La Commission européenne épingle six sociétés de jeux vidéo, dont le français Focus Home Interactive

Bruxelles menace de sanctionner la société américaine Valve et cinq éditeurs
de jeux vidéo qu’elle distribue sur sa plateforme « Steam » : les japonais Bandai Namco et Capcom, l’allemand Koch Media, l’américain ZeniMax et le français Focus Home. Elle leur reproche de faire du géoblocage en Europe.

Des six sociétés dans le collimateur de la Commissaire européenne, Focus Home Interactive est la seule française. Cet éditeur de jeux vidéo, créé il y a près de 25 ans
et contrôlé par son président du conseil de surveillance Denis Thébaud (photo de gauche), est moins connu que ses plus grands compatriotes Ubisoft ou Gameloft, mais n’en est pas moins apprécié des joueurs pour ses succès (« Blood Bowl », « Farming Simulator », « Space Hulk », « Vampyr », …).

Blocage géographique injustifié
La société Focus Home Interactive, cotée février 2015 en Bourse où elle est valorisée près de 130 millions d’euros (au 18-04-2019), se retrouve donc pris dans les mailles du filet de la Commission européenne avec quatre autres éditeurs de jeux vidéo que sont les japonais Bandai Namco et Capcom, l’allemand Koch Media et l’américain ZeniMax, tous étant distribués par la plus grande plateforme de distribution numérique au monde de jeux vidéo pour ordinateurs, « Steam » – propriété de l’américain Valve, lui aussi épinglé par l’autorité anti-trust à Bruxelles. Contacté par Edition Multimédi@, Denis Thébaud n’a pas souhaité faire de commentaire sur la procédure en cours, nous orientant vers le président du directoire de l’éditeur français de jeux vidéo, l’Allemand Jürgen Goeldner (photo de droite). « Nous prenons note des griefs de la Commission européenne, avec laquelle nous allons continuer à coopérer », nous a répondu ce dernier.
Depuis plus de deux ans, Focus Home et quatre autres éditeurs de jeux vidéo sont, avec Valve qui les distribue, sous le coup d’une enquête (1) sur des soupçons d’ententes illicite et d’abus de position dominante sur le marché unique numérique. Et ce, à la suite d’accords bilatéraux conclus pour empêcher les consommateurs d’acheter et d’utiliser des jeux vidéo sur ordinateurs achetés ailleurs que dans leur pays de résidence. Cette pratique dite de géo-blocage est contraire aux règles concurrentielles de l’Union européenne, surtout depuis qu’un règlement visant à mettre fin au blocage géographique injustifié (2) est entré en vigueur en décembre 2018 (voir encadré page suivante). « Dans un véritable marché unique numérique, les consommateurs européens devraient avoir le droit d’acheter les jeux vidéo de leur choix et d’y jouer quel que soit le pays de l’UE dans lequel ils vivent. Ils ne devraient pas être empêchés de comparer les prix dans les différents États membres afin de trouver la meilleure offre disponible », a rappelé le 5 avril dernier la commissaire européenne en charge de la politique de concurrence, Margrethe Vestager. Valve et les cinq éditeurs de jeux vidéo se seraient mis d’accord pour utiliser des « clés d’activation » géobloquées afin d’empêcher des ventes transfrontières. « Ces clés d’activation sont nécessaires pour permettre aux consommateurs de jouer à plusieurs jeux vidéo sur PC achetés sur d’autres canaux de distribution que Steam, c’est-à-dire à des jeux qu’ils ont téléchargés ou achetés sur des supports physiques, comme des DVD. Après avoir acheté certains jeux vidéo sur PC, les utilisateurs doivent confirmer leur clé d’activation sur Steam pour authentifier le jeu et être à même d’y jouer. Ce système s’applique à de nombreux jeux, notamment des jeux de sports, de simulation et d’action », explique l’exécutif européen. Les consommateurs seraient ainsi empêchés d’acheter des jeux vidéo moins chers dans d’autres Etats membres que le leur, notamment provenant par exemple d’Estonie, de Hongrie, de Lettonie, de Lituanie, de Pologne, de Slovaquie, de Tchéquie ou encore de Roumanie (3). Les cinq éditeurs de jeux vidéo, dont le français Focus Home Interactive, sont en outre soupçonnés d’avoir mis des clauses de restrictions contractuelles à l’exportation dans leurs accords avec plusieurs autres distributeurs que Valve. « Ces distributeurs étaient empêchés de vendre les jeux vidéo sur PC concernés en dehors des territoires qui leur étaient attribués, lesquels pouvaient couvrir un ou plusieurs Etats membres. Ces pratiques pourraient avoir empêché les consommateurs d’acheter des jeux vidéo sur PC vendus par ces distributeurs soit sur des supports physiques, comme des DVD, soit par téléchargement, et d’y jouer », dénonce la Commission européenne.

Les griefs de la Commission européenne
Bruxelles fustige ces pratiques commerciales ayant eu pour effet de cloisonner les marchés nationaux en fonction des frontières nationales et de limiter les ventes passives aux consommateurs. Selon l’exécutif européen, de telles pratiques commerciales ont finalement empêché les consommateurs européens de profiter pleinement des avantages du marché unique numérique après avoir trouvé l’offre la plus attrayante en comparant les prix. Pour Margrethe Vestager, ce sont des accords anticoncurrentiels caractérisés. Les six entreprises suspectées doivent maintenant écrire en retour à la Commission européenne pour exercer leurs droits de la défense. Chaque société peut en outre demander à être entendues par celle-ci ainsi que par les gendarmes nationaux de la concurrence comme l’Autorité de la concurrence en France pour ce qui concerne de Focus Home Interactive.

Focus Home : 10 millions d’euros d’amende ?
A l’issue de quoi, la Commission européenne pourra conclure qu’il existe – ou pas ? – des preuves suffisantes de l’existence d’une infraction et infliger une amende pouvant atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise concernée. Jürgen Goeldner, le patron de Focus Home, nous a indiqué que son chiffre d’affaires avait pour la première fois franchi la barre des 100 millions d’euros – à l’issu de l’exercice 2018/2019 (clos le 31 mars dernier), contre 89,9 millions d’euros sur 2017/2018 (pour un résultat net de 6,4 millions). Il risque donc une amende de
10 millions d’euros. Ce qui n’est pas négligeable pour une telle PME.
Jürgen Goeldner est un vétéran de l’industrie du jeu vidéo, a remplacé il y a un an à cette fonction Cédric Lagarrigue qui avait surpris tout son monde en démissionnant le 6 avril 2018 – et en signant une « clause de non concurrence rémunérée d’une durée de 12 mois » (4) qui se termine ce printemps… Cédric Lagarrigue a cofondé Focus Home Interactive où il a travaillé plus de vingt ans. « Succès après succès, Focus a grandi et est devenu aujourd’hui un acteur reconnu de l’industrie du jeu vidéo au niveau international », avait-il notamment déclaré lors de l’annonce de son départ. La société contrôlée par Denis Thébaud – premier actionnaire avec un total de 38,7 % du capital et détenteur de la majorité des droits de vote (53,5 %) via sa holding personnelle Nabuboto et dans une moindre mesure la société Innelec Multimedia dont il est le PDG fondateur – s’est hissé au troisième rang des éditeurs de jeux vidéo (derrière Ubisoft et Gameloft). Focus Home Interactive a franchi le seuil des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires grâce au succès, entre autres, de son jeu « Vampyr » (studio français DontNod) sorti en juin dernier, et deuxième budget de développement du groupe après « Farming Simulator » (studio suisse Giants Software) qui s’est vendu à quelques millions d’exemplaires en dix ans (le but de ce jeu vidéo est de contrôler et gérer une exploitation agricole). Le nouvel opus « Farming Simulator 19 », sorti en novembre dernier, a lui aussi rencontré son public à travers le monde.
Focus Home Interactive exploite aussi la licence de « Spintires: MudRunner » (studio américain Saber Interactive), ainsi que de « Call of Cthulhu » (studio français Cyanide). D’autres titres ont également été lancés ou vont l’être comme « A Plague Tale: Innocence » (studio français Asobo) dont la sortie est prévue pour le 14 mai prochain, et de nouveaux partenariats avec des studios internationaux sont prévus comme avec l’américain Saber Interactive (licence-phare « MudRunner » et prolongement d’un accord sur la distribution de « World War Z »). L’objectif de Focus Home Interactive, qui vient de présenter ses nouveautés à sa conférence annuelle « What’s Next » les 10 et 11 avril derniers, est de « s’imposer comme l’un des leaders mondiaux sur le marché des jeux AA » – c’est-à-dire dans la catégorie des jeux vidéo dont les budgets de développement et de marketing ne sont pas aussi conséquents que des superproductions « AAA » telles que « Call of Duty » (Activision Blizzard), « Les Sims » (Electronics Arts) ou encore « Assassin’s Creed » (Ubisoft).
Dans son plan stratégique établi il y a moins de six mois, Focus Home Interactive
a néanmoins prévu de « franchir un nouveau pallier pouvant atteindre 15 millions d’euros » pour les budgets de développement des jeux vidéo. Le groupe prévoit d’investir aussi dans les réalités augmentées (AR) et virtuelles (VR) « via des licences avec des partenaires spécialisés », ainsi que dans le mobile. @

Charles de Laubier

Huawei franchit les 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires, envers et contre (presque) tous

La firme de Shenzhen, qui a déjà délogé Apple de la 2e place mondiale des ventes de smartphones, a franchi en 2018 les 100 milliards de dollars de
chiffre d’affaires. Huawei veut maintenant être le n°1, malgré la campagne
de dénigrement orchestrée par les Etats-Unis à son encontre.

Huawei Technologies, fondé par le Chinois Ren Zhengfei (photo) il y a plus de 30 ans, est un géant des télécoms,
dont les smartphones génèrent plus d’un tiers de ses revenus. Conformément à ses prévisions exprimées fin 2018, alors que la campagne sécuritaire engagée à son encontre avait déjà bien débuté, son chiffre d’affaires sur l’année 2018 a dépassé la barre des 100 milliards de dollars, en hausse de 21 % sur un an. Ren Zhengfei a même indiqué le 18 mars (1) que la croissance pour 2019 serait de 15 %.

En France, une loi « anti-Huawei » en vue
Pourtant, jamais une multinationale n’avait eu à subir une telle campagne de suspicion et de dénigrement de la part de plusieurs pays à la fois, la plupart occidentaux – emmenés par un Donald Trump prétextant vouloir sauvegarder la « sécurité nationale » des Etats-Unis et de ses alliés partenaires (2). Le locataire de la Maison-Blanche tente de les dissuader d’acheter à la firme de Shenzhen ses équipements de réseau 5G, lesquels seraient des chevaux de Troie chinois destinés à faire du cyberespionnage à grande échelle via des « backdoor » et au profit du Parti communiste chinois. Le procès d’intention se le dispute au fantasme sécuritaire. Le 7 mars, Huawei a annoncé avoir déposé plainte (3) contre les Etats-Unis pour avoir interdit à ses administrations d’acheter ses équipements télécoms – ce qui serait inconstitutionnel. L’« America
First » est aussi en toile de fond – notamment pour préserver Apple que Huawei a délogé en 2018 de la seconde place mondiale des ventes de smartphones (4). Le 18 mars, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a dénoncé « des pratiques anormales et immorales ».
L’Otan (5) a même prévenu le 13 mars qu’elle cessera toute communication avec l’Europe si l’Allemagne venait à acheter de la 5G chinoise. Le Wall Street Journal avait révélé le 11 mars que l’ambassadeur américain à Berlin, Richard Grenell, homme lige de Donald Trump, avait fait parvenir une lettre au ministre allemand de l’Economie, Peter Altmaier, proche d’Angela Merkel, pour demander à l’Allemagne de ne pas équiper ses réseaux 5G de matériels chinois (6) – sinon il n’y aurait plus d’échanges d’informations sensibles entre les deux pays ! Le Danemark vient d’exclure Huawei au profit d’Ericsson. Le Royaume-Uni et la Norvège sont aussi suspicieux. L’Australie a aussi interdit Huawei et son compatriote ZTE. Comme pour la taxe GAFA, la chancelière allemande craint des représailles sur l’industrie automobile allemande si elle ne donne pas satisfaction à Washington. Elle s’est donc empressée de promettre de « discute[r] avec [ses] partenaires, tant en Europe qu’aux Etats-Unis » de la sécurité avant la construction des réseaux 5G.
Tandis que les eurodéputés adoptaient le 12 mars un règlement sur la cybersécurité (7) participant de cette psychose « anti-Huawei ». En France, la commission des affaires économique de l’Assemblée nationale doit examiner le 3 avril prochain une proposition de loi visant à « préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles » (8). Concrètement, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free seront tenus d’« adresser une demande d’autorisation au Premier ministre », qui « se prononcera dans un délai de deux mois ». Le gouvernement avait déjà tenté d’introduire en février dernier cette mesure dans la loi Pacte, mais les sénateurs l’avaient rejetée en demandant un débat approfondi. Ce régime d’autorisation préalable, s’il devait être adopté, s’appliquerait aux appareils installés à partir du 1er janvier 2019. Sans bien sûr le nommer, le chinois Huawei se retrouverait aussi dans le collimateur de la France.
Pourtant, le groupe de Ren Zhengfei (74 ans) est considéré comme le plus performant en matière d’équipements 5G de qualité. Il avait profité du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone en février pour commencer la contre-attaque et discréditer les accusations jugées sans fondement proférées par les Etats-Unis. L’actuel président tournant de Huawei, Guo Ping, et le président de Huawei pour l’Europe de l’Ouest, Vincent Ping, sont alors montés au créneau – non seulement pour défendre l’intégrité du groupe mais aussi l’innocence de sa directrice financière, Meng Wanzhou, fille du fondateur Ren Zhengfei.

Le fondateur Ren Zhengfei défend sa fille
Meng Wanzhou (47 ans) a été arrêtée en décembre au Canada à la demande du département de la justice américaine (DoJ) et inculpée depuis janvier de violation des sanctions contre l’Iran. Sa comparution pour une éventuelle extradition est prévue le 8 mai à Vancouver. Son père a qualifié de « politique » cette arrestation « sans preuve ». Le 8 mars, la Chine a apporté son soutien à la firme de Shenzhen. @

Charles de Laubier

Livre numérique en France : chiffres paradoxaux

En fait. Le 18 mars, le 39e Salon du livre de Paris, organisé par le Syndicat national de l’édition (SNE), a refermé ses portes au bout de quatre jours de fréquentation en baisse (- 2 %). Le marché de l’édition est aussi en recul en 2018, selon GfK, sauf pour les livres numériques.

Le marché mondial des smartphones baisse pour la première fois : mauvais présage pour la 5G

Entre – 3 % et – 5 %. C’est la baisse des ventes mondiales de smartphones en 2018 par rapport à l’année précédente. Du jamais vu sur ce marché high-tech habitué à des croissances annuelles depuis dix ans. Ce coup frein n’est pas de bon augure pour la future 5G, laquelle promet monts et merveilles à Barcelone.

« Nous pensons que plusieurs facteurs entrent en jeu ici, notamment l’allongement des cycles de renouvellement, l’augmentation des taux de pénétration sur de nombreux grands marchés, l’incertitude politique et économique, ainsi que la frustration croissante des consommateurs face à la hausse continue des prix », avance Ryan Reith (photo de gauche), analyste au sein du cabinet d’études IDC. La grandmesse internationale du mobile à Barcelone, du 25 au 28 février, ne sera pas vraiment à la fête.

La 5G va arriver au pire moment
Ce coup de froid sur les smartphones intervient alors que la 5G s’annonce déjà pour 2020 au plus tôt (1), sans que l’on sache encore vraiment si les consommateurs mobinautes seront demandeurs et surtout prêts à payer encore plus cher leur objet fétiche lesté d’un forfait très haut débit plus coûteux lui aussi. « Nous nous attendons
à ce que ces nouveaux appareils [5G] augmentent les prix de vente moyens, car de nouveaux écrans, des micro-processeurs et des systèmes radio feront monter le prix
de la nomenclature des équipements, ou BOM (2), ce qui se traduira par des prix plus élevés pour les consommateurs. Pour lutter contre cela, les opérateurs mobile et les distributeurs devront maximiser le plus possible les offres de reprise des anciens smartphones comme une forme de subvention, afin de favoriser les mises à niveau
tout au long de 2019 », prévient Ryan Reith.
Le coût de plus en plus élevé des smartphones pour les consommateurs explique donc en bonne partie l’amorce d’un déclin de ce marché mondial. Tout le monde ne peut pas s’offrir un modèle à 1.000 dollars ou 1.000 euros ! Selon les cabinets d’études, la baisse historique de 2018 par rapport à 2017 est de -3 % (GfK), -4 % (IDC) ou -5 % (Canalys). Pour autant, les smartphones constituent toujours aujourd’hui un marché
de masse qui atteint tout de même 1,4 milliard d’unités vendues sur l’année 2018. Mais le pic des ventes des téléphones intelligents a été atteint en 2017 (malgré une baisse de -0,5 %) et pourrait être le dernier record, tandis que le marché des tablettes – bien moins important en taille avec à peine plus de 150 millions d’unités vendues – avait affiché son plus haut niveau en 2013 (3). « Ce n’est pas un choc pour les fabricants
de smartphones de savoir que le marché a dépassé son plus haut niveau. Les consommateurs gardent en fait leur mobile aussi longtemps que l’innovation des appareils ralentit », assure Benjamin Stanton (photo de droite), analyste chez Canalys. L’effet des écrans agrandis sur les ventes est passé (4). La 5G est encore loin pour le grand public, même si Barcelone donne l’illusion qu’elle est déjà là. Et les écrans pliables – tels que celui du Galaxy F (Galaxy Fold), dont le prototype a été présenté par Samsung le 20 février en vue d’une commercialisation prévue avant la fin du premier semestre – suffiront-ils à re-séduire les mobinautes devenus plus économes ? Sans vraie innovation, sans faire flamber les prix, pas de second souffle. Les marchés dits “développés” (les plus riches) sont saturés, comme l’a démontré le Pew Research Center sur les usages.
Les seuls pays qui enregistrent encore une croissance de leur marché des smartphones – Inde, Indonésie, Corée, Vietnam ou encore Russie – n’ont pas compensé le déclin de la Chine, laquelle pèse à elle seule environ un tiers du marché mondial des smartphones. L’Empire du Milieu fait face à un ralentissement de son marché intérieur, ce qui tire vers le bas les ventes mondiales. De plus, la bataille géopolitique entre les Etats-Unis et la Chine contribue au ralentissement du marché mondial des smartphones. Huawei, justement, est le premier challenger d’Apple (5) :
il y a un an, la firme de de Shenzhen avait détrôné pour la première fois la marque américaine à la pomme de la seconde place mondiale des fabricants de smartphones (6). Bien qu’Apple ait repris, pour l’instant, cette deuxième marche du podium, Huawei (14,8% de parts de marché en 2018 selon Canalys, 14,7 % selon IDC) talonne le fabricant d’iPhone (15,3 % selon Canalys, 14,9% selon IDC). Toujours numéro un mondial des smartphones, le sud-coréen Samsung (21,2 % selon Canalys, 20,8 % selon IDC) vient de réorganiser sa division « smartphone » pour mieux conforter sa première place en 2019 face aux assauts des chinois Huawei, Oppo, Vivo et Xiaomi.

Le plus dur reste à venir
Onze ans après le lancement du premier iPhone, la révolution du tout petit écran est terminée – du moins est-ce la fin d’un premier cycle d’innovations à portée de main.
Au niveau mondial, l’année 2018 a dépassé la barre des 3 milliards d’utilisateurs de smartphone. Selon Forrester Research, poursuivre au-delà sera désormais plus difficile. @

Charles de Laubier

Après avoir détrôné Apple comme n°2 mondial des smartphones, Huawei convoite la place de n°1

Huawei Technologies, fondé par Ren Zhengfei il y a plus de 30 ans, est un géant des télécoms : 78 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017 et 6 milliards de bénéfice net. La firme de Shenzhen vise la place de n°1 des ventes mondiales de smartphones, lesquels pèsent pour un tiers de ses activités.

Ce fut un tournant historique
au premier semestre 2018 : l’américain Apple a cédé sa place de numéro deux mondial des smartphones au chinois Huawei. Son président du conseil d’administration, Liang Hua alias Howard Liang (photo de droite)
a de quoi être fière de Yu Chengdong alias Richard Yu (photo de gauche),
le directeur général de l’une des trois entités du groupe, Huawei Consumer Business Group, fabricant de smartphones, de tablettes, d’ordinateurs et wearables (montres et bracelets connectés).

Dépasser Samsung avec l’IA mobile ?
Selon le cabinet d’étude Gartner, Huawei a dépassé Apple au second trimestre 2018 en s’arrogeant 13,3 % de parts de marché des ventes de smartphones dans le monde, contre 11,9 % pour Apple relégué à la troisième place. C’est sans précédent. Le sud-coréen Samsung, lui, reste en tête des ventes mondiales avec 19,3% du marché. En un an, ce podium à trois marches a changé puisque Huawei était encore nettement troisième au second trimestre 2017 avec 9,8 % de parts de marché, devancé alors par Apple et ses 12,1 %, lui-même largement devancé par Samsung caracolant en tête avec 22,6 %. Un autre chinois fabricant de smartphones, Xiaomi, est lui aussi en pleine progression, passé en un an également de 5,8 % à 8,8 % de parts de marché (voir tableau ci-dessous). Chez IDC, autre cabinet d’étude, même constat. Avant que la firme de Cupertino (Californie) ne présente le 12 septembre aux Etats-Unis ses nouveaux m o d è l e s d’iPhone, celle de Shenzhen (Guangdong) a présenté ses séries P et Mate en Europe lors de l’IFA à Berlin – dont le Mate 20 attendu pour le 16 octobre. Richard Yu en a profité pour dévoiler son microprocesseur maison pour mobile, le Kirin 980, qui pourrait propulser à terme Huawei sur la plus haute marche du podium mondial des fabricants de smartphones. « Le Kirin 980 est le moteur ultime qui alimentera les applications de productivité et de divertissement de nouvelle génération. Il permet des délais de lancement des applications plus courts, et une meilleure expérience multi-tâches et, dans l’ensemble, une expérience utilisateur plus harmonieuse, des expériences de jeu [vidéo] incomparables et la meilleure expérience photographique avec un smartphone », a déclaré le directeur général lors de son discours inaugural de l’IFA, tout en vantant les mérites de sa nouvelle puce « qui entraînera la prochaine évolution de l’IA mobile ». Sur cette puce – conçue pour mettre de l’intelligence artificielle (IA) dans les smartphones et fabriquée par le taïwanais TSMC (1) – sont gravés sur 7 nanomètres (nm) 6,9 milliards de transistors dans la taille d’un dé d’un centimètre carré, apportant 20 % de la performance et 40 % d’efficacité énergétique en plus par rapport à la technologie de 10 nm. Rien qu’en 2016, le fabricant chinois a consacré pas moins de 11,6 milliards d’euros en R&D, notamment dans l’intelligence artificielle, la 5G et le cloud.
Au Mobile World Congress de Barcelone, en février dernier, Huawei avait d’ailleurs démontré que l’on pouvait entièrement piloter un véhicule par l’IA mobile contenue dans un smartphone haut de gamme (le Mate 10 Pro) ! Le Mat est à Huawei ce que le Galaxy est à Samsung et l’iPhone à Apple.
Le chinois compte bien continuer à jouer les trouble-fête dans les smartphones, en cherchant à déloger Samsung de son piédestal. « Il est possible que nous soyons numéro un au quatrième trimestre 2019 », a lancé Richard Yu le 7 août dernier. Cela passera par du haut de gamme, où la tendance est aux écrans plus grands et affinés jusque sur les bords (2).
Ses mobiles – séries P et Mate, ainsi que Honor (smartphones de la filiale éponyme créée en 2013, vendus principalement en ligne) – sont dotés du système d’exploitation Emui, basé sur Android de Google. Aux Etats-Unis, Huawei a demandé cet été à la Federal Trade Commission (FTC) la levée des restrictions imposés par Donald Trump aux équipementiers télécoms chinois. En France, SFR teste des équipements 5G de Huawei depuis le mois de mai – en attendant les premiers Huawei 5G dès 2019. @

Charles de Laubier