Liens hypertextes « pirates » : la jurisprudence « GS Media » menace-t-elle la liberté d’informer ?

Le 13 octobre 2016, le tribunal d’Attunda (Suède) a fait application pour la première fois en droit national des critères énoncés par la CJUE dans l’arrêt
« GS Media », et vient ainsi préciser les contours du régime s’appliquant au
droit de communication au public pour les liens hypertextes.

Par Etienne Drouard (photo), avocat associé, et Antoine Boullet, juriste, cabinet K&L Gates

L’intérêt de cette décision réside dès lors dans l’application concrète des critères abstraitement énoncés par la CJUE. Pour rappel, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a décidé – dans l’ arrêt « GS Media » rendu le 8 septembre dernier (1) – que pour juger du caractère licite ou illicite d’un acte de communication au public au sens de la directive européenne de 2001 sur le droit d’auteur (dite « DADVSI »), il fallait non seulement démontrer l’existence d’un acte de communication et l’existence d’un public, mais également « tenir compte de plusieurs critères complémentaires, de nature non autonome et interdépendants les uns par rapport aux autres » (2).

TV et VOD : pourquoi Altice, maison mère de SFR, veut lancer Altice Studios et Altice Channel Factory

La stratégie de convergence d’Altice (SFR, Portugal Telecom, Cablevision, …), déjà surendetté à hauteur de 50 milliards d’euros, suppose d’investir dans des contenus originaux et coûteux. En plus d’Altice Media, dirigé par Alain Weill,
le groupe multimédia crée Altice Studios et Altice Channel Factory.

Le groupe de télécoms et de médias Altice, présidé par Patrick Drahi et en passe de détenir la totalité du capital de SFR, a annoncé le 5 septembre la création de deux nouvelles entités baptisées respectivement Altice Studios et Altice Channel Factory. Elles œuvreront pour l’ensemble du groupe en France et à l’international. La première produira des films et des séries originales, sous la direction de Nora Melhli, ex-directrice de la fiction de la société de production Shine France et ex-Endemol Fiction ; la seconde créera de nouvelles chaînes de télévision, sous la direction cette fois de Alain Weill (photo), directeur général d’Altice Media et de SFR Media, ainsi que PDG de son groupe NextRadioTV (BFM TV, RMC, …) intégré depuis l’an dernier dans Altice.

Marché : la pub en ligne augmente, les dérives aussi

En fait. Le 12 septembre, ZenithOptimedia (Publicis) a relevé de 0,3 point à 4,4 % ses prévisions de croissance 2016 des dépenses publicitaires mondiales : 539 milliards de dollars, dont environ 37 % en ligne. Le 8 septembre, Carat (Dentsu Aegis) a prévu aussi une hausse de 4,4 % mais à 548,2 milliards.

En clair. Au-delà d’événements majeurs tels que le championnats d’Europe de football, les Jeux Olympiques ou encore les prochaines élections présidentielles aux Etats- Unis, le dynamisme de la publicité en ligne tire cette année à la hausse les dépenses publicitaires mondiales. Ces dernières devraient atteindre cette année de 539 à 548 milliards de dollars – soit plus de 480 milliards d’euros – grâce à une croissance de
4,4 % prévue par ZenithOptimedia et Carat. Ce rythme devrait se poursuivre en 2017. La pub sur Internet et les mobiles dépassent déjà en valeur l’ensemble des autres médias.
La publicité numérique affiche en effet une croissance insolente à deux chiffres (+15 % en 2016). « Entraînées par la forte demande du mobile, des vidéos en ligne et des médias sociaux, les dépenses liées au digital devraient atteindre 27,7 % dans les dépenses publicitaires globales en 2016, avec une prévision à 30,2 % en 2017 », estime Carat, l’agence média du groupe japonais Dentsu Aegis. Pendant que la publicité stagne à la télévision et poursuit son déclin dans la presse imprimée, la publicité digitale, elle, dépassera cette année les 150 milliards de dollars de chiffre d’affaires mondial, puis plus de 172 milliards en 2017. C’est le marché publicitaire sur mobile qui progresse le plus ; il dépassera même dès l’an prochain la publicité sur ordinateur. ZenithOptimedia, l’agence média du groupe français Publicis a même revu
à la hausse ce dépassement qui devrait être de 8 milliards de dollars supérieur (et non de 2 milliards comme envisagé initialement).
Mais cette embellie soutenue de la publicité en ligne ne doit pas occulter l’augmentation des fraudes qui gangrènent ce marché. En effet, les clics frauduleux (dont est accusé le français Criteo aux Etats-Unis), qu’ils soient générés par des robots virtuels en réseau (botnets (1)) ou par des internautes payés pour (2), commencent à discréditer le marché (3). Selon Integral Ad Science, la fraude représente 7,7 % des impressions publicitaires en France. Il y a aussi les mélanges « contenuspublicités » qui posent des questions déontologiques tels que le Native Advertising, le placement de produits, la publicité clandestine (comme sur YouTube avec Warner Bros.), le Brand Content, le sponsoring de contenus, voire le Media for Equity. @

Nouveau PDG de TF1, Gilles Pélisson passera-t-il sous la barre des 20 % de part d’audience ?

La hantise de la chaîne TF1 est de passer sous la barre des 20 % de part d’audience nationale, après avoir caracolé à plus de 30 % il y a dix ans encore. Gilles Pélisson, qui n’est pourtant pas un homme de télévision, va devoir relever le plus grand défi d’un PAF chamboulé par le numérique et la fragmentation de l’audience.

Et si Gilles Pélisson (photo), le nouveau PDG du groupe TF1, devenait celui qui verra la première chaîne passer sous la barre des 20 % de part d’audience ? On n’en est pas loin. Au rythme où va l’érosion, ce plancher pourrait être enfoncé dès cette année. Ce serait sans précédent pour la chaîne historique, dont la part d’audience est descendue à seulement 20,6 % en janvier, heureusement suivi d’un léger rebond à 21,6 % en février (voir tableau p.10). Les premiers mois de l’ère « Pélisson » seront décisifs. Le successeur de Nonce Paolini, véritablement en fonction depuis le 19 février dernier, hérite d’une tendance baissière de TF1 constatée depuis maintenant dix ans. En effet, la doyenne des chaînes de télévision généralistes françaises a déjà perdu de sa superbe et a vu l’aura de son antenne chuter de 30,7 % de part d’audience nationale moyenne en 2007 à 21,4 % en 2015, soit une perte de près de dix points. Le déclin de TF1 semble inéluctable, bien que la chaîne du groupe Bouygues reste pour l’instant encore la plus regardée de l’Hexagone, surtout en prime time où elle a réalisé 98 des 100 meilleures audiences de l’année. La concurrence des nombreuses autres chaînes de la TNT (y compris TMC, NT1, HD1, LCI appartenant toutes au groupe TFI) et des plateformes de vidéo sur Internet (YouTube, Facebook, Dailymotion, Netflix, …) est à l’oeuvre pour contester la suprématie de la première chaîne et lui grignoter inlassablement des parts d’audience.

Entre le bilan 2015 et les perspectives 2016, les télécoms et les médias amorcent un nouveau cycle

Le nouveau cycle qui s’annonce, sur fond de convergence télécoms-médias, donnera-t-il naissance à des champions européens d’envergure internationale ? Tout dépend notamment des nouvelles règles édictées par les pouvoirs publics, notamment en termes de concurrence, de neutralité du Net et de cybersécurité.

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

La fin de l’année 2015 a porté en elle l’achèvement du cycle de
la libéralisation de la téléphonie mobile, à peu près partout dans
le monde. La Birmanie, un des derniers pays en monopole est désormais ouvert à la concurrence de plusieurs opérateurs télécoms. L’Ethiopie est sans doute le dernier marché significatif dans lequel seul l’opérateur historique intervient dans la fourniture du téléphone et d’Internet. En France, le passage en 2012 de trois à quatre opérateurs mobile, d’une part, et la régulation visant pour l’essentiel la satisfaction du consommateur, d’autre part, ont abouti à une popularisation complète des services de téléphonie et l’amorce d’un Internet pour tous.