Michel Barnier, commissaire européen : « Le droit d’auteur doit s’adapter à Internet »

L’année 2014 sera décisive pour la Commission européenne en matière d’adaptation du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle à l’ère du numérique. Michel Barnier, commissaire en charge du Marché intérieur et des Services, fait le point sur les réformes législatives en cours.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Michel BarnierEdition Multimédi@ : Le Parlement européen a adopté, en séance plénière le 4 février 2014, la nouvelle directive Gestion collective. En quoi va-telle améliorer l’offre de la musique en ligne en Europe ?
Michel Barnier :
Les ventes de musique en ligne en Europe sont passées de 200 millions d’euros en 2004 à 1,2 milliard en 2012.
Ce secteur évolue donc très vite. Notre cadre juridique doit aussi s’adapter pour vivre avec son temps, celui du marché intérieur et d’Internet. Un domaine où il était nécessaire d’agir est la gestion collective que nous avons voulue simplifier et rendre plus transparente.
Il existe plus de 100 sociétés de gestion collective en Europe qui jouent un rôle primordial. Certaines d’entre elles ont eu du mal à s’adapter aux contraintes de la gestion de droits pour l’exploitation en ligne ou transfrontières. La directive européenne prévoit des règles qui faciliteront la concession de licences multi-territoriales et l’agrégation des répertoires de plusieurs sociétés de gestion.
Cela veut dire concrètement que les prestataires de services sur Internet pourront obtenir plus facilement les licences nécessaires à la diffusion de musique en ligne provenant de toute l’Union européenne, et même d’au-delà. Les consommateurs, eux, auront accès à un répertoire plus grand. Ils connaissent aujourd’hui souvent Deezer ou Spotify, mais d’autres entreprises, des PME par exemple, bénéficieront aussi de ces règles pour développer leur offre ou de nouveaux services numériques.

L’Arcep ne comprend pas du tout le coup de blues des opérateurs télécoms européens

A grand renfort d’études (ADL, Greenwich, Roland Berger, Idate, …), les opérateurs télécoms ne cessent de se plaindre sur leur sort en Europe : déclin des revenus, moindre marge, sur-fiscalité, surréglementation face aux géants du Net ou sur-concurrence. Mais nouveauté : l’Arcep les contredit.

Par Charles de Laubier

JLSLa Fédération française des télécoms (FFTélécoms), qui représente la plupart des opérateurs de l’Hexagone hormis Free et Numericable, a de nouveau dénoncé le 28 novembre dernier « de très fortes pressions » auxquelles sont soumis ses membres – Orange, SFR et Bouygues Telecom en tête – en s’appuyant sur une troisième étude d’Arthur D. Little (ADL) sur l’économie
du secteur. Leur message est amplifié auprès de la Commission européenne en pleine révision du « Paquet télécom » (1).

Marché unique numérique : Neelie Kroes présentera le 11 septembre le nouveau « Paquet télécom »

La fragmentation du marché des télécoms en Europe, que cela soit dans ses pratiques tarifaires ou dans ses régulations encore trop nationales, nécessite des remèdes qui plairont moins aux opérateurs télécoms qu’aux consommateurs européens.

(Depuis la publication de cet article dans EM@84, la Commission européenne a présenté le 11 septembre 2013 son projet pour un marché unique des télécoms)

Libre-échange : les craintes sur l’exception culturelle n’interdisent pas de s’interroger sur les quotas

Les acteurs du monde culturel sont sur le pied de guerre dans l’attente du 14 juin prochain, date à laquelle le Conseil de l’Union européenne examinera le projet de mandat transmis par la Commission européenne en vue de négocier avec les Etats-Unis un accord de libre-échange.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée et Laurent Teyssandier, avocat, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Christiane Féral-Schuhl est Bâtonnier du barreau de Paris.

La radio est à la musique ce que la salle est au cinéma

En fait. Le 23 mai, le Snep – qui représente notamment les majors de la musique – a publié les chiffres du marché de la musique enregistrée au premier trimestre 2012 : numérique + 24 % à 32,6 millions d’euros, physique – 13 % à 83,1 millions. Un satisfecit décerné à l’Hadopi. Un blâme adressé aux radios.

En clair. Si les radios restent encore les privilégiées en tant que « première fenêtre » de diffusion des nouveautés musicales produites par la filière, elles ne satisfont pas du tout les producteurs de musique. En dressant l’état du marché français de la musique enregistrée pour le premier trimestre, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) en a profité pour reprocher aux radios de ne pas suffisamment diffuser de nouveautés francophones. « La situation est alarmiste et nous allons interpeller les pouvoirs publics sur le fait que 7 % des titres envoyés aux radios représentent les trois-quarts de leurs diffusions. Il y a matraquage au détriment de la diversité musicale », déplore David El Sayegh, directeur général du Snep. Pour le syndicat des majors du disque (1), le CSA (2) n’y remédie pas. « Cette absence de diversité nous tue autant que la piraterie. (…) Il faut une modification législative », lance-t-il (3). Quant au président du Snep, Denis Ladegaillerie, par ailleurs directeur général du label Believe Digital, il rappelle que « la radio est le premier média de prescription pour la musique » et que « si un titre est diffusé à la radio, ses ventes augmentent aussi sur Internet ». Est-ce à dire que les producteurs de musique continuent à trop privilégier la radio pour la diffusion de leurs nouveautés au détriment d’autres médias comme le Web ? Autrement dit : la radio est-elle à la musique ce que la salle est au cinéma ? « S’il y a chronologie des médias dans la musique, la durée de diffusion d’un titre à la radio est de plus en plus courte : un mois environ, pas plus », répond David El Sayegh à Edition Multimédi@. Alors que pour les films, la première de diffusion est de quatre mois pour les salles de cinéma. « J’aimerais bien que YouTube lance des titres nouveaux comme le font les radios, mais YouTube veut rester un hébergeur et non pas devenir éditeur [avec les responsabilité plus lourde que cela comporte vis-à-vis du piratage, ndlr] », regrette pour sa part Denis Ladegaillerie. Sur le Net, il n’y a d’ailleurs pas de quotas de diffusion (lire EM@56, p. 3). Le Snep espère en tout cas que la radio numérique terrestre (RNT), pour laquelle il se dit favorable, « ouvrira la voie à la diversité ». Or les grandes radios (4) n’en veulent pas. Décidément, le torchon brûle entre les majors et les grandes stations… @