Pub en ligne : l’Autorité de la concurrence enquête

En fait. Le 23 mai, l’Autorité de la concurrence s’est auto-saisie « pour avis »
afin d’« analyser les conditions d’exploitation des données dans le secteur de la publicité en ligne » – avec Google et Facebook en ligne de mire. Y a-t-il position dominante et conflits d’intérêts. Réponses au 2e semestre 2017.

En clair. Le gendarme français de la concurrence se penche sur un marché s’envergure mondiale qu’est la publicité sur Internet et ses données associées. Il s’agit de « passer au crible un écosystème devenu très complexe » (voir schéma cicontre)
et « où tout le monde se tient » (et n’ose parler), pour employer les termes utilisés par Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, lors d’un point informel le
23 mai. En déclenchant une enquête sectorielle, qui pourrait déboucher au second semestre 2017 sur une enquête anti-trust – voire des « procédures contentieuses » –
si l’avis conclut dans ce sens, les sages de la rue de L’Echelle espèrent que « les langues vont se délier ».
Pour étayer son enquête, l’Autorité de la concurrence va lancer une consultation publique d’ici la fin de cette année – « voire début 2017 ». Car, à se stade, aucune plainte n’a été déposée à l’encontre de Google et de sa filiale DoubleClick pour pratiques anti-concurrentielles, ni contre aucun autre acteur de ce marché de la publicité sur Internet. Seuls des articles de presse font état : soit de « restrictions » décidées par Google, Yahoo, Microsoft, AOL ou encore Facebook pour garder la maîtrise de leurs données publicitaires, soit de « plaintes » de sociétés telles que TubeMogul, spécialisée dans la publicité vidéo, ou AppNexus, acteur mondial de la publicité programmatique, à l’encontre de Google accusé de conflits d’intérêt et de pratiques déloyales. L’Autorité de la concurrence pourrait aussi faire des propositions au gouvernement, afin de faire évoluer la loi « Sapin » de 1993 – imposant la transparence des transactions publicitaires – pour qu’elle s’applique mieux aux nouvelles pratiques de publicité en ligne. Ce qu’avait déjà commencé à faire la loi
« Macron » d’août 2015. @

Services : Internet dépasserait les télécoms en 2025

En fait. Le 18 avril, l’Idate a indiqué sur son blog que le marché mondial des services Internet et télécoms pourrait doubler d’ici 2025 – par rapport à 2015 – pour atteindre les 3.000 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Dans un des
quatre scénarios, les télécoms seront même dépassées par Internet.

En clair. A l’issue de la décennie 2015-2025, et pour la première fois dans l’histoire,
les services Internet pourraient représenter en valeur un marché supérieur à celui des services télécoms. C’est ce qui ressort de l’étude « Digital Economy 2025 » de l’Idate publiée récemment. En effet, dans l’un des quatre scénarios avancés par cet institut, Internet génèrera en 2025 un chiffre affaires supérieur (51 %) à celui des télécoms
(49 %) sur un total de près de 3.000 milliards d’euros au niveau mondial. Ce serait
une première, comparé à aujourd’hui où les télécoms pèsent encore 75 % des 1.500 milliards d’euros générés en 2015 par les services télécoms et Internet. Ce scénario, baptisé « Open », illustre le mieux l’érosion des services télécoms qui afficheront une croissance annuelle moyenne de seulement 2,4 % par rapport aux services Internet bondissant de 15 % par an. Cette nouvelle économie numérique – basée sur l’intermédiation en ligne (moteurs de recherche, publicité en ligne, commerce électronique, …) ou l’agrégation de contenus (vidéo en partage ou à la demande, boutiques d’applications, médias numériques, …) – prendra le pas sur les télécoms
où l’accès constitue la majeure partie des revenus. Ce scénario plausible, où les services Internet deviendront le premier moteur du monde digital, sera favorable notamment au RTB (Real-Time Bidding), le segment de marché hyperdynamique
de la publicité ciblée, ainsi qu’à l’Internet des objets (IoT) et aux nouveaux services
et modèles économiques. Selon cette hypothèse, « le marché Internet est tiré par l’innovation et la concurrence tandis que les télécoms se recentrent sur la connectivité, la distribution et whole-sale, en proposant des services spécialisés », explique Christoph Pennings, directeur d’études, sur le blog de l’Idate le 18 avril (1). Ce scénario « Ouvert » correspond ainsi à une économie numérique dont l’écosystème serait intéropérable, sans couture et ouvert selon trois grandes orientations open access, open innovation et open data.
Même si les trois autres scénarios de l’Idate maintiennent au contraire les services télécoms en première position, à savoir à 54 % dans l’hypothèse « Mall » (plateforme commerciale), 58 % dans « Automated » (automatisation) et 60 % dans « Trust » (confiance), tous confirment que le transfert de valeur des télécoms vers l’Internet s’accélère (2). @

Le smartphone suscite l’intérêt des producteurs TV

En fait. Du 4 au 7 avril s’est tenu à Cannes le 52e Marché international des programmes de télévision (MipTV), organisé par Reed Elsevier qui parle de
« contenus TV & digitaux ». Le téléphone mobile – le plus répandu des écrans audiovisuels, surtout chez les jeunes – suscite de nouvelles stratégies.

En clair. Vivendi a annoncé durant le MipTV le lancement en septembre prochain de séries créées spécialement pour les smartphones. Cette offre, baptisée Studio+, sera constituée de séries de formats courts et d’une application pour mobiles pour les diffuser. C’est Dominique Delport, qui a remplacé Rodolphe Belmer (ex-DG de Canal+) à la présidence de la filiale Vivendi Contents, qui pilote cette initiative tournée vers la jeune génération. Il a précisé que chaque série sera dotée d’un budget de 1 million d’euros, pour dix épisodes de 10 minutes chacun – d’une qualité d’image qui n’a rien
à envier à celle de la télévision. Ces productions, au nombre de près d’une centaine, seront vendues dans le monde entier, en partenariat avec des opérateurs télécoms. Studio+ a déjà à son catalogue des dizaines de séries courtes telles que « Madame Hollywood », « Urban Jungle », « Kill Skills », « Amnesia » ou encore « Blanca ». Vivendi n’est pas le seul groupe de médias à s’intéresser aux smartphones comme écran de films très courtsmétrages. Le groupe américain Vice Media, qui était présent au MIPDigital Fronts dédié aux productions en ligne et aux MCN (1), veut aussi développer des productions originales notamment pour téléphones mobiles et tablettes très prisés des jeunes. Son fondateur Shane Smith va lancer une douzaine de chaînes « Viceland » en Europe. En France, c’est Matthieu Pigasse, vice-président de la banque Lazard en Europe et propriétaire (2) du magazine Les Inrockuptibles, de Radio Nova et d’un tiers du groupe Le Monde, qui assure son lancement à l’automne prochain sur CanalSat.
Autre groupe américain : Viacom, qui détient les studios hollywoodiens Paramount, est lui aussi en quête de nouveaux programmes numériques où le mobile sera bien pris en compte. C’est l’un des nouveaux objectifs de Philippe Dauman, son PDG franco-américain, pour transformer Viacom.
Selon une étude d’Eurodata TV Worldwide, organisme international créé par Médiamétrie, la télévision se regarde de plus en plus sur les autres écrans et en différé. Le smartphone rivalise avec le téléviseur. En France, le téléphone mobile et la tablette progressent depuis 2014, tandis que le téléviseur et l’ordinateur sont stables. Les Français sont désormais plus nombreux à utiliser quotidiennement le téléphone mobile (61,2 %) que l’ordinateur (59,3 %). @

Musique : la vidéo pèse 65 % du streaming en France

En fait. Le 8 mars, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a dressé le bilan du marché français de la musique enregistrée : 426 millions d’euros, en recul de – 7 %, dont 152,3 millions pour les revenus du numérique,
en hausse de + 14,7 %. Le streaming musical est dominé par la vidéo qui
rapporte peu.

En clair. Le nombre de titres consommés en streaming au cours de l’année 2015 en France a atteint la barre des 50 milliards de titres, dont 65 % sont de la musique en vidéo et les 35 % restants de l’audio. C’est ce qu’a révélé le Snep – qui regroupe notamment les majors de la musique (Universal Music, Sony Music et Warner Music) – lors de la présentation de son bilan 2015, en s’appuyant sur les chiffres des plateformes numériques et du cabinet d’étude GfK. Or le Snep constate que si près des deux tiers des titres musicaux streamés sont de la vidéo, celle-ci ne génère que 10 % des 104,2 millions d’euros de revenus totalisés par le streaming dans son ensemble l’an dernier. Autrement dit, le streaming audio représente à peine plus d’un tiers des titres musicaux streamés mais rapporte 90 % des revenus totaux du streaming. « En France, un streamer YouTube rapporte 54 fois moins qu’un abonné à un service audio et 3 fois moins qu’un utilisateur de service audio gratuit », a déploré le directeur général du Snep, Guillaume Leblanc, qui en appelle à une « nécessaire correction du transfert de valeur ». En monnaie sonnante et trébuchante, cela veut dire que le revenu annuel du producteur par utilisateur en 2015 a été de 27 euros par abonnement streaming audio (1), mais seulement de 1,5 euros pour le streaming financé par la publicité, et seulement de 0,5 euro pour le streaming vidéo gratuit.
Assistant à la présentation, Denis Thébaud, PDG de Xandrie et acquéreur fin décembre de Qobuz (2), la plateforme de musique en ligne de haute qualité sonore, a interrogé le Snep sur ce constat : « Sur Qobuz, cela pourrait nous intéresser d’avoir une offre vidéo. Mais j’ai été frappé par la divergence des revenus. Car 54 fois plus, c’est énorme pour le même service (que le streaming audio) mais avec la vidéo en plus. Avec l’image, on se dit que cela devrait être plus cher… ».
Ce à quoi Stéphane Le Tavernier, le président du Snep et directeur général de Sony Music France, lui a répondu : « Pour l’instant, il n’existe pas d’offres vidéo sur les principales plateformes à part YouTube. Mais nous sommes tout à fait ouverts à tout nouveau modèle qui permettrait de continuer à développer l’usage. Si vous avez un bon modèle et techniquement les possibilités d’attirer de la clientèle sur un modèle de vidéo payant, la totalité des producteurs seront ravis d’y participer ». A bon entendeur… @

Guillemot contre Bolloré : bras de fer autour d’Ubisoft et de Gameloft qui veulent garder leur indépendance

Les frères Guillemot à la tête des deux éditeurs français de jeux vidéo Ubisoft et Gameloft – le premier fête ses 30 ans en mars et le second est la cible d’une OPA hostile de la part de Vivendi – ne veulent pas sacrifier leur indépendance. Vincent Bolloré « rampe » pour tenter de prendre le contrôle des deux sociétés.

Pas sûr que le milliardaire et homme d’affaires Vincent Bolloré (photo), président du conseil de surveillance du groupe Vivendi et par ailleurs PDG du conglomérat Bolloré, s’attendait à autant de résistance de la part des cinq frères Guillemot – Yves, Michel, Claude, Gérard et Christian. C’est cinq contre un. Le seul point commun entre euxet leur prédateur, c’est qu’ils sont Bretons d’origine ! Les cinq frères sont originaires de Carentoir, tandis que l’héritier Bolloré est de Cornouaille. Mais ne cherchez pas plus loin, il n’y a pas d’affinités. C’est même plutôt la guerre des Bretons ! Et pour cause, les Guillemot sont très remontés contre Bolloré depuis que ce dernier a lancé Vivendi il y a quatre mois à l’assaut de leur deux groupes : Ubisoft, qui va fêter ses 30 ans en mars 2016, et Gameloft, qui a 17 ans d’âge. Mais Yves Guillemot et Michel Guillemot – PDG respectivement d’Ubisoft et de Gameloft – ne veulent pas passer sous la coupe de Vivendi recentré sur les contenus et les médias. A la tête du troisième groupe mondial de jeux vidéo (derrière Activision Blizzard et Electronic Arts), Yves l’a encore martelé lors de la journée des investisseurs d’Ubisoft qui s’est tenue le 18 février dernier, tout en pensant fortement à son frère Michel chez Gameloft, confronté depuis le 19 février
à une offre publique d’achat (OPA) jugée « hostile » lancée par Vincent Bolloré.