Explicabilité des algorithmes : à quel niveau faut-il mettre le curseur de la régulation ?

Le néologisme « explicabilité » prend de l’ampleur à l’heure des algorithmes
et de l’intelligence artificielle. En Europe, France comprise, la loi exige déjà qu’ils doivent être explicables dans un souci de transparence et de responsabilisation. La question est de savoir s’il faut encore plus réguler.

Par Winston Maxwell* et David Bounie**, Telecom Paris, Institut polytechnique de Paris

lL’« explicabilité » est devenue un principe incontournable de la future bonne régulation des algorithmes. L’explicabilité figure dans les recommandations que l’OCDE (1) a adoptées le 22 mai (2)
sur l’intelligence artificielle (IA), dans
la communication de la Commission européenne du 8 avril (3), dans le rapport du groupe d’experts correspondant (4),
et dans le rapport Villani (5). Garante de plus de transparence, l’explicabilité des algorithmes n’est pas un concept nouveau.

Hadopi : vers un pouvoir de transaction pénale ?

En fait. Le 13 juin, l’Hadopi a présenté son rapport 2018 – à l’heure des dix ans
de la loi éponyme qui l’a instituée. Son président, Denis Rapone, a livré quelques pistes en vue du projet de loi sur l’audiovisuel promis « d’ici fin octobre » par le Premier ministre pour être devant le Parlement en janvier 2020.

En clair. Elu le 1er mars 2018 et officialisé président de l’Hadopi le 16 juin de la même année, après en avoir été président par intérim (1), Denis Rapone se livrait pour la première fois à l’exercice de présentation du bilan annuel de cette autorité publique. Après avoir tourné la page d’« une institution isolée, marginalisée, affaiblie par des années d’opprobre et d’ostracisme, voire de velléités de la part de certains gouvernants du passé de la faire disparaître (2), ce qu’ils n’ont jamais eu le courage politique de faire », le président de l’Hadopi veut maintenant aller de l’avant.
Il en appelle à « une régulation moderne ». Car, si le piratage sur les réseaux peer-
to-peer a diminué de moitié depuis, de nouvelles pratiques de piratage se sont développées – que cela soit en streaming (dont le live streaming de chaînes payantes, appelé « IPTV illicite ») ou en téléchargement direct (direct download). Or sur ces nouveaux usages en ligne, la loi de 2009 n’a pas donné de compétences à l’Hadopi
(3). Pour s’adapter, Denis Rapone plaide donc pour « des outils de régulation souples » et une « régulation [qui] doit ainsi s’adresser à la fois aux consommateurs, aux intermédiaires, aux plateformes et aux services illicites ». Il souhaite « inventer un nouveau modèle de coopération entre l’[Hadopi] et le juge », et pour « toujours [se] poser la question de savoir où se trouve le juste équilibre entre la défense des libertés individuelles et la protection du droit fondamental de propriété ».
Quant à la réponse graduée, elle doit être « pleinement » dissuasive. Pour y parvenir, Denis Rapone fait sienne l’analyse juridique – commandité à deux membres du Conseil d’Etat par son prédécesseur Christian Phéline en août 2017 – sur des pistes d’évolution de la réponse graduée (4) (*) (**) : « L’évolution de la procédure vers l’attribution à l’Hadopi d’un pouvoir de transaction pénale [pouvoir de police judiciaire permettant de proposer à l’auteur des faits une transaction consistant dans le versement d’une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 3.000 euros, ndlr (5)] serait de nature à mieux garantir son caractère dissuasif à l’égard des titulaires d’accès à Internet qui ne prennent aucune mesure pour faire cesser les atteintes au droit, tout en continuant à nouer, à travers la phase pédagogique de la procédure, un dialogue approfondi avec les internautes de bonne foi ». @

Vers une nouvelle loi contre le cyberharcèlement et les contenus haineux en ligne

Le gouvernement va présenter avant l’été un projet de loi contre le cyberharcèlement et les contenus haineux en ligne, en responsabilisant plus
les plateformes numériques et en restreignant l’anonymat. Le droit à l’effacement et l’actuel arsenal juridique sont actuellement limités face au fléau.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Règlementation pour la fiabilité des informations et conseil de presse : sommes-nous tous concernés ?

Les lois de lutte contre les « fausses nouvelles » (1881, 2016, 2018) visent aussi
à faire respecter une certaine déontologie de l’information qui, à l’ère d’Internet, ne concerne plus seulement les médias et les journalistes, mais aussi la société civile qui participe à la diffusion d’« actualités ».

Par Marie-Hélène Tonnellier, avocate associée, Corentin Pallot, avocat, et Elsa Mouly, élève-avocat, cabinet Latournerie Wolfrom Avocats

Sésame culturel : il faut que jeunesse se « Pass »

En fait. Le 9 février est paru au Journal Officiel l’arrêté daté du 5 février précisant les conditions d’ouverture d’un compte personnel numérique « Pass Culture » pour les jeunes de 18 ans, ainsi que les quelques communes concernées par cette « expérimentation (…) pour une durée de trois ans ».

En clair. Présenté comme une « révolution » par l’ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen, qui avait laborieusement préparé le terrain pour mettre en oeuvre cette promesse du candidat Emmanuel Macron au printemps 2017, le Pass Culture
est donc entré en phase expérimentale le 15 février et pour trois ans. Pour autant, le lancement de ce sésame culturel d’une valeur de 500 euros à l’attention des jeunes
de 18 ans ne se fait pas d’emblée au niveau national. Comme si le président de la République et le gouvernement n’étaient toujours pas convaincu du bien-fondé de
cette initiative politique, au moment où la France fête cette année 2019 les 60 ans
de la création – par André Malraux, le 3 février 1959 – du ministère de la Culture.
Seuls cinq départements (1) bénéficieront de cette première phase de test sur la base de jeunes se déclarant « volontaires ». Ils sont actuellement 13.000 dans ce cas. Il faudra attendre une deuxième vague prévue avant l’été – en mai-juin – pour que le Pass Culture soit étendu à d’autres départements et élargie cette fois à des non-volontaires. La loi de finances 2019 a budgété 34 millions d’euros pour cette année – soit l’équivalent de 68.000 jeunes… seulement. Mais à terme, si les trois ans d’essai sont concluants, les quelque 800.000 jeunes de 18 ans que compte la France seront concernés pour un crédit culturel total à consommer de 400 à 450 millions d’euros par an – en fonction du nombre de jeunes ayant leur majorité. « Le modèle économique du Pass Culture repose aussi sur la participation des partenaires de l’Etat [lequel n’entend pas financer l’opération avec l’argent du contribuable au-delà de 100 millions d’euros, ndlr] », avait assuré le ministre de la Culture, Franck Riester.
S’il convainc, le Pass Culture ne sera pas d’envergure nationale avant 2022, l’année
de la prochaine présidentielle… Indépendamment de sa généralisation à pas comptés, le Pass Culture favorise l’« exception culturelle » française en mettant à l’écart de ce dispositif les GAFAN tels que Netflix, Amazon ou encore Apple (2). En revanche, les autres plateformes européennes comme Spotify, Deezer, Canal Play, FilmoTV ou encore les jeux vidéo d’Ubisoft sont éligibles. La culture en ligne ou les livres sont
à consommer avec modération, plafonnés à 200 euros, ce qui n’est pas le cas pour certaines cultures « physiques » (3). @