Ce que prévoit Aurélie Filippetti dans sa « grande loi » sur la création attendue avant le printemps

La ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, promet de déposer en conseil des ministres une « grande loi » sur la création « avant les élections municipales » de mars 2014 – faute de pouvoir le faire avant Noël.
Elle intègrera un « deuxième volet » consacré au numérique.

La future loi sur la création, qui sera présentée en conseil des ministres avant le printemps prochain, aura deux volets : l’un sur la création physique (1), l’autre sur la création numérique.
« A l’heure où je défends la neutralité technologique, c’est bien de pouvoir avoir une grande loi création qui embrasse aussi les aspects numériques. Mais il n’y aura pas que la réponse graduée ! », a prévenu Aurélie Filippetti le 17 octobre dernier, invitée par l’Association des journalistes médias (AJM).

Chronologie des médias : la VOD avant la salle !

En fait. Depuis le 10 juillet, le film « Magnifica Presenza » est disponible en France en VOD avant sa sortie en salle prévue le 31 juillet. Cette chronologie des médias
« inversée » est une petite révolution où des négociations interprofessionnelles doivent reprendre pour modifier les fenêtres de diffusion.

En clair. Au lieu de privilégier la salle de cinéma en lui donnant l’exclusivité de diffusion d’un film, la société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs (ARP) expérimente l’inverse ! A savoir : proposer un film d’abord en VOD, puis en salle quelques jours après. Ce n’est pas la première fois que l’ARP défie la sacro-sainte chronologie des médias. En avril dernier, le documentaire « Viramundo : un voyage musical avec Gilberto Gil » avait été disponible en VOD sur Orange et iTunes dès le 17 avril, avant sa diffusion en salle à partir du 8 mai. Cette fois, c’est au tour du film « Magnifica Presenza » : le 10 juillet en VOD, toujours sur Orange et iTunes, puis en salle à partir du 31 juillet.
Illégal en France ? « Non », nous répond Florence Gastaud, déléguée générale de l’ARP : « L’arrêté sur la chronologie est clair. Si la sortie simultanée salle-VOD (day-and-date)
est interdite en France, rien n’est prévu avant la sortie en salle », nous explique-t-elle.
En effet, l’arrêté du 9 juillet 2009 (publié au J.O. du 2 juillet 2009) stipule dans son point
1.1 que « Le point de départ de la chronologie des médias est la date de sortie nationale en salles de spectacles cinématographiques ». Ainsi, selon l’ARP, la sortie simultanée
est illégale en France mais pas la sortir en VOD avant la salle ! Alors que ce n’est pas le cas en Autriche, en Grande-Bretagne et en Irlande où « Magnifica Presenza » sortira en revanche simultanément en salle et en VOD (1).
En France, cette chronologie des médias « inversée » ne déclenche pas de levée de boucliers au sein du cinéma français. Et pour cause : l’expérience est bien encadrée
et circonscrite par la Commission européenne qui finance trois projets de sorties simultanées ou quasi-simultanée de films (VOD/salle) à hauteur de 2 millions d’euros (2). Les trois projets ont été sélectionnés en octobre dernier, dans le cadre du programme MEDIA, et concernent environ 20 films de cinéma d’art et d’essai dans neuf pays européens, dont la France. Il s’agit de Speed Bunch (500.000 euros d’aide) du distributeur-coproducteur français Wild Bunch, de Edad (695.000 euros) du distributeur britannique Artificial Eye avec notamment le producteur français Rezo Films, et de Tide (800.000 euros) de l’ARP. Selon nos informations, Wild Bunch prévoit, lui, la sortie simultanée de son premier film à l’automne. @

Radios associatives : l’appel au Parlement européen

En fait. Les 11 et 12 juin, le Syndicat national des radios libres (SNRL) a organisé à Strasbourg son premier Carrefour européen des radios libres, soit cinq ans après la résolution du Parlement européen, le 25 septembre 2008, appelant les Etats membres à soutenir plus activement les médias associatifs.

En clair. Les 309 membres du SNRL vont être représentés à Strasbourg où se réunissent les radios associatives et communautaires venues de toute l’Europe.
Le SNRL y retrouve la branche européenne de l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (Amarc), laquelle fête cette année ses 30 ans d’existence (1). Devant
les députées européennes Catherine Trautmann et Bernadette Vergnaud, en présence
de Emmanuel Gabla, membre du CSA, le SNRL va plaider pour le respect des normes internationales sur la liberté d’expression et le pluralisme. « Nous sollicitons les parlementaires européens pour qu’ils se ressaisissent des questions ayant trait à la radiodiffusion en Europe et notamment à la radiodiffusion associative et ses spécificités », explique Pierre Montel, délégué général du SNRL. Et ce, près de cinq ans après la résolution du Parlement européen qui avait appelé le 25 septembre 2008 les Etats membres à soutenir plus activement les médias associatifs afin d’assurer le pluralisme. Cet appel aux eurodéputés intervient aussi alors que se sont achevées le 14 juin deux consultations publiques lancées par Neelie Kroes en mars dernier sur « la liberté et le pluralisme des médias et sur l’indépendance des organismes de régulation des médias audiovisuels ». Pour la commissaire européenne chargée de l’Agenda numérique, il s’agit notamment de savoir si « une révision de l’article 30 de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) pourrait permettre de mieux assurer l’indépendance des organismes de régulation ».
Les radios associatives en ont profité pour rappeler que seule la radio numérique terrestre (RNT) – c’est-à-dire un réseau hertzien dédié – est à même de préserver le modèle gratuit et anonyme de la radio, grâce à des fréquences attribuées gratuitement (par le CSA en France par exemple). « La négligence et/ou les intérêts partisans des gouvernements
ont permis l’appropriation des nouvelles technologies par des intérêts commerciaux,
en augmentant la concentration des médias et limitant la présence des médias à but non lucratif. D’autre part, la “surréglementation” provoque la fermeture de nombreuses radios communautaires et associatives en Europe », avait déjà dénoncé l’Amarc lors de sa 3e Conférence paneuropéenne le 18 mai dernier en France, à Montpellier. @

Lescure : les producteurs contre la gestion collective

En fait. Le 12 juin, Pierre Lescure, président de la mission « Acte II de l’exception culturelle », et Jean- Baptiste Gourdin, rapporteur général, ont été auditionnés par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Ils ont à nouveau insisté sur la gestion collective à l’ère du numérique.

En clair. « La gestion collective, loin d’être un archaïsme, est LE mode de gestion adapté à l’exploitation numérique des oeuvres, laquelle se caractérise par des nano paiements
et une multitude de micro transactions. La gestion collective est le système, même en termes économiques, le plus adapté à cette exploitation. (…) C’est ce système que nous voulons généraliser », a insisté Jean-Baptiste Gourdin, rapporteur général de la mission
« Acte II de l’exception culturelle » (1). Ce plaidoyer pour la gestion collective agace les producteurs, aussi bien de musiques que de films, très attachés à la gestion individuelle des auteurs. « Cette collectivisation à marche forcée, nous y sommes opposés. (…) La gestion collective est portée auprès du ministère de la Culture par l’Adami (2) », a fustigé Guillaume Leblanc, directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) le 31 mai dernier. Il compte bien « rectifier et corriger » les propositions du rapport Lescure dès ce mois de juin lors des réunions de travail avec le ministère de la Culture et de la Communication. « En quoi un système de gestion collective crée de la valeur et en quoi il est meilleur que le système actuel ? (…) Nous ne voulons pas de gestion collective obligatoire [en cas de refus de négocier, ndlr] », a ajouté Stéphane Le Tavernier, président du Snep, en indiquant avoir confié avec l’UPFI (3) au cabinet Ernst & Young la réalisation pour « fin juin – début juillet » d’un audit pour comparer les modèles économiques. Quant aux producteurs de cinéma, ils défendent aussi leurs droits exclusifs sur les films.
Mais la mission Lescure n’en démord pas devant les députés : il faut des négociations interprofessionnelles entre les syndicats des industries culturelles et, pour la mise en oeuvre, les sociétés de gestion collective afin de garantir la rémunération des auteurs et des artistes à l’heure d’Internet. « Ce n’est pas une solution irréaliste car elle fonctionne déjà dans certains secteurs : par exemple, dans le domaine de la VOD, les auteurs sont rémunérés par la SACD (4) qui collecte directement les rémunérations auprès des plates-formes vidéo de type iTunes [mais aussi Dailymotion, YouTube, CanalPlay Infinity, Filmo TV et depuis juin Videofutur, ndlr]. Et ce, en vertu d’un accord avec les producteurs ».
Ces derniers n’ont en tout cas pas dit leur dernier mot… @

Vers une redevance audiovisuelle payée par tous

En fait. Le 29 mai, le Conseil fédéral suisse a décidé que la redevance audiovisuelle ne sera plus acquittée par les seuls détenteurs d’appareils de réception classiques (radio ou téléviseur), mais par tous les foyers et entreprises helvétiques, tous dotés d’écrans numériques. Et elle sera moins chère.

En clair. C’est une mesure prise en Suisse, et déjà appliquée en Allemagne depuis
le 1er janvier 2013, dont la France ferait bien de s’inspirer (1), au moment où le gouvernement s’interroge sur le financement de France Télévision (à 70 % par
la redevance audiovisuelle) et le ministère du Budget lorgne sur la redevance audiovisuelle. Le Conseil fédéral de la Suisse a, en effet, décidé de décorréler l’assujettissement à la redevance audiovisuelle de la possession d’un appareil
de réception, jusqu’alors le poste de radio ou le téléviseur. « Le développement technologique impose de changer le système: les appareils multifonctions comme
les smartphones, les ordinateurs et les tablettes permettent aussi de capter des programmes de radio et de télévision. La définition d’un appareil de réception n’est
plus claire. Par conséquent, presque tous les ménages ont actuellement accès à des programmes de radio ou de télévision et sont assujettis », justifie ainsi l’exécutif de
la Confédération suisse. La future redevance ne sera plus liée à la possession d’un appareil de réception et devra donc être acquittée par tous les ménages et toutes les entreprises.
Mais le montant à payer par chacun sera moindre : environ 400 francs suisses par
an pour les ménages (contre 462 francs actuellement) et les entreprises (612 francs jusqu’alors). Quant à la somme d’environ 1,3 milliard de francs collectés, elle devrait rester stable malgré la baisse de la redevance compensée, en raison d’un plus grand nombre d’assujettis. Elle continuera à financer la SSR et des diffuseurs privés chargés d’un mandat de service public. La France, qui tarde à réformer la contribution à l’audiovisuel public, continue de ne retenir que le poste de télévision pour récolter plus de 3 milliards d’euros par an, qui financent pour les deux tiers France Télévisions, mais aussi Arte France, Radio France, l’Audiovisuel extérieur de la France et l’INA. Soumettre les 27 millions de foyers français à une redevance moins élevée que les 131 euros actuels (2), permettrait de collecter autant – voire plus – et d’éviter à se poser la question dépassée de la prise en compte ou pas d’autres écrans (smartphones, ordinateurs, tablettes) recevant aussi la télévision (3). La question de la résidence secondaire serait, elle aussi, définitivement enterrée. @