Frédéric Mitterrand : « Le dialogue avec Google doit mettre fin rapidement aux différends passés »

Le ministre de la Culture et de la Communication, dont le budget 2012 croît de 0,9 % à 7,4 milliards d’euros, répond aux questions de EM@. Il se félicite des accords avec Google sur la numérisation des livres, de l’action de l’Hadopi qui a « convoqué une soixantaine d’internautes », tout en s’opposant à l’idée de licence globale.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La Martinière a finalement signé avec Google fin août, après Hachette Livre fin juillet ; Gallimard, Flammarion et Albin Michel ont suspendu début septembre leur action en justice contre Google pour discuter : va-t-on vers une collaboration de la BNF avec Google ?
Frédéric Mitterrand :
J’ai rappelé à plusieurs reprises qu’avant toute collaboration de Google avec les grandes institutions nationales comme la Bibliothèque nationale de France, il convenait que le respect des droits des auteurs et des éditeurs soit assuré. Je me réjouis donc de constater que les accords passés entre Google et Hachette puis La Martinière consacrent la reconnaissance de ces principes.

E-book : le prix unique pour la France, en attendant le marché unique pour l’Europe

Une version commune à la proposition de loi sur le prix du livre numérique a finalement été trouvée le 3 mai en CMP et adoptée le 5 mai au Sénat, en attendant l’Assemblée nationale le 17 mai. Amazon, Google ou encore Apple sont visés par la « clause d’extra-territorialité ».

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie.

Livre numérique : l’avenir se joue à Bruxelles

En fait. Le 18 mars, ouvrira durant quatre jours le 31e Salon du livre de Paris qui consacre pour la 4e année consécutive un espace dédié à l’édition numérique et
à la lecture sur liseuses (e-books), smartphones et tablettes. Mais les conditions réglementaires de ce marché naissant dépendent de Bruxelles.

En clair. Selon nos informations, la Commission européenne ne dispose pas de plaintes formelles sur une éventuelle entente sur le prix du livre numérique en France, mais seulement des « lettres de citoyens et de parlementaires » qui confortent ses soupçons. Mais ces lettres sont sous le sceau de la confidentialité. Contacté par Edition Multimédi@, la filiale française d’Amazon – que d’aucuns disent être à l’origine des informations fournies à Bruxelles – répond qu’elle « ne fait aucun commentaire ».
Sur O1net, Francis Esménard, le président d’Albin Michel – visité la veille par des inspecteurs de la direction antitrust de Bruxelles (comme chez Hachette, Flammarion
et Gallimard) – a affirmé le 2 mars que « cette opération est téléguidée par Amazon ». Aux Etats-Unis, par exemple, le numéro un mondial du e-commerce et fabricant de la liseuse Kindle n’a pas à se soumettre à un prix unique du livre (tarif vertical fixé par l’éditeur à toute la chaîne), que le Parlement vient d’étendre au numérique (1), ni à
des ententes entre maisons d’édition pour fixer le prix des e-books (tarif horizontal sur lequel s’alignent les éditeurs). Basé au Luxembourg, Amazon aurait donc tout à gagner à la libéralisation du prix du livre en Europe. Ce qui lui permettrait, comme aux autres librairies en ligne, de vendre des livres en dépassant la limite légale française des 5 % de remise sur le prix exigé des éditeurs. La Commission européenne, qui a confirmé le 2 mars ses inspections « au seins d’entreprises d’édition opérant dans le secteur des e-books (livres électroniques ou numériques), et ce dans plusieurs Etats membres », n’a pas de contrainte de calendrier pour mener à bien son enquête. La France n’est pas la seule visée (la Grande-Bretagne l’est aussi) mais, à quelques jours du Salon du livre de Paris, cela fait désordre. Cela risque en plus de compromettre le souhait du Syndicat national de l’édition (SNE), qui a créé cet événement il y a maintenant trente ans, d’obtenir dès cette année l’application de la TVA réduite à 5,5 % pour le livre numérique – et non pas le 1er janvier 2012 comme le prévoit la loi de Finances 2011. Car il faudrait aussi convaincre fiscalement l’Union européenne, via la mission de Jacques Toubon (2), qu’il y a « discrimination » et « frein aux offres légales » (et donc risque de piratage). Reste à savoir si la loi Lang d’il y a trente ans (3), qui a instauré le principe du prix unique, est devenue obsolète face à la mondialisation du e-commerce via Internet. @

Orange va investir aussi dans le livre numérique

En fait. Le 5 juillet, Stéphane Richard, directeur général de France Télécom,
a présenté son plan « Conquêtes 2015 » et clarifié ses ambitions dans les contenus, dont Orange ne sera plus producteur. Des partenariats « avec prises de participation minoritaire » sont envisagés, jusque dans le livre numérique.

En clair. S’il y a bien un domaine qui reste à investir pour France Télécom, c’est bien
le marché de l’e-book et des liseuses. Interrogé en marge de la présentation de son
plan à cinq ans, Stéphane Richard a précisé à Edition Multimédi@ être intéressé à se développer dans le livre dématérialisé : « Nous allons aller dans le livre numérique,
nous regardons des opportunités de partenariat », a-t-il indiqué. Et la présence de l’ancienne ministre de la Culture et de la communication Christine Albanel, directrice de
la communication et du mécénat d’Orange depuis avril, en charge de la stratégie dans
les contenus (1) (*) (**), pourrait l’aider à trouver un partenaire dans le monde du livre. D’autant que cette dernière est l’auteur du rapport intitulé « Pour un livre numérique créateur de valeurs » et remis au Premier ministre en avril dernier.
Conformément à sa nouvelle stratégie de partenariat dans les contenus et si l’occasion
se présente, Orange pourrait prendre une participation minoritaire « à dimension technologique ». Le marché du livre numérique est un marché à fort potentiel, déjà occupé par Amazon (Kindle), Apple (iPad) et Sony (eReader). Stéphane Richard avait déjà indiqué que les boutiques Orange pourraient commencer à commercialiser à l’automne prochain la tablette multimédia de la marque à la pomme. C’est dire qu’un partenariat dans le livre numérique avant ce lancement serait le bienvenu. Deux forfaits bloqués 3G pour l’iPad sont déjà prêts. Mais France Télécom a aussi sa propre tablette qui, lancée fin 2009, est moins connue : le Tabbee. Celle-ci fait un peu pâle figure comparée à l’iPad, mais présente des fonctionnalités similaires (connexion, baladeur,
1 Go, …). Cependant, bien que Tabbee soit multi-usage (Internet, radio, télévision presse ou cadre-photo), force est de constater que le livre numérique y est absent. Pour l’heure, France Télécom est plus parrain du livre qu’investisseur dans l’e-book.
En juin dernier, a été remis le Prix Orange du Livre 2010 par Christine Albanel, dans
le cadre de la seconde édition annuelle de cette sélection (2). Par ailleurs, Orange a donné à Bourg-en-Bresse (Cap3B) un coup de pouce à une « première bande dessinée multimédia interactive », conçue par Zanimôme. Des flashcodes peuvent y être scannés par les smartphones pour accéder à des vidéos touristiques. L’hyperlivre a aussi son mot à dire avec Orange. @

Marie Pic-Pâris Allavena, groupe Eyrolles : « Nous sommes parmi les premiers éditeurs français sur l’iPad »

Directrice générale du groupe Eyrolles depuis janvier 2009, Marie Pic-Pâris Allavena explique à Edition Multimédi@ comment elle compte faire de la vente d’ebooks – notamment pour l’iPad et bientôt sur le Kindle – une opportunité prioritaire sur un marché du livre « difficile ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Cela fait un an et demi que vous dirigez le groupe familial Eyrolles. Est-ce que livre numérique est devenu une priorité ?
Marie Pic-Pâris Allavena (photo) :
La part du numérique dans notre chiffre d’affaires pour l’activité « éditions » avoisinera les 3 % cette année. Notre objectif pour l’an prochain est de réaliser 8 % de nos revenus avec nos contenus numériques. Nous avons aujourd’hui 1.000 livres numériques disponibles, principalement au format PDF.
Ils sont commercialisés par de nombreux libraires via des e-distributeurs. Ils sont également disponibles sur le site iZibook. Parmi mes priorités pour l’année 2010,
il est notamment impératif de franchir une nouvelle étape dans le numérique. Depuis
deux ans, nous vendons nos livres numériques en format PDF via un certain nombre de e-distributeurs. Et, depuis le 28 mai, nous sommes parmi les premiers éditeurs français sur l’iPad [avec notamment Albin Michel et Hachette Livre, ndlr]. Etre présent sur tous canaux de diffusion possibles permet de proposer à chacun une offre ebook adaptée à son usage et à son terminal.
Il s’agit aussi en 2010 d’assurer le développement de notre activité dans un marché
du livre difficile (concurrence, crise, …). Ce qui signifie, entre autres, de continuer à produire des livres de qualité sur nos secteurs historiques que sont l’entreprise, l’informatique, le BTP, la photo, l’artisanat, tout en élargissant à d’autres thèmes comme le pratique ou la culture générale. Nous voulons également de façon prioritaire soutenir les libraires, sachant que le groupe Eyrolles possède cinq librairies en direct. Il n’y a pas d’économie du livre sans une présence forte de tous les acteurs de la chaîne. Enfin, nous allons poursuivre notre forte croissance dans la diffusion. Nous sommes en cours de finalisation avec des acteurs prestigieux, nous permettant ainsi de renforcer notre présence dans des rayons porteurs.