Pascal Nègre et les erreurs de la musique face au Net

En fait. Le 18 février, Vivendi annonce le remplacement de Pascal Nègre à la direction générale d’Universal Music France – poste qu’il occupait depuis dix-huit ans. Figure emblématique de la musique en France, il incarne aussi le comportement défensif de la filière face au numérique et ses erreurs aussi.

En clair. Pascal Nègre était devenu une icône intouchable de l’industrie musicale en France. Après avoir débuté dans les radios libres au début des années 1980, puis être passé par la maison de disque BMG, il était entré chez Columbia que le groupe CBS vendra à Polygram dont il deviendra président. Jusqu’à ce que Polygram soit racheté à son tour par Universal Music France dont il deviendra PDG en 1998 (1).
Trois ans avant de prendre cette fonction qu’il gardera jusqu’à son éviction le 18 février dernier, il fut élu (en 1995 donc) président de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), bras armé dans la gestion collective des droits d’auteur pour le compte notamment des majors de la musique en France réunies au sein du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), dont il fut également président en 2000.
La SCPP fait partie des cinq organisations – avec la Sacem, la SPPF, la SDRM et l’Alpa – a avoir obtenu en juin 2010 l’aval de la Cnil pour pouvoir activer les « radars TMG » sur le Net (2) (*) (**) afin de traquer les présumés pirates sur les réseaux peer-to-peer et les « déférer » devant l’Hadopi et ou devant la justice pour contrefaçon. Pascal Nègre fut un ardent défenseur de la répression sur Internet contre les pirates de la musique en ligne. Proche de Nicolas Sarkozy, lequel a signé en novembre 2007 les accords dits « de l’Elysée » qui ont abouti par la suite à la création de l’Hadopi, il a milité pour le filtrage sur Internet. « Je suis l’empêcheur de pirater en rond », écritil lors de la parution chez Fayard en 2010 de son livre « Sans contrefaçon » (3). Durant toute la première décennie pendant laquelle l’industrie musicale en France passera plus de temps à courir après les pirates du Net qu’à adapter son modèle économique aux nouveaux usages numériques, il mènera bataille contre la gratuité de la musique sur Internet. Universal Music n’a d’ailleurs jamais cessé de faire pression sur Spotify et Deezer (4) pour que ces derniers limitent la gratuité afin de privilégier le payant. « Le modèle de départ de Deezer, qui était financé uniquement par la publicité, n’avait aucun sens », affirmait-il encore en 2014. C’est aussi la décennie où la filière musicale appliquent des conditions draconiennes aux plateformes numériques, poussant certaines à déclarer forfait (Jiwa, AlloMusic, …), sans parler du fait que Deezer a dû s’adosser à Orange pour survivre. @

Mis au pilori par Adele et d’autres musiciens, le streaming est plus que jamais controversé

Adele a refusé que son nouvel album « 25 » soit sur les plateformes de streaming musical (Spotify, Deezer, Tidal, Apple Music, …). Cela ne l’a pas empêché de battre un record de ventes, tant physique (CD) que numérique (téléchargement). Un événement que l’industrie de la musique devrait méditer…

L’album « 25 » de la chanteuse britannique Adele (photo) a battu l’an dernier le record de ventes aux Etats- Unis : 7,44 millions d’exemplaires, détrônant l’album « Confessions » du chanteur américain Usher vendu il y a plus de dix ans à 7,98 millions d’exemplaires (1). Mes l’engouement pour le dernier opus d’Adele, publié en novembre 2015 avec le titrephare « Hello », devrait se poursuivre sur sa lancée
en 2016 – avec une tournée passant par Paris les 9 et 10 juin prochains – et conforter ainsi sa place de numéro un.

Médiamétrie précise cependant que « les streamers
gratuits et payants ne privilégient pas les mêmes
écrans : si les streamers gratuits ont des niveaux
d’utilisation des écrans assez similaires à ceux de
l’ensemble des streamers, en revanche, du côté des
payants, le mobile (56 %) passe d’une courte tête
devant l’ordinateur (54 %) ».

Licence légale étendue aux webradios : bras de fer

En fait. Le 12 janvier, la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) faisait un point en présence de son président Pascal Nègre (Universal Music).
A l’instar du Snep (majors de la musique) et de l’UPFI/SPPF (producteurs indépendants), elle fustige l’extension de la licence légale aux webradios.

En clair. Ce n’est pas gagné pour les milliers de webradios en France : les producteurs de musique – majors (Universal Music/EMI, Sony Music, Warner Music) et indépendants – sont vent debout contre l’extension de la licence légale aux webradios. A travers leurs organisations professionnelles (Snep/SCPP pour les majors et UPFI/SPPF pour les indépendants), ils accusent le gouvernement d’être passé en
force en faisant adopter le 29 septembre 2015 à l’Assemblée nationale un amendement prévoyant – à l’article 6 bis du projet de loi « Liberté de création » – d’appliquer aux radios sur Internet la même « rémunération équitable » que pour les radios de la
bande FM.

Les droits d’auteur dans le monde en 2015 vont franchir la barre des 8 milliards d’euros

Lorsque la puissante Cisac, qui réunit 230 sociétés de gestion collective dans le monde (musique, audiovisuel, livre, …), publiera l’an prochain les perceptions de cette année 2015, elle fêtera ses 90 ans et 8 milliards d’euros de droits perçus – les revenus numériques se rapprochant de 1 milliard.

Selon les estimations de Edition Multimédi@, les revenus numériques des droits d’auteur dans le monde devrait durant cette année 2015 s’approcher encore plus près de 1 milliard d’euros sur le total des perceptions qui franchira, lui, la barre des 8 milliards d’euros. Comme la croissance des revenus du numériques perçus par les 230 sociétés de gestion collective – telles que, pour la France, la Sacem, la SACD, la Scam, ou encore la SGDL – se situe entre 20 % et 30 % par an, il y a fort à parier que les revenus numériques mondiaux des droits d’auteurs des industries culturelles devraient atteindre cette année entre 620 et 670 millions d’euros, contre les 515,7 millions perçus au titre de l’année 2014 (+ 20,2 % sur un an).

Pourquoi Deezer s’en remet à la Bourse de Paris pour faire le poids face à Spotify et Apple

Fondé en août 2007 par Daniel Marhely et Jonathan Benassaya, Deezer est devenu en huit ans une plateforme de streaming musical avec 6,3 millions d’abonnés, dont la moitié en France. La domination de Spotify et l’arrivée d’Apple Music poussent en Bourse l’entreprise française, non rentable mais cofinancée par le milliardaire russo-britannique Leonard Blavatnik.

Leonard BlabatnikLe premier actionnaire de Deezer n’est autre que le milliardaire russo-britannique Leonard Blavatnik (photo), la plus grosse fortune de Grande-Bretagne avec un patrimoine estimé à 18 milliards d’euros.
Né à Odessa en Ukraine et ressortissant des États-Unis, il détient à ce jour – via sa holding personnelle Access Industries – 26,9 % du capital dilué (36,7 % avant dilution) de la société française Odyssey Music Group qui s’est rebaptisée Deezer le 4 septembre dernier pour prendre le nom de sa célèbre plateforme musicale éditée jusqu’alors par sa filiale Blogmusik.
C’est dans cette dernière que les majors mondiales de la musique détenaient chacune des bons de souscription d’action (BSA) ou warrants, qui leur donnaient accès à des actions de son capital. En faisant jouer leur option dans la perspective de l’introduction en Bourse prévue à la fin de cette année, Universal Music, EMI (racheté fin 2011 par la précédente), Sony Music, Warner Music et détiennent à elles quatre plus de 20 % du capital dilué de Deezer, avec pour l’instant respectivement (1) : 5,88 %, 1,89 %, 3,79 % et 3,79 %.