Bouclier juridique, le secret des affaires s’arrête là où commence la liberté d’expression

Anciens médias, nouveaux médias et lanceurs d’alerte sont unanimes pour préserver la liberté d’expression au nom de la liberté d’informer. C’est la limite naturelle du secret des affaires. Encore faut-il définir ce dernier et légiférer.
La loi « Macron » a tenté, en vain, de le faire. N’est-ce que partie remise ?

Comment Webedia (Fimalac) entend venir en aider à l’industrie culturelle française

Webedia prévoit de doubler son chiffre d’affaires à 100 millions d’euros en 2015. Pour Véronique Morali, sa présidente, la filiale digitale de Fimalac – holding de son compagnon Marc Ladreit de Lacharrière – veut être le porte-drapeau numérique de l’industrie culturelle française dans le monde. Les acquisitions vont se poursuivre.

(Depuis la publication de cet article, Le Monde révèle le 1er avril que Fimalac « semble aujourd’hui le candidat le plus probable »  pour les 49 % de Dailymotion, Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, préférant des partenaires européens)

Véronique Morali« Notre vision est que nous pouvons être facilitateur de la transformation digitale des filières dans le divertissement et l’industrie culturelle. Et le cinéma est un bon exemple. Nous avons trouvé qu’il était judicieux de devenir partenaire du CNC (1) quand
il a lancé (en janvier dernier) son offre de mise en avant des films français [http://vod.cnc.fr, ndlr], en apportant notre savoir-faire digital dans le cadre de la recomposition de place qu’il est en train de mener », a déclaré Véronique Morali (photo), présidente du directoire de Webedia et présidente de Fimalac Développement, devant l’Association des journalistes médias (AJM), le 9 mars dernier (2).
Le site web Allociné – que Webedia a acquis en juillet 2013 – propose aux internautes de voir les films en les louant ou les achetant sur des plateformes tierces de vidéo à la demande (VOD) vers lesquelles ils sont orientés. A terme, les télécharger directement pourrait être proposé.

Cinéma, jeux vidéo, mode/beauté, cuisine/gastronomie et tourisme
Webedia veut qu’Allociné soit plus qu’un simple site web de référence du cinéma. « Plutôt que d’organiser en tant que CNC le référencement des offres légales, nous lui avons dit de profiter (en se mettant en dessous) de ce que l’on fait depuis vingt ans chez Allociné pour les fiches-films. Tous les mois sur Allociné, il y a environ 250 millions de fiches-films qui sont consultées par mois, et sur lesquelles les offres de VOD dites vertueuses sont référencées », a expliqué Cédric Siré, PDG de Webedia, présent aux côtés de Véronique Morali.
En revanche, Webedia ne compte pas aller sur le terrain de la VOD : « Car entrer sur ce marché, cela demande un premier investissement de 30 et 40 millions d’euros à mettre sur la table pour se payer aujourd’hui un catalogue (de films) à distribuer. Ce n’est pas notre modèle. Nous préférons le modèle média », a justifié le fondateur de Webedia.
Le cinéma fait partie des cinq thématiques verticales – avec les jeux vidéo, la mode/beauté, la cuisine/gastronomie, et le tourisme – sur lesquelles le groupe Fimalac a décidé d’investir en Europe et à l’international (3). « Avec nos verticales, nous voulons être partenaire de la recomposition digitale de filières pour le divertissement. L’industrie culturelle est beaucoup travaillée par le groupe Fimalac, avec tout un pôle entertainment [production de spectacles et exploitation de salles (4), ndlr]», a indiqué Véronique Morali. Et Cédric Siré de poursuivre : « Nous avons choisi ces cinq thématiques où l’on est capable de devenir des numéros un mondiaux et où nous estimons que la France a une légitimité, voire une forme d’exception ». Sur chacune
de ces cinq domaines culturels, Webedia s’appuie sur un triple modèle économique :
la publicité (e-pub programmatique, vidéo, opérations spéciales, …), les services (aider notamment les marques à devenir elles-mêmes des médias), et le e-commerce (comme la billetterie). Cédric Siré a aussi dit que les cinq verticales n’avaient pas vocation à aller jusqu’à faire de la presse papier (« Nous ne savons pas faire »).

En revanche, après avoir investi 240 millions d’euros depuis l’acquisition de Webedia (Pure People, Allociné/Côté Ciné, Jeuxvidéo.com/Millenium, 750g, …), Fimalac va
plus que jamais continuer à faire des acquisitions dans chacun de ces cinq secteurs culturels du divertissement. « Nous avons un actionnaire en quête de pépites et de développement, dans le cadre d’un capitalisme familial bien compris (donc très rigoureux dans la gestion et la rentabilité). On ne peut pas dire que l’on ait des limites. On ne peut pas acheter Google, c’est clair ! », a lancé Véronique Morali. Et pourquoi pas Dailymotion ? « Ce n’est pas à vendre, d’abord. C’est une belle affaire mais ce n’est pas à vendre pour Orange », a-t-elle répondu (5). « Au niveau mondial, on est déjà le deuxième groupe français digital derrière Dailymotion », s’est en tout cas félicité Véronique Morali. S’il n’y pas de limite, une acquisition à 1 milliard d’euros ? « Je ne sais pas, franchement… Si vous avez de bonnes idées, vous me les passez. Ce que
je peux vous dire, c’est qu’on étudiera cette offre ! Nous n’avons pas de limites, si ce n’est la limite de la liquidité de Fimalac. Et encore, Marc de Lacharrière dirait que l’on des capacités d’emprunts qui sont intactes puisque l’on a zéro dette », a-t-elle poursuit.

Fimalac, consolidateur culturel
Dans un univers du divertissement très fragmenté, Fimalac affirme ainsi son ambition d’être un acteur numérique de l’industrie culturelle française et un consolidateur sur le mode build-up (6) (dixit Véronique Morali). Le groupe du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière en a les moyens, notamment depuis la cession en décembre de 30 % de l’agence de notation Fitch, dont il détient encore 20 %. Ce qui lui a rapporté l’équivalent de plus de 1,5 milliards d’euros. @

Charles de Laubier

Presse écrite : Internet franchit les 5 % du CA en 2013

En fait. Le 13 août, la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) a établi un rapport sur la presse française en 2013 : le chiffre d’affaires ressort à 8,255 milliards d’euros, soit une nouvelle forte baisse de 5,3 %. Quant aux recettes Internet, elles atteignent 5,19 % de ce CA.

Time Inc : condamné à croître et à réussir avec le Net

En fait. Le 13 juin, Time Warner a tenu son assemblée générale annuelle –
soit quatre jours après le spinoff de son activité « magazines » (Time, Fortune, People, …) en une nouvelle société, Time Inc, cotée à la Bourse de New York
depuis le 9 juin. Est-elle condamnée à une mort lente ou bien à réussir ?

Sport : match TV versus OTT

Une succession d’événements médias montrent bien que
le paysage audiovisuel mondial a bien changé. Une série,
un film et une comédie musicale occupent le devant de la scène en battant des records d’audience. Points communs : chacune de ces œuvres a pour thème une épopée sportive
et toutes ont comme producteur principal… une grande association sportive. Des ligues et quelques grands clubs
de football, de basket ou de baseball sont en effet devenus de véritables groupes
de médias disposant depuis longtemps de lieux de spectacles, puis de leurs propres moyens de diffusion et, désormais, de productions. Ce sont des empires sans équivalents, construits sur des contenus « premium ». Sachant que seuls la fiction (films et séries récents) et certains événements sportifs réunissent les conditions nécessaires pour bénéficier de ce qualificatif (forte attractivité, rareté et acceptation
des consommateurs à payer). Qu’on le déplore ou non, le sport est devenu le divertissement majeur du XXIe siècle. Cette ascension tient autant à l’attrait toujours croissant des compétitions qu’aux nouvelles mannes captées au fil du temps par les propriétaires des droits sportifs. Et ce, grâce à la diversification des modes de diffusion des matchs et aux débouchés offert par Internet.

« Des ligues et quelques grands clubs sportifs
sont devenus de véritables groupes de médias »

Tout a commencé bien avant la révolution numérique. Le sport a tout d’abord bénéficié de l’envolée des droits de diffusion audiovisuelle, comme le montre le doublement des reversements des éditeurs de télévision à péage aux propriétaires des droits sportifs :
de près de 500 millions d’euros aux Etats-Unis entre 1995 à plus de 1 milliard en 2015 !
La principale raison de cette envolée est à trouver dans les records d’audience qu’atteignent régulièrement les matchs : plus de 110 millions de téléspectateurs pour le Super Bowl avant 2015. En France, les meilleures audiences TV reposaient aussi sur les compétitions internationales de football et de rugby. Le sport a également bénéficié de la multiplication progressive des chaînes de télé, offrant de plus en plus d’espace aux sports les plus demandés – comme à ceux longtemps écartés des lumières cathodiques. Puis, c’est en se lançant sur Internet que les ayants droits ont jeté les bases de leur relais de croissance actuel. A l’exception notable des ligues de football européennes, longtemps focalisées sur la vente de droits TV, les ligues sportives majeures ont très tôt développé des stratégies OTT (Over-The-Top) en complément d’une stratégie TV traditionnelle. Sur leur marché domestique, il s’agissait de favoriser la vente de droits aux chaînes en clair et payantes pour les rencontres de « têtes d’affiche » et d’éditer en même temps un service de vidéo OTT d’accès direct aux matchs non diffusés à la télévision. Pour les pays où les ligues ne bénéficiaient d’aucune couverture TV, leurs services OTT offraient un accès à l’ensemble des matchs. Ces revenus additionnels ont permis aux ayants droits d’augmenter leur pouvoir de négociation vis-à-vis des grands « Networks ».

Pour les sports moins populaires, la diffusion via une plate-forme web, comme Livesport.tv, Laola1.tv ou bien sur YouTube, est encore souvent la seule manière d’assurer leur retransmission : il était déjà possible en 2014 de visionner un match
du confidentiel Horseball sur Vimeo. La migration vers une distribution « tout OTT »
a depuis, bien progressé, même si elle n’a pas remplacé complètement le modèle classique de la télévision. La National Football League des États-Unis a transformé les quelque 5 milliards de dollars provenant de la vente de droits TV en près de 20 milliards aujourd’hui grâce à la vente de droits internationaux et des revenus tirés des médias mobiles. En Europe, malgré l’importance des droits TV, la Premier League de Football au Royaume-Uni ou la Ligue Nationale de Rugby en France ont progressivement joué la carte de la diffusion sur Internet pour répondre aux 20 % à 30 % de leurs millions de supporters prêts à s’abonner à leur service premium. Ces nouvelles « machines à cash » du divertissement ont trouvé un nouvel équilibre entre un accès du plus grand nombre aux sports populaires et l’offre de productions dérivées comme le cinéma, les jeux vidéo, les spectacles et… les programmes télé. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Ciné et OTT.
* Directeur général adjoint de l’IDATE,
auteur du livre « Vous êtes déjà en 2025 » (http://lc.cx/b2025).
Sur le même thème, l’institut a publié son rapport
« Les stratégies OTT des ayants droits de contenus
premium : sport, cinéma et fiction TV » (lire p. 7).