Piratage : l’Hadopi se dit prête a gérer la liste noire

En fait. Le 10 septembre, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, a lancé le « Comité de suivi des bonnes pratiques dans les moyens de paiement en ligne pour le respect des droits d’auteur et des droits voisins ». La charte des acteurs du e-paiement tarde, mais l’Hadopi est prête.

Marie-Françoise-MaraisEn clair. « L’Hadopi est en mesure techniquement et opérationnellement, compte tenu de son expertise et des réflexions engagées avec les ayants droit, de prendre une part active dans le suivi et la mise en oeuvre du recensement des sites contrevenants », a indiqué Marie-Françoise Marais (photo), présidente de l’Hadopi, à Edition Multimédi@.
Il s’agit de dresser une « liste noire » des sites web incriminés.
« Les ayants droits pourront ainsi signaler aux professionnels des moyens de paiement les sites qui contreviennent massivement aux droits d’auteurs et aux droits voisins, et réciproquement, chacun selon ses compétences et ses instruments. Autrement dit,
des listes seront faites, les professionnels du secteur sensibilisés, et le retrait effectif sera suivi de près », a expliqué la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, le 10 septembre.

Madrigall(Gallimard-Flammarion) adopte la solution anti-piratage de livres numériques d’Hologram Industries

Le groupe d’édition Madrigall, qui réunit Gallimard et Flammarion, vient d’adopter la solution d’empreinte numérique de la société Hologram Industries pour lutter contre le piratage de livres numériques, solution préconisée par le Syndicat national de l’édition (SNE) qui tient son AG annuelle le 25 juin.

Selon nos informations, le troisième groupe d’édition français (1), la holding familiale Madrigall qui chapeaute Gallimard et Flammarion, a finalement opté pour la solution de lutte contre le piratage d’ebooks proposée par le Syndicat national de l’édition (SNE) à ses membres depuis deux ans maintenant (2). Ce service, qui devient enfin effectif, est assuré par la société Hologram Industrie (dans le cadre d’une convention qui lie cette société au SNE) avec le soutien financier de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia).

Coût : moins de 1 € par livre
Hologram Industrie repère les œuvres sur Internet et envoie automatiquement des notifications en cascade aux acteurs de la mise en ligne des contenus contrefaisants.
« La technologie d’empreinte numérique utilisée permet de s’assurer que le fichier trouvé est bien une contrefaçon du livre. Ce service contrôle également que le retrait
a bien eu lieu. Chaque éditeur dispose d’un accès individuel et confidentiel à son outil statistique », vient de rappeler le SNE dans la dernière note juridique envoyée à ses membres. En l’adoptant, le groupe Madrigall, que préside Antoine Gallimard (photo), donne le véritable coup d’envoi à l’utilisation de cette solution. « Ces premières souscriptions déclenchent la faculté pour d’autres éditeurs de recourir immédiatement
à un service de notification et retrait automatisé », confirme le syndicat. En effet, l’une des conditions de sa mise en oeuvre est que l’ensemble des engagements des adhérents ayant souscrits au service d’Hologram Industries atteigne au moins un total de 3.990 euros par mois (moyennant 100, 200 ou 300 euros par mois et par éditeur, avec un engagement d’un an) pour des questions d’économie d’échelle. L’adhésion
de Madrigall est décisif pour ce dispositif antipiratage puisque, outre Gallimard et Flammarion, le groupe compte une quinzaine de maisons d’édition dont Denoël, Mercure de France, les éditions Pol, Arthaud, Aubier, Autrement, ainsi que J’ai lu, GF, Fluide Glacial, Père Castor et Casterman. A noter que Gallimard et Flammarion gèrent avec d’autres éditeurs tels que La Martinière et Actes Sud la plateforme de distribution de livres numériques Eden livres. Ce qui pourrait laisser présager d’autres ralliements
à la solution d’Hologram Industrie. Cela n’empêche pas d’autres éditeurs de choisir des solutions alternatives, comme celle de l’américain Attributor retenue par Hachette du groupe Lagardère (premier éditeur français). Avec Madrigall, le SNE peut garantir le déploiement technique de la solution à un coût modéré pour chaque éditeur désireux d’offrir dès à présent à son catalogue une protection contre le téléchargement illicite.
La Sofia soutient cette initiative et subventionne les éditeurs qui adoptent cette solution à hauteur de 50 % des sommes qu’ils engagent pour la souscription à ce service. Ainsi, le coût au livre de cette technologie anti-piratage devait être de l’ordre 1 euro que la Sofia subventionne pour moitié. Lorsque le montant total mensuel atteindra 12.500 euros par mois avec de nouvelles adhésions, le coût par livre sera moindre. En 2011,
le SNE avait écarté le recours à l’Hadopi en raison du coût trop élevé de la réponse graduée (3).
En revanche, l’autre solution anti-piratage d’ebooks proposé par le SNE – à savoir la mise à disposition du site web Portailprotectionlivres.com développé par l’association anglaise des éditeurs (Publishers Association) – ne semble pas vraiment intéresser
les éditeurs, alors qu’elle revient pourtant moins cher (environ 250 à 5000 euros par
an selon le chiffre d’affaires). « Je n’ai pas connaissance d’adhésion à Portailprotectionlivres.com », a indiqué Julien Chouraqui, juriste au SNE. Il faut dire
qu’il n’y a pas avec le portail, contrairement à la solution Hologram Industries, d’automatisation des signalements.
Par ailleurs, le SNE va signer d’ici fin juin la charte d’engagement contre les sites illicites avec les acteurs du paiement en ligne. Le syndicat a déjà signé, le 23 mars dernier, la charte des professionnels de la publicité.

Deux chartes : le SNE signataire
Un comité de suivi sera chargé d’observer la mise en oeuvre de la charte et de relever les cas de manquement à cette charte. « Ce comité sera composé paritairement. Chaque organisation représentant les professionnels de la publicité et chaque catégorie d’ayants droit auront un siège (le livre aura un siège, tout comme le jeu vidéo, la musique et le cinéma) », explique le SNE qui occupera ce siège. Une « liste noire »
de sites web majoritairement tournée vers le téléchargement illégal est établie par les ayants droit pour être la source principale des listes noires mises en oeuvre par les acteurs de la publicité et du paiement en ligne. @

Charles de Laubier

Frédéric Delacroix, délégué général de l’Alpa : « Le piratage reste à un niveau très important »

L’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa), qui a 30 ans cette année, participe depuis 5 ans maintenant à la réponse graduée sur les réseaux peer-to-peer. Son délégué général estime que les chartes « anti-piratage » concernant tous les réseaux sont des mesures complémentaires à l’action
de l’Hadopi.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Frédéric Delacroix

Lutte contre le piratage sur Internet : après les mesures nationales, vers une harmonisation européenne ?

Bien que la réponse graduée – dont la France fut pionnière – inspire d’autres pays, son effet reste cantonné aux internautes. Pour la compléter, d’autres mesures de lutte contre le piratage et d’autorégulation sont mises en œuvres.
Il reste à harmoniser au niveau européen.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

En matière de lutte contre le téléchargement illicite, la France est précurseur dans la mise en place d’un système de réponse graduée. Même si l’idée de couper l’accès à l’Internet semble rétrospectivement inappropriée, l’envoi de messages de sensibilisation aux internautes, suivi d’une menace d’amende, semble avoir une influence bénéfique sur le comportement des internautes.

Plan anti-piratage : ayants droit et Hadopi contents

En fait. Le 23 mars prochain, la charte de lutte contre le piratage des œuvres sur tous les types de sites web sera signée par les professionnels de la publicité sur Internet et les représentants des ayants droits. Une autre charte, avec cette fois les acteurs du paiement en ligne, sera signée en juin.

En clair. L’« assèchement » des sources de financement des sites web « pirates » va se mettre en place entre fin mars et juin. Cette autorégulation des professionnels – de la publicité sur Internet et des acteurs du paiement en ligne (1) – est le premier volet du nouveau plan anti-piratage que Fleur Pellerin (2) a présenté en conseil des ministres le 11 mars. Tous les types de sites web – streaming, téléchargement ou référencement – sont visés. Le second volet est judiciaire, avec le recours en référé pour contrefaçon, avec suivi des mesures de blocage prononcées par un juge à l’encontre des intermédiaires techniques, et la saisine de « magistrats référents » qui seront nommés d’ici fin juin.
Que pense l’Hadopi de ce nouveau dispositif anti-piratage ? « L’Hadopi applaudit ce plan qui vient renforcer l’arsenal existant pour défendre la création sur Internet. La ministre a pris la mesure de l’urgence et a agi en un temps record. C’est une vraie bonne nouvelle pour la création. L’Hadopi se félicite également de constater que les travaux prospectifs qu’elle conduit sur ce sujet depuis 2011 (rapports Imbert-Quaretta) ne sont pas restés lettre morte et ont pu inspirer les décisions annoncées.
Il y avait une forte attente des créateurs ; le gouvernement a su y répondre », nous
a répondu Eric Walter, son secrétaire général. Contactée également, Mireille Imbert-Quaretta, président de la CPD (3) de l’Hadopi, nous indique que la Haute autorité
« est susceptible de contribuer au dispositif en mettant en partage son expertise et
ses compétences ».
De leur côté, les organisations des ayants droits de la musique et du cinéma se disent aussi satisfaites de ce plan anti-piratage qui fait écho au discours que Premier ministre Manuel Valls a prononcé le 15 septembre dernier (4). L’Association des producteurs de cinéma (APC), par la voix de son délégué général Frédéric Goldsmith, soutient ce plan « impliquant tous les acteurs concernés (…) sans une nouvelle intervention législa-
tive ». Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) salue, lui, « les bonnes initiatives du gouvernement » perçues comme « un signal encourageant pour les producteurs de musique », mais demande « l’instauration d’une injonction de retrait prolongée des contenus illicites à six mois ». La SACD, elle, demande au gouvernement de réformer le statut d’intermédiaires techniques et leur responsabilité. @