Après le rejet de trois amendements taxant à 1,5 % le streaming musical pour financer le CNM, place à la mission « Bargeton »

L’UPFI la prône ; le Snep n’en veut pas ; des députés ont tenté de l’introduire en vain par trois amendements rejetés le 6 octobre dernier : la taxe de 1,5 % sur le streaming musical en faveur du Centre national de la musique (CNM) va refaire parler d’elle lors des auditions de la mission confiée au sénateur Julien Bargeton.

Une taxe sur le streaming musical de 1,5% sur la valeur ajoutée générée par les plateformes de musique en ligne. Telle était la proposition faite par des députés situés au centre et à gauche de l’échiquier politique, dans le cadre du projet de loi de finances 2023. Mais avant même l’ouverture des débats en séance publique le 10 octobre à l’Assemblée nationale (et jusqu’au 4 novembre), la commission des finances réunie le 6 octobre, a rejeté les trois amendements – un du centre et deux de gauche, déposés respectivement les 29 et 30 septembre. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak (« RAM »), n’a-t-elle pas assuré que le budget du Centre national de la musique (CNM) pour en 2023 est « suffisamment solide » ? Le CNM sera doté l’année prochaine de plus de 50 millions d’euros, grâce à la taxe sur les spectacles de variétés qui, d’après le projet de loi de finances 2023 déposé fin septembre, rapportera l’an prochain 25,7 millions d’euros (contre 35 millions en 2019, soit avant la pandémie).

Julien Bargeton missionné par décret d’Elisabeth Borne publié le 25 octobre
S’y ajouteront un financement garanti par l’Etat à hauteur de 26 millions d’euros et une contribution des sociétés de gestion collective (1) de quelque 1,5 million d’euros. Pour autant, la question de son financement se posera pour 2024 et les années suivantes. Or la pérennité du budget de cet établissement public à caractère industriel et commercial – placé sous la tutelle du ministre de la Culture – n’est pas assuré. D’où le débat qui divise la filière musicale sur le financement dans la durée du CNM, aux missions multiples depuis sa création le 1er janvier 2020 – et présidé depuis par Jean-Philippe Thiellay. A défaut d’avoir obtenu gain de cause avec ses trois amendements, l’opposition compte maintenant sur le sénateur de la majorité présidentielle Julien Bargeton (photo) qui vient d’être missionné – par décret publié le 25 octobre et signé par la Première ministre Elisabeth Borne – pour trouver d’ici le printemps 2023 un financement pérenne au CNM. L’une des vocations de ce CNM est de soutenir la filière dans sa diversité, un peu comme le fait le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pour la production cinématographique, audiovisuelle ou multimédia. Mais Continuer la lecture

Comment Audius, Bolero Music, Limewire, Pianity ou encore Tamago vont « NFTéiser » la musique

Alors qu’en France le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) – réunissant les majors de la musique (Universal Music, Sony Music, Warner Music) et des indépendants – fait état d’un marché porté par le streaming musical, des acteurs spécialistes du NFT pourraient le bousculer.

C’est une première depuis vingt ans en France : le marché de la musique enregistrée affiche une croissance à deux chiffres – 14,3 % – pour atteindre les 861 millions d’euros (1) de chiffre d’affaires en 2021. Si l’on s’en tient aux ventes proprement dites (729,2 millions d’euros), le streaming tire le marché en y contribuant à hauteur de 67,5 % (492 millions d’euros). Et pour la première fois, la barre des 10 millions d’abonnements payants a été atteinte l’an dernier (soit 14,2 millions avec les comptes « famille ») sur un total de 22 millions de streamers audio.

Market centric, user centric et… tokens
Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a présenté le 15 mars les résultats du marché de la musique enregistrée. Reste à savoir si les artistes écoutés en streaming – auteurs, compositeurs, interprètes – sont correctement rémunérés par les plateformes de streaming (Spotify, Amazon Music, Deezer, Apple Music, …). D’autant que la question de l’évolution du calcul de leur rémunération n’est toujours pas tranchée : faut-il passer de l’actuel market centric où les royalties sont calculées au prorata des écoutes totales de la plateforme, au user centric où le calcul de la rémunération est en fonction des écoutes individuelles des abonnés. Il faudra attendre encore juillet prochain (2) pour avoir un début de réponse dans un rapport commun du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) et du Centre national de la musique (CNM). Le manque de transparence de la part des plateformes de streaming alimente le doute sur la rémunération des artistes. Les sociétés de gestion collective des droits d’auteurs aimeraient comprendre les rouages et le fonctionnement de ces « boîtes noires » (3) dopées aux algorithmes de recommandation des œuvres musicales (4). La Sacem, la SDRM, l’Adami ou encore la Spedidam, par exemple, pourraient ainsi accéder aux données traitées par les Spotify, Deezer et autres Apple Music. L’objectif est que le CNM mandate un « prestataire technique » chargé de fournir des bases de données anonymisées pour faire l’objet de « traitements statistiques approfondis ».
A défaut d’y voir clair dans ce dédale algorithmique et musical, les « NFT » – ces jetons non fongibles sur Internet, c’est-à-dire irremplaçables et uniques (5) – pourraient être le nouvel eldorado des musiciens tentés de reprendre le pouvoir sur leurs œuvres et d’instaurer un lien direct avec leurs fans. Ces Non- Fungible Tokens s’inscrivent dans la révolution Web3 et des organisations à gouvernance décentralisée (DAO). Des start-up comme Audius, Bolero Music, Limewire, Pianity ou encore Tamago (voir encadré cicontre) y travaillent pour amener les artistes – ayant signé ou pas avec une maison de disque ou un label – à s’approprier ces tokens certifiés par la blockchain (chaîne de blocs faisant office de registre numérique infalsifiable). Les NFT annoncent l’avènement d’une désintermédiation de l’écosystème du streaming musical dominé par une poignée de plateformes numériques globales placées sous la coupe des majors de la musique enregistrée. @

Charles de Laubier

ZOOM

Candidats à la « NFTéisation » de l’industrie musicale
• Audius,
start-up basée à San Francisco, a levé 5,5 millions de dollars en août 2018, avec l’ambition de connecter les fans directement avec leurs artistes préférés, lesquels peuvent bénéficier d’une rémunération plus équitable, quitte à « désintermédier ». Pour ses NFT, elle s’appuie sur la blockchain Solana.
• Bolero Music est une start-up française créée en février 2021 dans le but de rapprocher fans et artistes en proposant des « social tokens » en guise de cartes de membres auprès d’un artiste, et des NFT à collectionner (morceaux exclusifs, clips vidéo, couvertures, part de propriété de master, …), le tout certifié sur la blockchain Polygon.
• Limewire, qui avait été lancé aux Etats-Unis en août 2000 comme réseau peer-to-peer avant d’être condamné pour piratage au bout de dix ans, va renaître de ses cendres, en mai 2022, en embrassant cette fois la cause des NFT en étant une nouvelle place de marché de musique (aussi d’art) s’appuyant sur la blockchain Algorand.
• Pianity est une start-up française fondée en mai 2021 pour lancer, deux mois après, une plateforme de musique NFT où les musiciens et leur communauté se réunissent pour créer, partager, échanger et collectionner des morceaux en édition limitée. Début mars, la société a annoncé avoir levé 6,5 millions de dollars.
• Tamago est la plateforme de « streaming NFT » lancée en février 2022 par le compositeur électro-pop canadien Clarian, qui est considéré comme le premier musicien à avoir vendu, l’an dernier, un album en NFT –Whale Shark — sur la plateforme Opensea, en se passant des maisons de disque. Tamago est certifiée par la blockchain Near. @

Arnaud de Puyfontaine, qui préside Vivendi et siège chez Telecom Italia et Lagardère, pense « Disney européen »

Président du directoire de Vivendi, maison mère de Canal+, d’Havas, d’Editis, de Prisma, de Gameloft ou encore de Dailymotion, Arnaud de Puyfontaine rêve avec son principal actionnaire Bolloré de faire un « Disney européen » du groupe multimédia – délesté depuis septembre de « l’arbre » Universal Music.

Arnaud de Puyfontaine (photo), président du directoire du groupe Vivendi depuis juin 2014, pourrait devenir aussi président du conseil de surveillance de Telecom Italia – dont le groupe français est le premier actionnaire (à 23,8 % du capital, part valorisée 3,1 milliards d’euros au 31 décembre 2020). C’est ce qu’a révélé l’agence Reuters le 5 novembre dernier, alors que Vivendi souhaite trouver un accord avec l’Etat italien – deuxième actionnaire de l’opérateur historique romain – pour procéder à des changements et à un redressement. Arnaud de Puyfontaine connaît bien « Tim » (sa dénomination depuis deux ans) puisqu’il en est membre du conseil d’administration depuis que Vivendi en est devenu l’actionnaire de référence en juin 2015. En plus, le Français a déjà été le président exécutif de Telecom Italia – nommé en avril 2017, tout en restant président du directoire de Vivendi – et en a aussi été provisoirement son administrateur délégué, autrement dit son patron. A l’époque, Arnaud de Puyfontaine avait dit dans une interview publiée le 29 juillet 2017 par le quotidien La Stampa que Vivendi ne se contenterait pas d’être le premier actionnaire de Tim mais qu’il comptait bien « développer de nouvelles initiatives pour être en tête dans la convergence entre télécommunications et contenus ».

Avec cinq actionnaires, Universal Music a la cote

En fait. Le 21 septembre, débutera la cotation à la Bourse d’Amsterdam d’Universal Music Group (UMG), filiale de Vivendi qui s’en déleste en partie pour se recentrer sur les médias et la publicité. Cette ouverture du capital d’UMG aux investisseurs – dont Tencent (20 %) et Pershing Square (10 %) – va rapporter gros à Vincent Bolloré.

En clair. « La capitalisation boursière de la société serait d’environ 33 milliards d’euros à la première date de cotation », prévoit Universal Music Group (UMG) dans le prospectus boursier publié le 14 septembre par sa maison mère Vivendi. Mais la valorisation de la major mondiale de la musique enregistrée est d’environ 35 milliards d’euros depuis que le groupe Vivendi contrôlé par Vincent Bolloré a finalisé le 9 septembre la cession d’un supplément de capital d’UMG à Pershing Square qui en détient depuis un total de 10 %.
Ce fonds spéculatif et ses différents véhicules de Co-investissements sont dirigés par le financier activiste américain William Ackman (1), dit Bill Ackman, qui lancé en 2004 Pershing Square Capital Management (PSCM). Ce milliardaire devait initialement acquérir sa participation dans UMG via PSTH (2), une Spac qu’il avait créée pour l’occasion (3). Mais comme le gendarme de la bourse américaine (SEC) a émis des doutes cet été sur ce montage, Bill Ackman a été contraint d’adopter un véhicule d’investissement plus « conventionnel ». Le précédent nouvel actionnaire à être entré au capital d’Universal Music est le chinois Tencent, qui a acquis pas moins de 20 % de participation, en deux temps courant 2020 (10 % acquis en mars et autant en décembre). Cette entrée de la firme de Shenzhen, qui a embarqué dans cette participation sa filiale Tencent Music Entertainment (TME) via un consortium composé des véhicules financiers Concerto et de Scherzo, a valorisé l’an dernier UMG 30 milliards d’euros.
Parallèlement, TME – coté à la Bourse de New York et éditeur de la plateforme de streaming musical QQ Music en Chine – est convenu depuis mars 2020 avec Vivendi de pouvoir acquérir une participation minoritaire dans la filiale d’UMG regroupant ses activités chinoises. Cette option portant sur au moins 20 % et jusqu’à 25 % du capital de cette holding chinoise est exerçable d’ici le 1er avril 2022. Si Tencent est devenu le premier actionnaire du numéro un mondial des majors de la musique, et Pershing Square le second, le groupe Bolloré, lui, détiendrait après l’opération boursière 18,01 % des parts d’UMG et Vivendi devrait conserver 10,12 % (sur les 70 % détenus auparavant). A noter que la Société Générale, montée cet été à 5,37 % du capital de Vivendi, détiendra aussi 3,28 % d’UMG. Reste à savoir ce que Vivendi fera de tout le cash issu de la vente d’UMG. @

Streaming musical : Believe fait face aux majors sur le marché de la distribution numérique d’artistes

Denis Ladegaillerie, PDG fondateur de Believe (acquéreur de TuneCore en 2015), veut lever 500 millions d’euros en Bourse. Il défie les majors (Universal Music, Sony Music et Warner Music) dans la distribution numérique des artistes musiciens, voire en les détournant d’eux par l’autoproduction.

« Le groupe [Believe] fait en particulier face à un accroissement de la concurrence sur le marché de la musique numérique et des services aux artistes de la part des majors de l’industrie musicale », est-il écrit dans le document d’enregistrement approuvé le 7mai 2021 par l’Autorité des marchés financiers (AMF), en vue de l’introduction en Bourse de cette mini-major française cofondée par Denis Ladegaillerie (photo) et spécialisée dans la distribution mondiale d’artistes.