Pourquoi Deezer s’en remet à la Bourse de Paris pour faire le poids face à Spotify et Apple

Fondé en août 2007 par Daniel Marhely et Jonathan Benassaya, Deezer est devenu en huit ans une plateforme de streaming musical avec 6,3 millions d’abonnés, dont la moitié en France. La domination de Spotify et l’arrivée d’Apple Music poussent en Bourse l’entreprise française, non rentable mais cofinancée par le milliardaire russo-britannique Leonard Blavatnik.

Leonard BlabatnikLe premier actionnaire de Deezer n’est autre que le milliardaire russo-britannique Leonard Blavatnik (photo), la plus grosse fortune de Grande-Bretagne avec un patrimoine estimé à 18 milliards d’euros.
Né à Odessa en Ukraine et ressortissant des États-Unis, il détient à ce jour – via sa holding personnelle Access Industries – 26,9 % du capital dilué (36,7 % avant dilution) de la société française Odyssey Music Group qui s’est rebaptisée Deezer le 4 septembre dernier pour prendre le nom de sa célèbre plateforme musicale éditée jusqu’alors par sa filiale Blogmusik.
C’est dans cette dernière que les majors mondiales de la musique détenaient chacune des bons de souscription d’action (BSA) ou warrants, qui leur donnaient accès à des actions de son capital. En faisant jouer leur option dans la perspective de l’introduction en Bourse prévue à la fin de cette année, Universal Music, EMI (racheté fin 2011 par la précédente), Sony Music, Warner Music et détiennent à elles quatre plus de 20 % du capital dilué de Deezer, avec pour l’instant respectivement (1) : 5,88 %, 1,89 %, 3,79 % et 3,79 %.

Majors et Orange : risques de conflits d’intérêt
Les quatre majors qui ne font plus que trois constituent donc ensemble le deuxième actionnaire de future entreprise cotée, derrière l’investisseur Leonard Blavatnik, mais devant Orange et ses 10,6 % (14,5 % avant dilution). Les trois labels mondiaux représentent environ 13 % du catalogue musical de Deezer qui compte plus de 35 millions de titres au total, « mais approximativement 67 % des contenus streamés sur sa plateforme ».
Son offre est donc largement dépendante des musiques fournies sous licence par les trois majors, qui ont en plus un intérêt capitalistique direct à ce que cela rapporte. D’autant que Deezer, comme les autres plateformes musicales, doit leur payer à l’avance des « minimums garantis » (MG), lesquels peuvent s’avérer plus élevés que les revenus de la plateforme.
A noter que la holding du milliardaire et philanthrope d’origine soviétique, Access Industries, détient Warner Music depuis 2011 après avoir acquis la major américaine pour plus de 3milliards de dollars. Pour prévenir tout conflit d’intérêt, Guillaume d’Hauteville – vice-président d’Access Industries et directeur chez Deezer depuis 2012 – s’est engagé à ne pas obtenir les détails des accords commerciaux avec les autres majors.
De même, Pierre Louette – directeur général adjoint d’Orange et directeur chez Deezer depuis 2015 – est tenu lui aussi de ne pas avoir connaissance des contrats passés avec d’autres opérateurs télécoms (2).
Parmi les actionnaires suivants, l’on retrouve notamment DC Music (9,5 %) des frères Rosenblum (fondateurs de Pixmania), Idinvest Partners (9,45 %) soutenu par les groupes Allianz et Lagardère, ou encore Xavier Niel (3,6 %). Malgré une levée de fonds de quelque 70 millions d’euros en 2012, Deezer n’a pas pu se lancer de façon indépendante à la nécessaire conquête des Etats-Unis où était déjà implanté son concurrent suédois Spotify. Plus généralement, la plateforme française n’a pas eu
les reins assez solides financièrement pour assurer son expansion internationale.
A la demande des majors actionnaires, Deezer a dû rapidement développer les abonnements – 6,3 millions à ce jour (3) – au détriment de la gratuité financée par la publicité qui ne rapportait pas assez. C’est en août 2010 que le partenariat est noué avec Orange pour proposer un bundle entre ses forfaits fixe ou mobile, accord qui a
été l’année suivante étendu au Royaume-Uni. D’autres partenariats avec d’autres opérateurs télécoms ont suivi, en Belgique, Autriche, Pays- Bas, Hongrie, Pologne, Serbie, Amérique du Sud, Afrique, Moyen-Orient et Asie. Sans parler des offres faites avec des fabricants d’appareils high-tech grand public tels que Sonos, Bose, Bang & Olufsen, Devialet, Philips, LG, Panasonic, Parrot, Sony, Samsung, Toshiba, voire avec des constructeurs automobiles comme BMW et Audi.

Moins dépendant d’Orange
En raison de ce déploiement en dehors de France, le chiffre d’affaires généré par Orange a décru en proportion : de 56 % du total des revenus en 2012 à moins de 25 % actuellement. Mais la France pèse encore plus de la moitié des revenus de Deezer (52,3 % des 141,9 millions d’euros de 2014), suivie par le reste de l’Europe (28,7 %), l’Amérique Latine (15,1 %) et de manière anecdotique les Etats-Unis (0,2 %). Et la plateforme musicale n’a jamais généré de bénéfices. Ses pertes nettes se succèdent
et se ressemblent d’une année sur l’autre : 27,1 millions d’euros en 2014, 22 millions
en 2013 ou encore 28,8 millions en 2012. Toutes proportions gardées, Spotify ne fait guerre mieux. @

Charles de Laubier

Les majors de la musique dénoncent plus que jamais le « transfert de valeur » du streaming gratuit

Les trois majors de la musique – Universal Music, Sony Music et Warner Music
– se félicitent de la croissance du streaming par abonnement mais continuent
de dénoncer un « transfert de valeur » vers le streaming gratuit, au profit de YouTube notamment. En attendant le rapport Schwartz…

Alors qu’il s’est entretenu le 7 septembre avec Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, Marc Schwartz nous confirme qu’il rendra bien le 30 septembre son rapport final sur le partage de la valeur dans la musique en ligne. Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) espère, lui, qu’il sera entendu. Son directeur général, Guillaume Leblanc (photo), a encore rappelé – dans l’édito du rapport annuel sur la production musicale publié fin juin – que « la correction du transfert de valeur est plus que jamais nécessaire pour faire en sorte que quelques grands acteurs puissent rémunérer justement la création et cessent enfin de se considérer comme de simples hébergeurs ».

Haro sur les « hébergeurs » de type YouTube
Il en veut pour preuve la différence entre les sommes versées aux ayants droits de la musique par des services en ligne, tels que Deezer et Spotify, et celles acquittées par certaines plateformes comme YouTube. Explication : les services d’abonnement streaming – avec 41 millions d’abonnés payants et plus de 100 millions d’utilisateurs actifs sur leurs offres gratuites au niveau mondial – ont versé plus de 1,6 milliard de dollars aux maisons de disques en 2014. En revanche, le revenu total des maisons de disques provenant des plateformes telles que YouTube, lequel revendique à lui seul plus de 1 milliard d’utilisateurs uniques mensuels, s’est élevé à 641 millions de dollars, soit moins de la moitié du chiffre d’affaires réalisé avec les services d’abonnements.
« Ce fossé est à l’origine du transfert de valeur », affirme le Snep qui présente cela comme « une anomalie à corriger ». Le streaming musical gratuit financé par la publicité, bien qu’en légère diminution de 2,6 % sur un an à 13,5 millions d’euros sur les sept premiers mois de l’année, est ainsi dans le collimateur des majors en raison de revenus beaucoup plus faibles. Alors que, d’après Médiamétrie, l’audience de YouTube continue de progresser en France pour atteindre 30,8 millions de visiteurs uniques (+ 4 % en juin). Le Snep s’est en tout cas félicité le 8 septembre dernier des « bonnes performances » du streaming sur le marché français de la musique. A fin juillet 2015, le marché du streaming – en progression de 42,7 % à 58,6 millions d’euros (sur les sept premiers mois de l’année) – réalise les deux tiers des revenus numériques et 28,2 % du marché global, lequel atteint sur cette période de sept mois 207,3 millions d’euros de chiffre d’affaires (1). Les revenus issus du streaming représentent désormais la moitié du chiffre d’affaires des ventes physiques en France.

Mais le syndicat qui représente notamment les intérêts des trois majors mondiales
du disque (Universal Music, Sony Music et Warner Music) regrette que « la forte croissance du streaming ne permet cependant pas encore de compenser la baisse des ventes de supports physiques (-18 %) et celle des ventes en téléchargement (-15 %), l’ensemble du marché étant en baisse de 6,2%». Le lancement d’Apple Music, la version streaming d’iTunes jusqu’alors limité au téléchargement, devrait accélérer la croissance de la musique en ligne. Reste à savoir si le « fossé » que dénonce le Snep continuera ou pas de se creusera avec la marque à la pomme. La médiation de Marc Schwartz menée depuis le mois de mai devrait tenter de clarifier le partage de la valeur entre les producteurs de musique et les plateformes numériques (2). S’il n’y avait pas d’accord interprofessionnel à l’issue de cette médiation fin septembre, notamment sur l’instauration d’une gestion collective des droits numériques, la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, a déjà prévenu qu’elle en passerait par la loi « Liberté de création, architecture et patrimoine ». Quoi qu’il en soit, les majors de la musique misent plus sur les abonnements, qui représentent à ce stade un peu plus de 75 % des revenus du streaming et plus de la moitié des revenus numériques (voir graphique ci-dessous). « La part des abonnements au sein du chiffre d’affaires a donc doublé en un an », s’est félicité le Snep. @

Charles de Laubier

Vivendi : dernière ligne droite avant la scission en juin

En fait. Le 25 février, Vivendi a présenté ses résultats 2013 : 22,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires (- 2 %) et bénéfice net de 1,9 milliard (+ 1.000 % liés à la plus-value de la vente d’Activision Blizzard). Le groupe s’apprête à se séparer de SFR pour se recentrer sur les médias et les contenus.

Stéphane Le Tavernier, Snep : « 2013 a fait du bien »

En fait. Le 3 février, Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a publié lors du Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem), qui s’est tenu à Cannes, les chiffres 2013 du marché français : 493,2 millions d’euros
(+ 0,9 %), dont 125,8 millions en ventes numériques (+ 0,6 %).

Daft Punk gère directement ses droits numériques

En fait. Le 27 janvier, le groupe français de musique électronique Daft Punk a remporté cinq trophées lors des 56e Grammy Awards – notamment « meilleur album de l’année » et « meilleur enregistrement de l’année ». Tout sourit au duo,
y compris depuis qu’ils ont enterré la hache de guerre avec la Sacem.