Music like smoke

Je suis dans le noir, au milieu d’une grande salle, entouré de centaines de personnes. Nous sommes en 2020 et nous écoutons ensemble un groupe de musique pop. A l’heure de la musique numérique triomphante, le concert, le spectacle, la performance ont acquis de nouvelles lettres de noblesse, en redevenant ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être : le moment magique où un artiste rencontre son public en même temps qu’une source de revenus majeure. Un retour vers le passé ? A la fin d’un XVIIIe siècle, époque où un Mozart, épris de liberté, multipliait les concerts pour vivre de son art tout en s’affranchissant de sa condition servile ? Pas vraiment, même si aujourd’hui comme hier, la scène reste au coeur du processus de diffusion de la musique et si on peut s’amuser à comparer les mécènes de l’époque aux majors du XXe siècle qui ont peu à peu perdu leur mainmise sur les créateurs. La différence, et elle est d’importance, tient à la manière dont la musique est distribuée aujourd’hui.

« “Music like water” : cette métaphore, qui conduit tout droit au concept de licence globale, s’est effectivement peu à peu imposée, mais pas de manière hégémonique. »

Le livre numérique cherche sa plateforme unique

En fait. Le 30 septembre, le ministre de la Culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, s’est prononcé – au Centre national du livre – en faveur de la création d’une « plateforme unique d’accès à l’offre numérique en matière de livre » qui « devra réunir les éditeurs français ».

En clair. Le gouvernement fait de cette future « plateforme unique » de téléchargement de livres numériques un « projet stratégique » qui permettra la création d’une offre alternative à Google. « Je veillerai particulièrement à l’accompagnement que mes services pourront apporter pour faire aboutir ce projet », avait insisté le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, auprès des professionnels réunis au Centre national du livre. Mais le géant américain du Net dispose d’une longueur d’avance dans la numérisation des livres : 500.000 titres disponibles dès le « premier semestre 2010 », au moment où sa bibliothèque en ligne Google Editions sera lancée en Europe (1). Autre géant du Net, l’américain Amazon est le seul rival sérieux avec son Kindle Store offrant déjà plus de 200.000 titres numériques. Si la France ne veut pas qu’un duopole ne s’installe durablement, les éditeurs français sont appelés à faire bloc en proposant au grand public une alternative crédible. Il ne s’agit pas de répéter les mêmes erreurs que l’industrie du disque, laquelle n’avait pas proposé rapidement d’offre légale. Car le gouvernement veut aussi « éviter la dérive vers le piratage ». Mais pour l’heure, plusieurs grandes maisons d’édition sont déjà parties en ordre dispersé. Le numéro 1 français de l’édition, Hachette Livre, a racheté en 2008 la société Numilog à l’origine de la première plateforme de ce type en France avec environ 60.000 titres téléchargeables aujourd’hui. Hachette Livre chercherait à fédérer autour de lui les autres maisons – quitte à leur proposer d’entrer dans son capital –, mais sans succès jusque-là. Le deuxième éditeur français, Editis, entend lui aussi rassembler autour de sa E-Plateforme lancée le 9 octobre dernier avec déjà une centaine de maisons ou groupes d’édition : Michelin, Michel Lafon, Média-Participations ou encore le canadien Quebecor Média, sans oublier l’espagnol Planeta (la maison mère d’Editis). Quant au groupe La Martinière, qui attend pour le 18 décembre le jugement dans son procès pour contrefaçon contre Google, il a formé un triumvirat avec les éditions Gallimard et Flammarion autour de sa plateforme baptisée Eden-Livre (2). Mais pour mettre d’accord tout son monde, Frédéric Mitterrand va réformer la loi « Lang » sur le livre pour que l’ebook bénéficie aussi du prix unique et d’une TVA à 5,5 %. @