L’ex-secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O fait toujours polémique avec son « Mistral gagnant »

Le lobbying dans l’IA de l’ancien secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, continue de faire polémique sur fond de soupçons de conflits d’intérêts. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avait exprimé des réserves en juin 2022. Et depuis ?

(Le 11 juin 2024, soit le jour suivant la publication de cet article dans le n°323 de Edition Multimédi@, Mistral AI annonçait une levée de fonds de 600 millions d’euros)

Cédric O, cofondateur et actionnaire de la start-up Mistral AI via sa propre société de conseil Neopunteo, est-il juge et partie – voire en conflits d’intérêts – vis-à-vis du gouvernement dont il fut secrétaire d’Etat au Numérique (mars 2019 à mai 2022) ? La question est lancinante mais légitime puisque cela concerne l’ancien secrétaire d’Etat au Numérique. Contactée par Edition Multimédi@, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), présidée par Didier Migaud, nous a assuré qu’elle s’était bien prononcée dans sa délibération du 14 juin 2022 sur la demande que lui avait soumise Cédric O (photo) concernant notamment sa société Neopunteo. Cédric O a créé le 11 juillet 2022 Neopunteo, qui a notamment pour objet social la prise de participation, directe ou indirecte, dans toutes opérations financières, immobilières ou mobilières ou entreprises commerciales ou industrielles pouvant se rattacher à l’objet social, notamment par voie de création de sociétés nouvelles, le tout directement ou indirectement, pour son compte ou pour le compte de tiers », nous a précisé un porte-parole de la HATVP. Et celui-ci de nous confirmer en outre : « C’est la société Neopunteo qui a souscrit des parts au capital de la société Mistral AI ».

Neopunteo, société de conseil au bras long
C’est ainsi que l’ancien secrétaire d’Etat au Numérique a pu affirmer auprès de l’AFP en décembre dernier qu’ « [il] respect[ait] toutes les obligations demandées par la HATVP ». Cédric O a investi dans la start-up Mistral AI, créée le 28 avril 2023, dont il est coactionnaire et « conseiller-cofondateur » via sa société Nopeunteo qui était encore à l’état de projet au moment du rendu de l’avis contraignant du gendarme de la transparence de la vie publique. Comme Cédric O a occupé ses fonctions ministérielles du 31 mars 2019 au 20 mai 2022, il avait en effet l’obligation – dans les trois ans suivant la cessation de ses fonctions à Bercy, soit jusqu’en mai 2025 – de saisir la HATVP avant de s’engager professionnellement. La haute autorité se prononce sur la compatibilité ou pas de l’exercice d’une activité rémunérée au sein d’une entreprise avec les fonctions de membre du gouvernement exercées au cours des trois années précédant le début de l’activité. Objectif : éviter le risque de prise illégale d’intérêts, laquelle relève d’une infraction pénale passible de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 200.000 euros. Il s’agit aussi de lutter contre Continuer la lecture

Marina Ferrari, nouvelle secrétaire d’Etat chargée du Numérique : entre souveraineté numérique et Gafam

Secrétaire d’Etat chargée du Numérique depuis le 12 février, Marina Ferrari doit défendre la « souveraineté numérique » que porte son ministre de tutelle Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Mais, « en même temps », la France ne peut se passer des Gafam.

(Le 26 février 2024, date de la publication de cet article dans le n°316 de EM@, la licorne française Mistral AI annonçait son « partenariat » avec… Microsoft

Jean-Noël Barrot, qui aura été ministre délégué chargé du Numérique à peine plus d’un an et demi (y compris jusqu’au 20 juillet 2023 en tant que ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications), est depuis le 8 février dernier ministre délégué chargé de l’Europe. Sa successeure Marina Ferrari (photo), secrétaire d’Etat chargée du Numérique depuis le 12 février, a saisi l’occasion – lors de leur passation de pouvoirs – pour notamment insister sur la « souveraineté numérique » : « Ce passage de relai nous permettra d’agir main dans la main, en confiance et de jouer collectif dans l’intérêt de la souveraineté numérique française et européenne. […] J’entends conduire mon action autour de deux piliers : résilience et souveraineté. […] Je m’engagerai pour accompagner la naissance d’une vraie souveraineté numérique européenne en veillant à l’application rigoureuse du DMA et du DSA. », a-t-elle déclaré ce jour-là (1). Lors de son discours de prise de fonction à Bercy, celle qui reste aussi députée (Modem) depuis juin 2022 (après avoir été conseillère départementale de la Savoie d’où elle est originaire), a enfoncé le clou sur la « souveraineté numérique » : « Notre pays doit réussir le virage des deeptech et des greentech : c’est tout à la fois une question de souveraineté […]. Je m’impliquerai personnellement pour […] renforcer notre souveraineté et notre indépendance ».

Tapis rouge français pour l’IA américaine
Bref, la « souveraine numérique » est plus que jamais le mot d’ordre au ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, dénommé ainsi depuis mai 2022, Bruno Le Maire étant locataire de Bercy depuis mai 2017 (2). Artisant de la « Start-up Nation », le président de la République Emmanuel Macron impulse cette « volonté de construire la souveraineté de la France et de l’Europe dans le domaine numérique », que cela soit lors de ses prises de parole au salon Viva Tech à Paris ou à la Commission européenne à Bruxelles. Pour autant, trois jours après la passation de pouvoirs de Jean-Noël Barrot à Marina Ferrari, il n’a plus été question de « souveraineté numérique ». La secrétaire d’Etat chargée du Numérique accompagnait son ministre de tutelle rue d’Amsterdam à Paris pour inaugurer le 15 février le hub de Google dédié à l’intelligence artificielle (IA), « qui va être, s’est réjoui Bruno Le Maire, une chance pour notre pays, et nous permettre d’attirer des talents, des savoirs, de mélanger ces talents et ces savoirs et faire le meilleur en matière d’IA ».

La « souveraineté numérique » sacrifiée ?
Le nouveau labo parisien de Google – deuxième après le centre de recherche et développement inauguré en 2011 – accueillera quelque 300 chercheurs et ingénieurs de Google, provenant de DeepMind, Google Research, Chrome et YouTube. Lors son discours, le patron de Bercy n’a pas prononcé les mots « souveraineté numérique » en présence de Sundar Pichai, PDG d’Alphabet et de son vaisseau-amiral Google. Comme si, cette fois, ce n’était pas le moment face à un des géants du Net américains qui est déjà en position dominante en France et dans toute l’Europe avec son moteur de recherche – pour ne pas dire en quasi-situation de monopole, l’initiative franco-allemande Qwant pouvant en témoigner (3) – et avec son écosystème Android/Google Play, en quasi-duopole avec iOS/App Store d’Apple. Et de l’aveu même de Bruno Le Maire, « les Etats-Unis ont un temps d’avance ». Alors dérouler le tapis rouge français voire européen au rouleau compresseur de l’IA américaine ne reviendrait-il pas à sacrifier la « souveraineté numérique » du pays voire de l’Union européenne ?
La réponse est sans doute dans le « en même temps » macronien : « Nous pensons qu’avoir un hub ici à Paris, pouvoir travailler avec Google est une chance pour réussir nous-mêmes. Pour donner à la France [surtout à Google en fait, ndlr] la possibilité d’exercer son leadership sur l’intelligence artificielle en Europe. Nous voulons être les premiers en matière d’intelligence artificielle en Europe et nous nous battrons pour ça », a expliqué Bruno Le Maire à Sundar Pichai. Tout en prévenant quand même l’IndoAméricain, à défaut de lui parler explicitement de « souveraineté numérique » : « Et j’aime la compétition, cher Sundar, et nous aimons la compétition » (4).
En fait, cet « hub IA » aux allures de campus – implanté sur 6.000 mètres carrés dans le 9e arrondissement de Paris – avait déjà été annoncé en 2018 par Sundar Pichai lors de sa précédente visite à Paris le 22 janvier 2018 pour rencontrer Emmanuel Macron à Versailles, où le chef de l’Etat recevait 140 dirigeants de grands groupes étrangers pour un sommet baptisé « Choose France » (5). Six ans après, rebelote (si l’on peut dire), le même Emmanuel Macron a reçu le 15 février dernier Sundar Pichai, cette fois à l’Elysée. Mais de « souveraineté numérique » de la France, il n’en a pas été question non plus. Google n’est pas le premier Gafam à installer son laboratoire de recherche et développement en IA à Paris, grâce notamment au crédit d’impôt recherche (CIR) offert par la France. En 2015, sous la présidence de François Hollande, le groupe Facebook – rebaptisé Meta Platforms – a choisi la capitale française pour y mettre son deuxième laboratoire d’IA baptisé « Fair » (Facebook Artificial Intelligence Research), créé et dirigé par un Français basé chez Meta à New-York, Yann Le Cun, pionnier des réseaux de neurones artificiels, embauché par Mark Zuckerberg il y a un peu plus de dix ans (6).
Ironie de l’histoire, le jour même de la consécration du labo IA parisien de Google par Bercy et l’Elysée, le ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique annonçait que la France venait de signer avec les Etats Unis, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni la prorogation jusqu’au 31 juin 2024 de la taxe « Gafam » (7). Paris avait été le premier à instaurer, en 2019, une telle taxe sur les grandes plateformes numériques. Cette « taxe sur les services numériques » (TSN) de 3 % sur leur chiffre d’affaires vise non seulement Google, mais aussi les autres géants du Net dont les revenus mondiaux dépassent les 750 millions d’euros, dont plus de 25 millions d’euros « au titre des services fournis en France » (8). Mais il est convenu au niveau international – dans le cadre de l’accord historique de l’OCDE le 8 octobre 2021, notamment de son « pilier 1 » (9), que ces taxes nationales « Gafam » devront être supprimées au profit d’une taxe de 25 % de leur bénéfice taxable (au-delà d’un seuil des 10 % de profits). Mais cette réaffectation de l’impôt collecté auprès des géants mondiaux du numérique nécessite pour chacun des 138 pays favorables de signer une « convention multilatérale » (10). D’ici l’été prochain ?

Pas d’« IA souveraine » ni de « cloud souverain »
Google voit dans la France un formidable potentiel avec « ses 500.000 chercheurs et des institutions de premier plan tels que le CNRS, Inria, Paris Saclay, l’Institut Curie, ou encore l’Université PSL » qui pourront utiliser ses interfaces de programmation (API). La firme de Mountain View prévoit de former 100.000 professionnels français aux outils de l’IA d’ici la fin de l’année 2025.
L’IA n’est pas le seul domaine où la « souveraineté numérique » sonne creux. Dans le cloud, par exemple, la désignation de « cloud souverain » a laissé place à « cloud de confiance » (11), en partenariat avec les hyperscalers américains Amazon Web Services (AWS), Microsoft Azure et Google Cloud. @

Charles de Laubier

Pinterest a 10 ans : entre fake news et la Bourse

En fait. Le 25 février, un porte-parole de Pinterest a confirmé à l’AFP que le réseau social de partage de photos bloquait les recherches d’informations
sur les vaccins relevant de la désinformation « antivaccins ». Pours ses dix ans, Pinterest fait parler de lui – avant son entrée en Bourse prévue fin juin.