Ventes numériques « d’occasion » : ReDigi fait appel

En fait. Le 1er avril, un tribunal de New York a considéré que la vente de musique numérique « d’occasion » viole les droits d’auteur. Il donne ainsi raison à Vivendi, dont le label Capitol Records (Universal Music) accusait le site ReDigi de piratage. Mais ReDigi nous indique qu’il va faire appel.

En clair. La start-up américaine ReDigi, qui se veut une place de marché d’occasion
du numérique pour la revente de musiques en ligne achetées légalement par les utilisateurs, n’a pas dit son dernier mot. « Nous avons bien sûr l’intention de faire
appel », nous a répondu John Ossenmacher, président fondateur (en octobre 2011) de ReDigi. Si ses ambitions sont freinées aux Etats-Unis, il pourrait en être différemment en Europe (1) où un arrêt daté du 3 juillet 2012 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé qu’un logiciel peut être revendu « d’occasion » si le titulaire du droit d’auteur en a autorisé le téléchargement à titre gratuit ou payant.
Cette doctrine dite de « l’épuisement du droit d’auteur » serait valable aussi bien
pour les logiciels que pour les musiques, films ou livres numériques (2).
Alors que le jugement new-yorkais daté du 30 mars et rendu public le 1er avril dit
l’inverse : ReDigi n’a pas le droit de permettre sur sa plate-forme en ligne de permettre
aux internautes et mobinautes de revendre ou de racheter des musiques – même acquises légalement sur iTunes ou Kindle. D’autant que les œuvres audios, vidéos
ou écrites achetées sur les stores d’Apple ou d’Amazon relèvent de la location sous licence : elles ne peuvent donc être revendues une fois écoutées, visionnées ou lues.
Autrement dit, les revendre « d’occasion » suppose l’autorisation préalable des ayants droits. Selon le juge Richard Sullivan, il ne peut y avoir de marché de la musique d’occasion (numérique) comme il peut y avoir de marché du livre d’occasion (papier). Paradoxe : il est donc possible de revendre des CD, des DVD ou des Vinyles d’occasion mais pas des fichiers numériques de musique, de films ou d’ebooks…
Le tribunal de New York donne ainsi raison au label Capitol Records, filiale de la major Universal Music, elle-même filiale du conglomérat français Vivendi, qui avait porté plainte contre ReDigi en janvier 2012. N’ayant pu obtenir le mois suivant une injonction du juge, le label  – qui appartenait a EMI jusqu’en 2012 – avait poursuivi ReDigi pour violation des  droits d’auteurs. ReDigi, dont le modèle économique s’appuie pourtant sur le principe américain de First Sale, équivalent de l’épuisement du droit d’auteur (copyright exhaustion) consacré par la CJUE, s’était en outre attiré les foudres de la RIAA (3). @

Le second marché du numérique : une « occasion » qui dérange les droits d’auteur

La Cour de justice européenne a précisé, dans un arrêt du 3 juillet 2012, que
le droit de distribution d’un logiciel est épuisé après téléchargement payant
et sans limitation de durée. Le logiciel peut alors être revendu « d’occasion ».
Cette solution pourrait s’appliquer aux musiques, aux films ou aux livres.

Par Claude-Etienne Armingaud, avocat (photo), et Etienne Drouard, associé, cabinet K&L Gates

Dans le cadre de son interprétation de l’article 4.2 de la directive européenne dite « Logiciels », sur la protection juridique des programmes d’ordinateur (1), la Cour de
justice de l’Union Européenne (CJUE) considère le droit
de distribution comme étant épuisé, lorsque le titulaire des droits d’auteur a concédé à un licencié le droit d’utiliser une copie sans limitation de durée, que cette copie soit matérielle ou numérique.

Musique par abonnement : 10 % des ventes en ligne

En fait. Le 26 février, la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI) a publié son Digital Music Report : les ventes mondiales de musiques enregistrées ont progressé – pour la première fois depuis 12 ans, de 0,3 % à
16,5 milliards de dollars – dont 5,6 milliards en ligne (+ 9 %).

En clair. C’est la croissance des services de musique en ligne par abonnement qui
retient l’attention : 20 millions de clients atteints dans le monde, soit un bond de 44 %
en un an, contre 12 % pour le téléchargement. « Pour la première fois, les abonnements ont franchi l’an dernier le seuil des 10 % du total des ventes de musiques numériques
[soit 560 millions de dollars, ndlr]. Ce taux est même plus élevé en Europe, environ 20 % grâce à l’explosion de la croissance en Scandinavie », constate la IFPI. Le succès de
ce que l’on pourrait appeler la SMOD (Subscription Music-on-Demand) – par analogie à
la SVOD pour le cinéma – tient notamment aux accords de bundling avec les FAI (1) et les opérateurs mobile. Exemples : Deezer avec Orange ou Spotify avec KPN. Les majors de la musique misent en outre sur les licences par abonnement. « Nous développons de nouveaux business en association avec des marques », a indiqué Pascal Nègre, patron de Universal Music France (2). L’amélioration des interfaces utilisateurs, l’intégration des réseaux sociaux et la variété des niveaux de prix ont aussi contribué à cette multiplication des services abonnements, qui sont au nombre de 30 dans le monde. Mais des disparités demeurent face à ces services aux revenus récurrents pour les ayants droits : si par exemple en France l’abonnement domine, ce n’est pas le cas en Grande-Bretagne où le téléchargement payé arrive en tête.
Avec plus de 5 millions d’abonnés dans le monde, Spotify arrive en seconde position
– derrière iTunes d’Apple – en terme de chiffre d’affaires généré par la musique en ligne, lorsqu’il n’est pas en tête dans certains pays comme la Finlande, la Norvège et, d’où il
est originaire, la Suède. Spotify indique que plus de 20 % de ses utilisateurs actifs se convertissent à son service premium. Quant au français Deezer, dont France Télécom est actionnaire minoritaire (11 %), il compte 3 millions d’abonnés à travers le monde. D’autres plates-formes de musique par abonnement se développent en Europe, comme
le suédois WiMP d’Aspiro ou le britannique Rara.com, sans parler des sites plus locaux tels que Music Me en France, Juke et Musicload en Allemagne, ou encore We7 en Grande-Bretagne. Aux Etats- Unis, Mog, Muve Music, Pandora Premium, Rdio, Rhapsody ou encore Slacker contribuent également à la montée en puissance de la SMOD. En Asie et en Amérique du Sud aussi. @

Face à la baisse du téléchargement, faut-il étendre au streaming le droit de copie privée ?

Le droit à la copie privée, reconnu par la loi de 1985 en France et la directive
de 2001 en Europe, est menacé par la mutation des usages en ligne. Les téléchargements baissent au profit du streaming, lequel se trouve en dehors
du champ de l’exception au droit d’auteur dans un cercle familial.

« La copie privée va baisser avec le streaming. Il n’y a plus besoin d’enregistrer [une musique ou un film], ni de le copier sur son disque dur. Le principe du cloud computing
va renforcer cette tendance », a lancé Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France,
à l’occasion d’un premier bilan 2012 de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), dont il est le président. De là à dire que la copie privée est devenue obsolète, il n’y a qu’un pas.

Musique en ligne : vers une autorité de régulation et une chronologie des médias ?

Président de la commission musique du Geste depuis 2000 et coorganisateur
des Rencontres Radio 2.0 qui se sont tenues à l’INA le 18 octobre, Xavier Filliol a demandé – devant la mission Lescure le 16 octobre – des mesures en faveur des plates-formes de musique en ligne face aux producteurs.

Les plates-formes de musiques en ligne se sont fait entendre auprès de la mission Lescure, grâce à Xavier Filliol (photo), président de la commission musique du Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (Geste) et par ailleurs trésorier du Syndicat des éditeurs de musique de services en ligne (ESML).