Fréquences et audiovisuel : rééquilibrage par la loi ?

En fait. Le 10 avril, lors de son colloque organisé au Sénat, le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) a demandé
aux parlementaires et au CSA présents à ce que la future loi de l’audiovisuel
soit « une loi d’égalité » entre les indépendants et les grands groupes.

En clair. Les radios et télévisions indépendantes espèrent beaucoup de la future loi de l’audiovisuel pour assurer un « rééquilibrage » entre elles et les grands groupes privés : Lagardère Active, NRJ Group, RTL Group et NextRadioTV. « La loi de l’audiovisuel doit permettre de répartir à parts égales les fréquences et de prévenir les abus de position dominante », prévient Philippe Gault, président du Sirti, qui dénonce la concentration dans les médias en France. Plus de dix ans après la loi sur la communication audiovisuelle du 29 juillet 1982, qui a mis fin aux monopoles de radiodiffusion et donné le coup d’envoi des radios libres et des télévisions locales, le combat du Sirti (créé en 1981) reste inchangé.
Mais, trente ans après, la diffusion numérique est aux yeux des indépendants du PAF l’occasion historique pour le CSA de revenir à un « partage équitable des fréquences » entre eux et les grands groupes audiovisuels. Le sort qui sera réservé aux radios indépendantes par la future loi de l’audiovisuel sera plus particulièrement révélateur de
la volonté de réforme du régulateur et du législateur. Marie- Christine Blandin, sénatrice, sous le patronage de laquelle était placé le colloque du Sirti, a appelé le CSA à la vigilance face à « quelques grands groupes audiovisuels aux dents qui rayent le plancher » !
Pour le syndicats regroupant 140 radios indépendantes, les conditions de concurrence sont inéquitables : « Sur les 1.642 nouvelles fréquences attribuées par le CSA de 2005
à 2012, 743 ont bénéficié au quatre groupes concentrés, contre 366 pour les 140 radios indépendantes membres du Sirti ».
La radio numérique terrestre (RNT), qui va être lancée cette année sur Paris, Marseille
et Nice (1) en attendant d’autres villes, est perçue comme le moyen de « corriger les injustices de développement qui se sont aggravées ces dernières années entre les
radios ». Mais le nouveau président du CSA, Olivier Schrameck, considère encore le lancement de la RNT comme « une expérimentation » – comme il l’a indiqué dans son intervention au colloque du Sirti. Le rapport RNT que le régulateur remettra « dans les prochains mois » aux parlementaires déterminera la suite. @

Accord de libre-échange transatlantique : pas sans la protection des données personnelles

Les Etats-Unis et l’Europe ont annoncé la négociation d’un nouvel accord transatlantique, dont l’objectif est de réduire les obstacles à l’investissement
et au libre-échange de biens et de services entre les deux continents. La protection des données personnelles pèsera sur cette négociation.

Par Winston Maxwell, avocat associé Hogan Lovells LLP

Actuellement, la directive européenne de 1995 sur la protection des données personnelles (1) interdit le transfert de données personnelles vers les Etats-Unis, car les Etats-Unis n’ont pas, selon la Commission européenne, un niveau de protection adéquat. Cette interdiction de principe est contournée en pratique par différents moyens, notamment par l’utilisation de clauses contractuelles types approuvées par la Commission européenne, par la mise en oeuvre de codes de conduite internes dits BCRs (Binding Corporate Rules) ou bien si l’entreprise américaine a souscrit aux engagements Safe Harbor mis en oeuvre par le gouvernement américain.

L’Hadopi remet en cause le statut d’hébergeur

En fait. Le 25 février, Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de la protection des droits (CPD) de l’Hadopi, a remis à la présidente de cette dernière son rapport sur « les moyens de lutte contre le streaming et le téléchargement direct illicites ». Elle y critique le statut d’hébergeur.

En clair. « Le statut d’hébergeur a (…) favorisé le développement des actes de contrefaçon à grande échelle. Il est ainsi devenu un espace de protection pour les sites qui fondent leur activité sur la mise à disposition non autorisée de contenus. Cet espace
a été préservé par la jurisprudence, qui a consacré une acception large de la notion d’hébergement mais une appréciation stricte de l’obligation de retrait », critique Mireille Imbert-Quaretta, dans son rapport daté du 15 février (http://lc.cx/MIQ).
Si la Cour de cassation a reconnu le 17 février 2011 la qualité d’hébergeur à Dailymotion (1) (*) (**) et à un site d’hébergement de liens hypertextes (à l’époque Bloobox/Fuzz), elle a en revanche écarté le 3 mai 2012 le bénéfice de ce statut protecteur au site d’enchères eBay et au site musical Radioblog. « (…) C’est l’existence d’une capacité d’action sur les contenus ou d’un rôle actif du site de nature à lui donner une connaissance effective des contenus illicites qui peut permettre d’écarter le régime limitatif de responsabilité de l’hébergeur. La présence d’un contenu illicite sur un site ne suffit pas à engager sa responsabilité, mais les sites qui ont un rôle actif sur les mises à disposition de contenus illicites ne peuvent pas se retrancher derrière le statut d’hébergeur ». Ainsi, pour lutter contre le streaming et le téléchargement direct illicites, la magistrate estime que les sites web concernés devraient généraliser la pratique volontaire de la suppression définitive (« take down and stay down ») des contenus piratés. Or, pour l’instant, les hébergeurs ne doivent retirer ou empêcher l’accès aux contenus illicites que s’ils en ont eu effectivement connaissance (2). Les outils d’empreintes numériques, tels que Content ID de YouTube, permettent pourtant ce retrait systématique et définitif. Or, le rapport «MIQ » rappelle que la directive européenne de 2000 sur le commerce électronique donne la possibilité aux Etats membres de « prévoir une série d’obligations à la charge des intermédiaires [hébergeurs, fournisseurs d’accès Internet, fournisseurs de « cache », publicitaires, financiers, …], destinées à faire cesser ou prévenir les atteintes liées à des contenus illicites ». Selon Mireille Imbert-Quaretta, si la législation peut l’imposer contre le blanchiment d’argent sale, alors elle devrait pouvoir le faire contre le piratage en ligne. @

RNT gratuite : ce que la loi audiovisuelle devra dire

En fait. Le 12 février, le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) a demandé à ce que la prochaine loi sur l’audiovisuelle soit
« une loi de liberté pour les auditeurs et téléspectateurs ainsi qu’une loi d’égalité entre les éditeurs audiovisuels ». Avec ou sans RNT.

En clair. De deux choses l’une, selon le Sirti : soit la future loi de l’audiovisuel donne
« l’impulsion décisive pour assurer le lancement réussi de la radio numérique terrestre (RNT) », soit cette future loi n’accorde aucun soutien à la RNT et il faudra « assumer un tel choix (…) en accélérant la redistribution des fréquences de la FM à égalité entre les groupes concentrés et les radios indépendantes ».
Car pour le Sirti (1), les conditions de concurrence avec les quatre grands groupes privés posent problème. « La position dominante acquise par ces quatre groupes sur l’analogique explique leur refus de toute évolution vers la RNT qui pourrait menacer leurs avantages concurrentiels acquis », affirment Philippe Gault, président du Sirti. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est même soupçonné d’avoir œuvré en faveur du renforcement des groupes concentrés que sont NRJ (NRJ, Chérie FM, Rire & Chansons, Nostalgie), Lagardère (Europe 1, RFM, Virgin Radio), RTL (RTL, RTL 2, Fun Radio) et NextRadioTV (RMC, BFM Business). Ces derniers, réunis au sein du Bureau de la Radio, ont toujours été hostiles au lancement de la RNT et avaient exigé un moratoire, ce que David Kessler – devenu conseiller de François Hollande pour les médias et la culture – avait préconisé dans son rapport de mai 2011 sur la RNT. Bien que Michel Boyon ait dit « regretter » le retard dans le lancement de la RNT (2), le Sirti se demande pourquoi le CSA n’a pas attendu que la norme DAB+ (moins coûteuse que le T-DMB) soit retenue – ce qui ne devrait pas tarder – au lieu de délivrer le 15 janvier les autorisations sur Paris, Marseille et Nice avec la norme T-DMB contestée ? Et pourquoi procéder maintenant à « un redémarrage à marche forcée » (les radios RNT ont seulement jusqu’au 15 mars pour choisir leur opérateur de multiplexe), comme le relève la députée Martine Martinel dans son rapport (3) d’octobre 2012 ? Pendant ce temps-là, « sur les 1.642 nouvelles fréquences attribuées par le CSA de 2005 à 2012, 743 ont bénéficié au quatre groupes concentrés, contre 366 pour les 140 radios indépendantes membres du Sirti. Les conditions de concurrence sont inéquitables », s’insurge Mathieu Quétel, vice-président du syndicat et DG de Sud Radio. A cela s’ajoute le fait que les quatre groupes ont aussi bénéficié de fréquences sur la TNT. @

Neutralité du Net : le gouvernement tarde à décider

En fait. Le 29 janvier, le Geste a « regretté » que la ministre Fleur Pellerin n’ait pas annoncé – lors de la table ronde du 15 janvier dernier sur la neutralité du Net –
un projet de loi consacrant ce principe et « s’est étonné que le gouvernement
ne prenne pas une position ferme en faveur des internautes ».

En clair. Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) « ne comprend pas le renvoi de l’examen de ce sujet auprès du Conseil national du numérique au sein duquel, par ailleurs, aucun représentant d’association professionnelle ne siège ». Après plus de trois ans de débats, de rapports et d’auditions sur le principe de neutralité de l’Internet, la France hésite en effet encore sur le sujet. En place depuis mai 2012, le gouvernement semble vouloir se donner encore du temps avant de décider. La définition et le principe de neutralité du Net ne sont toujours pas inscrits dans une loi, pas plus que la protection des libertés fondamentales des internautes et des mobinautes – et demain des télénautes. « C’est un enjeu de démocratie. Ce n’est pas négociable. (…) Le droit actuel est-il suffisant ? Pas certain », a pourtant lancé Fleur Pellerin, lors de la table ronde du 15 janvier. Le droit fondamental des utilisateurs « à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix » est bien prévu à l’article 3 de l’ordonnance de transposition du nouveau Paquet télécom (1) publiée au Journal Officiel du 26 août 2011. Mais il reste insuffisant.
Que s’est-il passé entre la première violation connue de ce principe en 2007, lorsque
Neuf Cegetel a bloqué Dailymotion faute d’accord d’interconnexion, et la dernière
violation en date, lorsque Free fait pression sur Google en dégradant l’accès à YouTube
et en bloquant les publicités en ligne ? Rien ! Ou presque. Il y a bien la décision du
20 septembre dernier de l’Autorité de la concurrence, laquelle donne raison à France Télécom voulant pratiquer du « peering payant » vis-à-vis de Cogent. Mais cet intermédiaire technique ou CDN (2) a, selon nos informations, déposé fin octobre 2012
un recours devant la Cour d’appel de Paris contre cette décision.
Il faudra attendre la « feuille de route numérique » que présentera fin février le Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour savoir si la neutralité d’Internet aura sa loi. Pour faire patienter, la ministre de l’Economie numérique a saisi le nouveau Conseil national du numérique (CNN) – installé le 18 janvier – pour contribuer aux « travaux techniques » sur les conditions d’acheminement du trafic Internet (flux asymétriques) et le partage de la valeur entre opérateurs de réseau et fournisseurs de contenus (terminaison data ?). @