et le Luxembourg. Des entreprises du numérique, de médias et des télécoms
figurent en bonne place.

En clair. Selon nos constatations, plus d’une douzaine d’entreprises du numérique,
des médias ou des télécoms font partie des 340 sociétés – la plupart multinationales – ayant bénéficié du Luxembourg d’avantages fiscaux (tax rulings) considérées comme des « aides d’Etat » déguisées. Ce scandale a été révélé – via Le Monde notamment – sous le nom évocateur de « Luxembourg Leaks » ou « LuxLeaks » (1). Ainsi, dans la catégorie de entreprises de technologies, on y trouve la filiale iTunes d’Apple que l’on ne présente plus, le géant du e-commerce Amazon avec notamment sa filiale luxembourgeoise Amazon Media, l’opérateur mobile européen Vodafone, l’opérateur télécom historique suédois Tele2, l’opérateurs télécoms américain Verizon, le groupe de conseil informatique Accenture d’origine américaine (ex-Arthur Andersen) mais basé en Irlande et présidé par le Français Pierre Nanterme, ou encore Tele Columbus qui est le troisième câblo-opérateur en Allemagne.

Les propositions très françaises du CSA pour soutenir le développement des SMAd

Les SMAd de type VOD ou TVR sont soumis aux obligations applicables à la télévision. A contrario, de grandes plateformes du Net – exclues de cette catégorie – ne sont pas contraintes de respecter ces règles. Ce qui leur procure un avantage concurrentiel considérable. Le CSA propose d’y remédier.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Le rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
au gouvernement sur l’application du décret n°2010-1379
aux SMAd (1) a permis d’analyser de façon approfondie
la situation de ce marché et ainsi de mettre en évidence
le faible développement des SMAd en France (2). Le CSA pointe le manque d’attractivité de l’offre actuelle qui résulterait, entre autre, de la mise à disposition tardive de contenus et de leur prix élevé. Autre handicap souligné par
le CSA : le régime juridique des SMAd est bien plus contraignant que celui des acteurs de l’Internet.

Pub en ligne : le paradoxe « cartésien » de la France

En fait. Le 9 juillet, le Syndicat des régies Internet (SRI) a publié sa 10e édition
de son Observatoire de l’e-pub en France, sur la base d’une étude réalisée pour
la première fois par PriceWaterhouseCoopers (PwC), avec l’Udecam (agences médias) : 1,398 milliard d’euros au 1er semestre 2013 (+ 4 %).

En clair. Malgré 4 % de croissance pour la publicité digitale sur le premier semestre 2013, dans un marché total des dépenses publicitaires « atone » accusant, lui, une baisse de
4 %, « la France est très en retard dans la e-pub par rapport à d’autres pays ». C’est du moins le constat que dresse Eric Aderdor, président du SRI et par ailleurs directeur général d’Horyzon Media du groupe Solocal (ex-PagesJaunes). En effet, le digital en France ne représente que 20 % des dépenses des annonceurs au premier semestre 2013, contre 24 % pour les Etats-Unis, 30 % pour l’Allemagne et même 35 % pour le Royaume-Uni. « Le paradoxe, c’est que la France est le 2e marché [derrière la Norvège, selon ZenithOptimedia, ndlr] en terme de pénétration des nouveaux devices en 2012,
mais seulement le 16e en termes de poids du numérique dans les investissements publicitaires », explique Eric Aderdor. Selon l’étude de ZenithOptimedia (groupe Publicis) parue en février dernier, le « classement par adoption des nouveaux médias (smartphones, tablettes, TV connectées) » situe ainsi la France avec un taux de pénétration moyen de 35,7 % de la population. Le président du SRI estime qu’il y a encore un effort de pédagogie à faire auprès des annonceurs pour les inciter à plus investir dans la publicité en ligne. Chez PriceWaterhouseCoopers (PwC), on avance une explication à ce paradoxe et ce retard : « Ce décalage entre la publicité digitale et le taux d’équipement est dû aux annonceurs qui sont frileux en France. Nous sommes dans un pays cartésien qui demande à vouloir tout mesurer. Résultat, on teste moins comparé à d’autres pays qui pratique le test-and-learn », avance le directeur de l’étude chez PwC, Matthieu Aubusson de Cavarlay. Selon lui, cet attentisme des marques vis-à-vis de la publicité on line, qui reste « sousinvestie » en France, fait penser à « Docteur Jekyll et de Mr Hyde » !
Et d’ajouter : « Il faudrait un électrochoc chez les annonceurs ».
En attendant de sortir de cette torpeur, le SRI a revu à la baisse sa précision de croissance du digital publicitaire sur l’année 2013 : + 3%, au lieu des + 5 % envisagés en décembre dernier, à moins de 2,8 milliards d’euros. Avec une répartition qui devrait rester stable entre le search (57 %), le display (1) (26 %) et les autres leviers (2) (17 %). Le RTB (3), la vidéo et le mobile (4G en vue) continuent de tirer la croissance. @

Pourquoi Vivendi cherche à vendre Activision Blizzard

En fait. Le 30 avril, Vivendi a tenu son assemblée générale au Carrousel du Louvre. Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance, n’a toujours pas présenté sa nouvelle stratégie, dont la « revue » va se poursuivre « dans les prochains
moins ». Parmi les prochaines cessions, les jeux vidéo ?

En clair. Après Maroc Télécom et l’opérateur brésilien GVT, Jean-René Fourtou serait décidé à céder tout ou partie des 61,6% que Vivendi détient dans le numéro un mondial des jeux vidéo, Activision Blizzard, pendant que sa performance est au plus haut. Or, pourquoi vendre une des activités les plus rentables, qui enregistre un Ebitda (1) record en croissance de 13,6 % sur un an à 1,149 milliard d’euros en 2012 ? C’est que le conglomérat sent le vent tourner : « On anticipait déjà l’année dernière un phénomène
qui pourrait nous impacter cette année, à savoir l’arrivée d’une nouvelle génération de consoles ; cela signifie traditionnellement un ralentissement des ventes de logiciels de jeux vidéo », a prévenu Philippe Capron, directeur financier et membre du directoire de Vivendi.
Céder le numéro un mondial des jeux vidéo, dont les franchises et licences sont connues dans le monde entier (Call of Duty, Skylanders, World of Warcraft ou Diablo), apparaîtrait comme le grand paradoxe de la nouvelle stratégie de Vivendi pourtant « recentrée sur
les médias et les contenus ». Activision Blizzard, constitué il y a cinq ans (2) et coté au Nasdaq (valorisé plus de 16 milliards de dollars), pourrait ainsi être sacrifié sur l’autel
du désendettement du conglomérat, lequel affiche encore 13,4 milliards d’euros de dette. Parmi les activités médias de Vivendi, Activision Blizzard est la filiale qui est la plus rentable opérationnellement (3) : presque deux fois plus que Canal + et plus de deux fois plus qu’Universal Music. Idem en matière de trésorerie générée : en hausse de 24,9 %
à 1,161 milliard d’euros en 2012, contre 0,706 milliard pour Canal+ et 0,528 milliard pour Universal Music. La pépite des jeux vidéo, dont le chiffre d’affaires a augmenté de 9,7 % l’an dernier à 3,768 milliards d’euros (soit 13 % des revenus globaux du conglomérat),
est en plus pas très gourmand en investissements (57 millions d’euros l’an dernier).
Si l’on met à part Maroc Telecom, Activision Blizzard est la deuxième filiale après SFR
à contribuer le plus fortement aux 2,5 milliards d’euros de résultat net ajusté du groupe.
Rien que World of Warcraft, premier jeu massivement multijoueurs sur Internet, compte plus de 9,6 millions d’abonnés à fin 2012. Le dernier Black Ops II de Call of Duty a, lui, généré 1 milliard de dollars de ventes en seulement 15 jours après son lancement le
13 novembre 2012 ! Vendre ou garder une telle pépite ? Faites vos jeux… @