La BD se cherche toujours dans le livre numérique

En fait. Le 25 janvier, l’Hadopi a animé au 45e Festival international de la BD d’Angoulême une table ronde sur la bande dessinée numérique. Une première.
Le 15 décembre dernier, la même Hadopi publiait un rapport sur la diffusion de
la BD. Constat : la BD reste le parent pauvre du livre numérique en France.

En clair. « Le marché du numérique de la bande dessinée est encore peu développé », nous indique une porte-parole de l’institut d’études GfK qui a publié le 23 janvier des chiffres record pour le marché français de la BD : 500 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017 pour 43 millions d’exemplaires vendus, soit le plus haut niveau depuis dix ans. La BD numérique, elle, reste marginale. Si le marché du livre numérique se situe en 2017 tout juste autour des 10 % du marché français de l’édition, soit à moins de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires (1), le 9e Art digital n’y a toujours pas trouvé sa place.
Et si le livre en général est toujours le parent pauvre en France de la dématérialisation des biens culturels – à l’opposé de la musique et des films –, la bande dessinée reste
la grande absente de cette révolution numérique. En sera-t-il question au sein de la mission sur la BD que la ministre de la Culture a confiée le 25 janvier à Pierre Lungheretti ?
Le 45e Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême tente bien d’intégrer cette dématérialisation, avec notamment le « Challenge digital », mais le marché ne suit pas vraiment. Et ce n’est pas le prochain Salon du livre de Paris – organisé du 16 au 19 mars prochains par le Syndicat national de l’édition (SNE),
lequel boude d’ailleurs Angoulême sur fond de désaccord avec la société 9eART+ organisatrice du FIBD (2) – qui devrait changer la donne. « La lecture de BD numériques peine à décoller ; elle concerne moins de 5% des internautes », constate l’Hadopi dans son étude sur « la diffusion dématérialisée des bandes dessinées et mangas » publiée en décembre (3). La France reste très timorée, contrairement au Japon et aux Etats-Unis. Les éditeurs français, voire franco-belges, sont attentistes
vis-à-vis du digital, tandis que les auteurs sont peu convaincus.
Les BD seraient difficilement numérisables et les liseuses pas vraiment adaptées, tandis que les DRM (4) poseraient un problème d’interopérabilité. Les plateformes telles que Izneo (Média Participations/Fnac Darty) ou Sequencity (E.Leclerc) sont trop peu nombreuses. La faiblesse de l’offre légale de BD numériques et le frein que constitue le prix unique du livre ouvrent la voie au piratage. @

Livre : entre impression et intelligence artificielle

En fait. Le 11 septembre, le Syndicat national de l’édition (SNE) a annoncé que les 18èmes Assises du livre numérique se tiendront le 23 novembre. De son côté, le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic) a publié le 12 septembre une étude sur les impacts environnementaux de l’édition en France.

En clair. C’est la rentrée littéraire 2017 avec près de 600 nouveaux titres, mais aussi avec son lot d’interrogations sur l’industrie du livre en pleine mutation numérique. En abordant « les enjeux de l’intelligence artificielle (IA) », la 18e édition des Assises du livre numérique – prévue le 23 novembre et désormais sur un rythme annuel – tentera de plonger dans le « Big Data » appliqué aux ebooks. L’IA s’apprête en effet à chambouler l’écriture même des œuvres. Le sixième livre de la saga « Game of Thrones » n’a-t-il pas été co-écrit par le logiciel d’IA Zack Thoutt ? Et en 2049, si l’on
en croit le MIT, les livres conçus par l’IA ne seront-ils pas mieux que ceux écrits par des humains ? Quant aux recommandations et prescriptions de nouvelles lectures, sur fond de e-commerce intelligent basé sur les algorithmes et le machine learning, elles vont révolutionner la relation éditeurs-lecteurs et/ou auteurs-lecteurs, tout en créant des relations entre les lecteurs eux-mêmes. L’IA fait justement l’objet d’une mission gouvernementale confiée le 8 septembre au député et mathématicien Cédric Villani. Son rapport d’étape doit être remis fin novembre à Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’Etat au Numérique, avant un rapport final en janvier 2018 pour le Premier ministre Edouard Philippe. Ce sera le deuxième rapport sur l’IA depuis celui rendu en mars à François Hollande, alors chef de l’Etat, et réalisé par « France IA » (1). Il y est déjà question
d’« applications nombreuses dans l’industrie du loisir (génération de jeux vidéo, de scripts, de musique, texte, etc.) » (lire EM@168, p. 5).
D’autres interrogations sur la filière du livre sont posées en cette rentrée par l’étude intitulée « Un livre français. Evolutions et impacts [sociaux, environnementaux et numériques, ndlr] de l’édition en France », publiée le 12 septembre par le Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic). Ainsi, pour réduire la mise au pilon qui représente un quart de la production annuelle de livres imprimés, l’impression numérique à la demande se développe (Hachette, Editis, Interforum, Puf, …). Côté livres numériques, Basic tort le coup à une idée reçue selon laquelle la liseuse est une alternative plus écologique aux livres : « Le “seuil de basculement”, c’est-à-dire le nombre d’ouvrage qu’il faut lire sur une liseuse pour que celle-ci devienne moins impactante qu’un livre, serait de 128 livres » (2). @

Droit d’auteur, TVA, … L’industrie du livre s’inquiète

En fait. Le 29 juin, se tiendra l’AG du Syndicat national de l’édition (SNE).
Le 16 juin a marqué l’échec des Vingt-huit de l’Union européenne à obtenir
un vote à l’unanimité pour une TVA réduite sur les publications numériques.
Le 13 juin, les professionnels du livre français allemand ont lancé un appel.

En clair. Les ministres des Finances des Etats membres de l’Union européenne ne sont pas parvenus le 16 juin dernier à un accord à l’unanimité – obligatoire sur les questions de fiscalité – pour accorder aux livres numériques et aux publications en ligne le bénéfice du taux réduit de TVA, comme c’est le cas pour leurs équivalents imprimés. Il a suffi du blocage de la République thèque pour mettre en échec toute l’Europe sur ce point, alors que le Parlement européen avait, lui, voté le 1er juin pour cette TVA réduite pour les ebooks et la presse online, telle que l’avait proposée la Commission européenne (1).
Résultat de cet échec : la France reste dans l’illégalité, depuis qu’elle a déjà été condamnée en mars 2015 par la CJUE (2) pour avoir appliqué à tort depuis avril 2012 la TVA réduite (5,5 %) sur les ebooks. La France est également dans le collimateur pour avoir, en février 2014, aligné le taux de TVA de la presse en ligne sur celui
(2,10 %) de la presse imprimée. « Travailler ensemble pour une mise en oeuvre rapide de l’initiative actuelle de la Commission européenne pour un taux réduit de TVA pour les publications électroniques », était justement l’un des objectifs que se sont fixés le
13 juin le Syndicat national de l’édition (SNE), le Syndicat de la librairie française (SLF), le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels et l’allemand Börsenverein des Deutschen Buchhandels. Dans cet appel « aux dirigeants politiques de Berlin, Paris et Bruxelles », l’industrie du livre français et allemands – réunie à l’occasion des Journées du livre de Berlin – s’est surtout inquiétée de l’impact du numérique sur leur filière.
« Sous l’influence notamment des géants américains de l’Internet, l’idée de pouvoir utiliser des contenus gratuitement, immédiatement et partout, gagne du terrain dans
les esprits comme dans les pratiques », déplorent-ils.
Et d’appeler à « maintenir le cadre juridique du droit d’auteur », à « réaffirmer un engagement clair en faveur du respect, par l’ensemble des acteurs, des règles en vigueur sur le prix unique du livre », à « exclure du règlement “géoblocage” les contenus protégés par le droit d’auteur, tels que les livres électroniques », ou encore
à « imposer le principe d’interopérabilité au niveau des formats, des mesures de protection techniques des livres électroniques et des liseuses ». @

Pourquoi le livre audio a encore du mal à se faire entendre (sinon écouter) en France

Le succès des livres audio tarde sur l’Hexagone, alors que dans d’autres pays comme aux Etats-Unis les « lecteurs » les ont adoptés. Les jeunes Français s’y mettent, le plus souvent sur leur smartphone. La génération Millénium pourraient convaincre leurs aînés et bousculer les maisons d’édition.

Il y a la notoriété et il y a l’usage. Si les livres audio sont connus en France par presque tous les jeunes – 93 % d’entre eux en ont entendu parler –, ils ne sont encore que 21 % a en avoir déjà écoutés. Pour ces derniers, ils écoutent encore essentiellement des livres audio sur CD (80 % ont écouté sur ce support). Tandis que 28 % d’entre eux ont déjà écouté un livre audio dématérialisé, à savoir sur la forme d’un fichier téléchargé, d’une application mobile ou sur un site web de streaming par exemple (voir graphique ci-dessous). Ils sont même 55 % à opter pour le livre audio dématérialisé lorsqu’ils sont au lycée ou ailleurs (post collège).

La blockchain va bousculer les industries culturelles

En fait. Le 26 janvier, Pierre-François Racine, président du CSPLA, a indiqué
à EM@ que le pré-rapport consacré aux impacts de la blockchain sur le droit d’auteur et l’accès aux œuvres – coécrit pas Jean Martin et Jean-Pierre Dardayrol – sera présenté « le 19 avril ». L’Hadopi s’y intéresse aussi.

En clair. Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) devait recevoir fin 2016 un premier rapport d’étape sur les impacts potentiels de la blockchain sur la propriété intellectuelle (droits d’auteur, gestion collective, rémunération des créateurs, …), ainsi que sur les industries culturelles (accès aux oeuvres, modes d’exploitation, cloud, …). Quant au rapport final de la mission, confiée depuis juillet dernier à l’avocat Jean Martin et à l’ingénieur Jean-Pierre Dardayrol, il est programmé
« pour le printemps de 2017 ». Contacté par Edition Multimédi@, le président du CSPLA, Pierre-François Racine, nous indique que le pré-rapport de la mission sera exposé « lors de la séance du CSPLA le 19 avril ». Les travaux se poursuivent. C’est que le sujet des chaînes de blocs – popularisées par la cryptomonnaie bitcoin – s’avère complexe lorsqu’il s’agit de droits d’auteur et de rémunération. Les deux experts sont épaulés par Cyrille Beaufils, auditeur au Conseil d’Etat et coauteur en 2015 d’un rapport pour le CSPLA sur le domaine commun (digital commons). L’Hadopi, elle, se penche aussi sur les usages de la blockchain, tandis qu’Audiens (1) se demande si cette technologie sans organe central de contrôle ne va pas « révolutionner le secteur culturel ». La crainte des industries culturelles est d’être ubérisées par cette technologie de registre partagé qui permet de tracer et de certifier toutes les transactions effectués sur des biens et des services. Pour les œuvres (musiques, films, livres, jeux vidéo, arts graphiques, …), c’est l’assurance pour les créateurs d’être rémunérés au plus juste. L’émergence de start-up illustre l’engouement : la britannique Mycelia (2) veut que les musiciens soient payés directement par les internautes ; l’israélienne Revelator met la blockchain au service de la musique pour que les royalties certifiées soient payées aussitôt aux auteurs ; les californiennes Blockai et Verisart se positionnent sur la gestion du copyright pour les artistes ; la start-up berlinoise Ascribe (3) s’adresse aux artistes et créateurs de tous contenus digitaux. Rien n’empêcherait les Spotify, Deezer et autres Apple Music d’adopter la blockchain pour une reddition de comptes au plus juste et au plus vite. Les industries culturelles devront s’y mettre elles aussi si elles ne veulent pas être court-circuitées. @