Mesures TV et Net : Médiamétrie se met en quatre

En fait. Le 6 mai, l’institut Médiamétrie a confirmé à Edition Multimédi@ qu’il propose aux chaînes, depuis le 19 avril dernier, la mesure dite « TV 4 écrans » (télévision, ordinateur, smartphone et tablette) et que le « GRP live 4 écrans » (performances publicitaires TV) sera évalué d’ici fin 2016.

Droits de diffusion sportive : une « bulle » médiatique sur fond de bataille entre télé et web

Les droits de retransmission des événements sportifs s’arrachent à prix d’or – matches de football en tête, mais aussi rugby, basketball, tennis, hockey, … Jusqu’où la surenchère peut-elle aller, attisée par la nouvelle concurrence des acteurs du Net face aux chaînes de télévision qui n’en ont plus le monopole ?

Aux Etats-Unis, la National Football League (NFL) courtise les acteurs du Net tels que Amazon, YouTube, Yahoo ou encore Facebook pour proposer aux cord-cutters – ces désabonnés de la TV par câble traditionnelle préférant Internet – les retransmissions des matches en live-streamed. Début mars, Facebook a fait savoir qu’il était en discussion avec la NFL pour acquérir les droits de diffusion en streaming sur Internet. Le troisième opérateur télécoms américain Verizon est aussi sur les rangs, lui qui mise sur AOL – acquis en mai 2015 pour 4,4 milliards de dollars – et son service de vidéo pour mobile, Go90, lancé à l’automne dernier pour délivrer des contenus en partenariat avec notamment la NFL ou encore la National Basketball Association (NBA).

Yahoo, Amazon, AOL, … en embuscade
Amazon serait aussi en négociations avec la ligue de football américaine, dont il va diffuser à partir de l’été prochain des documentaires exclusifs baptisés « All or Nothing » produits par NFL Films. Une première. Par ailleurs, la firme de Jeff Bezos n’exclut pas d’acquérir des droits sportifs pour son service par abonnement Prime, comme l’avait indiqué fin décembre dernier son PDG dans un entretien au quotidien allemand Die Welt. C’est que le géant du e-commerce veut plus que jamais diversifier les contenus proposés sur sa plateforme Prime qui compterait – selon le Consumer Intelligence Research Partners (Cirp), faute de chiffres officiels… – quelque 47 millions d’abonnés rien qu’aux Etats-Unis (à septembre 2015). Amazon a par ailleurs fait l’acquisition en septembre dernier de Elemental Technologies, une société spécialisée dans des logiciels utilisés pour diffuser des vidéos en ligne et des images en ultra haute définition 4K, comme l’avait fait la BBC durant le Mondial de football de 2014.
Yahoo aussi n’est pas indifférent aux droits de diffusion de la NFL. Le portail média avait marqué son intérêt en octobre 2015 en diffusant sur Internet et en accès libre un match du championnat américain de football. Cette année, il a annoncé mi-mars dernier avoir signé un accord avec la National Hockey League (NHL) pour diffuser en ligne des matches accessibles gratuitement. Les retransmissions ont aussitôt démarrées, avec jusqu’à quatre matches de hockey par semaine assortis des « meilleurs moments » de la journée ou de la semaine ainsi que des « plus beaux buts » ou autres actions spectaculaires. Yahoo n’en est pas à son premier essai : le portail média diffuse aussi des matches de la Major League Baseball (MLB) et des rencontres de la Professional Golfers Association (PGA). YouTube, Amazon et maintenant Yahoo ont par ailleurs un autre point commun : celui de retransmettre en direct sur une plateforme dédiée des compétitions de e-sport (lire encadré page suivante).
Cette descente des GAFA sur le terrain de jeu de la retransmission sportive démontre leurs ambitions de proposer aux internautes et aux mobinautes plus de contenus
« premium » – qu’ils soient gratuits ou payants. Cela induit une nouvelle concurrence dans l’acquisition des droits qui ne manquera pas de faire monter les enchères entre les chaînes de télévision, lesquelles avaient jusqu’alors le monopole de ces retransmissions, et les plateformes numériques capables de proposer ce type d’événements sportifs en mondovision haut débit. Pour ses droits sportifs, la NFL mène le jeu en exigeant des chaînes de télévision CBS et NBC de partager la diffusion avec un acteur du Net. CBS veut tout de même contrer les plateformes numériques en améliorant son propre service en ligne « All Access ».
Une nouvelle ère sportive commence, même si la télévision reste encore le principal vecteur des live sportifs et n’a pas dit son dernier mot. Et elle en a les moyens financiers, du moins pour certains groupes audiovisuels capables de fédérer un large public. Ainsi, BeIn Sports a acquis les droits de diffusion en France de l’Euro 2016 (10 juin au 10 juillet) pour 60 millions d’euros pour les 51 matches du « Championnat d’Europe UEFA de football masculin 2016 », tout en laissant TF1 et M6 diffuser en clair les plus importants moyennant 25 millions d’euros payés par chacune. Il s’agira de se partager plus de 40 millions de téléspectateurs.

Canal+/BeIn : « Je t’aime moi non plus »
La concurrence entre BeIn Sports du groupe Al- Jazeera et Canal+ du groupe Vivendi sur les droits du football était telle que la rivalité pourrait se terminer par une alliance sur cinq ans – sur fond d’accord de distribution exclusif – entre les deux chaînes sportives, lesquelles représenteraient ensemble pas moins de 80 % des droits sportifs en France. BeIn Sports détient sur l’Hexagone non seulement des droits de diffusion de la Ligue 1 de football et de la Ligue des Champions, mais aussi du basket américain de la NBA et ou encore le tournoi de tennis de Wimbledon.

Qui veut gagner des millions ?
A moins que l’Autorité de la concurrence, dont la décision est attendue d’ici fin avril après une consultation « test de marché » menée en mars auprès de la Ligue de football professionnel (LFP), ne s’oppose à ce rapprochement BeIn Sports-Canal+. L’association UFC-Que Choisir craint pour les consommateurs un « dérapage inflationniste » par une multiplication par trois ou quatre de leurs factures (1). France Télévisions détient de son côté non seulement les droits du tournoi de rugby des Six nations et ceux du XV de France, mais aussi ceux des Jeux Olympiques de Rio et de Tokyo en 2020 que le groupe audiovisuel public paie chacun entre 40 et 50 millions d’euros. La BBC, elle, partage avec l’américain Discovery les droits outre-Manche
de ces JO.
Pour l’heure, les chaînes de télévision sont concurrencées sur ce terrain-là par la maison mère de SFR-Numericable, Altice avec « Ma Chaîne Sport », qui s’est emparé des droits du championnat de foot d’Angleterre (English Premier League) pour 100 millions d’euros par an sur 2016-2019. Quant au groupe Orange, qui est recentré depuis 2010 sur son réseau après avoir été contraint de renoncer aux contenus exclusifs qui lui ont notamment coûté 203 millions d’euros dans les droits du foot de 2008- 2012 (Ligue 1), il pourrait s’intéresser à nouveau aux droits du foot mais en co-diffusion. Les opérateurs télécoms espèrent ainsi donner le change face aux GAFA
de plus en plus accaparants avec leurs centaines de millions d’utilisateurs à travers le monde. AT&T, le premier opérateur télécoms américain, a, lui, acquis en juillet 2015 l’opérateur télévision payante par DirecTV pour 48,5milliards de dollars afin offrir des bundles télé-Internet-mobile-cloud, avec du sport en live à la clé.
Partout dans le monde, la tendance est à la surenchère des droits de diffusion entre les chaînes et maintenant les acteurs du Net. Du côté des détenteurs des droits de ces événements sportifs, on se frotte les mains : tous médias confondus, près de 7 milliards d’euros empochés pour la Premier League (football anglais), 7 milliards de dollars pour la NFL aux Etats-Unis (hors contrat Amazon), près de 3 milliards par la Liga (football espagnol), etc. Pour la Coupe du monde de rugby de 2015, le groupe TF1 avait acquis pour 40 millions d’euros les droits de diffusion dont il a pu dégager un bénéfice net de
2 à 3,5 millions (d’après le CSA) – après revente d’une partie des droits à Canal+ pour 13 millions d’euros et recettes publicitaires de 28,5 millions d’euros. La finale
« Nouvelle-Zélande/Australie » a été la meilleure part d’audience de 2015 (54,2 %).
Jusqu’où peut aller cette bulle spéculative ? Le direct sur les réseaux sociaux et les plateformes vidéo directe telles que Periscope, Meerkat ou encore Live Video (2) peut-il faire éclater cette bulle ? Le sport risque le claquage. L’Union européenne autorise les Etats membres à interdire la retransmission « exclusive » d’événements qu’ils jugent d’« importance majeure » pour leurs habitants. Ainsi, en France, une vingtaine d’événements (Jeux Olympiques, Tournoi de rugby des Six Nations, Tour de France, …) sont à portée du grand public sur des chaînes gratuites – même si les droits de diffusion ont été achetés par d’autres médias. @

Charles de Laubier

Yahoo cherche à être présentable pour le plus offrant

En fait. Le 1er février, Brigitte Cantaloube, ex-DG de Yahoo France, est devenue Chief Digital Officer (CDO) du groupe PSA Peugeot Citroën, poste nouvellement créé. Elle aura ainsi passé dix ans chez Yahoo, avant d’être licenciée. Le 2 février, la maison mère annonçait une nouvelle réduction d’effectifs. Scission ou vente ?

Maurice Lévy, président de Publicis : « La fraude publicitaire, c’est quelque chose de très grave »

Le président du directoire du groupe Publicis, Maurice Lévy, se dit préoccupé par la fraude publicitaire qui sévit dans le monde numérique avec des robots virtuels (botnets) qui cliquent automatiquement les publicités en ligne pour détourner de l’argent. Mais il se dit moins inquiet au sujet des adblockers, « pour l’instant ».

« C’est quelque chose de très grave. Hélas, ce sont des centaines de millions, peut-être des milliards de dollars qui s’évadent. Et c’est très grave parce que cela jette l’opprobre sur l’ensemble d’une profession et crée des risques très importants sur les médias qui font leur boulot honnêtement et qui attendent ces recettes », a estimé Maurice Lévy (photo), président du directoire du groupe Publicis depuis 1987, devant l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef) dont il était l’invité le 4 février dernier. Le recours à des robots virtuels, chargés de cliquer automatiquement sur les e-pubs, l’inquiète. Selon l’association américaine des annonceurs, l’ANA (Association of National Advertising), ces derniers devraient perdre cette année 7,2 milliards de dollars au niveau mondial au profit des robots virtuelles qui organisent la fraude publicitaire massive. Une étude du cabinet EY réalisée pour le compte de l’IAB (Interactive Advertising Bureau) et rendue publique en décembre avance une perte plus importante : 8,2 milliards de dollars par an rien qu’aux Etats-Unis. Comment cela fonction-t-il ?

Le coût pour mille impressions (CPM) dévoyé
« C’est très simple, a expliqué celui qui fut d’abord ingénieur informaticien (1) avant de rejoindre en 1971 Marcel Bleustein- Blanchet, le fondateur de Publicis. On distribue de la publicité et on est payé à la vue, c’est le pay per view. Pour pouvoir facturer le client, il faut que le consommateur clique. Et il y a des esprits astucieux, malins, qui ont créé des robots, donc un algorithme, un robot virtuel qui clique lorsqu’il reçoit le message (publicitaire). Ce ne sont pas les publicitaires qui fraudent, mais des plateformes qui détiennent des profils (de consommateurs) et qui cliquent automatiquement en affirmant “Mon consommateur a lu votre message (publicitaire) et il l’a aimé !” pour ensuite facturer ». Selon une enquête de l’ANA aux Etats-Unis, les annonceurs enregistrent en 2015 un taux de 3 % à 37 % de cliquent frauduleux générés par des robots. Les médias ayant des niveaux élevés de CPM, le fameux coût pour mille
« impressions » (affichage de la publicité en ligne, qu’elle soit bandeau, vidéo ou annonce textuelle), sont les plus vulnérables à ces robots cliqueurs. La publicité programmatique (2), y compris pour les vidéos publicitaires, génère le plus de fraude
au clic provenant du trafic non-humain.

Des robots à clics en réseau (botnets)
En France, d’après la société Integral Ad Science spécialisée dans l’optimisation de la qualité média, les impressions frauduleuses générées par des robots représentent environ 10 % des impressions publicitaires, contre 11,2 % en Allemagne et 12,9 % en Grande-Bretagne. Les opérateurs de botnets, ces réseaux de robots, s’en donnent à cœur joie et agissent sans frontières. Pour le numéro trois mondial de la publicité (derrière WPP et Omnicom), c’est d’autant plus inquiétant que cela instaure le doute.
« C’est un phénomène très embêtant parce qu’il conduit à des interrogations, comme
le fait l’ANA. C’est vrai que, sur la publicité programmatique, il y a énormément de
gens qui ont trouvé malin de faire des robots qui cliquent, qui ouvrent des liens, qui déclenchent des vidéos, qui ouvrent des messages, voire qui répondent pour les plus sophistiqués », a indiqué Maurice Lévy préoccupé. Au point que Publicis travaille avec une équipe du MIT (3) pour savoir comment être beaucoup plus rigoureux dans le tracking, c’est-à-dire la manière de remonter l’information jusqu’à l’utilisateur final.
« Sur les mobiles (smartphones et tablettes), c’est beaucoup plus facile que sur les ordinateurs », constate-t-il.
Autre phénomène : celui du pay-to-click ou paid-to-click (PTC), encore appelé cashlink. Cette fois, ce sont des êtres humains – et non plus des robots – qui sont payés pour cliquer sur des publicités en ligne ou des vidéos publicitaires. L’une des plateformes PTC, My Advertising Pays, organise d’ailleurs une première rencontre à Lausanne en Suisse le 20 février prochain pour expliquer le concept et séduire de nouveaux adeptes. Chacun peut constituer son propre réseau de « filleuls », lesquels génèreront à leur tour des royalties à partir de leurs gains, selon le principe du multi-level marketing (organisation pyramidale). Pour Maurice Lévy, rien de nouveau ni de répréhensible.
« Cela a toujours existé. Rappelez-vous, la première opération de ce type-là, c’était vers 1999 ou 2000. C’est vrai que c’est discutable mais ça ne prend pas ; il n’y a pas grand chose. C’est beaucoup plus efficace quand Verizon, AT&T, T-Mobile ou Orange offrent des services et que les gens trouvent cela intéressant de cliquer. Et l’on va se trouver de plus en plus avec des échanges où les gens seront intéressés au clic ».
Et le président de Publicis d’ajouter : « L’élément dangereux, c’est la fraude. Celui-ci
(le paid-to-click) n’en est pas. Il y en a peu. C’est moins important que les messages (publicitaires) inutiles qui sont adressés aux mauvaises personnes, même si cela sert
la marque par un phénomène de halo qui nourrit l’image de la marque ». Quant à la question de l’impact des adblockers, ces logiciels permettant aux internautes ou aux mobinautes d’empêcher que les publicités en ligne ou les vidéo publicitaires ne s’affichent dans leur navigateur, elle lui a été également posée. Mais là, le patron de Publicis (4) s’est voulu rassurant devant l’Ajef en minimisant leur portée : « Il n’y a
pas de développement très important, ni une espèce de contamination générale. C’est un phénomène qui est assez modeste pour l’instant. Chaque fois qu’il y a eu des phénomènes de ce genre, la bonne solution passait toujours par la créativité ». Selon lui, la publicité est acceptable lorsqu’elle apporte quelque chose, « quand elle est créative, quand elle fait sourire, quand elle apporte un peu de couleurs dans un paysage gris, ou lorsqu’elle apporte des informations intéressantes sur un produit nouveau ou quelque chose de différent ou une proposition commerciale attrayante ».

C’est justement dans ce sens que l’éditeur allemand du logiciel Adblock Plus a engagé depuis novembre des discussions baptisées… « Camp David » (5), dans le but de trouver avec les publicitaires et les médias des annonces « plus acceptables ». Une seconde réunion s’est tenue à Londres le 2 février. Quant à l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (Wan- Ifra), elle a organisé le 11 février à Francfort un « Ad Blocking Action Day » afin d’améliorer la publicité en ligne. En France, où la Cnil conseillait en décembre 2013 d’utiliser… des adblockers (6), le Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) a, lui, tenu quatre « réunions de crise » sur les adblockers depuis 2014. Selon une étude d’Adobe et de PageFair publiée en août 2015, plus de 198 millions d’utilisateurs dans le monde – dont 77 millions en Europe – ont déjà bloqué les e-pubs à partir de leur navigateur ou de leur smartphone. Cela devrait provoquer cette année une perte cumulée mondiale de 41 milliards de dollars pour les éditeurs et les annonceurs (7), contre près de 23 milliards de dollars estimés en 2015.

La pub intrusive l’agace aussi
Quoi qu’il en soit, Maurice Lévy conçoit très bien que la publicité puisse agacer, lorsqu’elle est intrusive. « C’est à nous de gérer les choses de la manière la plus intelligente qui soit et d’éviter les problèmes d’intrusion, d’invasion, de saturation, ceux qui énervent les gens, moi compris ! Je ne supporte pas, quand je regarde un e-mail qui est une chose privée d’aller sur une pièce attachée de mon email, et d’avoir une pub ». Reste à savoir quand interviendra l’aggiornamento des publicitaires… @

Charles de Laubier

Affaire « New Media Online » : comment la CJUE a pris à revers son avocat général

Selon l’arrêt « New Media Online » du 21 octobre 2015 rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), l’offre de vidéos sur le site Internet d’un journal peut relever de la réglementation des services de médias audiovisuels. Dans cette hypothèse, cette offre est soumise au contrôle du CSA et aux obligations associées.