Denis Thébaud, Innelec Multimédia : « La bibliothèque en ligne multiculturelle Allbrary sera lancée début 2013 »

Pour la première fois, le PDG fondateur du groupe de distribution Innelec Multimédia, Denis Thébaud, dévoile – en exclusivité pour EM@ – son projet de plate-forme numérique multiculturelle Allbrary, qui est entrée en phase bêta avant son ouverture mondiale fin mars 2013.

propos recueillis par charles de laubier

Edition Multimédi@ : Innelec Multimédia, distributeur physique de produits multimédia (jeux vidéo, DVD, logiciels, CD, consoles, …) que vous avez créé il
y a 30 ans (1983-2013), va ouvrir une plate-forme de distribution dématérialisée. Pouvez-vous nous dévoiler ce projet et son calendrier de lancement ?

Denis Thébaud : En réalité, Allbrary – c’est son nom – s’appuie sur une notion que nous connaissons tous, celle
de la bibliothèque, et la plate-forme numérique aura comme signature « The Digital Library ». Le processus de recherche
et développement de la première version de la plate-forme Allbrary est achevé.
Nous sommes dans la première phase bêta depuis novembre avec des premières facturations et, à ce stade, nous espérons une ouverture globale de la plate-forme Allbrary fin mars 2013 dans sa première version. Notre ambition est de fournir à nos clients, dans le monde entier, tous les contenus numériques : jeux, logiciels, livres,
presse et magazines, vidéo, musique, études de marché, formation, art digital, …

Le SNE va recommander 2 outils anti-piratages

En fait. Le 8 novembre, le Syndicat national de l’édition (SNE) a organisé les
9e Assises du livre numérique, inaugurées par Vincent Montagne, son nouveau président depuis fin juin. Ce dernier nous a indiqué que le SNE proposera à ses membres deux technologies pour protéger les ebooks.

En clair. Interrogé en marge des Assises du livre numérique, le président du SNE
– lequel regroupe plus de 600 maisons d’édition – a révélé que le syndicat allait préconiser deux technologies permettant à ses membres de protéger leurs ebooks contre le téléchargement et le streaming illicites. « Nous allons choisir d’ici quelques semaines deux fournisseurs de technologies anti-piratages que nous recommanderons d’ici début 2014 à nos éditeurs adhérents. Chacun sera ensuite libre de signer un contrat avec l’un des deux, et nous aurons au SNE les remontées des résultats des dispositifs », nous a expliqué Vincent Montagne.
Après avoir auditionné en 2011 trois prestataires techniques que sont Trident Media Guard (TMG), Attributor (société américaine) et Hologram Industries (ex-Advestigo),
le SNE s’apprêterait à retenir ces deux derniers : Attributor pour l’identification des œuvres par mots-clés et méta-données, Hologram pour le marquage numérique des fichiers. TMG ne semble pas avoir les faveurs du livre. Hachette a déjà signé avec Attributor il y a un an.Ainsi, le syndicat du livre va mettre en place une « procédure automatisée de notification et retrait des contenus illicites » et une « liste [qui] permettra par recoupement d’identifier les sites et réseaux les plus actifs dans le domaine du piratage de livres ». Une adresse mail – juridique@sne.fr – été créée à cet effet il y
a près de deux ans (1), le SNE proposant en plus à ses membres une procédure et
des courriers types. Autrement dit, le SNE s’organise en dehors de la réponse graduée de l’Hadopi qu’il juge trop coûteux à rejoindre à ce stade. « Cela représenterait un investissement de 1 et 2 millions d’euros pour rejoindre le dispositif de l’Alpa (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, ndlr), comme l’avait fait la musique », nous a précisé Christine de Mazières, déléguée générale du SNE, en marge de ces 9e Assises. En novembre 2011, elle nous avait indiqué que « l’Hadopi n’était plus une priorité » (2). Mais à une question que nous lui avons posée, Isabelle Ramond-Bailly, directrice déléguée en charge des Affaires juridiques du groupe Editis
et présidente de la commission juridique du SNE, a apporté une réponse dissonante :
« C’est une question de temps ; le livre rejoindra l’Hadopi comme toutes les industries culturelles ». Cela dépend aussi du sort qui sera réservé à l’Hadopi en 2013. @

Christine Albanel, Orange : « Les géants du Net doivent contribuer au financement de la culture et des réseaux »

Nommée il y a plus de deux ans directrice exécutive de France Télécom, aujourd’hui en charge des événements, des partenariats et de la solidarité d’Orange, l’ancienne ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, répond à nos questions.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Livre numérique : réforme du CNL et offre légale en vue

En fait. Le 9 octobre, le Centre national du livre accueille dans ses locaux une soirée débat organisée par la revue Nonfiction.fr sur « l’avenir du livre dans la dimension numérique ». Le 17 octobre, la commission Economie numérique
du CNL se réunit pour notamment parler d’« offre légale ».

En clair. Selon nos informations, le Centre national du livre doit accélérer sa réflexion
sur le livre numérique dans le cadre de son contrat 2011-2013 signé – l’an dernier en
tant qu’établissement public administratif – avec le ministère de la Culture et de la Communication. Et ce malgré un budget en baisse pour l’an prochain, à 30,5 millions environ après amputation de 2,8 millions de subventions non reconduites. Or, selon l’annexe du projet de loi de Finances 2013 présenté en Conseil des ministres le 28 septembre dernier, le CNL a comme première priorité de « poursuivre et augmenter
le soutien à la numérisation et au développement d’une offre légale à travers le renforcement des aides aux projets expérimentaux et innovants ». Cette offre légale de téléchargement d’ebooks fait actuellement l’objet d’une concertation – avec le Syndicat de la librairie française (SLF), le Cercle de la librairie et l’ADELC (1) – menée par le président du CNL, Jean-François Colosimo, en vue de créer un « portail apte à servir l’ensemble de la librairie indépendante ». Cette plateforme de vente de livres numériques succèderait ainsi à l’arrêt en début d’année du site 1001librairies.com
de  la société PL2i. Le CNL devrait subventionner ce projet d’offre légale portée par
les librairies indépendantes, tandis que les grandes maisons d’éditions, Gallimard-Flammarion, Editis et Seuil-La Martinière, préparent leur propre plate-forme avec Orange, SFR et ePagine (2). De son côté, Hachette a Numilog et l’Harmattan l’Harmathèque (sans parler de Librairie.actualitte.com ou de REA-Decitre). Alors qu’en mars dernier, le Centre d’analyse stratégique du Premier ministre, avait plaidé pour
« une plateforme unique de distribution » de livres numériques. Alors que les enjeux
du numérique pèsent de plus en plus lourds pour la filière du livre, notamment le risque de disparition des librairies indépendantes court-circuitées par la vente d’ebooks sur Internet, le CNL est lui-même confronté à un problème de financement. Jean-François Colosimo songe, en plus de la taxe sur la reprographie (85 % de ses ressources), à une taxe prélevée sur les FAI pour renflouer ses caisses (3). De plus, Aurélie Filippetti a lui demandé que la réforme contestée de l’établissement – laquelle, décidé sous l’ancien ministre Frédéric Mitterrand, devant entrer en vigueur le 1er janvier 2013 – soit suspendue. @

Les ebooks en ligne dépassent ceux sur support

En fait. Le 28 juin s’est tenue l’AG du Syndicat national de l’édition (SNE), qui a élu un nouveau président : Vincent Montagne remplace Antoine Gallimard. En tête de ses priorités : le livre numérique. « Avec les auteurs et les libraires, l’éditeur doit s’adapter à cette nouvelle donne et ne pas la subir ».

En clair. Ne générant pourtant qu’une part encore infime des recettes de l’industrie du livre en France, le numérique devient la priorité du SNE qui représente 600 membres. Les ventes de livres numériques ont généré 56,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011, dont 34,8 millions de ventes d’ebooks en ligne, ce qui représente respectivement 2 % et 1,2 % des revenus globaux de l’édition française. Cette part très embryonnaire du digital, sur le total des 4,27 milliards d’euros réalisés l’an dernier, est d’autant plus paradoxale que le livre revendique sa position de « premier bien culturel en poids économique » dans l’Hexagone devant – selon les chiffres de GfK – le jeu vidéo (1,8 milliard d’euros de revenus), la vidéo (1,4 milliard) et la musique (0,8 milliard). Comme l’a souligné Antoine Gallimard, « l’édition numérique (…) ne progressent dans l’ensemble “que” de + 7,2 % ». Une tendance se confirme en 2011 : la substitution du numérique sur support physique par le numérique en ligne s’accélère. En effet, en 2011, les ebooks sur support physique sont en recul à 21,5 millions d’euros : une chute de -38,5 % sur un an. Ils sont dépassés pour la première fois par les ebooks en ligne, lesquels doublent leurs ventes à 34,8 millions d’euros (1) : un bond de + 98 % en un an, pour représenter (on l’a vu) 1,2 % du chiffre d’affaires global de l’édition l’an dernier. Les autres industries culturelles, elles, sont engagées depuis plusieurs années dans la dématérialisation numérique de leurs œuvres. Le livre fait donc pâle figure en affichant un retard structurel et culturel dans la numérisation. Faute d’avoir anticipé et de ne pas avoir retenu des enseignements de la musique qui, elle, a essuyé les plâtres bien avant, les maisons d’éditions françaises ont été contraintes de sortir de leur attentisme par un Google déterminé. Résultat : le livre a perdu six ans à ferrailler devant les tribunaux, jusqu’à l’accord conclu le 11 juin avec le géant du Net (2), au lieu de faire évoluer rapidement son modèle économique et développer une offre légale. Reste que le rapport d’activité annuel du SNE publié à l’occasion de son AG ne dit mot – contrairement au précédent (lire EM@39, p. 3) – sur le piratage d’ebooks.
En novembre dernier, sa déléguée générale Christine de Mazières nous avait indiqué (lire EM@46, p. 3) que l’Hadopi n’était plus une priorité. @